Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG C.15.0444.F
T. B.,
demanderesse en cassation,
representee par Maitre Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Louvain, Koning Leopold I-straat, 3, ou il estfait election de domicile jusqu'à l'arret à intervenir,
contre
1. J. D.,
2. M. R.,
defendeurs en cassation,
en presence de
1. P. M.,
2. J. V. C.,
parties appelees en declaration d'arret commun.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 26 mai 2014par le tribunal de premiere instance francophone de Bruxelles, statuant endegre d'appel.
Le president de section Albert Fettweis a fait rapport.
L'avocat general Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, la demanderesse presente un moyen.
III. La decision de la Cour
Sur le moyen :
Aux termes de l'article 1402 du Code judiciaire, les juges d'appel nepeuvent en aucun cas, à peine de nullite, interdire l'execution desjugements ou y faire surseoir.
Cette disposition tend à empecher que le juge d'appel remette en causel'opportunite de l'execution provisoire prononcee par le premier juge.
Elle n'empeche toutefois pas que le juge d'appel annule l'executionprovisoire accordee par le premier juge lorsque celle-ci a ete ordonnee enviolation de la loi ou en meconnaissance d'un principe general du droit.
Les seules irregularites permettant d'annuler l'execution provisoire sontcelles qui affectent la decision rendue sur l'execution provisoire et noncelles qui affectent les decisions rendues sur le fond du litige.
Le moyen, qui reproche au juge d'appel de ne pas avoir annule l'executionprovisoire accordee par le premier juge alors que celui-ci a pris unedecision sur le fond du litige en meconnaissance du droit de defense de lademanderesse, manque en droit.
Et le rejet du pourvoi prive d'interet la demande en declaration d'arretcommun.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi et la demande en declaration d'arret commun ;
Condamne la demanderesse aux depens.
Les depens taxes à la somme de neuf cent vingt-neuf euros six centimesenvers la partie demanderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, le conseiller DidierBatsele, les presidents de section Albert Fettweis et Martine Regout et leconseiller Mireille Delange, et prononce en audience publique du seizemars deux mille dix-sept par le president de section Christian Storck, enpresence de l'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistance dugreffier Lutgarde Body.
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| L. Body | M. Delange | M. Regout |
|-------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
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Requete
Premier feuillet
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| POURVOI EN CASSATION |
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POUR: M. T. B.,
Demanderesse en cassation,
Assistee et representee par Me Paul WOUTERS, avocat à la Cour decassation ayant son cabinet à 3000 Leuven, Koning Leopold I -straat, 3,ou il est fait election de domicile jusqu'à l'arret à intervenir ;
CONTRE: 1. M. J. D.,
Premier defendeur en cassation,
2. M. M. R.,
Deuxieme defendeur en cassation,
3. M. P. M.,
Premiere partie appelee à la cause en declaration d'arret commun,
4. M. J. V. C.
Seconde partie appelee à la cause en declaration d'arret commun,
Deuxieme feuillet
A Messieurs les Premier President et President, Mesdames et Messieurs lesConseillers composant la Cour de cassation de Belgique,
Mesdames,
Messieurs,
La demanderesse en cassation a l'honneur de soumettre à Votre censure, lejugement contradictoirement rendu, entre parties, par la seizieme chambredu Tribunal de premiere instance francophone de Bruxelles, le 26 mai 2014(RG nDEG 2013/8869/A et 2013/8898/A)
1. Les faits de la cause et antecedents de la procedure peuvent etreresumes comme suit :
1. Le premier defendeur s'est presente lors de sa citation en 2000 etdurant la procedure comme proprietaire d'une maison avec jardin sise àIxelles, [...]. Ce fonds est sis en contre-bas des proprietes, d'une part,du second defendeur et, d'autre part, de la demanderesse et la premierepartie, sises respectivement, rue [...] et rue [...], l'ensemble desproprietes precitees etant separees par un mur separatif.
Le litige porte sur ledit mur separatif et plus particulierement sur ladeterioration de l'etat de ce dernier, les eventuelles responsabilitesquant à cette deterioration et les travaux à accomplir en vue de sareparation.
Par jugement du 4 novembre 2004 (R.G. 00A137) rendu par le Juge du Paix ducanton d'Ixelles, un expert judiciaire a ete nomme, en la personne deMonsieur Y. C..
