Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG C.16.0131.F
1. TEGUISE, societe de droit luxembourgeois, dont le siege est etabli àLuxembourg (Grand-Duche de Luxembourg), boulevard Royal, 24,
2. F. U. S.,
demandeurs en cassation,
representes par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,
contre
ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
defendeur en cassation,
represente par Maitre Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67,ou il est fait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 24 juin 2015par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L'avocat general Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, les demandeurs presentent un moyen.
III. La decision de la Cour
Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen par le defendeur et deduite dece que, statuant prima facie, le juge des saisies ne peut meconnaitre lesdispositions legales permettant de trancher au fond la question de lapropriete des sommes saisies-arretees :
Conformement à l'article 1395, alinea 1er, du Code judiciaire, toutes lesdemandes qui ont trait aux saisies conservatoires et aux voies d'executionsont portees devant le juge des saisies et, en vertu de l'article 1489 dece code, il est seul competent pour vider les contestations sur laregularite de la procedure de saisie conservatoire et son ordonnance neporte pas prejudice au principal.
Il ne suit pas de ces dispositions que la competence du juge des saisiespour trancher la contestation portant sur l'identite du titulaire de lacreance sur le tiers saisi exclue qu'il puisse violer les dispositionslegales applicables pour statuer sur cette contestation.
La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.
Sur le fondement du moyen :
Quant à la deuxieme branche :
Suivant l'article 1445 du Code judiciaire, tout creancier peut, en vertude titres authentiques ou prives, saisir-arreter par huissier de justice,à titre conservatoire, entre les mains d'un tiers, les sommes et effetsque celui-ci doit à son debiteur.
En vertu de l'article 7 de l'arrete royal nDEG 150 du 18 mars 1935coordonnant les lois relatives à l'organisation et au fonctionnement dela Caisse des depots et consignations et y apportant des modifications envertu de la loi du 31 juillet 1934, tout depot de titres ou d'argent donnelieu à une inscription en compte par la Caisse des depots etconsignations au profit du deposant et l'inscription en compte forme titreenvers celle-ci.
L'article 9 de cet arrete royal dispose que le cautionnement est lapropriete de la personne qui a fait le depot de ses deniers ou valeurs àla Caisse des depots et consignations.
Il resulte de la combinaison de ces dispositions qu'un creancier ne peut,en regle, saisir en mains de la Caisse des depots et consignations lessommes deposees ou les cautionnements que si celui qui en a fait le depotest son debiteur.
Apres avoir constate que, « suivant exploit du 28 fevrier 2012, [ledefendeur] a pratique une saisie-arret conservatoire entre les mains de laCaisse des depots et consignations pour surete et garantie [...] [de]sommes dues en vertu de la contrainte du 24 fevrier 2012 » etablie àcharge du demandeur et que « le tiers saisi [...] a fait sa declarationaux termes de laquelle [...] `une somme de 2.478.935,25 euros a eteconsignee à la requete de la [demanderesse] par l'intermediaire deKredbebb en date du 12 novembre 1998 à titre de caution prealable à lamise en liberte [du demandeur]' », ce que confirme le document dereconnaissance de depot du 17 novembre 1998, l'arret, qui considere quecela « ne permet pas d'attribuer la propriete de la somme deposee » etque « la provenance de l'ensemble des fonds transferes par [lademanderesse] n'est pas etablie » pour en deduire qu'il « ne peutconsiderer que [la demanderesse] a un droit de propriete sur les sommessaisies-arretees entre les mains de la Caisse des depots etconsignations », viole les dispositions legales precitees.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fonde.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Liege.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, president, lepresident de section Martine Regout, les conseillers Michel Lemal,Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononce en audience publique duvingt avril deux mille dix-sept par le president de section ChristianStorck, en presence de l'avocat general Jean Marie Genicot, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
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| M. Lemal | M. Regout | Chr. Storck |
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Requete
POURVOI EN CASSATION
POUR: 1. La societe anonyme Teguise, societe de droit luxembourgeois, dontle siege social etait etabli precedemment à L-8008 Strassen (Grand-Duchede Luxembourg), route d'Arlon, 32, et actuellement 24, boulevard Royal àLuxembourg, inscrite au registre du commerce de Luxembourg sous le numeroB 9744,
2. F. U. S.,
Demandeurs en cassation, assistes et representes par Me Huguette Geinger,avocat à la Cour de cassation soussignee, ayant son cabinet à 1000Bruxelles, rue des Quatre-Bras, 6, chez qui il est fait election dedomicile,
CONTRE: L'Etat belge, represente par Monsieur le Ministre des Finances,poursuites et diligences de Monsieur le Receveur des contributionsdirectes de Jodoigne, dont les bureaux sont etablis à 1370 Jodoigne,avenue des Commandants Borlee, 42,
Defendeur en cassation,
* * *
A Messieurs les Premier President et President, Messieurs et Mesdames lesConseillers, composant la Cour de cassation,
Messieurs,
Mesdames,
Les demandeurs ont l'honneur de deferer à la censure de Votre Courl'arret, rendu le 24 juin 2015 par la dix-septieme chambre de la Courd'appel de Bruxelles (2013/AR/1747).
