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03/05/2017 | BELGIQUE | N°P.16.0532.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 mai 2017, P.16.0532.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.16.0532.F

B. J.

prévenu,

demandeur en cassation,

ayant pour conseil Maître Sophie Cuykens, avocat au barreau de Bruxelles,

contre

B. S.

partie civile,

défenderesse en cassation.

I. la procédure devant la cour

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 6 avril 2016 par la courd'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.

Le demandeur invoque six moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt,en copie certifiée conforme.

L'avocat général

Damien Vandermeersch a déposé des conclusions reçues augreffe le 29 mars 2017.

Le 26 avril 2017, le demandeur a déposé une note en réponse auxconc...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.16.0532.F

B. J.

prévenu,

demandeur en cassation,

ayant pour conseil Maître Sophie Cuykens, avocat au barreau de Bruxelles,

contre

B. S.

partie civile,

défenderesse en cassation.

I. la procédure devant la cour

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 6 avril 2016 par la courd'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.

Le demandeur invoque six moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt,en copie certifiée conforme.

L'avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions reçues augreffe le 29 mars 2017.

Le 26 avril 2017, le demandeur a déposé une note en réponse auxconclusions du ministère public.

A l'audience du 3 mai 2017, le conseiller Eric de Formanoir a fait rapportet l'avocat général précité a conclu.

II. la décision de la cour

 A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue surl'action publique exercée à charge du demandeur :

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation de l'article 779 du Code judiciaire.

En vertu de cette disposition, les juges qui rendent la décision doiventavoir assisté à toutes les audiences où la cause a été instruite.

Le demandeur fait valoir qu'à l'audience du 3 février 2016, le siègen'était pas composé de la même manière qu'aux audiences subséquentes.

Mais il ressort du procès-verbal de cette audience que la cour d'appels'est bornée, le 3 février 2016, à ajourner l'examen de la cause sansl'instruire.

Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le deuxième moyen :

Quant à la première branche :

Pris de la violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil, lemoyen soutient que la chambre du conseil n'a ordonné le renvoi dudemandeur devant le tribunal correctionnel que pour les faits de coups oublessures involontaires résultant de l'intervention chirurgicale du 30juin 2006, et qu'en se considérant valablement saisie de l'ensemble desfaits qui se sont produits entre le 30 juin 2006 et le 23 novembre 2006,la cour d'appel a violé la foi due à l'ordonnance de renvoi.

Le moyen ne reproche pas à l'arrêt d'énoncer que l'ordonnance de renvoicomporte une mention qui n'y figure pas ou ne contient pas une mention quiy figure. Il reproche à la cour d'appel de s'être appropriée laconnaissance de faits que le demandeur soutient n'être pas compris dansl'acte de saisine.

Pareil grief ne constitue pas une violation de la foi due aux actes.

Le moyen manque en droit.

Quant à la deuxième branche :

Le demandeur fait valoir qu'en le déclarant coupable d'avoir commisl'infraction de coups ou blessures involontaires pour des fautes s'étalantdu 30 juin 2006 au 23 novembre 2006, l'arrêt méconnaît l'autorité de lachose jugée attachée à l'ordonnance de la chambre du conseil, qui aordonné son renvoi devant le tribunal correctionnel pour avoir commiscette infraction le 30 juin 2006 et a dit n'y avoir lieu à le poursuivredu chef de non-assistance à personne en danger entre le 29 juin 2006 et le12 juillet 2006.

Une ordonnance disant n'y avoir lieu à poursuivre faute de chargessuffisantes n'a pas d'autorité de la chose jugée. Une telle autorité nes'attache pas non plus à l'ordonnance de renvoi, laquelle n'en est revêtueni quant à la réalité des faits ni quant à leur qualification.

Dans l'ordre juridique interne de l'Etat belge, seule une décisionstatuant sur le fond, c'est-à-dire se prononçant sur la culpabilité par unjugement d'acquittement ou de condamnation, a l'autorité de la chose jugéeet fait obstacle à de nouvelles poursuites.

