Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.0108.N
I. J. V.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Jesse Van den Broeck, avocat au barreau de Gand.
II. H. B.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Joachim Meese, avocat au barreau de Gand.
I. la procédure devant la cour
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 29 novembre 2016 par lacour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
Le demandeur I invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présentarrêt, en copie certifiée conforme.
Le demandeur II invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt,en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat général Luc Decreus a conclu.
II. la décision de la cour
Sur la recevabilité du pourvoi I :
1. L'arrêt attaqué déclare les faits des préventions corrigées A2 et C1non établis dans le chef du demandeur I et décide l'abandon des poursuitesde leur chef à l'égard du demandeur I.
Dans la mesure où il est également dirigé contre cette décision, lepourvoi I est irrecevable, à défaut d'intérêt.
Sur le premier moyen du demandeur I :
2. Le moyen invoque la violation des articles 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 149 de laConstitution, 235bis, 235ter du Code d'instruction criminelle et 30 de laloi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédurepénale : l'arrêt attaqué décide, à tort, que, compte tenu des arrêts rendules 11 mai 2010, 30 novembre 2010 et 19 juillet 2016 par la chambre desmises en accusation, le demandeur ne peut plus alléguer la provocationdevant le juge du fond ; l'arrêt du 11 mai 2010 a été rendu en applicationde l'article 235bis du Code d'instruction criminelle, mais le demandeur In'était pas partie à cet arrêt, de sorte qu'il n'est pas lié par ladécision de la chambre des mises en accusation ; l'arrêt du 30 novembre2010 a été rendu en application de l'article 235ter du Code d'instructioncriminelle et donc pas en application de l'article 235bis, de sorte que ledemandeur I n'est pas lié par cet arrêt en ce qui concerne laprovocation ; l'arrêt du 19 juillet 2016 se prononce uniquement sur larégularité de l'observation et de l'infiltration ; les juges d'appel nepouvaient pas décider que cette arrêt exclut la provocation dans la phasepréparatoire ; cela est incompatible avec l'article 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
3. L'article 235ter, § 1^er, du Code d'instruction criminelle institueune procédure distincte, inquisitoire et non contradictoire, dans le cadrede laquelle la chambre des mises en accusation examine seulement larégularité de la mise en œuvre des méthodes particulières de recherched'observation et d'infiltration. La décision rendue par la chambre desmises en accusation sur ce contrôle est contraignante.
4. Cette procédure n'affecte toutefois en rien l'application éventuellede la procédure prévue à l'article 235bis du Code d'instructioncriminelle.
5. Le contrôle par la chambre des mises en accusation des méthodesparticulières de recherche, conformément à l'article 235ter du Coded'instruction criminelle, effectué sans qu'il soit statué au terme d'uneprocédure contradictoire sur la régularité de la procédure et del'obtention de la preuve à l'aide du dossier non confidentiel, n'interditpas à un prévenu d'alléguer la provocation devant le juge du fond.
6. Par arrêt du 30 novembre 2010, la chambre des mises en accusations'est prononcée sur la régularité des méthodes particulières de recherched'observation et d'infiltration, sans toutefois se prononcer conformémentà la procédure visée à l'article 235bis du Code d'instruction criminelle.La circonstance que la chambre des mises en accusation décide, dansl'arrêt rendu le 30 novembre 2010 en application de l'article 235ter duCode d'instruction criminelle, qu'il n'est pas question de provocation etqu'il n'y a pas lieu d'appliquer l'article 235bis du Code d'instructioncriminelle, n'empêche pas un prévenu d'alléguer la provocation devant lejuge du fond. L'arrêt attaqué ne peut ainsi décider que l'arrêt du 30novembre 2010 est contraignant pour la provocation alléguée par ledemandeur I.
7. L'article 189ter du Code d'instruction criminelle ne confère à lachambre des mises en accusation, dans le cas visé à cette disposition, quela compétence limitée, prévue à l'article 235ter du Code d'instructioncriminelle, de contrôler la régularité des méthodes particulières derecherche d'observation et d'infiltration. Dans ce cas, la chambre desmise en accusation ne connaît pas de la cause comme le prévoit l'article235bis, § 2, du Code d'instruction criminelle, et elle n'est pas davantagecompétente pour apprécier la régularité de la procédure qui lui estsoumise. Ce contrôle ressortit à la compétence exclusive du juge du fondsaisi de la cause.
8. L'arrêt du 19 juillet 2016 statue en application des articles 189teret 235ter du Code d'instruction criminelle et conclut à la régularité dela mise en œuvre des méthodes particulières de recherche d'observation etd'infiltration. L'arrêt attaqué ne peut ainsi décider que cet arrêt estcontraignant en ce qui concerne la provocation alléguée par le demandeurI.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.
