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16/03/2017 | BELGIQUE | N°C.16.0146.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 mars 2017, C.16.0146.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.16.0146.F

ARCHITECTURE L. G., societe civile ayant adopte la forme de la societeprivee à responsabilite limitee,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

contre

IMMO WALL, societe privee à responsabilite limitee venant aux droits etobligations de la societe anonyme Groupe Promo,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre J

acqueline Oosterboch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfonta...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.16.0146.F

ARCHITECTURE L. G., societe civile ayant adopte la forme de la societeprivee à responsabilite limitee,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

contre

IMMO WALL, societe privee à responsabilite limitee venant aux droits etobligations de la societe anonyme Groupe Promo,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterboch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 29 octobre 2015par la cour d'appel de Liege.

Le conseiller Didier Batsele a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, la demanderesse presente un moyen.

III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

Quant aux premiere et deuxieme branches reunies :

La requete civile ne peut etre formee pour des causes dont la partie a euconnaissance ou pouvait avoir connaissance avant le jugement dont laretractation est poursuivie ou avant l'expiration des voies de recours.

Le moyen, qui, en ces branches, repose sur le soutenement qu'il suffit,pour declarer la requete civile recevable, que le requerant prouve que lapartie adverse s'est rendue coupable de manoeuvres frauduleuses qui ontinduit le juge en erreur, manque en droit.

Quant à la troisieme branche :

L'arret considere qu'« il resulte [...] des ecrits de procedure deposestant en premiere instance qu'en appel que la [demanderesse] avaitconnaissance du fait que tous les blocs, à l'exception du bloc A, avaientete effectivement vendus à E. V. avant la date de la resiliation de laconvention d'architecture », que, « mise à part l'identite del'acquereur des blocs B et E, les elements et les donnees invoques par la[demanderesse] à l'appui de la requete civile lui etaient connus àl'epoque de la procedure ayant abouti à l'arret prononce le 16 mai2013 », que, « s'il n'apparait pas qu'elle a effectivement euconnaissance, avant le prononce de [cet] arret, en l'absence deproduction, à l'epoque, du compromis signe, du fait que la vente portantsur les blocs B et E avait ete conclue avec la societe anonyme Anver enconstitution, force est de constater qu'elle aurait pu disposer de cetteinformation lors de la procedure anterieure ».

L'arret considere en outre que « les elements de preuve que [lademanderesse] produit à l'appui de la requete civile auraient pu etreraisonnablement recueillis par elle au cours de la procedureanterieure », qu'en effet, alors que « tous les documents qu'elleproduit actuellement lui ont ete communiques par E. V. posterieurement àl'arret [prononce le 16 mai 2013] », « [la demanderesse] ne soutientpas, ni a fortiori ne prouve, avoir sollicite celui-ci à l'epoque pourobtenir egalement la copie du compromis signe portant sur la vente desbatiments B et E ainsi que tous documents probants etablissant le paiementvante d'interets sur les prix de vente convenus en septembre 2007 ».

Ces considerations suffisent à fonder la decision de l'arret que « [lademanderesse] a fait preuve de negligence en s'abstenant d'accomplir desdemarches qui lui auraient permis de produire aux debats, lors del'instruction de la demande originaire, les elements sur lesquels ellefonde sa requete ».

Dirige contre une consideration surabondante, le moyen, en cette branche,est irrecevable.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

* Les depens taxes à la somme de mille quatre cent quatre-vingt-huiteuros seize centimes envers la partie demanderesse.

* Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles,ou siegeaient le president de section Christian Storck, le conseillerDidier Batsele, les presidents de section Albert Fettweis et MartineRegout et le conseiller Mireille Delange, et prononce en audiencepublique du seize mars deux mille dix-sept par le president de sectionChristian Storck, en presence de l'avocat general Thierry Werquin,avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

+----------------------------------------+
| L. Body | M. Delange | M. Regout |
|-------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+----------------------------------------+

* Requete

POURVOI EN CASSATION

POUR : La societe de personne à responsabilite limitee A. L.-G.,

Demanderesse en cassation, assistee et representee par Me HuguetteGeinger, avocat à la Cour de Cassation soussignee, ayant son cabinetà 1000 Bruxelles, rue des Quatre-Bras, 6, chez qui il est faitelection de domicile,

CONTRE : La societe de personne à responsabilite limitee Immo Wall,venant aux droits de la societe anonyme Groupe Promo,

Defenderesse en cassation,

* * *

A Messieurs les Premier President et President, Mesdames et Messieursles Conseillers, composant la Cour de Cassation,

Messieurs,

Mesdames,

La demanderesse en cassation a l'honneur de deferer à la censure deVotre Cour l'arret, rendu le 29 octobre 2015 par la vingtieme chambrede la Cour d'appel de Liege (R.G. 2014/RG/167).

FAITS ET RETROACTES

Par convention signee le 29 avril 2004 la sa Groupe Promo a confie àla demanderesse une mission architecturale complete dans le cadre dela renovation d'un complexe de batiments existants, connu sous ladenomination « Caserne Major Cogniaux », situes àStembert-Verviers, pour un montant d'honoraires fixe forfaitairementà 175.000 euros, HTVA et hors frais. Cette convention a ensuite eteadaptee.

Apres signature de cette convention les parties ont discute d'uneadaptation du contrat.

La sa Group Promo a transmis à la demanderesse une convention dateedu 14 mai 2005. Il y fut entre autres stipule qu' « au cas ou l'undes batiments est aliene, l'architecte aura droit au solde deshonoraires y afferents et ce, dans le huit jours de la passation del'acte authentique de vente ».

Le 11 septembre 2007 une convention de vente sous seing prive, portantsur l'ensemble immobilier, à l'exception des batiments A1, A2, A3,A4, B, E et P et du terrain, a ete signee avec la societe Key-Investselon les documents que la demanderesse avait pu se procurer.

Ensuite est nee une contestation relative à la facturation.

La defenderesse refusant de payer certaines factures, la demanderesses'est finalement adressee au Tribunal de commerce de Liege, dont ladecision est intervenue le 16 novembre 2011, deboutant la demanderessede sa demande.

