Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.15.0102.N
I. J&G CONSULTANCY, société privée à responsabilité limitée,
prévenue,
demanderesse en cassation,
II. D. H.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Raf Verstraeten, avocat au barreau de Louvain,
les deux pourvois contre
1. STICHTING ADMINISTRATIEKANTOOR REI,
2. RB MANAGEMENT, société anonyme, actuellement REAL SPACE, sociétéanonyme,
3. SC « RO TIMISOARA PROJECT » S.R.L.,
parties civiles,
défenderesses en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Wouter Neven et Bruno Stroobants, avocats aubarreau de Bruxelles.
I. la procédure devant la cour
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 10 décembre 2014 par lacour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
La demanderesse I n'invoque aucun moyen.
Le demandeur II invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présentarrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Alain Bloch a fait rapport.
L'avocat général délégué Alain Winants a conclu.
II. la décision de la cour
(…)
Sur le premier moyen :
3. Le moyen invoque la violation des articles 24, 37 et 40 de la loi du 15juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire : dans ladescription des faits mis à charge et la déclaration de culpabilité,l'arrêt utilise l'extrait en anglais des termes « cancel the request »sans indiquer la traduction en néerlandais, à savoir « annule lademande » ; de ce fait, l'arrêt n'est pas intégralement rédigé dans lalangue de la procédure.
4. La loi du 15 juin 1935 prévoit :
- à l'article 24, que, devant toutes les juridictions d'appel, il est faitusage pour la procédure de la langue dans laquelle la décision attaquéeest rédigée ;
- à l'article 40, que ces règles sont prescrites à peine de nullité.
5. Un acte de procédure est supposé avoir été rédigé dans la langue de laprocédure lorsque toutes les mentions requises pour la régularité de cetacte sont rédigées dans cette langue. L'usage de termes empruntés à deslangues étrangères qui relèvent de l'usage courant n'entache pas lecaractère unilingue de l'acte.
6. Dans la description des faits mis à charge, tant le demandeur II dansses conclusions d'appel que l'arrêt emploient les mots « cancel therequest ». Les termes « Cancelen » et « request », « rekwest » ou« rekest », font partie du langage néerlandais courant. Par conséquent,l'arrêt est rédigé dans la langue de la procédure.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le deuxième moyen :
Quant à la première branche :
7. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 1^er dela loi du 17 avril 1878 contenant le Titre préliminaire du Code deprocédure pénale, 129, 130 et 182 du Code d'instruction criminelle :l'arrêt ne se prononce pas sur les faits figurant dans l'acte de saisine ;le juge pénal étant tenu de donner aux faits leur qualification exacte, ilne peut se référer qu'aux éléments du dossier répressif si l'acte desaisine manque de précision ; en ne déterminant pas les faits de lasaisine sur la base de cet acte mais sur la base de pièces du dossierrépressif, sans constater que l'acte de saisine manque de précision pourdéfinir les faits de la saisine, l'arrêt méconnaît les règles relatives àla saisine du juge pénal.
8. En matière correctionnelle ou de police, l'ordonnance de renvoi renduepar la juridiction d'instruction ou la citation à comparaître devant lajuridiction de jugement saisissent ces juridictions de jugement non de laqualification qui y figure, mais des faits tels qu'ils ressortent despièces de l'instruction ou de l'information et qui fondent l'ordonnance derenvoi ou la citation. Cette première qualification est essentiellementprovisoire et la juridiction de jugement, même en degré d'appel, a ledroit et le devoir, moyennant le respect des droits de la défense, dedonner aux faits mis à charge leur qualification exacte. Cette obligationde donner aux faits leur qualification exacte ne vaut pas uniquement àdéfaut de précision dans l'acte de saisine.
9. Le juge pénal apprécie souverainement, sur la base des éléments del'ordonnance de renvoi ou de la citation et du dossier répressif, si lesfaits qu'il déclare établis en corrigeant leur qualification sontréellement ceux qui constituent l'objet des poursuites ou les fondent.Dans ce cas, il n'est pas saisi de faits nouveaux et une nouvelle citationou comparution volontaire n'est pas requise.
Le moyen qui, en cette branche, est déduit d'une autre prémisse juridique,manque en droit.
Quant à la seconde branche :
10. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 1^er dela loi du 17 avril 1878 contenant le Titre préliminaire du Code deprocédure pénale, 182, 202 et 211 du Code d'instruction criminelle :l'arrêt aggrave la situation du demandeur II ; alors que la chambre duconseil limitait la saisine à une seule prévention d'abus de confiance,l'arrêt ne complète pas la qualification initiale, mais la scinde en deuxpréventions de faux en écritures, une prévention d'usage de faux et uneprévention d'escroquerie ; ainsi, l'arrêt dédouble indûment laqualification et admet une qualification complémentaire.
11. Il appartient au juge de donner aux faits dont il est saisi leurqualification exacte. Lorsque la nouvelle qualification concerne uneinfraction dont l'un des éléments constitue également un faux en écritureset un usage de faux, alors cette qualification doit être complétée enreprenant également le faux en écritures et l'usage de faux dans lestermes de la loi. La circonstance que la qualification initiale necomportait pas le faux en écritures ou l'usage de faux n'y fait pasobstacle. Cela ne dédouble pas indûment la qualification et la situationdu prévenu ne s'en trouve pas aggravée.
Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen,en cette branche, manque en droit.
12. Le demandeur a été renvoyé au tribunal correctionnel du chef d'abus deconfiance. L'arrêt requalifie ce fait en escroquerie avec la circonstanceque cette qualification comporte également, dans les circonstancesprésentes, un faux en écritures et un usage de faux. Il complète cettequalification en reprenant également le faux en écritures et l'usage defaux dans les termes de la loi. Ainsi, la décision est légalementjustifiée.
Dans cette mesure le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
(…)
Le contrôle d'office
15. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont étéobservées et les décisions sont conformes à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne les demandeurs aux frais de leur pourvoi.
(…)
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient Paul Maffei, président, Filip Van Volsem, Alain Bloch, ErwinFrancis et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publiquedu deux mai deux mille dix-sept par le président Paul Maffei, en présencede l'avocat général délégué Alain Winants, avec l'assistance du greffierdélégué Véronique Kosynsky.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Françoise Roggen ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.
Le greffier, Le conseiller,
2 MAI 2017 P.15.0102.N/1