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09/03/2017 | BELGIQUE | N°C.16.0052.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 09 mars 2017, C.16.0052.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.16.0052.F

axa belgium, societe anonyme dont le siege social est etabli àWatermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 25,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

B. C.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 18 novembre2014 par la cour d'a

ppel de Bruxelles.

Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.

L'avocat general Philippe de Koster a ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.16.0052.F

axa belgium, societe anonyme dont le siege social est etabli àWatermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 25,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

B. C.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 18 novembre2014 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.

L'avocat general Philippe de Koster a conclu.

II. Le moyen de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, la demanderesse presente un moyen.

III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

Aux termes de l'article 13, alinea 2, de la loi du 25 juin 1992 sur lecontrat d'assurance terrestre, applicable au litige, à defaut d'etre faitdirectement à l'assureur, est liberatoire le paiement de la prime fait autiers qui le requiert et qui apparait comme le mandataire de l'assureurpour le recevoir.

Conformement à l'article 1, e), de cette loi, la prime est laremuneration demandee par l'assureur en contrepartie de ses engagements.

Il s'ensuit que, pour que le paiement de la prime fait au mandataireapparent soit liberatoire, un contrat d'assurance engendrant l'obligationpour le preneur de payer cette prime en contrepartie de l'engagement del'assureur doit exister entre ces parties.

L'arret enonce que « [la demanderesse] n'ayant jamais rec,u le bulletinde souscription, ni la prime, le contrat d'assurance ne s'est pas forme »et que « le fait que [la demanderesse] a mis à disposition d'un courtierdes bulletins de souscription libelles à son nom n'etait pas de nature àcreer l'apparence que monsieur F. avait ete mandate par l'assureur pourconclure des contrats en son nom », qu'« il s'agissait clairement d'uneproposition que monsieur F. devait transmettre à [la demanderesse] unefois qu'elle etait signee par le preneur d'assurance, ce qu'il n'a pasfait » et que « les fautes de monsieur F. n'ont [...] pas eu pour effetde nouer le contrat » car celui-ci « n'avait pas le pouvoir d'engager lacompagnie à cet egard et cette derniere n'ayant jamais rec,u laproposition signee, le delai de trente jours au terme duquel le contratest cense conclu en l'absence de reaction de l'assureur n'a jamaiscommence à courir ».

Apres avoir ainsi exclu l'existence d'un contrat d'assurance engageant lademanderesse, l'arret, qui enonce que, « quant au paiement de laprime », l'article 13, alinea 2, de la loi du 25 juin 1992 « est uneapplication de la theorie du mandat apparent » et considere que, « deslors que monsieur F. avait remis [au defendeur] un bulletin desouscription libelle au nom de [la demanderesse] sur lequel le nom ducourtier etait repris dans la case `conseiller' avec un compte producteur,que le bulletin etait numerote [...] et prevoyait le paiement de lapremiere prime, [le defendeur] a legitimement pu croire que le courtieravait ete mandate par l'assureur pour percevoir les primes » en sorte quela demanderesse est condamnee à payer au defendeur le montant remis aucourtier, viole l'article 13, alinea 2, precite.

Dans cette mesure, le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il rec,oit l'appel ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Liege.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, president, lepresident de section Martine Regout, les conseillers Michel Lemal,Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononce en audience publique duneuf mars deux mille dix-sept par le president de section Albert Fettweis,en presence de l'avocat general Philippe de Koster, avec l'assistance dugreffier Fabienne Gobert.

+----------------------------------------+
| F. Gobert | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------+-----------+----------------|
| M. Lemal | M. Regout | A. Fettweis |
+----------------------------------------+

Requete

1er feuillet

REQUETE EN CASSATION

________________________

Pour : la S.A. AXA BELGIUM, dont le siege social est etabli à 1170Bruxelles,

boulevard du Souverain, 25, inscrite à la BCE sous le nDEG 0404.483.367,

demanderesse,

assistee et representee par Me Jacqueline Oosterbosch, avocate à la Courde cassation, dont le cabinet est etabli à 4020 Liege, rue deChaudfontaine, 11, ou il est fait election de domicile,

Contre : M. B. C.,

defendeur.