FAITS ET RETROACTES
Par jugement du 30 octobre 1998 le deuxieme demandeur fut condamne par leTribunal correctionnel de Bruxelles à une peine d'emprisonnement ferme de5 ans et à une amende de 3.000,- francs. Son arrestation immediate futordonnee.
Il interjeta appel de ce jugement le 2 novembre 1998 et sollicita d'etreremis en liberte pendant la duree de la procedure d'appel.
Par arret interlocutoire du 6 novembre 1998 la Cour d'appel de Bruxellesfit droit à cette requete, sous reserve du paiement d'une caution de100.000.000,- francs en vue d'assurer ses comparutions devant la justice.
Cette caution fut fournie par la premiere demanderesse via le transfert de100.000.000,- francs de son compte ouvert aupres de la banqueluxembourgeoise KBL au compte ouvert à son nom à la Caisse des Depots etConsignations le 12 novembre 1998.
Le 24 fevrier 2012 une contrainte rendue executoire a ete notifiee audeuxieme demandeur par le receveur des contributions directes de Jodoigne,relative à trois articles d'impots des personnes physiques des annees1985, 1986 et 1987. Cet impot est conteste. Trente ans plus tard, cettecontestation se trouve toujours dans sa phase administrative à defaut dedecision directiorale.
Le receveur des contributions a pratique le 28 fevrier 2012 unesaisie-arret conservatoire entre les mains de la Caisse des Depots etConsignations pour surete et garantie de la somme de 15.138.269,74 euros,augmentee des interets de 29.639,34 euros par mois, ces sommesrepresentant les sommes dues en vertu de la contrainte du 24 fevrier 2012.
Par deux exploits des 3 et 5 avril 2012 la premiere demanderesse a citedevant le premier juge le receveur des contributions directes de Jodoigneet le conservateur de la Caisse des Depots et Consignations en tierceopposition à la saisie-arret conservatoire pratiquee le 18 fevrier 2013.
Par deux autres exploits introductifs le deuxieme demandeur a cite lesmemes parties devant le juge des saisies du tribunal de premiere instancede Nivelles pour faire ordonner la levee de la saisie-arret conservatoire.
Par jugement du 10 juin 2013 le juge des saisies a rec,u les demandes, lesa dites non fondees, en a deboute les demandeurs et les a condamnessolidairement aux depens.
Les deux demandeurs ont interjete appel de cette decision.
Par arret du 24 juin 2015 la Cour d'appel de Bruxelles a rec,u les appelsprincipal et incident, a dit l'appel incident seul fonde, a mis à neantle jugement entrepris uniquement en ce qu'il a statue sur les depens,statuant à nouveau quant à ce, a condamne les demandeurs aux depensd'instance liquides à 1.320 euros d'indemnite de procedure dans le chefde l'Etat belge, et aux depens d'appel liquides dans le chef de l'Etatbelge à 1.320 euros d'indemnite de procedure.
Les demandeurs estiment pouvoir presenter le moyen developpe ci-apres àl'encontre de l'arret precite.
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Dispositions et principes generaux violes
* articles 544, 1101, 1102, 1119, 1121, 1126, 1127, 1130, 1134, 1137,1271, 1892, 1893, 1895, 1902, 1903, 1904, 1915, 1919, 1921, 1922,
1927, 1932 et 2279 du Code civil,
* articles 1395, 1413, 1445, 1447, 1449 et 1452 du Code civil,
* articles 7 et 8 de la loi hypothecaire du 16 decembre 1851,
* article 409 du Code des impots sur les revenus 1992,
* articles 110 et 111 du Code de droit international prive,
* articles 1er, 2, S:S: 2 et 4, 3, 19, 37 et 58 du Code des societes,
* articles 1er, 2 et 58 du la loi luxembourgeoise du 10 aout 1915concernant les societes commerciales,
* article 35, S:S: 1er, 2, 4 et 5 de la loi du 20 juillet 1990 relativeà la detention preventive, tel qu'en vigueur avant sa modificationpar la loi du 28 novembre 2000,
* articles 1er, 7, 8, 9 et 11 de l'Arrete royal nDEG 150 du 18 mars 1935coordonnant les lois relatives à l'organisation et au fonctionnementde la Caisse des Depots et Consignations et y apportant desmodifications en vertu de la loi du 31 juillet 1934.
Decision attaquee
Par l'arret entrepris du 24 juin 2015 la Cour d'appel de Bruxelles a rec,ules appels principal et incident, a dit l'appel incident seul fonde, a misà neant le jugement entrepris uniquement en ce qu'il a statue sur lesdepens, statuant à nouveau quant à ce, a condamne les demandeurs auxdepens des deux instances et, partant, a confirme la decision du premierjuge qui avait dit la tierce opposition de la premiere demanderesse à lasaisie-arret conservatoire pratiquee le 18 fevrier 2013 et la demande dusecond demandeur pour faire ordonner la levee de la saisie-arretconservatoire non fondees. L'arret entrepris repose sur les motifssuivants :
« (Les demandeurs) contestent que l'Etat Belge, en l'occurrence lereceveur des contributions directes de Jodoigne, puisse saisir les sommesdont ils pretendent qu'elles appartiennent à (la premiere demanderesse)et non (au second demandeur).