En degre d'appel la Cour d'appel de Liege a confirme cette decisionpar arret du 16 mai 2013.

La cour d'appel a notamment constate que l'acte authentique de lavente precitee n'avait jamais ete passe et qu'il etait acquisqu'avaient ete signees en date des 14 avril 2008 et 10 novembre 2009deux nouvelles conventions de vente au profit d'acquereurs differents,à savoir pour partie avec un acquereur different, la sa Anver, soitposterieurement à la resiliation de la convention d'architecture.

Le 17 janvier 2014 la demanderesse a fait signifier à la defenderesseune requete civile, s'y prevalant du dol personnel de la sa GroupePromo. Elle y faisait notamment valoir que la sa Groupe Promo avaitdissimule à la cour d'appel d'avoir signe (dejà) le 11 septembre2007 le contrat de vente avec la societe Anver, et non la societeKey-Invest, qu'elle avait refuse de produire, et avoir pretendu queles parties ne s'etaient mises d'accord sur la vente des batiments Bet E qu'en novembre 2009 et avoir produit un compromis de vente de cesbatiments, signe le 10 novembre 2009, alors que le compromis de venteavait dejà ete signe le 11 septembre 2009.

Par arret du 29 octobre 2015 la Cour d'appel de Liege a dit la requeteirrecevable et a condamne la demanderesse aux depens de l'instancefixes au profit de la defenderesse à la somme de 10.000 euros et luia delaisse ses propres depens.

La demanderesse estime pouvoir presenter le moyen developpe ci-aprescontre l'arret precite.

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Dispositions legales violees

-articles 877, 879, 915, 1132, 1133, 1DEG et 2DEG, et 1136 du Codejudiciaire,

-article 1116 du Code civil

Decision attaquee

Par l'arret entrepris du 29 octobre 2015 la Cour d'appel de Liege adit la requete civile de la demanderesse irrecevable et l'a condamneeaux depens de l'instance, fixes au profit de la defenderesse à lasomme de 10.000 euros et lui a delaisse ses propres depens. Cettedecision est fondee sur les motifs suivants :

« Aux termes de l'arret du 16.05.2013, la cour de ceans a doncnotamment decide que les obligations des parties etaient determineesnon seulement par la convention signee le 29.04.2005 mais egalementpar la convention adaptee du 14.05.2005 de sorte que la claused'alienation visee a l'article 6 de cette derniere convention etaitentree dans le champ contractuel.

La cour a cependant rejete la demande de la (demanderesse) relative aupaiement d'un solde d'honoraires base sur cette clause d'alienationpour les motifs suivants : « Certes, l'appelante produit uneconvention de vente sous seing prive signee le 11.09.2007 par levendeur, la SA G.P. INVEST et la SA GROUPE PROMO et par l'acquereur,la societe KEY-INVEST, vente portant sur l'ensemble immobilierconcerne sauf les batiments A1, A2, A3, A4, B, E et P et les biensmeubles se trouvant sur le bien vendu, pour le prix de 8.250.000-L-HTVA (piece 66 du dossier de l'appelante).

Cependant, la clause d'alienation litigieuse subordonne le droit del'appelante à la perception du solde des honoraires afferents auxbatiments alienes à la passation de l'acte authentique de vente.

Or, il est acquis que l'acte authentique de la vente conclue le11.09.2007 n'a jamais ete passe et qu'ont ete signees, en dates des14.04.2008 et 10.11.2009, deux nouvelles conventions de vente auprofit d'acquereurs differents, les actes authentiques ayant etepasses respectivement les 04.07.2008 et 22,01.2010 (pieces 14 et 28 dudossier de l'intimee).

Il n'est nullement etabli que (la defenderesse) aurait agi de la sortepour tenter d'eluder le solde des honoraires dus aux architectes etaurait en consequence adopte un comportement contraire à la bonne foidevant presider à l'execution des conventions. La cour releve à cetegard que la vente finalement conclue l'a ete, pour partie, avec unacquereur different (la SA ANVER) et que l'objet et le prix de lavente finalement conclue avec la SA KEY-INVEST different de ceuxconvenus dans la convention signee le 11.09.2007 (le batiment P faitdesormais partie de la vente et le prix conclu est inferieur, etantfixe à 6.320.286 EUR HTVA) (pieces 14 et 28 du dossier del »intimee).

Il suit des considerations qui precedent qu'en l'absence de passationde l'acte authentique du contrat de vente signe le 11.09.2007,l'appelante n'est pas fondee, en vertu de la clause d'alienationqu'elle invoque, à solliciter paiement du solde d'honoraires dus surles batiments, objets de la vente.

L'appelante ne peut, sur base de la clause d'alienation litigieuse,pretendre a des honoraires complementaires suite à la passation desactes authentiques de vente au profit des societes KEY-1NVEST et SAANVER, ces actes authentiques etant relatifs à des contrats de ventesignes les 14.04.2008 et 10.11.2009, soit posterieurement a laresiliation de la convention d'architecture » (page 18 de l'arret du16.05.2013).

La (demanderesse) soutient, a l'appui de sa requete civile, que lacour de ceans n'a pu statuer de la sorte que par la suite demanoeuvres frauduleuses commises par la SA GROUPE PROMO, laquelle,d'une part «a dissimule a la connaissance de la Cour, le contrat devente signe par elle et la societe ANVER, et non KEY-INVEST, le 11septembre 2007, qu'elle a refuse de produire, faisant etat enconclusions d'appel que la requerante n'avait produit qu'un contratnon signe » et d'autre part a pretendu que « non seulement ce projetde convention n'avait pas ete signe, mais qu'en outre elle-meme ainsique la partie acheteuse s'etaient seulement mis d'accord sur la ventedes batiments B et E en novembre 2009 » (pages 23, 24 et 45 desconclusions d'appel de la SA GROUPE PROMO), produisant un compromis devente signe le 10.11.2009, ayant donne lieu à un acte authentique du22,01.2010 (page 2 de fa requete civile).