Par jugement rendu en date du 2 decembre 2004 par le Juge de Paix ducanton d'Ixelles, Monsieur l'Expert Y. C. a ete recuse et remplace parl'expert-judiciaire P.-P. H. avec la meme mission que celle-reprise dansle jugement du 4 novembre 2004 precite à savoir :
" En presence de l'expert Monsieur T. C. designe par jugement du 16 mars2000 ;
De se rendre sur les lieux litigieux sis à Ixelles, rue [...] et rue[...] ; y convoquer les parties ;
Troisieme feuillet
De prendre connaissances des dossiers des parties, plus specialement desrapports techniques de l'ingenieur-architecte Madame [...] termine le 12aout 2004 et de l'architecte [...] termine le 16 juin 2003 ; de repondrede maniere specifique, complete et motivee aux questions soulevees dansces deux rapports ;
De justifier, par des raisonnements techniques et motives, contenant descalculs precis, les conclusions auxquelles il arrive,
De faire etablir au moins deux devis emanant de firmes specialiseespouvant effectuer les travaux necessaires à la suppression de toutdommage au mur mitoyen,
Donner un avis sur la part des frais due par chaque partie compte tenu del'incidence respective de chacune des fautes constatees dans leur chef surla survenance du dommage, autrement dit en tenant compte de l'intensite dechaque faute par rapport au prejudice,
De remettre un rapport complet au plus tard dans les 6 mois de la premierereunion, organisee apres reception du present jugement, à defaut d'avoirpu, dans ce meme delai, concilier les parties "
2. Par jugement rendu en date du 25 avril 2013, Monsieur le Juge de PaixCarl VRINTS s'est deporte de ce litige et a remis la cause pourplaidoiries au mercredi 29 mai 2013 devant la Justice de paix du cantond'Ixelles autrement constituee en ce qui concerne le Juge de Paix.
3. Par jugement rendu en date du 20 juin 2013 (RG : [...]), Monsieur leJuge de Paix du canton d'Ixelles a :
* declare la demande du premier defendeur à l'egard du premierdefendeur (lire le second defendeur) et de la demanderesse fondee ;
* dit pour droit que les frais et charges relatives à la remise en etatdu mur mitoyen entre les proprietes des parties seront executees àcharge du premier defendeur, du second defendeur et de la demanderesseconformement à l'article 655 du Code civil ;
* dit pour droit que les travaux de remise en etat du mur mitoyen serontdiligentes par le premier defendeur pour le compte de l'indivision ;
* autorise l'entrepreneur designe par le premier defendeur à avoiracces aux jardins de toutes les parties aux fins d'executer lestravaux commandes.
* Condamne le second defendeur et la demanderesse, chacun pour ce quiles concerne, à payer une astreinte de 250 EUR par jour de refusd'acces à dater du 10eme jour qui suivra la signification du jugementet la mise en demeure consecutive par le premier defendeur de fournirl'acces juge necessaire par l'entrepreneur ;
Quatrieme feuillet
* dit que les travaux seront executes conformement au devis etabli le 10avril 2013 par la S.A. Les entreprises Generales VDP & C à 3040Huldenberg, Wolfhaegen 74 ;
* condamne solidairement, le second defendeur et la demanderesse àpayer au premier defendeur 50% de toutes sommes dont celui-ci seraredevable à la S.A. Les entreprises Generales VDP & C à 3040Huldenberg, Wolfhaegen 74, pour execution des travaux, sur simplepresentation des factures ;les a condamnes solidairement à payer 50%des frais eventuels de consultation et de controle des travaux par uningenieur sur simple presentation des factures; dit qu'ils seraienttenus de payer un interet de retard de 5% sur tout montant impaye 10jours ouvrables suivant la mise en demeure ;
* Dit que le partage des dettes entre le second defendeur et lademanderesse se fera sur la base d'une clef de repartition de 5,30/7à charge de la demanderesse et 1,50/7 à charge du second defendeur ;
* Condamne solidairement le second defendeur et la demanderesse aupaiement d'une somme de 20 EUR par jour d'occupation du jardin dudemandeur par l'entrepreneur, sur la base d'une attestationd'acceptation signee à la liberation des lieux par l'entrepreneur ;
* Condamne le second defendeur et la premiere demanderesse à procederà l'abattage, au rognage et à la devitalisation de tout arbreimplante en leur jardin à moins de 2 metres de distance du murmitoyen dans les 45 jours calendrier de la signification du jugement ;A defaut, les a condamnes au paiement d'une astreinte de 250 EUR parjour de retard à dater de l'expiration de ce delai de 45 jours ;
* Declare la demande formulee à l'egard de la premiere partiepartiellement fondee ;
* Condamne la premiere partie à garantir solidairement lescondamnations exprimees en argent contre la demanderesse et a dit quesa contribution à la dette dans son rapport interne avec demanderessesera reduite à rien ;
* Condamne solidairement les second defendeur et la premieredemanderesse à 50% des depens et l'autre moitie à charge du premierdefendeur;
* Declare le jugement executoire par provision nonobstant tout recourset sans possibilite de caution ni de cantonnement.