Comme expose ci-dessus, suivant la declaration de tiers saisie les sommessaisies ont ete deposees à la Caisse des Depots et Consignations pour unepartie d'entre elles, à une date non precisee, à la requete d'un avocatet pour une autre partie, le 28 novembre 1998, « à la requete de la S.A.Teguise Lux. ».
Les (demandeurs) pretendent en vain que les pieces qu'ils produisent« etablissent hors de tout doute, le droit de propriete de Teguise surles sommes litigieuses », etant la somme de 2.478.935,25 EUR ».
L'attestation du 11 novembre 1998 signee par madame M. C., epouse (dudeuxieme demandeur), sur papier au nom de la SA Teguise en ces termes :« Nous portons caution jusqu'à concurrence de 100.000.000 BEF(...) » ne permet pas d'attribuer la propriete des sommes saisies à laSA Teguise. »
Le document de reconnaissance de depot du 17 novembre 1998 mentionneseulement : « Consigne à la requete de la SA Teguise Lux., parl'intermediaire de Kredbebb, la somme de 100.000.000 BEF (...) à titre decaution pour la liberte provisoire de monsieur U. S. (...) ».
Il ne permet pas d'attribuer la propriete de la somme deposee.
Enfin, la copie de l'extrait de compte produit fait apparaitre letransfert le 12 novembre 1998 de la somme de 100.009.900 BEF d'un comptede la SA Teguise en faveur de la Caisse des Depots et Consignations mais,par ailleurs, le meme extrait fait apparaitre l'existence de diversesoperations posterieures au 3 novembre 1998 emanant de tiers vers le creditde ce compte, dont un versement en caisse de 100.000 BEF et un virement deM. C. de 3.015.000 BEF.
La provenance de l'ensemble des fonds transferes par la (demanderesse)n'est pas etablie.
Il ressort par ailleurs des elements de fait de la cause que la caution de100.000.000 BEF a ete ordonne comme condition à la mise en liberteprovisoire (du second demandeur) et que la (premiere demanderesse) etaitune societe essentiellement familiale dont le (second demandeur) n'ademissionne qu'en date du 10 mars 2000, suivant la piece 13 de sondossier.
(Les demandeurs) mentionnent eux-memes en termes de conclusions que (lapremiere demanderesse) est certes une societe detenue et administree parla famille (du deuxieme demandeur) (...) » (page 17 des conclusions).
La cour, saisie d'une tierce opposition et d'une demande du saisi quant àla validite d'une saisie, amenee à statuer « prima facie » sur la basedes elements qui sont soumis à son appreciation, ne peut considerer que(la premiere demanderesse) a un droit de propriete sur les sommessaisies-arretees entre les mains de la Caisse des Depots et Consignations.
Les (demandeurs) pretendent mais n'etablissent pas que « dans le cadre del'instruction penale menee au titre de blanchiment, à aucun moment lejuge d'instruction n'a remis en cause le fait que le montant de la cautionappartenait bien à Teguise ».
Les (demandeurs) n'etablissent pas qu'il n'existe pas (ou plus) de lien dedroit entre le saisi et le tiers saisi.
En l'espece, la cour ne statue pas « sur la question de la levee du voilesocial d'une personne juridique ».
Les conditions de certitude, de liquidite et d'exigibilite de la creancede l'Etat Belge à l'egard (du second demandeur) sont remplies.
(...)
Il resulte de ces developpements qu'il n'y a pas lieu de faire droit auxdemandes des demandeurs d'ordonner la mainlevee de la saisie-arretconservatoire du 28 fevrier 2012 ni aux autres chefs de demandes relatifsà cette mainlevee. »
Griefs
Aux termes de l'article 1395, premier alinea, du Code judiciaire toutesles demandes qui ont trait aux saisies conservatoires et aux voiesd'execution sont portees devant le juge des saisies.
Il appartient au juge des saisies de se prononcer sur la regularite et lalegalite du la saisie.
L'article 409 du CIR92 dispose notamment qu' « en cas de reclamation, dedemande de degrevement visee à l'article 376 ou d'action en justice,l'imposition contestee, en principal, additionnels et accroissements,augmentee des interets et des frais y afferents, peut faire l'objet pourle tout de saisies conservatoires, de voies d'execution ou de toutesautres mesures destinees à en garantir le recouvrement ».
Aux termes de l'article 7 de la loi hypothecaire du 16 decembre 1851quiconque est oblige personnellement est tenu de remplir ses engagementssur tous ses biens mobiliers ou immobiliers, presents et à venir. Auxtermes de l'article 8 de la loi precitee les biens du debiteur sont legage commun de ses creanciers, et le prix s'en distribue entre eux parcontribution, à moins qu'il n'y ait entre les creanciers des causeslegitimes de preference.
L'article 1413 du Code judiciaire dispose que tout creancier peut, dansles cas qui requierent celerite, demander au juge l'autorisation de saisirconservatoirement les biens saisissables qui appartiennent à sondebiteur.
L'article 1445 du Code judiciaire stipule que tout creancier peut, envertu de titres authentiques ou prives, saisir-arreter par huissier dejustice, à titre conservatoire, entre les mains d'un tiers, les sommes eteffets que celui-ci doit à son debiteur.