La (demanderesse) expose, dans sa requete civile, que Monsieur E. V.lui a fait parvenir le 18,07.2013 le compromis signe le 11.09.2007entre lui-meme, representant la SA ANVER en constitution, et la SAGROUPE PROMO pour les batiments B et E avant de lui adresser par lasuite, en juillet et septembre 2013, plusieurs courriels dans lesquelsil confirme que la SA GROUPE PROMO avait exige et obtenu le paiementd'interets sur le prix convenu pour les batiments B et E en raison duretard accuse pour la passation de l'acte authentique de vente,interets totalisant 370.000 EUR repartis entre 2007 et 2013 (lire2010) (page 3 de la requete civile).

La (demanderesse) a annexe une copie conforme de ces differentsdocuments à la requete civile.

Dans le cadre de sa requete civile, la (demanderesse) fait parailleurs etat d'un certain nombre de documents communiques par E. V.par courriels du 12.11.2013, documents qui à son estime permettentd'etablir que la SA GROUPE PROMO a effectivement fait payer a E. V.des interets sur les sommes prevues dans les deux compromis de ventesignes le 11.09.2007, depuis novembre 2007, date prevue pour lapassation des actes authentiques de vente.

La (demanderesse) produit ces documents dans le cadre de la presenteinstance.

La (demanderesse) argue que les documents lui communiquesposterieurement à l'arret du 16.05.2013 demontrent le caracteredefinitif des engagements pris par les parties ayant signe lescompromis dates du 11.09.2007 et en consequence, le bien-fonde de sademande relative au paiement d'un solde d'honoraires sur base de laclause d'alienation.

La (demanderesse) soutient que les manoeuvres frauduleuses qu'elleimpute à la SA GROUPE PROMO (dissimulation du contrat de vente signele 11.09.2007 avec la SA ANVER et affirmations mensongeres quant à ladate de la conclusion de la vente des batiments B et E) ont determinela cour à statuer comme de l'a fait et sont constitutives du dol viseà l'article 1133, 1DEG du Code judiciaire, cause ouvrant a requetecivile et justifiant la retractation de l'arret de la cour de ceans du16.05.2013 en ce qu'il decide que la reclamation du solde deshonoraires et frais d'architecte, basee sur la convention conclueentre la SA GROUPE PROMO et elle-meme le 14.05.2005, est non fondee.

(...)

DISCUSSION.

1.

La requete civile est une voce de recours extraordinaire par laquelleune partie demande au juge qui a rendu une decision passee en force dechose jugee de retracter celle-ci pour une des causes limitativementenumerees par la loi, reposant sur une erreur de fait, non imputableau juge, et decouverte posterieurement au prononce de ladite decision(H. BOULLARBAH et consorts, Droit judiciaire, tome II, Manuel deprocedure civile, sous la dir. sc. de Georges de LEVAL, Bruxelles,LARCIER, 2015, p. 1173 et ref. citees).

La requete civile ne peut etre assimilee à un degre supplementaire dejuridiction ; elle est soumise à des conditions tres strictes et nepeut etre formee pour des causes dont la partie a eu connaissance, oupouvait avoir connaissance, avant le prononce de la decision dont laretractation est poursuivie (Cass., 26.05.1995, Pas., 1995, I, p. 541;Gand, 09.03.2004, R.D.J.P., 2005, p. 93).

II faut ainsi assimiler, sous l'angle de la recevabilite de la requetecivile, le cas de la partie qui, pouvant recueillir des preuves denature à determiner la conviction du juge, refuse de les recueillirou de les produire au cas de celui qui produirait l'appui de sarequete des elements qui ne sont pas posterieurs à la decision dontla retractation est poursuivie (Proc. Gen, W.-J. GANSHOF VAN DERMEERSCH, conclu. precedent Cass., 16.05.1974, Pas., 1974, I, p. 964).

Doit en consequence etre declaree irrecevable la requete civile fondeesur des elements dont la partie a eu connaissance avant la decision ousur des elements de preuve produits apres la decision mais que lapartie eut raisonnablement pu recueillir avant. L'echec probatoire,dans ce cas, ne peut etre impute qu'à la negligence de la partie ou asa malice (H. BOULLARBAH et consorts, op.cit., p. 1174 ; Cass,,26,05.1995, Pas., 1995, I, p. 541).

2.

En l'espece, la (demanderesse) invoque comme cause au soutien de larequete civile le dol de la SA GROUPE PROMO, à qui elle reproched'avoir commis des manoeuvres frauduleuses, etant la dissimulation ducompromis de vente portant sur les batiments B et E signe le11.09.2007 avec la SA ANVER en constitution, representee par M. E. V.et les affirmations mensongeres quant à la date de la conclusion desventes intervenues avec les societes de M. E. V. .

Elle produit, à l'appui de la requete civile, la copie du compromisde vente signe le 11.09.2007, mentionnant comme acheteur la societeANVER en constitution, et portant sur les batiments B et E, copie quilui a ete communiquee par E. V. en juillet 2013 ainsi que la copie decourriels echanges en juillet et septembre 2013 entre elle-meme et R.V. dans lesquels ce dernier confirme qu'il a paye des interets à laSA GROUPE PROMO en raison du retard dans la passation des actesauthentiques.

Elle invoque par ailleurs, au terme de la requete civile, differentsdocuments lui communiques par E. V. en novembre 2013 et qui, selonelle, etablissent qu'E. V. a effectivement paye à la SA GROUPE PROMOdes interets sur les montants prevus par les conventions de septembre2007.

Il appert de la lecture des conclusions deposees en instance et enappel par la (demanderesse) que cette derniere y denonc,ait dejàl'attitude de la SA GROUPE PROMO, sans certes la qualifierexpressement a l'epoque de doleuse.

Ainsi, dans ses conclusions d'instance, la (demanderesse) denonc,aitla « mauvaise fol caracterisee » de la SA GROUPE PROMO qui soutenaitque « sa decision de resiliation unilaterale notifiee par soncourrier du 22.12.2007 est intervenue avant les operations de cessiondes immeubles (...), [element] dementi par l'historique et les piecesdu dossier » (page 18 des conclusions additionnelles et de synthesedeposees par la (demanderesse) devant le tribunal de premiere Instancede Liege - piece 14 du dossier de procedure).