A Messieurs les Premier President et Presidents, Mesdames et Messieurs lesConseillers composant la Cour de cassation,

Messieurs, Mesdames,

Le demandeur a l'honneur de deferer à votre censure l'arret renducontradictoirement entre les parties par la quatrieme chambre de la courd'appel de Bruxelles le 18 novembre 2014 (nDEG 2012/AR/292).

2eme feuillet

Les faits et antecedents de la cause, tels qu'ils ressortent des piecesauxquelles votre Cour peut avoir egard, peuvent etre ainsi brievementresumes.

Le defendeur a rempli, le 12 fevrier 2008, un bulletin de souscription àl'entete de la demanderesse pour un produit d'investissement(assurance-vie) denomme "Crest 30". Le document comporte la mentionmanuscrite "rec,u le 12/02/2008 cheque Fortis (...) cent vingt cinq milleeuros. L. F., courtier". Le defendeur fut debite de cette somme le 11fevrier 2008. Une "offre realisee pour (le defendeur)" à l'entete de lademanderesse, mentionnant le sieur F. comme "conseiller" et reprenant lescaracteristiques du produit, indique une prise d'effet du contrat le 14fevrier 2008 et un terme le 29 fevrier 2016, avec un versement initial de125.000 EUR.

N'ayant pas rec,u le montant de la reserve d'epargne constituee pour lesannees 2008 et 2009, le defendeur s'en est enquis aupres de lademanderesse par lettre du 12 mars 2010. Le 30 avril 2010, la demanderesselui repondit "qu'aucun contrat n'a ete conclu à votre nom. Le bulletin desouscription n'a pas ete renvoye à la compagnie et l'offre ne constituepas un contrat d'assurance. D'ailleurs, sur cette offre est reprise lamention que l'etude est indicative. Elle n'engage donc pas la compagnie.N'ayant donc aucun element concernant votre placement, nous vous avisonsde contacter directement Monsieur F. et/ou de deposer plainte aupres duparquet de Charleroi".

Par exploit du 24 septembre 2010, le defendeur a cite la demanderessedevant le tribunal de commerce de Bruxelles, faisant valoir que le contrata bien ete conclu et que le paiement etait liberatoire, le sieur F. etant"à tout le moins le mandataire apparent" d'Axa, et entendant "fairevaloir sa souscription" au produit d'investissement litigieux ousubsidiairement recuperer son capital de 125.000 EUR majore des interets.

Par jugement du 29 novembre 2011, la quinzieme chambre du tribunal a rec,ula demande mais l'a dite non fondee et en a deboute le defendeur aveccharge des depens. Selon le premier juge, en laissant, pour un telinvestissement, au courtier le soin de completer le cheque de 125.000 EURsans operer de controle à cet egard, en depit des informations clairesreprises sur le bulletin de souscription quant aux modalites relatives auversement, le defendeur n'a pas eu une attitude qu'aurait adoptee toutepersonne de son age et de son experience, normalement prudente etdiligente, placee dans les memes circonstances, de sorte qu'il ne peutetre question de considerer comme liberatoire la remise du cheque nonetabli à l'ordre de la compagnie.

3eme feuillet

Le defendeur a interjete appel par requete deposee le 31 janvier 2012,faisant valoir que le paiement fait à un intermediaire est liberatoire,sans qu'il soit necessaire de rechercher si la theorie du mandat apparents'applique et peu important que l'intermediaire n'ait pas transfere laprime à la compagnie, et poursuivant la condamnation de la demanderesseà emettre, sous astreinte, un bon d'assurance Crest 30 conforme àl'offre du 14 fevrier 2008 ou, à defaut, à lui payer la somme de128.713,80 EUR en principal.

L'arret attaque rec,oit l'appel, le dit fonde et, reformant le jugemententrepris, condamne la demanderesse à payer au defendeur la somme de125.000 EUR à majorer des interets compensatoires au taux legal depuis le25 mai 2010 puis des interets moratoires, outre les depens des deuxinstances.