L'article 1447 du Code judiciaire dispose qu'il y ait titre ou non, lejuge peut, sur requete, permettre la saisie-arret. La requete, etablie entrois exemplaires, contient, outre les mentions prevues à l'article 1026,l'indication:
1DEG des nom, prenoms, domicile, ou à defaut de domicile, residence dudebiteur et du tiers saisi;
2DEG des causes et du montant ou de l'evaluation de la creance.
L'article 1449 du Code judiciaire dispose qu'au premier jour ouvrablesuivant la prononciation de l'ordonnance, le greffier notifie, sous plijudiciaire, au requerant et au tiers saisi, copie de celle-ci et de larequete. Cette notification contient la reproduction des articles 1451 à1456 et l'avertissement au tiers saisi qu'il devra se conformer à cesdispositions.
l'article 1452 du Code judiciaire dispose que dans les quinze jours de lasaisie-arret, le tiers saisi est tenu de faire la declaration des sommesou effets, objets de la saisie. La declaration doit enoncer avecexactitude tous les elements utiles à la determination des droits desparties et, selon le cas, specialement:
1DEG les causes et le montant de la dette, la date de son exigibilite et,s'il echet, ses modalites;
2DEG l'affirmation du tiers saisi qu'il n'est pas ou n'est plus debiteurdu saisi.
Il ressort de l'ensemble de ces dispositions qu'hormis le cas desimulation, la saisie-arret conservatoire ne peut etre pratiquee qu'àcharge du debiteur et non d'un tiers.
A titre d'exception l'article 1445, deuxieme alinea, du Code judiciairedispose qu'en cas d'inaction de son debiteur, le creancier peut, parapplication de l'article 1166 du Code civil, former la meme procedure.
Par ailleurs, l'existence d'un lieu de droit entre le saisi et le tierssaisi est essentielle à la validite de la saisie-arret. Celle-ci est sansobjet ni effet si au moment ou la saisie-arret a ete pratiquee, iln'existait pas ou de plus de lien de droit entre le saisi et le tierssaisi. Le tiers saisi doit etre debiteur du saisi.
En cas de contestation, il appartiendra au juge des saisies de verifier siles biens saisis appartiennent effectivement au saisi.
Premiere branche
La seule circonstance qu'une societe, dotee de la personnalite juridique,a des liens de nature patrimoniale avec le debiteur n'autorise point lecreancier dudit debiteur de proceder à une saisie des biens appartenantà la societe.
En effet, aux termes de l'article 1er du Code des societes une societe estconstituee par un contrat aux termes duquel deux ou plusieurs personnesmettent quelque chose en commun, pour exercer une ou plusieurs activitesdeterminees et dans le but de procurer aux associes un beneficepatrimonial direct ou indirect. Dans les cas prevus par le code, elle peutetre constituee par un acte juridique emanant de la volonte d'une seulepersonne qui affecte des biens à l'exercice d'une ou plusieurs activitesdeterminees.
L'article 2, S: 2 dudit code dispose qu'est reconnu en tant que societecommerciale dotee de la personnalite juridique : la societe anonyme, enabrege SA.
L'article 3 du code des societes dispose que les societes sont regies parles conventions des parties, par le droit civil et, si elles ont unenature commerciale, par les lois particulieres au commerce.
Aux termes de l'article 19 du Code des societes toute societe doit avoirun objet licite, et etre contractee pour l'interet commun des parties.Chaque associe doit y apporter ou de l'argent, ou d'autres biens, ou sonindustrie.
Cet avoir se distingue de l'avoir de ses associes.
L'article 37 du Code des societes dispose que l'associe qui n'est pointadministrateur ne peut aliener ni engager les choses meme mobilieres quidependent de la societe. Aux termes de l'article 61, premier alinea, duditcode les societes agissent par leurs organes dont les pouvoirs sontdetermines par le present code, l'objet social et les clauses statutaires.Les membres de ces organes ne contractent aucune responsabilitepersonnelle relative aux engagements de la societe.
Il s'ensuit que les avoirs et obligations de la societe se distinguent desavoirs et obligations de ses associes ou administrateurs. Les biens d'unesociete ne peuvent pas etre saisis par les creanciers de ses associes ouadministrateurs.
Quant aux personnes morales etrangeres, l'article 58 du Code des societesdispose que les societes constituees en pays etranger et y ayant leuretablissement principal pourront faire leurs operations en Belgique etester en justice, et y etablir une succursale.
L'article 110 du Code de droit international prive stipule que la personnemorale est regie par le droit de l'Etat sur le territoire duquel sonetablissement principal est situe des sa constitution. Si le droitetranger designe le droit de l'Etat en vertu duquel la personne morale aete constituee, le droit de cet Etat est applicable.
Aux termes de l'article 111, S: 1er dudit code le droit applicable à lapersonne morale determine notamment : l'existence et la nature juridiquede la personne morale, le nom ou la raison sociale, la capacite de lapersonne morale, la composition, les pouvoirs et le fonctionnement de sesorganes, les rapports internes entre associes ou membres ainsi que lesrapports entre la personne morale et les associes ou membres.