Le moyen manque en droit.

Quant à la troisième branche :

Le moyen soutient qu'en statuant sur les mêmes faits que ceux qui ont étéexaminés par la chambre du conseil, pour lesquels celle-ci a ordonné lenon-lieu pour absence de charges, l'arrêt viole les articles 14.7 du Pacteinternational relatif aux droits civils et politiques et 4.1 du septièmeprotocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'hommeet des libertés fondamentales, et méconnaît le principe général du droitnon bis in idem.

Le principe général du droit et les dispositions invoqués interdisent depunir une personne en raison d'une infraction pour laquelle elle a déjàété condamnée ou acquittée.

Le demandeur n'a pas été acquitté par la chambre du conseil, et n'auraitpas pu l'être, de la prévention déclarée établie par les juges du fond. Lajuridiction d'instruction ne l'en a pas non plus déclaré coupable.

Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le troisième moyen :

Le moyen invoque la violation de l'article 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi quela méconnaissance du principe général du droit relatif au respect desdroits de la défense.

Il est d'abord fait grief aux juges d'appel de ne pas avoir invité ledemandeur à se défendre quant à l'extension de la période délictueusejusqu'au 23 novembre 2006.

La cour d'appel a constaté que, tant devant le tribunal correctionnel quedevant elle, la défenderesse a sollicité cette extension en la motivant enfait, et que le demandeur s'est effectivement défendu quant à ce.

Le juge n'est pas tenu, pour modifier la qualification, de réitérerl'avertissement déjà donné à cet égard au prévenu par les conclusions dela partie civile ayant envisagé pareille modification.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Le moyen reproche également aux juges d'appel de ne pas avoir invité ledemandeur à se défendre sur les deuxième, troisième, quatrième etcinquième fautes qu'ils lui ont reproché d'avoir commises après le 30 juin2006, ni sur le lien causal pouvant exister entre ces fautes et le dommagede la défenderesse.

A cet égard, le demandeur soutient qu'il n'a pas eu l'occasion dedémontrer que ne constitue pas une faute le fait, considéré fautif par lesjuges d'appel, « d'avoir réalisé, le 11 juillet 2006, cette nouvelleintervention chirurgicale avant de connaître le résultat de cesprélèvements et de s'être assuré qu'à la suite de l'opération précédente,un foyer infectieux ne se serait pas développé ».

Dans ses conclusions déposées au greffe de la cour d'appel le 20 février2015 et dans celles déposées à l'audience de cette cour le 2 mars 2016, ladéfenderesse a fait valoir que, « cependant, pour revenir brièvement aumoment où apparut l'infection, de deux choses l'une, ou bien cetteinfection était déjà présente à la suite de l'intervention chirurgicale du30 juin 2006 et ce fut alors folie de réopérer le 11 juillet 2006, ou bienladite infection fut la conséquence, comme la chose apparaît d'ailleurscertaine, de la seconde intervention du 11 juillet 2006, les experts […]ayant eux-mêmes été formels pour souligner que la nécessité de la secondeintervention chirurgicale du 11 juillet 2006 eut pour seule cause la fautecommise à l'occasion de la première intervention chirurgicale du 30 juin2006 ».

Dans ses conclusions déposées au greffe de la cour d'appel le 21 août2015, le demandeur a fait valoir : « D'abord, en ce qui concerne lapremière branche de l'alternative proposée par la [défenderesse], lesrisques d'infection sont inhérents à ce type d'intervention, en sorte quecontrairement à ce que tente de faire accroire la [défenderesse], cerisque, en tant que tel, ne constitue pas une contre-indicationopératoire. Ensuite, en ce qui concerne la seconde branche del'alternative proposée par la [défenderesse], il est évident, d'abord,ainsi que le relèvent les experts, que l'infection était présenteantérieurement à l'intervention du 11 juillet et ce n'est donc pas cetteintervention qui se trouve à l'origine de celle-ci. ».