Dans ses conclusions d'appel, la (demanderesse) evoquait en outre «l'intention de nuire » et la « deloyaute procedurale » de la SAGROUPE PROMO qui a « deliberement opte pour une defense mettant enexergue la pretendue absence de signature » des compromis du11.09.2007 « alors qu'elle savait pertinemment qu'elle y avaitelle-meme apposee sa signature » (pages 43 et 44 des conclusions desynthese d'appel de la (demanderesse) -piece 21 du dossier de laprocedure).

II resulte par ailleurs des ecrits de procedure deposes tant eninstance qu'en appel que la (demanderesse) avait connaissance du faitque tous les blocs, a l'exception du bloc A, avaient ete effectivementvendus à E. V. avant la date de la resiliation de la conventiond'architecture.

Ainsi, la (demanderesse) affirmait-elle en terme de conclusions quemalgre les denegations de la SA GROUPE PROMO, un compromis de vente abien ete etabli le 11.09.2007 pour tous les blocs, sauf le A (page 18des conclusions de synthese de la (demanderesse) piece 14 du dossierde la procedure devant le tribunal de premiere Instance de Liege ;page 42 des conclusions de synthese d'appel de la (demanderesse) -piece 21 du dossier de la procedure W.).

En termes de conclusions de synthese deposees dans le cadre de lapresente instance, la (demanderesse) affirme avoir ete avisee l'epoquede la vente par M. V. D. B., mandataire 'd'E. V., via un appeltelephonique (page 4, point 6 in fine des conclusions de synthese dela (demanderesse)).

La (demanderesse) a du reste depose, tant en instance qu'en appel, despieces susceptibles d'accrediter la realite de cette vente (...)

(...)

La cour releve en outre que, dans un courriel a dresse le 15.07.2013 aE. V. et produit en annexe de la requete civile, les architectes L. etG. s'expriment en ces termes : « En plus, vous devez savoir que F.6vous avait vendu à un prix normal les batiments, jamais il n'a parledes interets payes par vous pour le retard de la vente. On ne sesouvient plus du montant mais c'etait enorme, plus de 100.000 EUR ?...d'interets depuis sept.07 jusqu'à l'acte. Les interets etaient-lispour tous les blocs ? II a bien profite de vous » (annexe 2 à larequete civile).

La SA GROUPE PROMO deduit des termes de ce courriel que la(demanderesse) avait rec,u des informations quant au paiementd'interets de retard sur le prix de vente fixes au compromis de 2007alors que la procedure judiciaire etait encore pendante (page 56 deses conclusions de synthese sur procedure en retractation).

La (demanderesse) ne conteste pas autrement cette deduction, secontentant de noter que « le fait que les architectes aient entenduM. V. mentionner le paiement d'interets anterieurement, mais sans leurdonner aucun document, ne leur permettait pas de deposer la requetecivile, qui doit s'appuyer sur des preuves produites et ils nepouvaient donc la deposer tant qu'ils n'avaient pas rec,u les preuvesen question » (page 15 des conclusions de synthese de la(demanderesse)).

En l'absence de denegation formelle de la (demanderesse), il doit etretenu pour acquis qu'elle avait connaissance du versement d'interetspar E. V. sur le prix de vente des blocs alors que la procedure etaittoujours en cours.

Il resulte des considerations qui precedent que, mise a partl'identite de l'acquereur des blocs B et E, les elements et lesdonnees invoquees par la (demanderesse) à l'appui de la requetecivile lui etalent connus à l'epoque de la procedure ayant abouti àl'arret prononce le 16.05.2013.

S'il n'apparait pas qu'elle a effectivement eu connaissance, avant leprononce de l'arret entrepris, en l'absence de production a l'epoquedu compromis signe, du fait que la vente portant sur les blocs B et Eavait ete conclue avec la SA ANVER en constitution, force est deconstater qu'elle aurait pu disposer de cette information lors de laprocedure anterieure.

La cour observe à cet egard que, contrairement à ce qu'ellesoutient, les elements de preuve que la (demanderesse) produit al'appui de la requete civile auraient pu etre raisonnablementrecueillis par elle au cours de la procedure anterieure.

Tous les documents qu'elle produit actuellement lui ont etecommuniques par E. V. posterieurement a l'arret entrepris.

Or, E. V. lui avait dejà communique, en date du 18.10.2011, un desdeux compromis de vente signes le 11.09.2007 (page 18 de sesconclusions) tandis qu'il lui avait fourni des informationsrelativement au paiement d'interets sur le prix convenu dans lescompromis de 2007 (cfr supra).

Alors qu'elle devait etre en contact frequent avec E. V., avec lequelelle a conclu un contrat d'architecture des fevrier 2008, la(demanderesse) ne soutient pas7, ni a fortiori ne prouve, avoirsollicite celui-ci a l'epoque pour obtenir egalement la copie ducompromis signe portant sur la vente des batiments B et E ainsi quetous documents probants etablissant le paiement vante d'interets surles prix de vente convenus en septembre 2007.

La (demanderesse) ne pouvait ignorer l'importance que revetait laproduction de ces documents pour la defense de ses interets comptetenu des arguments opposes par la SA GROUPE PROMO, laquelle deniaitnotamment toute valeur aux compromis de septembre 2007 et produisaitdes actes authentiques ne coincidant pas avec les compromis produits.

Force est egalement de constater que la (demanderesse) n'a formule, aucours de la procedure anterieure, aucune demande probatoire telle quela tenue d'enquete ou la production de documents par la SA GROUPEPROMO ou, le cas echeant, par E. V. dans l'hypothese - qui n'est passoutenue - ou ce dernier n'aurait pas volontairement accede a unedemande de communication de pieces.

II apparait ainsi que la (demanderesse) a fait preuve de negligence ens'abstenant d'accomplir des demarches qui lui auraient permis deproduire aux debats, lors de l'instruction de la demande originaire,les elements sur lesquels elle fonde sa requete.

La circonstance, epinglee par la (demanderesse), que la SA GROUPEPROMO n'a pas rempli son devoir de collaboration a l'administration dela preuve est irrelevante, n'etant pas elusive de sa proprenegligence.

La requete civile, voie de recours extraordinaire, ne peut etreinstrumentalisee aux fins de pallier un manque de diligence commis encours de proces.