L'article 1er de la loi luxembourgeoise du 10 aout 1915 concernant lessocietes commerciales (http://eli.legilux.public.lu) dispose que lessocietes commerciales sont celles qui ont pour objet des actes decommerce. Elles se reglent par les conventions des parties, par les loiset usages particuliers au commerce et par le droit civil. Elles sedivisent en societes commerciales proprement dites et en associationscommerciales.
Selon l'article 2 la loi reconnait cinq especes de societes commercialesproprement dites la societe anonyme. Chacune d'elles constitue uneindividualite juridique distincte de celle des associes.
L'article 58 de ladite loi dispose que les administrateurs ne contractentaucune obligation personnelle relativement aux engagements de la societe.
Il s'ensuit que les avoirs et obligations de la societe se distinguent desavoirs et obligations de ses associes ou administrateurs. Les biens d'unesociete ne peuvent pas etre saisis par les creanciers de ses associes ouadministrateurs.
Partant, dans la mesure ou l'arret entrepris devrait etre lu en ce sensque l'existence de liens patrimoniaux entre la societe de droitluxembourgeois et le second demandeur autorisait le defendeur à saisir àcharge du second demandeur les sommes, que la premiere demanderesse avaittransferees à la Caisse des Depots et Consignations, et ce en l'absencede toute constatation de simulation, la cour d'appel decidant au contraireque la question de la levee du voile social n'est pas examinee, elle ameconnu les effets de la personnalite juridique distincte de la premieredemanderesse (violation des articles 1, 2, S: 2, 3, 19, 37 et 58 du Codedes societes, 110 et 111 du Code de droit international prive, 1, 2 et 58de la loi luxembourgeoise du 10 aout 1915 concernant les societescommerciales), et, partant, viole les dispositions, dont il ressort queseuls les biens du debiteur peuvent etre saisis-arretes par son creancier(violation des articles 1395, 1413, 1445, 1447, 1449 et 1452 du Codejudiciaire, 7 et 8 de la loi hypothecaire du 16 decembre 1851 et 409 duCode des impots sur les revenus 1992).
Deuxieme branche
Aux termes de l'article 35, S: 1er, de la loi du 20 juillet 1990 relativeà la detention preventive, tel qu'en vigueur avant sa modification par laloi du 28 novembre 2000, dans les cas ou la detention preventive peut etreordonnee ou maintenue dans les conditions prevues à l'article 16, S: 1er,le juge d'instruction peut, d'office, sur requisition du ministere publicou à la demande de l'inculpe, laisser l'interesse en liberte en luiimposant de respecter une ou plusieurs conditions, pendant le temps qu'ildetermine et pour un maximum de trois mois.
L'article 35, S: 4 de ladite loi dispose que le juge d'instruction peutegalement exiger le paiement prealable et integral d'un cautionnement,dont il fixe le montant. Le cautionnement est verse à la Caisse desdepots et consignations, et le ministere public, au vu du recepisse, faitexecuter l'ordonnance ou l'arret de mise en liberte.
L'article 35, S: 4 dispose encore que nonobstant le delai fixe àl'article 35, S: 1er, et sans prejudice de l'application de l'article 36,le cautionnement est restitue si l'inculpe s'est presente à tous lesactes de la procedure et pour l'execution du jugement. Si la condamnationest conditionnelle, il suffit que l'inculpe se soit presente à tous lesactes de la procedure. Le cautionnement est attribue à l'Etat des quel'inculpe, sans motif legitime d'excuse, est reste en defaut de sepresenter à un acte quelconque de la procedure ou pour l'execution dujugement. Neanmoins, en cas de renvoi des poursuites, d'ac-quittement,d'absolution ou de condamnation conditionnelle, le jugement ou l'arret enordonne la restitution, sauf prelevement des frais extraordinairesauxquels le defaut de se presenter aura pu donner lieu.
L'article 35, S: 5 de la loi du 20 juillet 1990 dispose que le juged'in-struction et les juridictions d'instruction ou de jugement disposentdes memes pouvoirs lorsqu'un inculpe ou un prevenu est mis en liberte.
Aux termes de l'article 1er de l'Arrete royal nDEG 150 du 18 mars 1935coordonnant les lois relatives à l'organisation et au fonctionnement dela Caisse des Depots et Consignations et y apportant des modifications envertu de la loi du 31 juillet 1934 il est institue, sous la denominationde "Caisse des Depots et consignations" une administration chargee, àl'exclusion de tout autre organisme, de recevoir et de rembourser :
1DEG les depots et consignations en numeraire ou en valeurs, imposes ouautorises par une disposition legale ou reglementaire;
2DEG les cautionnements en numeraire et en valeurs destinees à garantir,vis-à-vis d'une administration publique ou d'interet public soitl'exercice de fonctions sujettes à une responsabilite pecuniaire, soitl'accomplissement d'obligations ou l'execution d'entreprises auxquelles lepublic est interesse.
L'article 7 dispose que tout depot de titres ou d'argent, donne lieu àune inscription en compte par la Caisse des Depots et Consignations auprofit du deposant. L'inscription en compte forme titre envers la Caissedes Depots et Consignations. Il est delivre une attestation de receptionde depot au deposant.