Contrairement à ce que le moyen soutient, il ressort de ce qui précède quela faute précitée a fait l'objet d'un débat contradictoire.

A cet égard, le moyen manque en fait.

Pour le surplus, le défaut de prévoyance ou de précaution visé parl'article 418 du Code pénal comprend toutes les formes de la faute, aussilégère soit-elle. Il s'en déduit que, saisi d'une prévention de coups oublessures involontaires, le juge doit, pour examiner en quoi consiste lanégligence répréhensible, prendre en considération toutes les fautessusceptibles de la constituer. Il n'est pas tenu d'indiquer d'office auprévenu les manquements à la norme générale de prudence qui pourraientêtre retenus contre lui et qui apparaissent des éléments soumis au débatcontradictoire.

L'arrêt constate, aux pages 30 et 31, que chacune des fautes a étéconsidérée comme telle par la cour d'appel en fonction de l'ensemble deséléments du dossier.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le quatrième moyen :

Quant aux deux branches réunies :

Pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 418 et 420 duCode pénal et 1382 du Code civil, le moyen reproche à l'arrêt de ne pasrépondre aux conclusions du demandeur faisant valoir, en substance, que lerésultat négatif d'un traitement n'implique pas l'existence d'une faute.Il est reproché à l'arrêt de ne pas distinguer celle-ci de l'échec del'opération.

Après avoir relevé, au feuillet 29, que les deux experts-médecins ontconclu que « le raccourcissement et la déviation du membre inférieurdroit, suite à l'intervention du 30 juin 2006, sont le résultat d'unefaute technique dans l'orientation du trait d'ostéotomie », la courd'appel a décidé, au feuillet 30, de retenir, « de l'analyse desexperts-médecins, que le [demandeur] a commis une `faute technique' lorsde la première opération […]».

Au feuillet 34, les juges d'appel ont considéré que « le demandeur acommis une série de fautes que n'aurait pas commises tout médecinorthopédiste normalement prudent et diligent, qu'il s'agit de fautescommises en chaîne et que le résultat de toutes ces fautes a étél'obligation devant laquelle la défenderesse s'est trouvée d'accepterl'amputation de sa jambe droite ». L'arrêt énumère ensuite ces fautes,parmi lesquelles « l'échec de la première opération imputable à unemauvaise orientation du trait d'ostéotomie. »

Par ces motifs, les juges d'appel ont relevé, dans le déroulement del'opération du 30 juin 2006, une faute qui n'est pas réductible à sonéchec mais a causé celui-ci. Ils ont ainsi répondu aux conclusions dudemandeur et légalement justifié leur décision.

Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le cinquième moyen :

Quant aux deux branches réunies :

Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 418et 420 du Code pénal et 1382 du Code civil.

Le demandeur fait grief à l'arrêt de le condamner sans constater quel'infection ayant entraîné l'amputation de la défenderesse a été causéepar la faute commise lors de l'intervention du 30 juin 2006. Le moyenreproche également à la cour d'appel de ne pas avoir répondu auxconclusions du demandeur relatives à l'inexistence de ce lien decausalité.

Dans la mesure où il revient à critiquer l'appréciation en fait des jugesd'appel ou qu'il requiert, pour son examen, une vérification des élémentsde fait, pour laquelle la Cour est sans pouvoir, le moyen est irrecevable.

Pour dire établi le délit visé aux articles 418 et 420 du Code pénal, lejuge doit constater que l'auteur, sans intention d'attenter à la personned'autrui, a commis une faute d'où a résulté pour celle-ci une lésioncorporelle. Il n'est pas requis que cette faute soit la seule cause dudommage.

L'arrêt considère que les fautes du demandeur, commises « en chaîne »,consistent à avoir mal orienté le trait d'ostéotomie lors de la premièreopération, ce qui a entraîné la nécessité d'en pratiquer une deuxième, àavoir effectué celle-ci sans disposer des résultats de l'analysebactériologique, à n'avoir pas réagi à l'avis de l'infectiologue suggérantun retrait immédiat du matériel d'ostéosynthèse, à être restéinsuffisamment réactif, voire passif, dans le suivi post-opératoire.