II appartenait a la (demanderesse) d'entreprendre les demarchesnecessaires en temps utile, ainsi qu'elle l'a fait pour introduire larequete civile.

II suit de l'ensemble des considerations qui precedent que la requetecivile doit etre declaree Irrecevable.

3.

(...)

4.

Compte tenu des sommes reclamees par la (demanderesse) au terme de sesderniers ecrits de procedure (conclusions additionnelles et desynthese deposees le 20.01.2015 - piece 17 du dossier de laprocedure), le montant de base de l'indemnite de procedure s'eleve ala somme de 7.700 (litige situe dans la tranche 250.000 à 500.000EUR).

La SA GROUPE PROMO entend reclamer le montant de l'indemnite deprocedure maximale, invoquant le caractere manifestement deraisonnablede la situation.

Elle epingle notamment la circonstance que la (demanderesse) aintroduit le present recours de maniere legere.

L'introduction d'une procedure de maniere legere peut constituer unelement d'appreciation du caractere manifestement deraisonnable de lasituation (B. PETIT, « La repetibilite actualites legislatives ettendances jurisprudentielles », in Recyclage en droit, Droitjudiciaire, Anthemis, 2011, p. 31 et pp. 47 et 48 et ref. citees).

II apparait qu'en l'espece, nonobstant le caractere exceptionnel de larequete civile et la severite correlative de l'examen de sarecevabilite, la (demanderesse) a introduite de maniere temeraire ens'appuyant soit sur des elements dont elle avait connaissance avantl'arret entrepris, soit sur des elements de preuve qu'elle auraitraisonnablement pu recueillir dans le cadre de la procedureanterieure.

Ce comportement temeraire justifie l'octroi d'une indemnite deprocedure majoree et fixee a la somme de 10.000 EUR.

*

* *

Tous autres moyens invoques par les parties sont, au vu des motifs quiprecedent, non pertinents. »

Griefs

Premiere branche

Aux termes de l'article 1132 du Code judiciaire les decisions passeesen force de chose jugee, rendues par les juridictions civiles, et parles juridictions repressives en tant que celles-ci ont statue sur lesinterets civils, peuvent etre retractees sur la requete civile formeepar ceux qui y auront ete parties ou dument appeles, sans prejudicedes droits appartenant au ministere public.

La requete civile est une voie de recours extraordinaire, par laquelleune partie demande au juge, qui a rendu une decision passee en forcede chose jugee, de retracter celle-ci pour une des causes, enumereeslimitativement par la loi, reposant sur une erreur de fait, nonimputable au juge et decouverte posterieurement au prononce de laditedecision.

L'article 1133 du Code judiciaire enumere limitativement les causes derequete civile.

Il s'ensuit que la requete civile est ouverte s'il y a eu dolpersonnel (article 1133, 1DEG du Code judiciaire) ou encore si, depuisla decision, il a ete recouvre des pieces decisives et qui avaient eteretenues par le fait de la partie (article 1133, 2DEG du Codejudiciaire).

Pour apprecier s'il y a eu dol il y a lieu de se referer à ladefinition qui en est donnee en matiere contractuelle par l'article1116 du Code civil.

Il s'ensuit qu'il faut d'abord des manoeuvres frauduleu-ses deployeesen vue d'obtenir une decision favorable en trompant le juge. Tel serale cas lorsque la partie trompe le juge par une affirmation mensongereet/ou une dissimulation frauduleuse de pieces, constituant ensembleune manoeuvre dolosive. L'affirmation d'un fait que l'on sait inexactet la denegation d'un fait que l'on sait avere sont, à elles seules,constitutives de dol.

Il faut ensuite que ces manoeuvres soient le fait de la partie enfaveur de laquelle la decision a ete rendue ou le fait de la personnedont celle-ci repond.

Ces manoeuvres frauduleuses doivent avoir determine le juge à statuercomme il l'a fait, ce qui sera le cas lorsque ensuite de cesmanoeuvres, le juge, dont la decision est passee en force de chosejugee, n'a pu prendre connaissance de faits susceptibles d'etredeterminants pour la solution du litige ou lorsque ce dol vise àempecher la partie adverse de faire valoir sa contradiction.

Enfin, la cause ne sera pas admise si, avant le prononce, le demandeurconnaissait ou devait connaitre les elements constitutifs du dol, àsavoir les manoeuvres dolosives, telles que le mensonge ou ladissimulation dans le but de tromper le juge.

La loi ne pose pas d'autres conditions à la recevabilite de larequete civile.

En l'occurrence, la demanderesse faisait valoir dans la requete civileque « la partie intimee a dissimule à la connaissance de la Cour, lecontrat de vente signe par elle et la societe ANVER, et non KEYINVEST, le 11 septembre 2007, qu'elle a refuse de produire, faisantetat en conclusion d'appel que la requerante n'avait produit qu'uncontrat non signe, alors qu'il etait en sa possession » et qu'elleavait « pretendu devant la Cour que, non seulement ce projet deconvention n'avait pas ete signe, mais qu'en outre elle-meme ainsi quela partie acheteuse s'etaient seulement mis d'accord sur la vente desbatiments B et E en novembre 2009, et que (la defenderesse) avaitproduit un compromis de vente de ces batiments signe le 10 novembre2009, qui avait donne lieu à un acte authentique du 22 janvier2010 », alors qu' « il s'agit bien de la vente des batiments B et E,par (la defenderesse), les batiments etant achetes par une SA, enformation lors de la signature du compromis du 11 septembre 2007, laSA ANVER dont le siege serait avenue Charles Quint 345 à 1082Bruxelles, et representee par m. E. V., de [...], declarant etrehabilite à agir pour la societe pour laquelle il se porte fort ».

La demanderesse produisait à l'appui de cette requete la copie ducompromis de vente signe le 11 septembre 2007, mentionnant commeacheteur la societe ANVER en constitution et portant sur les batimentsB et E, qui avait ete communiquee à la demanderesse par m. V. le 18juillet 2013, soit apres que l'arret definitif du 16 mai 2013 etaitrendu, ainsi que la copie de courriels, echanges avec ce dernier.