Aux termes de l'article 8 dudit arrete tout depot doit etre accompagned'une declaration contenant toutes les indications necessaires pour mettrel'administration centrale de la Caisse à meme de constater la destinationdes sommes ou valeurs deposees. Les formules de ces declarations et lesrenseignements qu'elles doivent contenir pour chacun des services de laCaisse sont determines par arrete ministeriel.
L'article 9 de l'arrete royal dispose que le cautionnement est lapropriete de la personne qui en a fait le depot de ses deniers ou valeursà la Caisse des depots et consignations.
Aux termes de l'article 11 de l'arrete royal nDEG 150 que la Caisse desdepots et consignations ordonne la restitution des sommes ou valeursconsignees des que les pieces requises par les lois et reglements sur lamatiere lui ont ete fournies et qu'elle en a reconnu la validite. Si lesjustifications produites sont irregulieres ou incompletes ou si la Caissea en mains des oppositions au payement, elle en avise les interesses auplus tard dans les dix jours de la demande ou de l'autorisation deremboursement.
Il ressort de l'ensemble de ces dispositions que le cautionnement est lapropriete de celui qui en a fait le depot.
En l'occurrence, la cour d'appel releve explicitement l'existence d'undocument de reconnaissance de depot du 17 novembre 1998, mentionnant :« Consigne à la requete de la SA Teguise Lux, par l'intermediaire deKredbebb, la somme de 100.000.000 BEF (...) à titre de caution pour laliberte provisoire de monsieur U. S. (...) ».
Il s'ensuit que la premiere demanderesse, qui avait procede au versementde la caution, devait etre consideree comme etant le proprietaire duditcautionnement.
Partant, au vu des constatations de l'arret entrepris, dont il ressort quela somme de 100.000.000 BEF avait ete consignee par la premieredemanderesse à titre de caution pour la liberte provisoire du seconddemandeur, la cour d'appel n'a pas pu decider legalement que ladite sommepouvait etre saisie conservatoirement à charge du second demandeur,meconnaissant ainsi le droit de propriete du cautionnement dans le chef decelui qui l'a constitue (violation des articles 544 du Code civil, 35,S:S: 1er, 2, 4 et 5 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la detentionpreventive, tel qu'en vigueur avant sa modification par la loi du 28novembre 2000, 1, 7, 8, 9 et 11 de l'Arrete royal nDEG 150 du 18 mars 1935coordonnant les lois relatives à l'organisation et au fonctionnement dela Caisse des Depots et Consignations et y apportant des modifications envertu de la loi du 31 juillet 1934) et, partant, viole les dispositionsdont il ressort que seuls les biens du debiteur peuvent etresaisis-arretes par son creancier (violation des articles 1395, 1413, 1445,1447, 1449, 1452 du Code judiciaire, 7 et 8 de la loi hypothecaire du 16decembre 1851 et 409 du Code des impots sur les revenus 1992).
Troisieme branche
La cour d'appel constate encore dans l'arret entrepris que la copie del'extrait de compte produit fait apparaitre le transfert le 12 novembre1998 de la somme de 100.009.900 BEF d'un compte de la SA Teguise en faveurde la Caisse des Depots et Consignations.
Il ressort de ces constatations que les fonds provenaient du compte enbanque de la premiere demanderesse.
La cour d'appel constate egalement que l'extrait precite fait apparaitrel'existence de diverses operations posterieures au 3 novembre 1998,emanant de tiers vers le credit de ce compte, dont un versement en caissede 100.000 BEF et un virement de M. C. de 3.015.000 BEF, ce qui correspondà environ 3% du montant total verse par la premiere demanderesse.
Toutefois, quelle que soit la provenance des fonds, deposes sur un compte,ouvert au nom d'une personne morale ou physique determinee, tous les fondsinscrits dans les livres de la banque font partie de la creance de cettepersonne contre la banque et ne se distinguent pas de l'ensemble de sonpatrimoine.
En effet, la personne qui ouvre un compte aupres d'une banque conclut avecl'organisme bancaire, qu'il choisit, un contrat d'ouverture de compte dedepot de fonds à vue.
Cette convention est entierement soumise aux dispositions qui regissent laconclusion et l'execution des obligations contractuelles et constitue,partant, un contrat de depot de fonds à vue que la personne conclut enson seul nom et pour son compte strictement personnel.
La banque, quant à elle, contracte envers son cocontractant, qui procedeà l'ouverture du compte et lui transmet les ordres de transfert de fonds,une obligation analogue à celle qui pese sur le depositaire, alors memeque les articles 1915 et 1293, 2DEG, du Code civil ne sont pasd'application.
Dans le cadre de ce contrat seuls le titulaire du compte et la banque sontdes parties au sens de l'article 1101 du Code civil, ce contrat comportantdes droits et des obligations dans le chef des deux parties, comme le ditl'article 1102 du meme code.
Le contrat d'ouverture de compte de depot à vue oblige uniquement letitulaire du compte et la banque qui operent son ouverture et en assurentla gestion.
Il s'en deduit que les sommes d'argent, qui sont choses fongibles, verseessur ledit compte s'integrent dans le patrimoine du titulaire du comptebancaire sur lequel elles sont inscrites et ce, en vertu, notamment, del'article 2279 du Code civil, et font, des lors, partie du gage commun descreanciers, en application des articles 7 et 8 de la loi hypothecaire,sans aucune distinction.