A l'encontre de cet arret, la demanderesse croit pouvoir proposer lesmoyens suivants.

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Dispositions violees

- les articles 1382, 1383 et 1384, alinea 1er, du Code civil,

- l'article 13, alinea 2, de la loi du 25 juin 1992 sur le contratd'assurance terrestre, tel qu'il etait en vigueur avant son abrogation parl'article 347 de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances,

- pour autant que de besoin, l'article 67, alinea 2, de la loi du 4 avril2014 relative aux assurances,

- le principe general du droit relatif à la theorie du mandat apparent etles articles 1134, 2005, 2008 et 2009 du Code civil, desquels il s'induit.

4eme feuillet

Decision critiquee

Apres avoir considere, "quant à l'existence d'un contrat", que :

(Le defendeur) conclut à l'existence d'un contrat d'assurance aux motifsqu'il a signe un bulletin de souscription, remis une copie de sa carted'identite et paye la premiere prime.

Or, le bulletin de souscription signe par (le defendeur) mentionne qu'il«est une proposition d'assurance, il ne fait pas courir la couverture. Iln'engage ni la compagnie ni le souscripteur à conclure le contrat.Toutefois, si dans les 30 jours de la reception du bulletin, la compagnien'a pas communique au souscripteur, soit une offre, soit une demanded'informations complementaires, soit un refus, elle est obligee deconclure le contrat sous peine de dommages et interets».

La (demanderesse) n'ayant jamais rec,u le bulletin de souscription, ni laprime, le contrat d'assurance ne s'est pas forme.

(Le defendeur) se refere à titre subsidiaire à la theorie du mandatapparent en vertu de laquelle une personne peut etre tenue à l'egard d'untiers du fait des agissements de celui qui se comporte en mandataireapparent dans la mesure ou cette apparence peut lui etre imputee, si lacroyance du tiers à l'etendue des pouvoirs du mandataire est legitime.

Il est exact que si le courtier intervient, en regle generale, dans lecadre d'un contrat d'entreprise, il peut egalement agir comme mandataire,reel ou apparent, soit du preneur d'assurance, soit de l'assureur.

En l'espece, le fait que la (demanderesse) a mis à disposition d'uncourtier des bulletins de souscription libelles à son nom n'etait pas denature à creer l'apparence que M. F. avait ete mandate par l'assureurpour conclure des contrats en son nom. Il s'agissait clairement d'uneproposition que M. F. devait transmettre à la (demanderesse) une foisqu'elle etait signee par le preneur d'assurance, ce qu'il n'a pas fait.

M. F. a en outre laisse croire (au defendeur) qu'il avait bien remis laproposition à l'assureur des lors qu'il lui a adresse le 14 fevrier 2008un document à l'entete de la (demanderesse) confirmant le versement de laprime ainsi que la date d'effet, la date du terme et la duree du contrat.

5eme feuillet

N'etant pas un professionnel de l'assurance, (le defendeur) ne pouvaitsavoir qu'il s'agissait d'un logiciel de tarification.

Les fautes de M. F. n'ont toutefois pas eu pour effet de nouer le contrat.M. F. n'avait pas le pouvoir d'engager la compagnie à cet egard et cettederniere n'ayant jamais rec,u la proposition signee, le delai de 30 joursau terme duquel le contrat est cense conclu en l'absence de reaction del'assureur n'a jamais commence à courir",

l'arret attaque dit la demande du defendeur fondee, condamne lademanderesse à lui payer la somme de 125.000 EUR à majorer des interetscompensatoires au taux legal depuis le 25 mai 2010 jusqu'à ce jour etensuite des interets moratoires jusqu'au complet paiement, outre lesdepens des deux instances, pour les motifs, figurant sous le titre "quantau paiement de la prime", que :

"En l'espece, M. F. est bien intervenu dans le cadre de la conclusion ducontrat d'assurance et a requis le paiement de la prime. Dans la mesure oules bulletins de souscription que la (demanderesse) a remis à M. F.prevoyaient le paiement d'une premiere prime, la compagnie a creel'apparence que ce dernier etait mandate pour percevoir les primes.

