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18/04/2017 | BELGIQUE | N°P.17.0087.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 avril 2017, P.17.0087.N


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.17.0087.N

R. M.,

prévenu,

demandeur en cassation,

Me Elisabeth De Smedt, avocat au barreau de Termonde.

I. la procédure devant la cour

Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 27 décembre 2016 par letribunal correctionnel de Flandre orientale, division Termonde, statuanten degré d'appel.

Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, encopie certifiée conforme.

Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.

L'avocat général Luc De

creus a conclu.

II. la décision de la cour

Sur le moyen :

1. Le moyen invoque la violation des articles 6 de la Convention d...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.17.0087.N

R. M.,

prévenu,

demandeur en cassation,

Me Elisabeth De Smedt, avocat au barreau de Termonde.

I. la procédure devant la cour

Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 27 décembre 2016 par letribunal correctionnel de Flandre orientale, division Termonde, statuanten degré d'appel.

Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, encopie certifiée conforme.

Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.

L'avocat général Luc Decreus a conclu.

II. la décision de la cour

Sur le moyen :

1. Le moyen invoque la violation des articles 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 204 duCode d'instruction criminelle : le jugement déclare, à tort, le demandeurdéchu de son appel en raison de l'imprécision de ses griefs ; conformémentà l'arrêté royal, l'appelant a utilisé le formulaire de griefs établi parcet arrêt royal et, en cochant les quatre griefs 1.4, 1.6, 1.9 et 1.12, ila rempli la condition de la précision ; il a ainsi indiquéindiscutablement les décisions dont il souhaite la réformation, sans avoirdû spécifier pourquoi il contestait la décision attaquée sur ces points etdonc sans avoir dû invoquer des moyens à l'appui de ses griefs ; le faitque deux des quatre griefs soient sans pertinence et que le demandeur adéclaré se désister de ceux-ci, ne délie pas le juge de l'obligation destatuer sur les deux autres griefs ; il résulte, de surcroît, de lajurisprudence de la Cour européenne des droits l'homme que faire preuved'un formalisme trop strict dans l'appréciation des conditionsd'introduction d'un recours est contraire à l'article 6 de la Conventionde sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

2. Le droit à l'accès à un tribunal garanti par l'article 6, § 1^er, dela Convention, tel qu'interprété par la Cour européenne des droits del'homme n'empêche pas les États membres d'assortir l'introduction derecours de conditions, pour autant que celles-ci servent un objectiflégitime et qu'il existe une proportion raisonnable entre les conditionsimposées et l'objectif poursuivi. Ces conditions ne peuvent avoir pourconséquence de porter substantiellement atteinte au droit à introduire unrecours. Dans le cadre de l'application de ces conditions, le juge ne peutfaire preuve ni d'un formalisme excessif tel qu'il est porté atteinte aucaractère équitable de la procédure, ni d'une souplesse exagérée telle queles conditions imposées en perdent leur objet.

3. L'article 204 du Code d'instruction criminelle dispose :

« À peine de déchéance de l'appel, la requête indique précisément lesgriefs élevés, y compris les griefs procéduraux, contre le jugement et estremise, dans le même délai et au même greffe que la déclaration visée àl'article 203. Elle est signée par l'appelant, son avocat ou tout autrefondé de pouvoir spécial. Dans ce dernier cas, le pouvoir est annexé à larequête.

Cette requête peut aussi être remise directement au greffe du tribunal oude la cour où l'appel est porté.

Un formulaire dont le modèle est déterminé par le Roi peut être utilisé àcette fin.

La présente disposition s'applique également au ministère public. »

4. Le formulaire de griefs visé à l'article 204, alinéa 3, du Coded'instruction criminelle a été établi par l'arrêté royal du 18 février2016 portant exécution de l'article 204, alinéa 3, du Code d'instructioncriminelle. Ce formulaire pré-imprimé comporte une liste de griefspossibles notamment contre les dispositions relatives à l'action publique(1.1 à 1.12) et mentionne que l'utilisateur du formulaire doit cocher lacase adéquate et, le cas échéant, biffer ce qui ne convient pas etcompléter avec les remarques éventuelles.

