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20/04/2017 | BELGIQUE | N°C.16.0443.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 20 avril 2017, C.16.0443.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.16.0443.F

1. E. Y. R. et

2. C. K.,

demandeurs en cassation,

admis au benefice de l'assistance judiciaire par decision du bureaud'assistance judiciaire du 22 septembre 2016 (nDEG G.16.0062.F),

representes par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

P. D.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contr

e le jugement rendu le 26 fevrier2016 par le tribunal de premiere instance francophone de Bruxelles,statuant en degre d'a...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.16.0443.F

1. E. Y. R. et

2. C. K.,

demandeurs en cassation,

admis au benefice de l'assistance judiciaire par decision du bureaud'assistance judiciaire du 22 septembre 2016 (nDEG G.16.0062.F),

representes par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

P. D.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 26 fevrier2016 par le tribunal de premiere instance francophone de Bruxelles,statuant en degre d'appel.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, les demandeurs presentent un moyen.

III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

En vertu de l'article 215, S: 2, alinea 2, du Code civil, les conges,notifications et exploits relatifs au bail de l'immeuble loue par l'un oul'autre des epoux, meme avant le mariage, et affecte en tout ou en partieau logement principal de la famille, doivent etre adresses ou signifiesseparement à chacun des epoux, mais chacun des epoux ne pourra seprevaloir de la nullite de ces actes adresses à son conjoint qu'à lacondition que le bailleur ait connaissance de leur mariage.

Il suit de cette disposition legale imperative en faveur des epoux que laconnaissance effective du mariage par le bailleur qui notifie un conge ousignifie un exploit suffit à autoriser le conjoint concerne à seprevaloir de la nullite de ces actes.

Le jugement attaque releve que « la procedure a ete introduite par voiede requete [...] deposee par [le defendeur] le 8 mars 2012 au greffe de lajustice de paix] », que « [le defendeur] poursuivait la condamnation [dudemandeur] à lui payer la somme de 3.927,64 euros à titre d'arrieres deloyers et charges [...] ainsi que la resolution du bail relatif àl'appartement [...] aux torts du preneur », que, « à l'audience du 16mai 2012, [la demanderesse] fit intervention volontaire à la procedure »et que, par jugement du meme jour, « le premier juge a ordonne une vuedes lieux en presence des parties ».

Le jugement attaque constate qu'« une nouvelle requete [...] a etedeposee par [le defendeur] le 27 novembre 2012 au greffe de la justice depaix », que, « dans cette requete, [le defendeur] postulait lacondamnation [des demandeurs] au paiement de la somme de 1.167,67 euros autitre d'arrieres de loyers et charges », qu'« il postulait [...] que lebail soit resilie au 31 decembre 2012 suite au renon qu'il avait adressele 25 aout 2012 » et que « le premier juge a [...] valide le renon donnepour le 31 decembre 2012 [et] accorde un delai de grace [aux demandeurs]jusqu'au 31 mars 2013 ».

Le jugement attaque considere que « le contrat de bail n'a ete signe quepar le seul [demandeur] », que, « par ailleurs, le contrat de bailprevoyait qu' `en cas de modification de son etat civil (mariage,cohabitation legale, deces, association ...), le preneur s'engage à enavertir le bailleur par lettre recommandee dans le mois qui suit cettemodification' », que « [les demandeurs] ne soutiennent pas avoir averti[le defendeur] de leur union qui etait donc legitimement ignoree par cedernier » et que « cela est d'autant plus legitime que l'ensemble descourriers rec,us par [le defendeur] n'emanaient que du seul[demandeur] ».

Le jugement attaque, qui decide, sur la base de ces considerations, que« le renon a [...] ete valablement donne », viole l'article 215, S: 2,du Code civil.

Dans cette mesure, le moyen est fonde.