C'est à tort que la (demanderesse) considere que la croyance (dudefendeur) dans l'existence d'un tel mandat ne pouvait etre legitime aumotif qu'il a ete invite à signer dans le bulletin de souscription larubrique «Caracteristiques» sous laquelle il etait indique :

«Le versement est effectue par :

- cheque laisse à l'ordre de la compagnie, joint à l'exemplaire dupresent bulletin renvoye à la compagnie

- virement au profit de la compagnie, transmis à l'organisme financier dusouscripteur

- un rachat/retrait total

rachat/retrait partiel de ----- eur - brut - net (...)».

Il n'etait nullement prevu que les primes devaient etre exclusivementpayees suivant les modalites de paiement figurant dans le formulaire. Ils'agissait de simples possibilites et non d'une obligation en telle sorteque le paiement pouvait etre effectue suivant d'autres modalites.

6eme feuillet

(Le defendeur) n'a d'ailleurs coche aucune des cases figurant à cote despropositions formulees dans le bulletin de souscription et n'a commisaucune faute en remettant au courtier qui le requerait un cheque quin'etait pas à l'ordre (de la demanderesse). Il en est de meme s'il alaisse au courtier le soin de completer le cheque. Le montant de 125.000EUR etait conforme à ce qui etait prevu dans le bulletin de souscriptionet M. F. a signe à la reception du cheque un rec,u en sa qualite decourtier.

Le montant de la prime etait certes important mais (le defendeur) n'avaitaucune raison se douter de la bonne foi de M. F. Le systeme de courtage enassurance est fonde sur la confiance des clients.

Des lors que M. F. avait remis (au defendeur) un bulletin de souscriptionlibelle au nom de la (demanderesse) sur lequel le nom du courtier etaitrepris dans la case «conseiller» avec un compte producteur, que lebulletin de souscription etait numerote 00567058.107 et prevoyait lepaiement de la premiere prime, (le defendeur) a legitimement pu croire quele courtier avait ete mandate par l'assureur pour percevoir les primes, cequi correspond du reste à une pratique habituelle (...).

C'est sans la moindre preuve que la (demanderesse) affirme que cet usageserait moins repandu pour les assurances-vie.

Eu egard aux elements qui precedent, il ne peut etre reproche (audefendeur) de ne pas avoir procede à de plus amples verifications, nid'avoir choisi un mode de paiement autre que celui propose dans leformulaire de souscription. Il a agi comme tout homme normalement prudentet diligent aurait pu se comporter dans la meme situation.

En effet, la confiance donnee au courtier, en ce compris en ce quiconcerne la remise d'un cheque qui n'etait pas à l'ordre (de lademanderesse), etait compte tenu des circonstances de la causeparfaitement justifiee.

Elle etait bien fondee sur l'apparence de mandat que la (demanderesse)avait confere à M. F. pour l'encaissement des primes, independamment deseventuelles relations amicales entre ce dernier et le fils (du defendeur).

Il appartient en consequence à la (demanderesse) de repondre des actescommis par M. F. Cette responsabilite n'est pas influencee par le fait quele mandataire apparent a commis dans l'accomplissement de sa missionapparente un delit (...).

7eme feuillet

En raison de la faute de M. F., (le defendeur) a ete depossede de la sommede 125.000 EUR, ce qui correspond à son prejudice.

Le contrat n'ayant pas ete conclu, il n'y a pas lieu de deduire de cemontant les divers frais et taxes en telle sorte qu'il n'y a pas lieu derencontrer l'hypothese developpee à titre subsidiaire par (le defendeur)selon laquelle le montant net de 122.094,45 EUR devrait dans ce cas etremajore du rendement du produit Crest, soit 128.713,80 EUR au total en2010.

Conformement à sa demande, la somme de 125.000 EUR sera majoree desinterets au taux legal à partir de la mise en demeure du 25 mai 2010".