5. Il résulte de ces dispositions et des travaux préparatoires de la loique :

- en instaurant l'obligation d'indiquer précisément les griefs élevéscontre le jugement rendu en première instance, le législateur a pour butde voir traiter plus efficacement les affaires pénales en degré d'appel etveut particulièrement éviter une charge de travail inutile en nesoumettant plus à la juridiction d'appel des décisions non contestées ;

- par l'obligation d'indiquer précisément les griefs, l'appelant est forcéde réfléchir à l'opportunité d'interjeter appel et à ses conséquences, etl'intimé peut immédiatement discerner quelles décisions du jugement renduen première instance sont contestées et sur quoi devra porter sa défenseen appel ;

- toutes les parties qui interjettent un appel principal ou accessoire sevoient dans l'obligation, à peine de déchéance dudit appel, de préciserles points du jugement rendu en première instance qu'il y aurait lieu demodifier, sans devoir toutefois indiquer les arguments en faveur desmodifications visées ;

- le formulaire de griefs type est surtout destiné à ceux qui n'ont niavocat ni une grande instruction afin qu'ils prennent conscience de laportée de l'acte d'appel et de la faculté de le limiter, et pour leurpermettre de préciser les points sur lesquels il y a lieu de modifier ladécision rendue en première instance ;

- le but de l'utilisation du formulaire de griefs ne peut être de cochersystématiquement tous les griefs, dès lors que l'objectif poursuivi par lelégislateur ne peut, de ce fait, être atteint.

Il résulte de ce qui précède que l'obligation imposée à un appelant parl'article 204 du Code d'instruction criminelle d'indiquer précisément, àpeine de déchéance de l'appel, les griefs élevés contre la décision dontappel, est conforme à l'article 6 de la Convention de sauvegarde desdroits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Il doit être satisfait à l'obligation d'indiquer précisément lesgriefs au moment où la requête ou le formulaire de griefs doivent êtreintroduits.

Les objectifs que le législateur poursuit par cette obligation ne peuventêtre réalisés que de cette manière. Il en résulte que la circonstancequ'un appelant qui déclare se désister de certains griefs aprèsl'expiration du délai imparti pour introduire une requête ou un formulairede griefs, ne peut remédier à un défaut de précision dans l'indication desgriefs et que ce désistement ne peut davantage être pris en considérationpour conclure que les griefs ne sont pas suffisamment précis.

7. Un grief tel que visé à l'article 204 du Code d'instruction criminelleest la désignation spécifique par l'appelant d'une décision distincte dujugement dont appel, dont il demande la réformation par la juridictiond'appel; il n'est pas requis que, dans sa requête ou son formulaire degriefs, l'appelant énonce déjà les raisons pour lesquelles il demandecette réformation.

8. Il appartient à la juridiction d'appel de décider souverainement enfait si l'appelant a indiqué ses griefs élevés contre le jugement dontappel dans sa requête ou dans le formulaire de griefs de manièresuffisamment précise, comme le requiert l'article 204 du Coded'instruction criminelle et, dans son appréciation, la juridiction d'appelpeut notamment prendre en considération le fait que l'appelant qui utilisele formulaire de griefs a également coché des griefs sans aucunepertinence pour la décision entreprise.

9. La Cour vérifie si le juge ne tire pas de ses constatations desconséquences sans lien avec celles-ci ou qu'elles ne sauraient justifier.

10. Le jugement attaqué constate que :

- le demandeur a coché comme griefs : « 1.4 taux de peine », « 1.6non-application du sursis simple - du sursis probatoire - de la suspensionsimple - de la suspension probatoire demandé(e) », « 1.9 prescription » et« 1.12 autres » ;

- il a été déclaré, au nom du demandeur, que l'appel n'a été dirigé qu'enraison de la sanction infligée par le juge du fond et qu'à la question dutribunal, le conseil du demandeur a confirmé le désistement pour lesautres griefs cochés dans le formulaire de griefs.