Elle precisait à la page 14 de ses conclusions additionnelles et desynthese que les architectes avaient ensuite ete informes par m. V. etavaient rec,u de ce dernier des preuves du fait que la defenderesselui avait bel et bien fait payer des interets sur les montants prevuspar les conventions de septembre 2007, ce qui prouvait que les partiesavaient considere que les compromis de septembre 2007 etaientcontraignants pour les deux.

La cour d'appel reconnait explicitement à la page 16 de l'arretentrepris que la demanderesse ignorait l'identite de l'acquereur desblocs B et E (alinea 1er) et qu' « il n'apparait pas qu'elle aeffectivement eu connaissance, avant le prononce de l'arret entrepris,en l'absence de production à l'epoque du compromis signe, du fait quela vente portant sur les blocs B et E avait ete conclue avec la SAANVER en constitution ».

Si elle considere que la demanderesse aurait pu disposer de cetteinformation lors de la procedure anterieure et que les elements depreuve qu'elle produit à l'appui de la requete civile auraient puetre raisonnablement recueillis par elle au cours de la procedureanterieure, force est de constater que la cour d'appel ne consacreaucune consideration au dol, invoque par la demanderesse, consistantprecisement dans le fait que la defenderesse avait dissimule à laconnaissance de la cour d'appel (et de la demanderesse) le contrat devente signe par elle et par la societe ANVER, et non KEY INVEST, le 11septembre 2007, ni ne constate que la demanderesse devait connaitre ledol invoque.

Partant, en declarant la requete civile irrecevable, notamment auxmotifs que la demanderesse aurait pu disposer de l'informationdissimulee par la defenderesse à la cour d'appel lors de la procedureanterieure et que les elements de preuve qu'elle produit à l'appui dela requete civile auraient pu etre raisonnablement recueillis par elleau cours de la procedure anterieure, sans qu'elle n'examinel'existence du dol personnel allegue dans le chef de la defenderesse,consistant precisement en la dissimulation à la cour d'appel del'existence d'une convention de vente signee le 11 septembre 2007 avecla sa ANVER, portant sur les batiments B et E, et, partant, sansverifier si les manoeuvres de la defenderesse ont à l'epoque trompela cour d'appel, la cour d'appel ne motive pas legalement en droit sadecision (violation des articles 1132, 1133, 1DEG et 2DEG du Codejudiciaire et pour autant que de besoin 1116 du Code civil).

Deuxieme branche

Aux termes de l'article 1132 du Code judiciaire les decisions passeesen force de chose jugee, rendues par les juridictions civiles, et parles juridictions repressives en tant que celles-ci ont statue sur lesinterets civils, peuvent etre retractees sur la requete civile formeepar ceux qui y auront ete parties ou dument appeles, sans prejudicedes droits appartenant au ministere public.

Aux termes de l'article 1133, 1DEG, du Code judiciaire la requetecivile est ouverte s'il y a eu dol personnel.

L'article 1136 du Code judiciaire, tel que d'application avant samodification par la loi du 12 mai 2014, dispose enfin que larequete civile est formee, à peine de decheance, dans les six mois àpartir de la decouverte de la cause invoquee.

Il ressort de l'ensemble de ces dispositions que la requerante civilene peut pas avoir connu plus de six mois avant l'introduction de larequete civile l'existence de la cause invoquee, soit, en l'espece, ladissimulation par la defenderesse à la cour d'appel de l'existenced'une convention signee avec la societe ANVER, et de meme, ne peut pasavoir connu plus de six mois avant l'introduction de la requetecivile, le paiement d'interets, dont elle precisait explicitement enpage 14 de ses conclusions de synthese, qu'elle n'en avait eteinformee par E. V. qu' « ensuite » de leurs conversations de juillet2013, soit apres le prononce de l'arret (les conclusions de syntheseprecisant dans le dispositif qu'elles ne pouvaient etre interpreteescomme impliquant des reconnaissances de fait non expressementreconnus.

La loi ne soumet la recevabilite de la requete civile nullement à lacondition que la requerante civile n'a pas pu recueillirraisonnablement, par d'autres canaux, l'information que la requerantereproche à la partie adverse d'avoir celee frauduleusement au juge.

Ce qu'elle doit prouver, c'est que la partie adverse s'est renduecoupable de manoeuvres frauduleuses qui ont induit en erreur le juge.

Partant, en declarant la requete civile, fondee sur le dol personnelde la defenderesse, irrecevable au motif que la demanderesse aurait purecueillir elle-meme raisonnablement l'information, dissimulee par ladefenderesse, la cour d'appel ajoute à la loi une condition quecelle-ci ne contient pas, et, partant, ne motive pas legalement sadecision (violation des articles 1132, 1133, 1DEG, et 1136 du Codejudiciaire).

Troisieme branche

La cour d'appel declare la requete civile irrecevable, notamment auxmotifs que la demanderesse aurait pu disposer de l'informationdissimulee par la defenderesse à la cour d'appel lors de la procedureanterieure et que les elements de preuve qu'elle produit à l'appui dela requete civile auraient pu etre raisonnablement recueillis par elleau cours de la procedure anterieure.

Elle lui reproche notamment de ne pas avoir formule, au cours de laprocedure anterieure, de demandes probatoires, telle que la tenued'enquete ou la production de documents par la SA GROUPE PROMO ou, lecas echeant, par E. V.

Une demande probatoire suppose par definition que le demandeurpoursuit la preuve d'un fait precis qu'il allegue à l'appui de sademande et, partant, suppose dans le chef du demandeur uneconnaissance prealable du fait qu'il cherche à prouver.

A cet egard il ne suffit pas d'en avoir seulement entendu parler.

Il lui faudra, en outre, convaincre le juge de la pertinence du faitinvoque.

Ainsi, l'article 877 du Code judiciaire dispose explicitement quelorsqu'il existe des presomptions graves, precises et concordantes dela detention par une partie ou un tiers, d'un document contenant lapreuve d'un fait pertinent, le juge peut ordonner que ce document ouune copie de celui-ci certifiee conforme, soit depose au dossier de laprocedure.

Il s'ensuit que la partie, qui demande au juge d'ordonner laproduction de documents devra d'abord convaincre le juge del'existence de tels documents, contenant la preuve d'un faitpertinent. La mesure consistant en la production de documents, porteen effet sur des documents bien determines, ainsi qu'il ressort del'article 879 du Code judiciaire.