4. La demanderesse a interjete appel de ce jugement devant le Tribunal depremiere instance de Bruxelles. Cette procedure d'appel est inscrite sousle numero de role RG [...].
La premiere partie a egalement interjete appel de ce jugement. Cetteprocedure porte le numero de role R.G. [...].
Cinquieme feuillet
Par jugement interlocutoire du 26 mai 2014, le Tribunal de premiereinstance de Bruxelles, statuant en degre d'appel, a :
- joint les causes [...] pour cause de connexite,
- deboute les premier et second defendeurs de leur demande d'exception dela caution judicatum solvi ;
- deboute la demanderesse de sa demande d'annulation de l'executionprovisoire ;
- retablit la demanderesse dans son droit au cantonnement ;
- sursis à statuer pour le surplus.
Il s'agit du jugement defere à Votre censure.
* *
*
Contre le jugement ici attaque, la demanderesse en cassation croit pouvoirfaire valoir le moyen de cassation ci-apres libelle:
Moyen unique de cassation
Les dispositions legales dont la violation est invoquee par lademanderesse en cassation
* L'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme etdes libertes fondamentales, signee à Rome le 4 novembre 1950 etapprouvee par la loi du 13 mai 1955 (ci-apres " CEDH ") ;
* Le principe general du droit relatif au droit de la defense ;
* Les articles 737, 740, 745, 747, S: 2, alinea 6, 748 et 1402 du Codejudiciaire ;
Sixieme feuillet
La decision et les motifs critiques par la demanderesse en cassation
Le jugement attaque, en tant qu'il deboute la demanderesse de sa demanded'annulation de l'execution provisoire (p. 16 du jugement attaque) et ceaux motifs suivants (pp.13 à 15 du jugement attaque):
" Quant à la demande d'annulation de l'execution provisoire
Il resulte du dispositif des conclusions additionnelles et de syntheseapres expertise deposees par (le premier defendeur) devant le juge de paix(conclusions deposees le 15 janvier 2013 (piece 99 du dossier de lajustice de paix), que cette partie avait sollicite l'execution provisoirede la decision à intervenir ; cette demande n'etait cependant pasmotivee.
(La demanderesse) quant à elle n'avait emis aucune contestation sur lademande d'execution provisoire (v. Conclusions deposees le 25 mars 2013devant le juge de paix, piece 109 du dossier de la justice de paix).
Contrairement à ce qu'allegue (la demanderesse), la decision dont appelest motivee par l'urgence des mesures ordonnees puisque le magistratcantonal releve que le mur " menace de s'effondrer pour des causes quifont l'objet du litige " (jugement dont appel, 5eme page) et que" l'expert judiciaire insiste dans ses conclusions sur une interventionrapide de maniere à eviter un phenomene de rupture franche " (jugementdont appel, 6eme page).
(La demanderesse) ne contestait d'ailleurs pas l'urgence de la remise enetat du mur litigieux puisqu'elle evoquait elle-meme le risqued'effondrement du mur litigieux dans le dispositif de ses dernieresconclusions deposees le 25 mars 2013 devant le juge de paix (p. 10, 2emetiret).
Comme le releve à juste titre (le premier defendeur), (la demanderesse)sollicitait la condamnation de cette partie à reparer ledit mur à sesseuls frais, precisement par un jugement " executoire ".
L'urgence etant objectivement averee, (la demanderesse) ne contestant pasl'execution provisoire, la decision entreprise etant motivee sur ce point,rien ne permet au tribunal statuant en degre d'appel d'annuler sur cesbases l'execution provisoire ordonnee par le premier juge.