Sur l'etendue de la cassation :

La cassation de la decision qui statue sur la validite du renon s'etend àcelle qui est relative à la demande d'indemnite de resolution, qui en estla suite, et entraine l'annulation du jugement du 19 mai 2016 en tantqu'il statue sur les depens.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaque en tant qu'il statue sur la validite du renon etla demande d'indemnite de resolution et annule le jugement du 19 mai 2016en tant qu'il statue sur les depens ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementpartiellement casse et du jugement partiellement annule ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge du fond;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant le tribunal de premiere instancedu Brabant wallon, siegeant en degre d'appel.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, president, lepresident de section Martine Regout, les conseillers Michel Lemal,Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononce en audience publique duvingt avril deux mille dix-sept par le president de section ChristianStorck, en presence de l'avocat general Jean Marie Genicot, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+-----------+----------------|
| M. Lemal | M. Regout | Chr. Storck |
+----------------------------------------------+

Requete

EXTRAIT DE LA REQUETE EN CASSATION

A Messieurs les premier president et president, Mesdames et Messieurs lesconseillers composant la Cour de cassation de Belgique,

Messieurs,

Mesdames,

Les demandeurs en cassation ont l'honneur de deferer à votre censure lejugement rendu en leur cause, le 26 fevrier 2016, par la 75eme chambre dutribunal de premiere instance francophone de Bruxelles, section civile,statuant contradictoirement et en degre d'appel (nDEG13/1626/A et13/3208/A).

Au soutien de leur pourvoi, les demandeurs en cassation ont l'honneurd'invoquer le moyen de cassation ci-apres.

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Dispositions legales violees

* Articles 215 S: 2, 1317, 1319, 1320 et 1322 du Code civil

Decisions et motifs critiques

1. Le jugement attaque declare valable le renon du 24 avril 2012 adresseau demandeur en cassation sub 1 (no 14, p. 8). Apres avoir rappele lestermes de l'article 215, S: 2, du Code civil (no 14, p. 7 et 8), ilfonde sa decision sur les considerations suivantes :

« Force est de constater que le contrat de bail n'a ete signe que par leseul Monsieur Y. R.

Par ailleurs, le contrat de bail prevoyait qu' « En cas de modificationde son etat civil (mariage, cohabitation legale, deces, association, ...)le preneur s'engage à en avertir le bailleur par lettre recommandee dansle mois qui suit cette modification ».

Monsieur Y. R. et Madame C. K. ne soutiennent pas avoir averti Monsieur P.D. de leur union qui etait donc legitimement ignoree par ce dernier.

Cela est d'autant plus legitime que l'ensemble des courriers rec,us parMonsieur P. D. n'emanaient que du seul Monsieur Y. R. (voir pages 43 à 49et 52 à 54 de son dossier).

Le renon a donc ete valablement donne. » (nDEG14, p. 8).

2. Par voie de consequence, le jugement attaque deboute les demandeurs encassation de leur demande d'une indemnite de resolution de 9.135,18EUR (conclusions des actuels demandeurs, p. 10 et 11) en relevantque :

« Monsieur Y. R. et Madame C. K. considerent qu'ils auraient pu pretendre(si la decision d'occupation des lieux n'avait ete prise) à rester dansles lieux'. (Voir leurs conclusions page 10)

Ils ne peuvent etre suivis dans cette voie des lors que le renon leur aete valablement donne et qu'ils auraient donc dus, en tout etat de cause,quitter les lieux en principe pour le 21 decembre 2012.

Ils ne subissent donc aucun prejudice lie à leur obligation de migrer deslieux et ce, d'autant moins, qu'ils ont beneficie d'un delai de gracejusqu'au 31 mars 2013 et ne sont finalement paris que le 25 avril 2013. »(no 22, p. 11).

Par voie de consequence egalement, le jugement attaque confirme ledeblocage de la garantie locative qui avait ete ordonne par le jugementdont appel du 6 fevrier 2013 « eu egard à la persistance d'une creance à l'egard des demandeurs. » (nDEG 25, p. 12).

Griefs

1. Aux termes de l'article 215, S: 2, al. 1 et 2, du Code civil :

« Le droit au bail de l'immeuble loue par l'un ou l'autre epoux, memeavant le mariage et affecte en tout ou en partie au logement principal dela famille, appartient conjointement aux epoux, nonobstant touteconvention contraire.

Les conges, notifications et exploits relatifs à ce bail doivent etreadresses ou signifies separement à chacun des epoux ou emaner de tousdeux. Toutefois, chacun des deux epoux ne pourra se prevaloir de lanullite de ces actes adresses à son conjoint ou emanant de celui-ci qu'àla condition que le bailleur ait connaissance de leur mariage. »

Il suit de ce texte, qui s'applique nonobstant toute convention contraire,que la connaissance effective du mariage par le bailleur qui notifie unconge suffit à autoriser l'un des epoux à se prevaloir de la nulliteprescrite par celui-ci.

