La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/04/2017 | BELGIQUE | N°P.17.0105.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 avril 2017, P.17.0105.N


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.17.0105.N

H. M.,

prévenu,

demandeur en cassation,

Me Kim Keersmaekers, avocat au barreau de Termonde.

I. la procédure devant la cour

Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 3 janvier 2017 par letribunal de première instance de Flandre orientale, division Termonde,statuant en degré d'appel.

Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, encopie certifiée conforme.

Le conseiller Ilse Couwenberg a fait rapport.

L'avocat général Luc

Decreus a conclu.

II. la décision de la cour

Sur le moyen, pris dans son ensemble :

1. Le moyen invoque la violation des arti...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.17.0105.N

H. M.,

prévenu,

demandeur en cassation,

Me Kim Keersmaekers, avocat au barreau de Termonde.

I. la procédure devant la cour

Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 3 janvier 2017 par letribunal de première instance de Flandre orientale, division Termonde,statuant en degré d'appel.

Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, encopie certifiée conforme.

Le conseiller Ilse Couwenberg a fait rapport.

L'avocat général Luc Decreus a conclu.

II. la décision de la cour

Sur le moyen, pris dans son ensemble :

1. Le moyen invoque la violation des articles 15, § 5, du Pacteinternational relatif aux droits civils et politiques, 6, 13 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertésfondamentales 2, § 1^er, du Protocole n° 7 additionnel à la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 204 et 206du Code d'instruction criminelle : le jugement attaqué déclare, à tort, ledemandeur déchu de son appel en raison de l'imprécision des griefs ; ledemandeur a utilisé le formulaire de griefs établi par arrêté royal, danslequel il a coché les griefs qu'il souhaitait soumettre à l'appréciationdes juges d'appel ; l'article 204 du Code d'instruction criminellerequiert uniquement que les griefs soient précisément indiqués et non queles griefs soient motivés dans ledit formulaire ou qu'ils soient fondés ;en décidant que, selon la plaidoirie du conseil du demandeur, seul un deshuit griefs cochés est pertinent en appel et que les autres griefs sontimprécis, trop vagues et sans pertinence, les juges d'appel ont appréciéle bien-fondé des griefs et ont, à tort, assorti l'article 204 du Coded'instruction criminelle d'une condition qu'il ne comporte pas (premièrebranche) ; l'article 206, alinéa 6, du Code d'instruction criminellepermet au demandeur de limiter son appel à l'audience ; les juges d'appeln'ont ainsi pu davantage déduire de la seule constatation que, selon laplaidoirie du conseil du demandeur, seul un des griefs cochés estpertinent, que les griefs initialement formulés sont imprécis, entraînantla déchéance de l'appel (deuxième branche) ; la décision selon laquelle lefait qu'à l'audience, une partie n'estime plus opportuns certains griefsformulés induit l'imprécision des griefs et donc la déchéance de l'appel,implique de surcroît un formalisme excessif contraire au droit à un procèséquitable (troisième branche).

2. Le droit à l'accès à un tribunal garanti par l'article 6, § 1^er, dela Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertésfondamentales, tel qu'interprété par la Cour européenne des droits del'homme, n'empêche pas les États membres d'assortir l'introduction derecours de conditions, pour autant que celles-ci servent un objectiflégitime et qu'il existe une proportion raisonnable entre les conditionsimposées et l'objectif poursuivi. Ces conditions ne peuvent avoir pourconséquence qu'il soit porté substantiellement atteinte au droit àintroduire un recours. Dans le cadre de l'application de ces conditions,le juge ne peut faire preuve ni d'un formalisme excessif tel qu'il soitporté atteinte au caractère équitable de la procédure, ni d'une souplesseexagérée telle que les conditions imposées en perdent leur objet.