En effet, toutes les remises enregistrees par le compte, fut-il de tierset proviendraient-elles de fonds appartenant à autrui, sont novees enarticles de compte, perdent leur individualite, se confondent au sein ducompte qui fait partie du patrimoine du titulaire et sont remplacees parun droit de creance sur le solde dont seul l'ayant compte, savoirexclusivement la personne qui a ouvert le compte, est titulaire, ce enapplication de l'article 1271 du Code civil.
Lorsque ce compte fait l'objet d'une saisie-arret, conservatoire ouexecution, l'organisme financier, cocontractant du titulaire du compte,est d'ailleurs imperativement tenu de respecter les dispositions du Codejudiciaire qui l'obligent, d'une part, à notifier sa declaration de tierssaisi, conformement aux articles 1445 et suivants du Code judiciaire et1539 dudit code, ainsi que, d'autre part, à ne pas se dessaisir dessommes et effets qui font l'objet de la saisie, à peine de pouvoir etredeclare debiteur pur et simple des causes de la saisie, sans prejudice desdommages-interets envers la partie, s'il y a lieu (article 1540, alinea1er, du Code judiciaire).
Il s'ensuit de l'ensemble de ces dispositions que, sauf simulation, àdemontrer par le tiers, les fonds verses sur un compte font partie dupatrimoine de son titulaire et seront d'ailleurs susceptibles d'etresaisis par ses creanciers, et ce quelle que soit la provenance des fonds,à charge du tiers de revendiquer son bien si les especes sont encoreindividualisables.
En l'occurrence, la cour d'appel ne fait point etat de simulation, maisdeclare au contraire qu'elle ne statue pas « sur la question de la leveedu voile social d'une personne juridique ».
Partant, en considerant non etabli le droit de propriete des fonds,deposes entre les mains de la Caisse de Depot et de Consignations, dans lechef de la premiere demanderesse, notamment au motif que la provenance desfonds, deposes initialement sur son compte, est inconnue, la cour d'appelmeconnait la force obligatoire du contrat sui generis de depot de fonds àvue intervenu entre la banque aupres de laquelle ledit compte etait ouvertet la demanderesse, titulaire dudit compte (violation des articles 1101,1102 et 1134 du Code civil), les effets qu'il revet entre les parties(violation des articles 1119, 1126, 1127, 1130, 1137, 1892, 1893, 1895,1902, 1903, 1904, 1915, 1919, 1921, 1922, 1927 et 1932 du Code civil),meconnait l'effet novatoire des remises et inscriptions sur le compte dedepot à vue (violation de l'article 1271 du Code civil), meconnait leprincipe suivant lequel, sous reserve d'une eventuelle revendicationemanant des tiers, les sommes inscrites sur le compte de depot de fonds àvue font partie du patrimoine du titulaire de ce compte et constituentaussi le gage commun des creanciers de celui-ci (violation des articles 7et 8 de la loi hypothecaire, 544 et 2279 du Code civil) et viole lesdispositions dont il ressort que seuls les biens du debiteur peuvent etresaisis-arretes par le creancier (violation des articles 1395, 1413, 1445,1447, 1449, 1452 du Code judiciaire, 7 et 8 de la loi hypothecaire du 16decembre 1851 et 409 du Code des impots sur les revenus 1992).
DEVELOPPEMENTS
1. Selon une jurisprudence constante de Votre Cour le juge des saisies estcompetent pour juger de la legalite et la regularite des saisies (Cass. 29septembre 1986, Pas. 1987, I, 120 ; Cass. 28 septembre 1990, Pas. 1991, I,nDEG 46 ; Cass. 3 juin 1994, Pas. 1994, I, nDEG 554 ; Cass. 9 novembre2000, Pas. 2000, I, nDEG 610 ; Cass. 1er decembre 2005, Pas 2005, 2394).
Il ressort des articles 7 et 8 de la loi hypothecaire, 1413, 1445, 1147,1449 et 1452 du Code judiciaire que seuls les biens du debiteur peuventetre saisis.
Partant, il appartenait à la cour d'appel, en tant que juge d'appel dujuge des saisies, de verifier si les sommes saisies appartenaient ausecond demandeur, ce qui etaient conteste par les demandeurs.
Selon la jurisprudence de Votre Cour, hormis le cas de simulation, unesaisie-arret-execution ne peut, en regle, etre pratiquee qu'à charge dudebiteur et non d'un tiers ; la circonstance qu'un tiers, dote de lapersonnalite civile, a des liens de nature patrimoniale avec un debiteurn'a pas pour effet de permettre une saisie pratiquee à sa charge, sanstitre executoire (Cass. 6 decembre 1996, Pas. 1996, I, nDEG 490, etArr.Cass. 1996, 1172, concl. Av.gen. Bresseleers, notamment 1173 ; G. deLeval, Traites des saisies. Regles communes, Ed. de la CollectionScientifique de la Faculte de Droit de Liege, 1988, 275-276, nDEG 140A).
Il en a ete decide de meme en matiere de saisie conservatoire.