Une telle demande suppose des lors que la partie demanderesse convaincle juge de l'existence de documents precis, portant sur un faitpertinent.

Ordonner une telle mesure n'est, par ailleurs, qu'une faculte, non uneobligation dans le chef du juge.

Le meme raisonnement s'impose quant à l'enquete.

L'article 915 du Code judiciaire dispose que, si une partie offre derapporter la preuve d'un fait precis et pertinent par un ou plusieurstemoins le juge peut autoriser cette preuve lorsqu'elle estadmissible.

Il ne s'agit point d'une obligation dans le chef du juge.

En outre, tout comme la production de documents, l'enquete doit portersur des faits precis et pertinents, ce qui suppose la pre-connaissancedesdits faits par le demandeur.

Il s'ensuit que de telles mesures ne peuvent etre envisagees par unepartie que pour autant que et dans la mesure ou celle-ci est aucourant d'un fait precis.

En l'espece, la demanderesse faisait valoir à la page 13 de sesconclusions additionnelles et de synthese que si elle avait entenduparler de la signature le 11 septembre 2007 d'un second compromis, ladefenderesse avait toujours nie avoir signe un deuxieme compromis, ceque la cour d'appel ne contredit pas.

Elle constate, au contraire, que l'identite de la sa ANVER, figurantdans le deuxieme compromis de vente du 11 septembre 2007, lui etaitinconnu.

Or, il ne peut point etre reproche à une partie de ne pas avoirdemande de telles mesures probatoires, si elle etait ignorante, soitd'un fait precis, en l'espece la conclusion le 11 septembre 2007 d'uncompromis de vente avec la SA ANVER, soit de l'existence d'un documentprouvant un fait determine, en l'espece un compromis de vente signepar ladite societe le 11 septembre 2007, que la defenderesse niaitformellement avoir signe.

Enfin, il n'y a aucune certitude que, dans l'hypothese ou de tellesmesures auraient ete demandees, celles-ci auraient ete ordonnees, nique, si elles avaient ete ordonnees, celles-ci auraient revelel'existence de la convention signee avec la societe ANVER.

Partant, la cour d'appel qui ne constate pas qu'à l'epoque lademanderesse connaissait l'existence de la convention signee le 11septembre 2007 avec la societe ANVER, n'a pas pu decider legalementqu'elle avait fait preuve de negligence en s'abstenant d'accomplir desdemarches qui lui auraient permis de produire aux debats, lors del'instruction de la demande originaire, notamment par le biais d'« une demande probatoire telle que la tenue d'enquete ou laproduction de documents par la SA GROUPE PROMO ou, le cas echeant, parE. V. », les elements sur lesquels elle fonde sa demande (violationdes articles 877, 879 et 915 du Code judiciaire) et, partant, n'a paspu declarer legalement la requete civile irrecevable (violation desarticles 1132 et 1133, 1DEG et 2DEG du Code judiciaire).

DEVELOPPEMENTS

1. La requete civile est une voie de recours extraordinaire, parlaquelle une partie demande au juge qui a rendu une decision passee enforce de chose jugee de retracter celle-ci pour une des causesenumerees limitativement par la loi, reposant sur une erreur de fait,non imputable au juge et decouverte posterieurement au prononce deladite decision (J.-Fr. Van Drooghenbroeck, Requete civile, inRepertoire pratique du droit belge. Legislation, Doctrine,Jurisprudence, Bruxelles, Bruylant, 2012, 9, nDEG 1).

La voie de la requete civile est exceptionnelle et « ne doit des lorsetre ouverte qu'à ceux qui n'ont pas eu l'occasion de faire valoircertains moyens par la voie des recours ordinaires, ces moyens n'etantapparus qu'ulterieurement (...) » (Ch. Van Reepinghen, Rapport sur lareforme judiciaire, Pasin. 1967, 474).

La requete civile est soumise à des conditions strictes, pour descauses enumerees dans la loi qui sont toutes posterieures à ladecision dont la retractation est poursuivie et ne peut pas etreassimilee à un degre supplementaire de juridiction (J.-Fr. vanDrooghenbroeck, o.c., 9, nDEG 3 ; G. Closset-Marchal et J.-Fr. vanDrooghenbroeck, Les voies de recours en droit judiciaire prive,Bruxelles, Bruylant, 2009, 516, nDEG 653).

Il est egalement admis que la requete civile ne peut etre introduitepour des causes dont la partie a eu connaissance ou pu avoirconnaissance avant la prononciation du jugement, dont la retractationest poursuivie, ou avant l'expiration des voies de recours (G. deLeval (dir.), Droit judiciaire, tome 2, Manuel de procedure civile,Bruxelles, Larcier, 2015, 1173-1174 ; Ch. Van Reepinghen, o.c., 474 ;Cass. 16 mai 1974, Pas. 1974, I, 962, concl. Proc. Gen. Ganshof vander Meersch, not. 964; Cass. 26 mai 1995, Pas. 1995, I, 541).

Une des causes justifiant la requete civile est le dol personnel dansle chef de la partie meme ou dans celui du mandataire qui l'arepresentee au proces (Cass. 16 mai 1974, Pas. 1974, I, 961, concl.Proc. Gen. Ganshof van der Meersch ; J.-Fr. van Drooghenbroeck, o.c.,21, nDEG 31).

Il est admis que dans l'appreciation du dol personnel il y a lieu dese referer à la definition qui en est donnee en matiere contractuellepar l'article 1116 du Code civil (A. Le Paige, Les voies de recours,Bruxelles, Larcier, 1973, 186, nDEG 202 ; J.-Fr. van Drooghenbroeck,o.c., 22, nDEG 32 ; Cass. 16 mai 1974, Pas. 1974, I, 961, concl. Proc.Gen. Ganshof van der Meersch, not. 962).