Dans les circonstances de l'espece, le fait que le demandeur originairen'ait pas explicitement motive la demande d'execution provisoire qu'ilformulait expressement aux termes du dispositif de ses conclusionsadditionnelles et de synthese apres expertise n'est nullement pertinent,l'urgence des mesures sollicitees resultant incontestablement desditesconclusions.
Septieme feuillet
Par ailleurs, aucune illegalite procedurale manifeste ne parait avoir etecommise.
Puisque (la demanderesse) etait presente en personne à l'audience du 25avril 2013 de ka justice de paix d'Ixelles à laquelle la cause a eteremise au 29 mai 2013, ladite remise etait contradictoire à son egard. Enapplication de l'article 804, alinea 1er du Code judiciaire, un jugementpar defaut pouvait des lors etre requis à son encontre. En vertu del'alinea 2 de cette disposition, la procedure à l'egard de (lademanderesse) etait cependant contradictoire, (la demanderesse) ayant eneffet comparu à l'audience d'introduction et à des audiences ulterieureset ayant depose des conclusions (Cass., 15 decembre 1995, Pas., I, 1173 ;H. Boularbah, Droit judiciaire prive, T. 2, Presse ULB, annee academique2012-2013, p. 40, nDEG79).
Par consequent, le moyen invoque de ce chef par (la demanderesse) n'estpas fonde.
Contrairement à ce que soutient (la demanderesse), le premier juge neparait pas avoir manifestement viole les droits de la defense, bafoue leprincipe dispositif, statue ultra petita, ou commis un exces de pouvoirmanifeste.
Des imprecisions, de supposees incoherences, des difficultes d'executiondu jugement entrepris voire une eventuelle impossibilite d'execution duditjugement, meme une erreur de calcul dans la clef de repartition du partagedes frais de remise en etat, ne suffisent pas pour pouvoir annulerl'execution provisoire.
Les moyens et les arguments complementaires que fait valoir (lademanderesse) ne sont pas de nature à modifier l'analyse qui precede. Ilen est ainsi, notamment, des supposees erreurs de droit ou de fait que lepremier juge aurait commises, des faits qualifies de tromperies oudeloyautes dont (le premier defendeur) se serait rendue coupable devant lepremier juge, ainsi que des violations alleguees de la conventioneuropeenne des droits de l'homme.
Quant à l'argument de (la demanderesse) qui expose que (le premierdefendeur) ne serait proprietaire que d'un demembrement du droit depropriete, ce moyen n'etait en tout etat de cause pas invoque devant lepremier juge.
Partant, la demande d'annulation de l'execution provisoire du jugement du20 juin 2013 du juge de paix d'Ixelles doit etre declaree non fondee. "
Les griefs de la demanderesse en cassation à l'encontre de la decision etdes motifs attaques
1. L'article 1402 du Code judiciaire dispose : " Les juges d'appel nepeuvent en aucun cas, à peine de nullite, interdire l'execution desjugements ou y faire surseoir ".
Huitieme feuillet
Cette disposition n'empeche pas que le juge d'appel annule l'executionprovisoire accordee par le premier juge, avant meme tout examen au fond,lorsqu'elle n'a pas ete demandee, lorsqu'elle n'est pas autorisee par laloi ou encore lorsque la decision a ete prise en meconnaissance des droitsde la defense.
2. En vertu de l'article 737 du Code judiciaire, la communication despieces a lieu par leur depot au greffe, ou les parties les consulterontsans deplacement, ou peut etre faite à l'amiable.
Hormis le cas prevu à l'article 735, le juge doit, en vertu de l'article740 de ce code, ecarter d'office des debats tous memoires, notes ou piecesqui n'ont pas ete communiques au plus tard en meme temps que lesconclusions, sauf si la partie contre laquelle ces pieces sont opposees aconsenti au depot ou s'il est fait application de l'article 748, S: 2, dumeme code.
L'article 745 du Code judiciaire prevoit que toutes conclusions sontadressees à la partie adverse ou à son avocat, en meme temps qu'ellessont remises au greffe.
L'article 747, S: 2, alinea 6, du meme code dispose en sa premiere phraseque, sans prejudice de l'application des exceptions prevues à l'article748, S:S: 1er et 2, les conclusions qui sont remises au greffe ou envoyeesà la partie adverse apres l'expiration des delais sont d'office ecarteesdes debats.