3. L'article 204 du Code d'instruction criminelle dispose :

« À peine de déchéance de l'appel, la requête indique précisément lesgriefs élevés, y compris les griefs procéduraux, contre le jugement et estremise, dans le même délai et au même greffe que la déclaration visée àl'article 203. Elle est signée par l'appelant, son avocat ou tout autrefondé de pouvoir spécial. Dans ce dernier cas, le pouvoir est annexé à larequête. (…) Un formulaire dont le modèle est déterminé par le Roi peutêtre utilisé à cette fin. (…) »

Le formulaire de griefs visé à l'article 204, alinéa 3, du Coded'instruction criminelle a été établi par l'arrêté royal du 18 février2016 portant exécution de l'article 204, alinéa 3, du Code d'instructioncriminelle.

4. Il ressort de ces dispositions et de leur genèse légale que :

- en instaurant l'obligation d'indiquer précisément les griefs élevéscontre le jugement rendu en première instance, le législateur a pour butde voir traiter plus efficacement les affaires pénales en degré d'appel etveut particulièrement éviter une charge de travail inutile en nesoumettant plus à la juridiction d'appel des décisions non contestées ;

- par l'obligation d'indiquer précisément les griefs, l'appelant est forcéde réfléchir à l'opportunité d'interjeter appel et à ses conséquences, etl'intimé peut immédiatement discerner quelles décisions du jugement renduen première instance sont contestées et sur quoi devra porter sa défenseen appel ;

- toutes les parties qui interjettent un appel principal ou accessoire sevoient dans l'obligation, à peine de déchéance dudit appel, de préciserles points du jugement rendu en première instance qu'il y aurait lieu demodifier, sans devoir toutefois indiquer les arguments en faveur desmodifications visées ;

- le formulaire de griefs type est surtout destiné à ceux qui n'ont niavocat ni une grande instruction afin qu'ils prennent conscience de laportée de l'acte d'appel et de la faculté de le limiter, et pour leurpermettre de préciser les points sur lesquels il y a lieu de modifier ladécision rendue en première instance ;

- le but de l'utilisation du formulaire de griefs ne peut être de cochersystématiquement tous les griefs, dès lors que l'objectif poursuivi par lelégislateur ne peut, de ce fait, être atteint.

Il résulte de ce qui précède que l'obligation imposée à un appelant parl'article 204 du Code d'instruction criminelle d'indiquer précisément, àpeine de déchéance de l'appel, les griefs élevés contre la décision dontappel, est conforme à l'article 6 de la Convention de sauvegarde desdroits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Les objectifs poursuivis par le législateur avec l'obligation enmatière répressive d'indiquer précisément les griefs en appel, peuventseulement être atteints si cette obligation est appréciée au moment où larequête ou le formulaire de griefs doivent être introduits au plus tard.

Le fait que des parties puissent se désister de l'appel ou limitercelui-ci en matière répressive jusqu'à l'audience, conformément àl'article 206 du Code d'instruction criminelle, ou le fait de se désisterd'un ou plusieurs des griefs ne peuvent remédier à un défaut de précisiondans la désignation des griefs dans la requête ou dans le formulaire degriefs.

Le simple fait qu'une partie déclare, à l'audience, se désister de sonappel, le limiter ou se désister d'un ou plusieurs griefs ne suffit pasdavantage pour constater que les griefs indiqués dans la requête ou dansle formulaire de griefs ne sont pas indiqués de manière suffisammentprécise.

6. Le grief visé à l'article 204 du Code d'instruction criminelle est ladésignation spécifique par l'appelant d'une décision distincte du jugementdont appel, dont il demande la réformation par la juridiction d'appel.

Il n'est pas requis que, dans sa requête ou son formulaire de griefs,l'appelant :

* énonce déjà les raisons pour lesquelles il demande cette réformation ;

* qu'il coche uniquement le grief le plus « exact » ;

* qu'il limite ses griefs à ceux qui ne peuvent être soulevés d'officepar le juge ;

* qu'il précise déjà pour chaque grief coché sur quelle préventioncelui-ci porte.