2. Les demandeurs faisaient valoir à cet egard dans leurs conclusionsprises en degre d'appel :

« Les concluants sont maries et le bail est devenu commun par l'effet del'article 215 S:2 du CC. Ce fait est connu de l'intime puisque le jugementdu 01/08/2012 fut prononce à l'egard des concluants. Par ailleurs larequete du 22/11/2012 est deposee à l'encontre des concluants.

Le renon du 24/08/2012 ne semble pas adresse à Mme C. K., comme cela estde regle en application de l'article 215 du CC :

S: 2. Le droit au bail de l'immeuble loue par l'un ou l'autre epoux, memeavant le mariage et affecte en tout ou en partie au logement principal dela famille, appartient conjointement aux epoux, nonobstant touteconvention contraire.

Les conges, notifications et exploits relatifs à ce bail doivent etreadresses ou signifies separement à chacun des epoux ou emaner de tousdeux.Toutefois, chacun des deux epoux ne pourra se prevaloir de la nullite deces actes adresses à son conjoint ou emanant de celui-ci qu'à lacondition que le bailleur ait connaissance de leur mariage. (L 20-02-1991,art. 3).

Mme C. K. sollicite la nullite du renon qui ne lui fut pas adresse. »(pp. 8 et 9).

3. Le jugement dont appel du 1er aout 2012 dont se prevalaient lesdemandeurs dans leurs conclusions reproduites ci-dessus enonc,ait autitre de la recevabilite de la demande :

« que le defendeur avait invoque `l'irrecevabilite' la requete n'ayantpas ete introduite contre son epouse ;

que le bail conclu le 24 decembre 2009 et prenant cours le 1er janvier2010 pour une duree d'un an relatif à un logement dans un immeuble sis à..., rue ... ne reprend que le defendeur comme locataire ;

que finalement, à l'audience du 16 mai 2012, l'avocat du defendeurdeclare que l'epouse intervient volontairement. » (p. 3).

Il ajoutait quant au fond :

« que le defendeur et son epouse ayant fait etat de troubles dejouissance, une visite des lieux a ete ordonnee par jugement du 16 mai2012 ; » (p. 3).

Il faisait ainsi clairement apparaitre que la demanderesse sub 2 etaitl'epouse du demandeur sub 1 et donc que les demandeurs etaient maries.

4. Il suit de là qu'en rejetant le moyen que les demandeurs deduisaientde la nullite du renon au motif que le bail est signe par le seuldemandeur sub 1, qu''il prevoyait qu'en cas de modification de sonetat civil, le preneur s'engageait à en avertir le bailleur, que lesdemandeurs ne soutiennent pas avoir averti le defendeur de leur unionqui etait donc legitimement ignoree par ce dernier et qu'il en etaitd'autant plus ainsi que l'ensemble des courriers rec,us par ledefendeur emanaient du seul demandeur sub 1, le jugement attaque :

1DEG/ refuse de lire dans les conclusions des demandeurs le moyen parlequel ils faisaient valoir que le defendeur avait eu connaissance de leurmariage avant le renon litigieux par le jugement du 1er aout 2012, refuse,de meme, de lire dans ce jugement les mentions reproduites ci-dessus quela demanderesse sub 2 est l'epouse du demandeur sub 1 et qu'elle estintervenue volontairement à la cause pendante entre le demandeur sub 1 etle defendeur - constatations impliquant que le bailleur avait ete avertidu mariage par les demandeurs - et viole des lors la foi due à cesconclusions et à ce jugement en leur donnant une lecture inconciliableavec leurs termes (violation des articles 1317, 1319, 1320 et 1322 du Codecivil) ;

2DEG/ meconnait la regle que la simple connaissance effective du mariagepar le bailleur suffit à autoriser l'un des epoux à se prevaloir de lanullite de conge notifie à l'un seulement de ceux-ci (violation del'article 215, S: 2, du Code civil) et subordonne illegalement le droit dela demanderesse en cassation sub 2 d'invoquer la nullite au respect d'uneformalite contractuelle denuee d'effet des lors que la regle de l'article215, S: 2 s'applique nonobstant toute convention contraire (violation del'article 215, S: 2, du Code civil).

20 AVRIL 2017 C.16.0443.F/1

Requete/4


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.16.0443.F
Date de la décision : 20/04/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 06/05/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-04-20;c.16.0443.f ?
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