Le tiers ne pourra etre tenu comme debiteur qu'en cas de simulation, deconfusion et generalement d'attitude fautive engageant sa responsabiliteenvers le poursuivant (G. de Leval, o.c., 275-276, nDEG 140A).
Une societe morale a une personnalite distincte de ses organes. Il en estde meme en droit luxembourgeois.
Il s'ensuit que les biens de la societe ne peuvent pas etre saisis par lecreancier d'un de ses associes ou administrateurs.
Or, en l'occurrence, la cour d'appel semble admettre que l'existen-ce deliens patrimoniaux entre la societe de droit luxembourgeois et le seconddemandeur autorisait le defendeur à saisir à charge du second demandeurles sommes, que la premiere demanderesse avait transferees à la Caissedes Depots et Consignations, et ce en l'absence de toute constatation desimulation.
2. La cour d'appel meconnait egalement le droit de propriete ducautionnement dans le chef de celui qui l'a constitue.
Il est en effet admis que « l'objet fourni au titre de cautionnementreste la propriete de celui qui l'a fourni jusqu'au moment ou le jugepenal decidera du sort à lui reserver. » (conclusion de l'Avocat generaldelegue De Koster, precedant Cass. 28 juin 2007, Pas. 2007, nDEG 366).
Il est vrai que Votre Cour a decide qu' « En decidant que la demande enrestitution formulee par les ayants droit de l'inculpe etait irrecevableà defaut de qualite et d'interet au motif que les fonds ayant servi aucautionnement impose à cet inculpe avaient ete verses par une societe àl'avocat de cet inculpe, la cour d'appel n'a pas legalement justifie sadecision. » (Cass. 21 mars 2012, Pas. 2012, nDEG 186, concl. Proc. gen.J.-F. Leclercq).
Il echet toutefois d'observer que dans l'affaire precitee, les fondsavaient transites par le compte de l'avocat du prevenu, soit sonmandataire.
En l'occurrence, suivant l'extrait de compte et l'attestation deconsignation, cites par la cour d'appel, les fonds provenaient directementdu compte de la premiere demanderesse.
Il echet par ailleurs de relever que dans une autre procedure serapportant à la caution et dans laquelle Votre Cour a, par arret du 17mars 2014, casse un autre arret de la Cour d'appel de Bruxelles, le jugede renvoi a decide qu'il etait etabli que la caution a ete versee par lapremiere demanderesse et n'appartient pas au second demandeur, de sorteque cette somme ne pouvait pas etre saisie par les creanciers du seconddemandeur (Cour d'appel de Liege, 11 fevrier 2016, RG 2014/RG/1277).
3. Enfin, la cour d'appel meconnait la nature du compte en ban-que ainsique l'effet novatoire de toute inscription au compte.
Le compte à vue s'analyse comme une convention sui generis, qui tienttant du depot que du pret de consommation et du mandat, sans pouvoir etrereduit à aucune de ces qualifications au sens strict (C. Alter, Droitbancaire general, Bruxelles, Larcier, 2000, 193, nDEG 213).
La monnaie scripturale ou l'avoir en compte demeure fondamentalementl'expression d'une creance du titulaire du compte envers la banque (C.Alter, o.c., 200, nDEG 227 ; F. Georges, La saisie de la monnaiescripturale, Bruxelles, Larcier, 2006, 264, nDEG 174).
En regle, la creance en remboursement envers la banque appartient autitulaire du compte (C. Alter, o.c., 201, nDEG 229). Selon F. Georges letitulaire du compte est incontestablement titulaire - proprietaire si l'onveut - d'unites de paiement dans ce reservoir qu'est le compte (F.Georges, o.c., 264, nDEG 174).
Toute remise ou inscriptions sur le compte de depot à vue a un effetnovatoire.
Il s'ensuit que quelle que soit la provenance des fonds, ceux-ci sefondront dans la patrimoine du titulaire du compte et, pourront, le casecheant, faire l'objet d'une saisie-arret d'un creancier du titulaire ducompte.
Les demandeurs se referent quant à ce à l'arret de Votre Cour du 27janvier 2011 (Cass. 27 janvier 2011, Pas. 2011, nDEG 79, concl. Av. gen.Henkes).
En considerant non etabli le droit de propriete des fonds, deposes entreles mains de la Caisse de Depots et de Consignations, dans le chef de lapremiere demanderesse, au motif que la provenance des fonds, deposes surson compte, est inconnue, la cour d'appel meconnait la force obligatoiredu contrat sui generis de depot de fonds intervenu entre la banque aupresde laquelle ledit compte etait ouvert et la demanderesse, titulaire duditcompte, son effet novatoire ainsi que le principe suivant lequel, sousreserve d'une eventuelle revendication emanant des tiers, les sommesinscrites sur le compte de depot de fonds à vue font partie du patrimoinedu titulaire de ce compte et constituent aussi le gage commun descreanciers de celui-ci.
PAR CES CONSIDERATIONS
Conclut pour les demandeurs, l'avocat à la Cour de cassation soussigne,qu'il Vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arret entrepris, renvoyerla cause et les parties à une autre cour d'appel ; depens comme de droit.
Bruxelles, 18 mars 2016.
20 AVRIL 2017 C.16.0131.F/1
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