Il resulte de l'ensemble de ces dispositions que les pieces doivent etrecommuniquees à la partie adverse dans le delai fixe pour le depot desconclusions et, au plus tard, en meme temps que la communication decelles-ci.
3. L'article 6.1 CEDH et le principe general du droit relatif au droit dela defense garantit à toute personne le droit à un proces equitable desa cause par une instance judiciaire independante et impartiale. Lesparties au proces doivent se voir offrir la possibilite de contrediretoute piece ou tout argument de nature à influencer la decision du juge.Le principe du contradictoire est donc une composante essentielle desdroits de la defense, sans laquelle le proces ne serait pas equitable.
4. L'application combinee de l'article 6.1 precite, du principe general dudroit de la defense et des articles precites du Code judiciaire impose aujuge saisi de l'appel d'une decision assortie de l'execution provisoired'annuler ladite execution provisoire lorsque le jugement dont appelcomporte une violation du principe general du droit relatif au droit de ladefense, d'autant plus lorsqu'elle porte atteinte à l'exigence d'un debatcontradictoire.
Neuvieme feuillet
5. La demanderesse reprochait au jugement du 20 juin 2013 et entrepris endegre d'appel d'avoir viole ses droits de la defense, lorsqu'ellesoulevait dans ses conclusions synthetiques et additionnelles, dates du 11decembre 2013 :
" Que ce jugement mentionne un devis non communique à (la demanderesse)et en date du 10 avril 2013 soit plusieurs mois posterieurement aucalendrier de remise accordee à (premier defendeur). (...) " (p.9)
" (...), hors cette piece n'a jamais ete communiquee par (le premierdefendeur) à la (demanderesse) ; elle devait de toute maniere etreecarter d'office des debats, en application de l'article 740 du Codejudiciaire puisqu'elle est datee d'une date posterieure aux dernieresconclusions (du premier defendeur); la (demanderesse) ne s'explique pascomment le premier Juge a pu y faire reference ; " (p. 18).
6. Le jugement du 20 juin 2013 et entrepris en degre d'appel,"(...) rejette des debats les conclusions deposees par (le premierdefendeur) au greffe posterieurement au 20 mars 2013 " (p. 3), mais, apresavoir constate qu' " Un seul devis est presente par le (premier defendeur)et celui-ci a ete soumis à l'expert H. et n'est pas conteste sur le plantechnique ni sur le plan financier. " (p.7), dit pour droit " (...) queles travaux seront executes conformement au devis etabli le 10 avril 2013par la S.A. Les entreprises Generales V.D.P. & CDEG à 3040 HuldenbergWolfhaegen 74 " (p. 8).
Pourtant, le meme jugement reprenait au titre d'actualisation de lademande du premier defendeur (p.2), qu'il sollicitait la condamnationsolidaire de la demanderesse, du second defendeur et de la premiere partieintervenante à payer au second defendeur " toutes sommes dont cettederniere sera redevable la S.A. les Entreprises Generales VDP & CDEG à3040 Huldenberg Wolfhaegen 74, sur simple presentation des factures decette derniere pour l'execution des travaux repris à sa proposition du 27novembre 2006 (c'est la demanderesse qui souligne) suivant cette offre àactualiser au jour de leur realisation ".
Les conclusions additionnelles du premier defendeur datees du 23 janvier2013, reprenaient encore à leur inventaire cette offre du 27 novembre2006 sous le numero 13 " Offre VDP et Cie ", tandis que le devis produitdevant le premier juge par le premier defendeur et date du 10 avril 2013est repris à l'inventaire de ses pieces dans ses conclusions transmisesen date du 23 mai 2013 sous le numero 13 " Offre VDP et Cie du 10 avril2013 ". Cette piece est posterieure au 20 mars 2013, soit le dernier jourutile reconnu par le juge de paix pour le depot par le premier defendeurde ses conclusions et pieces. Il est donc chronologiquement impossible quece devis ait ete communique dans les delais contraignants vises auxarticles 737, 740, 745, 747, S: 2, alinea 6 et 748 du Code judiciaire.
Il ressort des lors des pieces de la procedure, auxquelles Votre Cour peutavoir egard, que la decision entreprise en degre d'appel ne pouvait, àpeine de violer les droits de la defense de la demanderesse, se fonder surune piece qui aurait du etre ecartee des debats d'office.