Grief

L'arret attaque decide, d'une part, que "le contrat d'assurance ne s'estpas forme", la demanderesse "n'ayant jamais rec,u le bulletin desouscription, ni la prime", et, d'autre part, que "le fait que la(demanderesse) a mis à disposition d'un courtier des bulletins desouscription libelles à son nom n'etait pas de nature à creerl'apparence que M. F. avait ete mandate par l'assureur pour conclure descontrats en son nom. Il s'agissait clairement d'une proposition que M. F.devait transmettre à la (demanderesse) une fois qu'elle etait signee parle preneur d'assurance, ce qu'il n'a pas fait. (...) Les fautes de M. F.n'ont (...) pas eu pour effet de nouer le contrat. M. F. n'avait pas lepouvoir d'engager la compagnie à cet egard et cette derniere n'ayantjamais rec,u la proposition signee, le delai de 30 jours au terme duquelle contrat est cense conclu en l'absence de reaction de l'assureur n'ajamais commence à courir".

Il decide toutefois, ensuite, que, "dans la mesure ou les bulletins desouscription que la (demanderesse) a remis à M. F. prevoyaient lepaiement d'une premiere prime, la compagnie a cree l'apparence que cedernier etait mandate pour percevoir les primes" et que, "des lors que M.F. avait remis (au defendeur) un bulletin de souscription libelle au nomde la (demanderesse) sur lequel le nom du courtier etait repris dans lacase «conseiller» avec un compte producteur, que le bulletin desouscription etait numerote 00567058.107 et prevoyait le paiement de lapremiere prime, (le defendeur) a legitimement pu croire que le courtieravait ete mandate par l'assureur pour percevoir les primes, ce quicorrespond du reste à une pratique habituelle (...)", et que "laconfiance donnee au courtier, en ce compris en ce qui concerne la

8eme feuillet

remise d'un cheque qui n'etait pas à l'ordre (de la demanderesse), etaitcompte tenu des circonstances de la cause parfaitement justifiee. Elleetait bien fondee sur l'apparence de mandat que la (demanderesse) avaitconfere à M. F. pour l'encaissement des primes (...). Il appartient enconsequence à la (demanderesse) de repondre des actes commis par M. F.".

L'article 13, alinea 2, de la loi du 25 juin 1992 sur le contratd'assurance terrestre, abroge par l'article 347 de la loi du 4 avril 2014relative aux assurances et remplace par l'article 67, alinea 2, de laditeloi, dispose qu'à defaut d'etre fait directement à l'assureur, estliberatoire le paiement de la prime fait au tiers qui le requiert et quiapparait comme le mandataire de l'assureur pour le recevoir.

Cette disposition figure dans la section IV "Execution du contrat" duchapitre II "Dispositions communes à tous les contrats" du titre Ier "Lecontrat d'assurance terrestre en general" de la loi du 25 juin 1992, etdans la section IV "Execution du contrat" du chapitre 1er "Dispositionscommunes à tous les contrats" du titre II "Le contrat d'assurance engeneral" de la loi du 4 avril 2014

Il ressort des travaux preparatoires de la loi du 25 juin 1992 que "leprojet a recours à la notion de mandat apparent : est valable le paiementde la prime fait au tiers qui le requiert et qui apparait comme lemandataire de l'assureur pour le recevoir. Cette presomption de mandatpourra etre deduite non seulement du fait que le tiers qui requiert lepaiement est en possession d'une quittance emanant de la compagnie maisegalement du fait qu'il intervient d'une maniere quelconque dans le cadrede la conclusion ou de l'execution du contrat d'assurance" (expose desmotifs du projet de loi, Doc. Parl., session 1990-1991, nDEG 1586/1, p.25).

Il en resulte que ce n'est que si le contrat existe que le paiement de laprime peut etre valablement fait à un tiers qui apparait comme lemandataire de l'assureur pour recevoir ce paiement. Le paiement de laprime consiste en effet en l'execution, par le preneur d'assurance, d'uneobligation decoulant d'un contrat existant.