Les juges d'appel ont ainsi décidé, par une appréciation qui gît en fait,qu'il existait un lien causal entre, d'une part, les cinq fautessuccessives du demandeur, dont la première commise lors de l'interventiondu 30 juin 2006, et d'autre part, l'infection qui a entraîné l'amputationde la défenderesse. Selon l'arrêt, sans chacune de ces fautes, dont lapremière, le dommage ne se serait pas produit tel qu'il s'est réaliséconcrètement.

En tant qu'il soutient que l'arrêt n'indique pas l'existence d'un liencausal entre ce dommage et la première faute, le moyen manque dès lors enfait.

Pour le surplus, les considérations précitées de la cour d'appel répondentaux conclusions du demandeur et justifient légalement la décisionattaquée.

A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le sixième moyen :

Le moyen soutient qu'en s'étant fondés de manière déterminante sur lesrapports de l'expertise réalisée par les deux médecins requis par le juged'instruction, alors que le demandeur n'a pas pu exercer toute lacontradiction utile au respect de ses droits de défense dans le cadre decette expertise, les juges d'appel ont violé le droit à un procèséquitable et les droits de la défense.

Des constatations de l'arrêt, il ressort que

* le magistrat instructeur a communiqué les préliminaires du rapportd'expertise médicale aux parties et leur a accordé un délai afin depermettre à chacune d'elles de formuler ses observations, ce qu'ellesont fait ;

* le juge d'instruction a ainsi reçu un rapport établi par un médecinagissant pour le compte de l'assureur du demandeur ;

* après avoir pris connaissance de toutes les observations leuradressées, les experts ont déposé leur rapport définitif le 11 mai2010 ;

* les experts ont rédigé les conclusions de leur rapport après avoirpris connaissance des remarques formulées par le conseiller techniquedu demandeur, et par l'assureur des hôpitaux.

D'autre part, il ressort de l'arrêt et des conclusions déposées devant lacour d'appel par le demandeur et la défenderesse, que ceux-ci ont commentéet critiqué les rapports précités au cours des débats.

Les travaux des experts ayant été soumis à la contradiction dèsl'instruction préparatoire et lors des débats devant les juges du fond, lacour d'appel n'a pas, en se fondant sur ces travaux, méconnu le droit à unprocès équitable ou les droits de la défense.

Le moyen ne peut être accueilli.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont étéobservées et la décision est conforme à la loi.

B. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions qui, rendues surl'action civile exercée par la défenderesse contre le demandeur, statuentsur

1. le principe de la responsabilité :

Le demandeur n'invoque aucun moyen spécifique.

2. l'étendue du dommage :

Le demandeur se désiste de son pourvoi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Décrète le désistement du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre ladécision qui, rendue sur l'action civile exercée par la défenderesse,statue sur l'étendue du dommage ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Condamne le demandeur aux frais.

Lesdits frais taxés en totalité à la somme de trois cent cinquante-neufeuros quatre-vingt-six centimes dont cent septante-six euros soixante etun centimes dus et cent quatre-vingt-trois euros vingt-cinq centimes payéspar ce demandeur.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le chevalier Jean de Codt, premier président, Benoît Dejemeppe,Mireille Delange, Eric de Formanoir et Frédéric Lugentz, conseillers, etprononcé en audience publique du trois mai deux mille dix-sept par lechevalier Jean de Codt, premier président, en présence de DamienVandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux,greffier.

+------------------------------------------------------------------------+
| T. Fenaux | F. Lugentz | E. de Formanoir |
|----------------------+------------------------+------------------------|
| M. Delange | B. Dejemeppe | J. de Codt |
+------------------------------------------------------------------------+

3 MAI 2017 P.16.0532.F/11


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.16.0532.F
Date de la décision : 03/05/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-05-03;p.16.0532.f ?
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