Dixieme feuillet
7. Il s'ensuit qu'en deboutant la demanderesse de sa demande d'annulationde l'execution provisoire dont est assorti le jugement rendu en date du 20juin 2013 par Monsieur le Juge de paix du canton d'Ixelles (RG :[...]),alors que ce dernier jugement a ete pris en meconnaissance des droit de ladefense de la demanderesse, les juges d'appel ne justifient pas legalementleur decision. (Violation de l'article 6.1 CEDH, du principe general dudroit relatif au droit de la defense et des articles 737, 740, 745, 747,S: 2, alinea 6, 748 et 1402 du Code judiciaire).
Developpements
1. L'article 1402 du Code judiciaire dispose " les juges d'appel nepeuvent en aucun cas, à peine de nullite, interdire l'execution desjugements ou y faire surseoir ".
"Cette disposition n'empeche pas que le juge d'appel annule l'executionprovisoire accordee par le premier juge lorsqu'elle n'a pas ete demandee,lorsqu'elle n'est pas autorisee par la loi ou encore lorsque la decision aete prise en meconnaissance des droits de la defense.
Un defaut de motivation dans la decision du premier juge concernantl'execution ne permet pas au juge d'appel d'interdire cette executionprovisoire ou d'y surseoir." (Cass., 1 juin 2006, R.G. nDEG C.03.0231.N,www.juridat.be; Cass., 1 avril 2004, Chambres plenieres, R.G. nDEGC.03.0231.N, www.juridat.be).
2. L'article 740 du Code judiciaire dispose que " tous memoires, notes oupieces non communiquees au plus tard en meme temps que les conclusions ou,dans le cas de l'article 735, avant la cloture des debats, sont ecarteesd'office des debats "
L'article 745 du Code judiciaire prevoit que toutes conclusions sontadressees à la partie adverse ou à son avocat, en meme temps qu'ellessont remises au greffe.
En vertu de l'article 747, S:2, alinea 6 du Code judiciaire lesconclusions qui sont remises au greffe ou envoyees à la partie adverseapres l'expiration des delais sont d'office ecartees des debats.
L'article 737 du Code judiciaire organise le mode des communications despieces par le depot de ces dernieres au greffe.
Il resulte de l'ensemble de ces dispositions que les pieces doivent etrecommuniquees à la partie adverse dans le delai fixe pour le depot desconclusions et, au plus tard, en meme temps que la communication decelles-ci.
Onzieme feuillet
Votre Cour s'exprime comme suit à ce sujet : "En vertu de l'article 737du Code judiciaire, la communication des pieces a lieu par leur depot augreffe, ou les parties les consulteront sans deplacement, ou peut etrefaite à l'amiable.
Hormis le cas prevu à l'article 735, le juge doit, en vertu de l'article740 de ce code, ecarter d'office des debats tous memoires, notes ou piecesqui n'ont pas ete communiques au plus tard en meme temps que lesconclusions, sauf si la partie contre laquelle ces pieces sont opposees aconsenti au depot ou s'il est fait application de l'article 748, S: 2, dumeme code.
L'article 747, S: 2, alinea 6, du meme code dispose en sa premiere phraseque, sans prejudice de l'application des exceptions prevues à l'article748, S:S: 1er et 2, les conclusions qui sont remises au greffe ou envoyeesà la partie adverse apres l'expiration des delais sont d'office ecarteesdes debats.
Il resulte de l'ensemble de ces dispositions que les pieces doivent etrecommuniquees à la partie adverse dans le delai fixe pour le depot desconclusions et, au plus tard, en meme temps que la communication decelles-ci.
Il ne s'en suit pas que le defaut de communication des conclusions, ouleur communication tardive, entraine l'ecartement des pieces qui ont eteregulierement communiquees à la partie adverse dans le delai fixe pour ledepot des conclusions. " (Cass., 12 mai 2014, R.G. nDEG S.13.0032.F,www.juridat.be; Cass., 6 septembre 2002, R.G. nDEG C.00.00147.N,www.juridat.be).