Sur le moyen du demandeur II :
Quant à la première branche :
9. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 189teret 235ter du Code d'instruction criminelle : l'arrêt décide, à tort, que,par les arrêts du 11 mai 2010 et du 19 juillet 2016, la chambre des misesen accusation a, en ce qui concerne le demandeur II, statué à titredéfinitif et de manière contraignante sur la provocation alléguée par ledemandeur ; l'article 235bis, § 5, du Code d'instruction criminellen'empêche pas, si la chambre des mises en accusation s'est prononcée, dansle cadre d'un examen de prime abord de l'opportunité de maintenir ladétention préventive, sur une cause d'irrecevabilité de l'action publique,que cette cause soit à nouveau soumise à l'appréciation du juge du fond ;par l'arrêt du 11 mai 2010, la chambre des mises en accusation n'a procédéqu'à une appréciation de prime abord, compte tenu de sa décision selonlaquelle, en l'état actuel de l'instance, il n'y pas lieu de déclarerl'action publique irrecevable sur la base de l'argumentation avancée ; deplus, l'interdiction résultant de l'article 235bis, § 5, du Coded'instruction criminelle, de soumettre à nouveau au juge du fond une caused'irrecevabilité de l'action publique déjà examinée par la chambre desmises en accusation, ne vaut pas lorsque cette cause concerne laprovocation dans le cadre d'une infiltration mise en œuvre et que denouveaux éléments nécessitant un nouveau contrôle de la régularité decette infiltration sont apparus à la suite de la décision de la chambredes mises en accusation ; les juges d'appel qui, compte tenu de laprovocation invoquée par le demandeur II, ont invité le ministère public àcompléter le dossier en y versant un certain nombre de procès-verbaux quin'y figuraient pas, et qui ont décidé, sur leur base, qu'un nouveaucontrôle de la mise en œuvre des méthodes particulières de recherched'observation et d'infiltration était nécessaire, ne pouvaient plusdécider que la chambre des mises en accusation s'est prononcée sur laprovocation en étant liée par l'arrêt du 11 mai 2010 et par celui du 19juillet 2016 rendu en application de l'article 235bis du Coded'instruction criminelle ; les juges d'appel ne pouvaient déduire del'arrêt rendu en application de l'article 235ter du Code d'instructioncriminelle ayant conclu à la régularité de la mise en œuvre des méthodesparticulières de recherche d'observation et d'infiltration, sans qu'ilsoit fait application de l'article 235bis du Code d'instructioncriminelle, que le demandeur II ne peut invoquer la provocation devant lejuge du fond.
10. L'article 189ter du Code d'instruction criminelle ne confère à lachambre des mises en accusation, dans le cas visé à cette disposition, quela compétence limitée, prévue à l'article 235ter du Code d'instructioncriminelle, de contrôler la régularité des méthodes particulières derecherche d'observation et d'infiltration. Dans ce cas, la chambre desmises en accusation ne connaît pas de la cause comme le prévoit l'article235bis, § 2, du Code d'instruction criminelle, et elle n'est pas davantagecompétente pour apprécier la régularité de la procédure qui lui estsoumise. Ce contrôle ressortit à la compétence exclusive du juge du fondsaisi de la cause.
11. L'arrêt du 19 juillet 2016 statue en application des articles 189teret 235ter du Code d'instruction criminelle et conclut à la régularité dela mise en œuvre des méthodes particulières de recherche d'observation etd'infiltration. L'arrêt attaqué ne peut ainsi décider que cet arrêt estcontraignant en ce qui concerne la provocation alléguée par le demandeurII.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.
Sur les autres griefs des demandeurs :
12. Il n'y a pas lieu de répondre aux autres griefs qui ne sauraiententraîner une cassation sans renvoi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il déclare certains faits nonétablis ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêtpartiellement cassé ;
Rejette le pourvoi I pour le surplus ;
Condamne le demandeur I à un dixième des frais de son pourvoi ;
Réserve la décision sur le surplus des frais afin qu'il soit statué surcelui-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel d'Anvers ;
* Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président,Alain Bloch, Antoine Lievens, Erwin Francis et Ilse Couwenberg,conseillers, et prononcé en audience publique du dix-huit avril deuxmille dix-sept par le conseiller faisant fonction de président FilipVan Volsem, en présence de l'avocat général Luc Decreus avecl'assistance du greffier délégué Véronique Kosynsky.
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* Traduction établie sous le contrôle du président de section BenoîtDejemeppe et transcrite avec l'assistance du greffier VéroniqueKosynsky.
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* Le greffier, Le président de section,
18 AVRIL 2017 P.17.0108.n/1