Le jugement attaqué décide, par les motifs suivants, que le demandeur estdéchu de son appel en raison du manque de précision de tous ses griefs ;

* seuls deux des quatre griefs cochés sont pertinents en degré d'appel,à savoir le grief « 1.4 taux de peine » et le grief « 1.6non-application du sursis simple - du sursis probatoire - de lasuspension simple - de la suspension probatoire demandé(e) » ;

* le grief coché au nom du demandeur concernant la prescription n'estpas pertinent, compte tenu de ce que le fait mis à charge du demandeurremonte au 1^er janvier 2016, alors que le délai de prescription pourl'infraction s'élève à trois ans, de sorte qu'il n'est nullementquestion de prescription et que, par ailleurs, le tribunal aurait dûsoulever un moyen d'office concernant la prescription de l'actionpublique ; ce grief est ainsi inexact, trop vague et sans pertinence ;

* le grief « 1.12 autres » a été coché, mais pas complété, de sorte queles juges d'appel n'ont pu en déduire précisément quelle partie dujugement attaqué devait être réformée et ce grief, sans aucune autreexplication, est lacunaire, indéfini et à tout le moins inexact etimprécis.

11. Un appelant qui coche le point « 1.9 prescription » dans le formulairede griefs indique de la sorte indubitablement qu'il souhaite laréformation de la décision rendue par le juge du fond sur la prescriptionde l'action publique. L'obligation prévue à l'article 204 du Coded'instruction criminelle de préciser les griefs n'implique pas quel'appelant serait également tenu d'exposer pourquoi la décision rendue surla prescription (ou non) est erronée. La circonstance que, selon les jugesd'appel, la prescription de l'action publique n'est pas encore atteinte endegré d'appel ou qu'ils ont examiné d'office la prescription de l'actionpublique ne permet pas de statuer autrement.

Les juges d'appel ne pouvaient ainsi décider que le grief « 1.9prescription » n'était pas précis.

12. Bien qu'il soit recommandé qu'un appelant, qui coche la rubrique «1.12 autres » du formulaire de griefs, précise quelle disposition rendueau pénal par le jugement dont appel il souhaite voir réformer, il neressort pas du formulaire de griefs que son utilisateur y soit obligé. Parconséquent, la juridiction d'appel ne peut déduire de la seulecirconstance qu'un appelant n'a pas fourni de plus amples informations encochant cette rubrique, qu'il n'a pas précisé ses griefs.

Par conséquent, les juges d'appel ne pouvaient déduire des motifs qu'ilsont énoncés que l'appelant n'a pas précisé ses griefs et le déclarer déchude son appel.

Dans cette mesure, le moyen est fondé.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse le jugement attaqué ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugementcassé ;

Réserve la décision sur les frais afin qu'il soit statué sur ceux-ci parla juridiction de renvoi ;

Renvoie la cause, ainsi limitée, au tribunal correctionnel de Flandreorientale, siégeant en degré d'appel, autrement composé.

* Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président,Alain Bloch, Antoine Lievens, Erwin Francis et Ilse Couwenberg,conseillers, et prononcé en audience publique du dix-huit avril deuxmille dix-sept par le conseiller faisant fonction de président FilipVan Volsem, en présence de l'avocat général Luc Decreus avecl'assistance du greffier délégué Véronique Kosynsky.

* Traduction établie sous le contrôle du président de section BenoîtDejemeppe et transcrite avec l'assistance du greffier VéroniqueKosynsky.

* Le greffier, Le président de section,

18 AVRIL 2017 P.17.0087.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.0087.N
Date de la décision : 18/04/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 14/09/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-04-18;p.17.0087.n ?
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