Il faut d'abord des manoeuvres frauduleuses deployees en vue d'obtenirune decision favorable en trompant le juge (J.-Fr. van Drooghenbroeck,o.c., 22, nDEG 33). Il y a dol lorsque la partie trompe le juge parune affirmation mensongere et une dissimulation frauduleuse de pieces,constituant ensemble une manoeuvre dolosive (Cass. 16 mai 1974, Pas.1974, I, 962, concl. Proc. Gen. Ganshof van der Meersch ; Cass. 8 mai1958, Pas. 1958, I, 993). L'affirmation d'un fait que l'on saitinexact et la denegation d'un fait que l'on sait avere sont, à ellesseules, constitutives de dol (J.-Fr. van Drooghenbroeck, o.c., 22,nDEG 37).

Il faut que ces manoeuvres soient le fait de la partie en faveur delaquelle la decision a ete rendue ou le fait de la personne dontcelle-ci repond (Cass. 3 mars 1960, Pas. 1960, I, 768 ; J.-Fr. vanDrooghenbroeck, o.c., 23, nDEG 38).

Ces manoeuvres frauduleuses doivent avoir determine le juge à statuercomme il l'a fait (J.-Fr. van Drooghenbroeck, o.c., 23, nDEG 43). Ilest ainsi question de dol au sens de l'article 1133, 1DEG du Codejudiciaire lorsqu'à tout le moins, ensuite de manoeuvres proceduralesmalhonnetes, le juge, dont la decision est passee en force de chosejugee, n'a pu prendre connaissance de faits susceptibles d'etredeterminants pour la solution du litige ou lorsque ce dol vise àempecher la partie adverse de faire valoir sa contradiction (Cass. 11mai 2001, Pas. 2001, 827 ; J.-Fr. van Drooghenbroeck, o.c., 23, nDEG44).

En l'occurrence, la demanderesse reprochait à la defenderesse d'avoirdissimule l'existence d'un compromis de vente signe le 11 septembre2007 avec la sa ANVER à la cour d'appel.

La cour d'appel declare la requete civile irrecevable sans examinerl'existence dudit dol et, partant, sans verifier si les manoeuvres dela defenderesse ont trompe la cour d'appel.

Partant, la decision n'est pas legalement motivee.

2. La requete doit, en outre, etre introduite, conformement àl'article 1136 du Code judiciaire, sous peine de decheance, dans lessix mois de la decouverte de la cause invoquee.

Le delai de six mois court à partir de la decouverte de la causeinvoquee (Cass. 24 juin 1999, Pas. 1999, I, 984; J.-F. vanDrooghenbroeck, o.c., 33, nDEG 81; G. Closset-Marchal et J.-F. vanDrooghenbroeck, o.c., 531, nDEG 672), soit du dol.

Le juge apprecie souverainement le moment ou le demandeur qui forme larequete civile a decouvert ou pu decouvrir la cause invoquee.Cependant, la Cour de Cassation verifie si le juge a pu legalementdeduire des constatations qu'il a faites que le demandeur avait ou apu avoir connaissance à un certain moment de la cause invoquee (Cass.29 decembre 1870, Pas. 1871, I, 65; Cass. 29 mai 2009, Pas. 2009, nDEG346 ; J.-Fr. van Drooghenbroeck, o.c., 34, nDEG 85; G. Closset-Marchalet J.-Fr. van Drooghenbroeck, o.c., 532, nDEG 674).

La loi ne soumet la recevabilite de la requete nullement à lacondition supplementaire que la requerante civile n'a pas purecueillir raisonnablement, par d'autres canaux, l'information que larequerante reproche à la partie adverse d'avoir celee frauduleusementau juge.

Partant, en declarant la requete civile, fondee sur le dol personnelde la defenderesse, irrecevable au motif que la demanderesse aurait purecueillir elle-meme raisonnablement l'information, qu'elle reprochaità la defenderesse d'avoir dissimulee frauduleusement à la courd'appel, la cour d'appel ajoute à la loi une condition que celle-cine contient pas.

3. Enfin, la cour d'appel reproche à la demanderesse de ne pas avoirentrepris certaines demarches probatoires qui aurait permis d'apporterla preuve de la signature du compromis de vente du 11 septembre 2007.

C'est toutefois perdre de vue que toute mesure doit porter sur desfaits precis, ainsi qu'il ressort tant de l'article 877 et 879 que del'article 915 du Code judiciaire, ce qui suppose dans le chef dudemandeur une connaissance prealable du fait qu'il souhaite prouverpar cette mesure, soit en l'occurrence, l'existence d'un compromis devente, signe le 11 septembre 2007 par la sa ANVER, ou une enqueteportant sur la signature dudit compromis, il faut, en effet, d'aborden avoir connaitre l'existence et convaincre le juge de la pertinencedudit fait.

En effet, le juge n'est jamais oblige d'ordonner la production dedocuments (Cass. 14 decembre 1994, Pas. 1995, I, 1165 ; Cass. 17 juin2004, Pas. 2004, 1078 ; Cass. 28 juin 2012, Pas. 2012, 1504). De memeil appreciera souverainement l'utilite d'une enquete (Cass. 17 fevrier1995, Pas. 1995, I, 189 ; Cass. 20 juin 1997, Pas. 1997, I, 715 ;Cass. 4 mars 1999, Pas. 1999, 321).

La cour d'appel ne constate pas qu'à l'epoque la demanderesse quiproduisait deux autres documents datant du 11 septembre 2011,connaissait l'existence de la convention, signee le 11 septembre 2007avec la societe ANVER.

Partant, elle n'a pas pu decider legalement que la demanderesse avaitfait preuve de negligence en s'abstenant d'accomplir des demarches quilui auraient permis de produire aux debats, lors de l'instruction dela demande originaire, à savoir la formulation d' « une demandeprobatoire telle que la tenue d'enquete ou la production de documentspar la SA GROUPE PROMO ou, le cas echeant, par E. V. », les elementssur lesquels elle fonde sa demande.

PAR CES CONSIDERATIONS

Conclut pour la demanderesse l'avocat à la Cour de Cassationsoussignee qu'il Vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arretentrepris, renvoyer la cause et les parties à une autre cour d'appel; depens comme de droit.

Bruxelles, le 14 avril 2016.

16 MARS 2017 C.16.0146.F/4

Requete/14


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.16.0146.F
Date de la décision : 16/03/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 06/05/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-03-16;c.16.0146.f ?
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