3. Le principe general du droit relatif au droit de la defense garantit àtoute personne le droit à un examen equitable de sa cause par uneinstance judiciaire independante et impartiale. Les parties au procesdoivent se voir offrir la possibilite de contredire toute piece ou toutargument de nature à influencer la decision du juge. Le principe ducontradictoire est donc une composante essentielle des droits de ladefense. (Monsieur Jean du Jardin, le droit de defense dans laJurisprudence de la Cour de cassation (1990-2003), Traduction du discoursprononce par Monsieur Jean du Jardin, Procureur general pres la cour decassation, à l'audience solennelle de rentree le 1er septembre 2003,http://justice.belgium.be/fr/binaries/discours2003tcm421-210542.pdf,p.41.)
4. L'application combinee de l'article 6.1. CEDH, du principe general dudroit relatif au droit de la defense et des articles precites du Codejudiciaire impose au juge saisi de l'appel d'une decision assortie del'execution provisoire d'annuler ladite execution provisoire lorsque lejugement dont appel comporte une violation d'un principe general du droitde la defense.
Douzieme feuillet
5. La demanderesse, qui reprochait au jugement entrepris la violation deses droits de la defense, soulevait, entre-autres, dans ses conclusionssynthetiques et additionnelles :
" Que ce jugement mentionne un devis non communique à l'appelante et endate du 10 avril 2013 soit plusieurs mois posterieurement au calendrier deremise accordee à (premier defendeur). (...) " (p.9)
" (...), hors cette piece n'a jamais ete communiquee par (le premierdefendeur à la (demanderesse) ; elle devait de toute maniere etre ecarterd'office des debats, en application de l'article 740 du Code judiciairepuisqu'elle est datee d'une date posterieure aux dernieres conclusions (dupremier defendeur); la (demanderesse) ne s'explique pas comment le premierJuge a pu y faire reference ; " (p. 18).
Les juges d'appel rejettent la demande d'annulation sur ce point auxmotifs que (p.14-15):
" Contrairement à ce que soutient (la demanderesse), le premier juge neparait pas avoir manifestement viole les droits de la defense, bafoue leprincipe dispositif, statue ultra petita, ou commis un exces de pouvoirmanifeste.
Des imprecisions, de supposes incoherences, des difficultes d'execution dujugement entrepris voire une eventuelle impossibilite d'execution duditjugement, meme une erreur de calcul dans la clef de repartition du partagedes frais de remise en etat, ne suffisent pas pour pouvoir annulerl'execution provisoire.
Les moyens et les arguments complementaires que fait valoir la(demanderesse) ne sont pas de nature à modifier l'analyse qui precede. Ilen est ainsi, notamment, des supposees erreurs de droit ou de fait que lepremier juge aurait commises, des faits qualifies de tromperies oudeloyautes dont (le premier defendeur) se serait rendue coupable devant lepremier juge, ainsi que des violations alleguees de la conventioneuropeenne des droits de l'homme. "
Il appert neanmoins qu'une violation du principe du contradictoire et desdroits de la defense a ete commise dans le jugement du 20 juin 2013 quietait entrepris en degre d'appel.
Le jugement entrepris en degre d'appel, apres avoir rejete des debats lesconclusions deposees posterieurement au 20 mars 2013 par le premierdefendeur, decide de prendre en consideration un devis produit par lepremier defendeur et date du 10 avril 2013, repris à l'inventaire depieces de ses conclusions transmises en date du 23 mai 2013.
Dans la mesure ou la date du devis, à savoir le 10 avril 2013, estposterieure au 20 mars 2013, soit le dernier delai reconnu par le juge depaix pour le depot par le premier defendeur de ses conclusions et pieces,il est chronologiquement impossible que ce devis ait ete communique dansles delais contraignants vises aux articles 737, 740, 745, 747, S: 2,alinea 6 et 748 du Code judiciaire.
Treizieme et dernier feuillet
La decision entreprise en appel ne pouvait donc, à peine de violer unprincipe general du droit, se fonder sur une piece qui devait etre ecarteedes debats.
Il est des lors constant que la demanderesse n'a pas pu beneficier d'unproces equitable.
A ces causes,
Le soussigne Vous prie, Mesdames, Messieurs, pour la demanderesse encassation, de bien vouloir casser le jugement attaque et renvoyer la causeet les parties devant un autre tribunal de premiere instance, siegeant endegre d'appel.
Depens comme de droit.
Leuven, le 16 octobre 2015
Paul WOUTERS
Inventaire des pieces jointes au pourvoi en cassation
1. Declaration pro-fisco concernant les droits de roles ;
16 MARS 2017 C.15.0444.F/2
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