7. Il appartient à la juridiction d'appel de décider souverainement enfait si, dans sa requête ou dans le formulaire de griefs, l'appelant aindiqué de manière suffisamment précise ses griefs élevés contre lejugement dont appel, comme le requiert l'article 204 du Code d'instructioncriminelle.

8. La Cour vérifie si le juge ne tire pas de ses constatations desconséquences sans lien avec celles-ci ou qu'elles ne sauraient justifier.

9. Le jugement attaqué constate que :

- le demandeur a coché comme griefs : “1.1 déclaration de culpabilité”,“1.2 qualification de l'infraction”, “1.3 règles concernant la procédure”,“1.4 taux de peine”, “1.6 non-application du sursis simple - du sursisprobatoire - de la suspension simple - de la suspension probatoiredemandé(e)”, “1.9 prescription”, “1.10 violation de la [Convention desdroits de l'homme]”, “1.11 acquittement A et B” ;

- il a été déclaré, au nom du demandeur, que son appel était uniquementdirigé contre la décision de déclarer établis les faits sous lespréventions A et B, et qu'à l'exception du grief “1.1 déclaration deculpabilité”, tous les autres griefs ont été cochés par prudence.

Le jugement attaqué déclare le demandeur déchu de son appel du faitd'avoir omis d'indiquer tous ses griefs de manière suffisamment précise,par les motifs suivants :

* seul un des huit griefs cochés est pertinent en appel, à savoir legrief « 1.1 déclaration de culpabilité” ;

* selon la plaidoirie du conseil du demandeur, le grief “1.2qualification de l'infraction” indiqué au nom du demandeur est sanspertinence dès lors que l'appel est uniquement dirigé contre ladécision de déclarer les faits établis ; le demandeur n'a pasdavantage précisé quelle prévention concerne ce grief ;

* « la même chose » vaut pour les griefs 1.3, 1.4, 1.6 et 1.10 ;

* il n'était pas dans l'intention du demandeur d'interjeter appel enraison d'une possible prescription ; le grief “1.9 prescription” estégalement un élément que le tribunal doit soulever d'office dès lorsque la prescription de l'action publique ne relève pas de l'ordrepublic ;

* le grief “1.11 acquittement A et B” est insuffisamment précis dès lorsque le grief exact pour la demande visant à être acquitté despréventions A et B est le grief « 1.1 déclaration de culpabilité”.

Il ressort de ces constatations que les juges d'appel ne se sont pasplacés au moment où il y avait lieu d'introduire la requête ou leformulaire de griefs, qu'ils ont pris en considération l'absenced'indication des motifs pour les griefs et qu'ils ont décidé qu'un griefne peut être invoqué concernant une décision que les juges d'appel sonttenus d'examiner d'office. Par conséquent, le jugement attaqué ne peutlégalement décider que le demandeur n'a pas satisfait à l'obligationimposée par l'article 204 du Code d'instruction criminelle d'indiquerprécisément ses griefs et ne peut, par ce motif, déclarer le demandeurdéchu de son appel.

Le moyen est fondé.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse le jugement attaqué ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugementcassé ;

Réserve la décision sur les frais afin qu'il soit statué sur ceux-ci parla juridiction de renvoi ;

Renvoie la cause, ainsi limitée, au tribunal correctionnel de Flandreorientale, siégeant en degré d'appel, autrement composé.

* Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président,Alain Bloch, Antoine Lievens, Erwin Francis et Ilse Couwenberg,conseillers, et prononcé en audience publique du dix-huit avril deuxmille dix-sept par le conseiller faisant fonction de président FilipVan Volsem, en présence de l'avocat général Luc Decreus avecl'assistance du greffier délégué Véronique Kosynsky.

* Traduction établie sous le contrôle du conseiller Françoise Roggen ettranscrite avec l'assistance du greffier Véronique Kosynsky.

* Le greffier, Le conseiller,

18 AVRIL 2017 P.17.0105.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.0105.N
Date de la décision : 18/04/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 14/09/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-04-18;p.17.0105.n ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award