Une apparence de mandat pour percevoir la prime n'est pas concevable dansl'hypothese ou aucun contrat n'est conclu directement par l'assureur et ouaucune apparence ne permettait de croire que le courtier qui est intervenuavait mandat pour conclure le contrat. Celui qui n'a pu legitimement

9eme feuillet

croire que le contrat a ete conclu ne peut pas legitimement croire àl'existence d'un mandat donne au courtier pour l'executer : ce n'est quesi le contrat est valablement conclu que se pose la question de savoir sila prime a ete valablement payee, par exemple à un mandataire apparentsur la base de la disposition legale precitee.

Apres avoir decide que le sieur F. n'a pas "ete mandate par l'assureurpour conclure des contrats en son nom", que "le fait que la (demanderesse)a mis à disposition d'un courtier des bulletins de souscription libellesà son nom n'etait pas de nature à creer l'apparence que M. F. avait etemandate par l'assureur pour conclure des contrats en son nom" et que "lecontrat d'assurance ne s'est pas forme", les agissements de ce courtiern'ayant "pas eu pour effet de nouer le contrat" car il "n'avait pas lepouvoir d'engager la compagnie à cet egard", l'arret attaque n'a pulegalement decider que "la compagnie a cree l'apparence que (M. F.) etaitmandate pour percevoir les primes" et que "(le defendeur) a legitimementpu croire que le courtier avait ete mandate par l'assureur pour percevoirles primes", la "confiance (...) parfaitement justifiee" du defendeuretant "fondee sur l'apparence de mandat que la (demanderesse) avaitconfere à M. F. pour l'encaissement des primes".

La condamnation de la demanderesse à payer au defendeur la somme de125.000 EUR en principal, fondee sur la disposition legale precitee et surl'existence d'un mandat apparent "pour percevoir les primes" alors quecelles-ci ne sont dues qu'en execution du contrat et que l'arret attaquedecide expressement que ce contrat n'existe pas et que la demanderesse n'apas cree l'apparence qu'il puisse avoir ete conclu par le sieur F., n'estpas legalement justifiee (violation de toutes les dispositions visees aumoyen).

Developpements

Le moyen n'appelle que de brefs developpements.

L'arret attaque, qui ecarte expressement le moyen du defendeur selonlequel le contrat litigieux avait ete conclu, decide que "le fait que la(demanderesse) a mis à disposition d'un courtier des bulletins desouscription libelles à son nom n'etait pas de nature à creerl'apparence que M. F. avait ete mandate par l'assureur pour conclure descontrats en son nom" et que "les fautes de M. F. n'ont (...) pas eu poureffet de nouer le contrat. M. F. n'avait pas le pouvoir d'engager lacompagnie à cet egard".

10eme feuillet

Mais l'arret retient l'existence, dans le chef du sieur F., d'un mandatapparent portant non pas sur la conclusion du contrat mais surl'encaissement des primes, deduisant pareil mandat apparent de lacirconstance "que M. F. avait remis (au defendeur) un bulletin desouscription libelle au nom de la (demanderesse)" qui "prevoyait lepaiement de la premiere prime", pour conclure à "l'apparence de mandatque la (demanderesse) avait confere à M. F. pour l'encaissement desprimes" et condamner sur cette base la demanderesse, à laquelle selonl'arret "il appartient (...) de repondre des actes commis par M. F.".

Le contrat d'assurance est un contrat consensuel, dont la conclusion nesuppose pas que la prime soit versee (Manuel des assurances, Kluwer, 2008,p. 75, nDEG 1330; P. Colle, Algemene beginselen van het Belgischeverzekeringsrecht, Intersentia, 5e ed., 2011, p. 31, nDEG 26). Le paiementde la prime est unanimement decrit comme une obligation du preneurdecoulant du contrat, une prestation supposant que le contrat soit conclu;ainsi, selon le professeur Fontaine, "les prestations des parties aucontrat d'assurance sont d'une part le paiement de la prime par lepreneur, d'autre part l'intervention de l'assureur en cas de realisationdu risque", le regime du paiement de la prime etant decrit sous le titre"Obligations de l'assure" : "La conclusion du contrat d'assurance cree desobligations dans le chef du preneur et de l'assure. La premiere, quiincombe normalement au preneur, est de payer la prime" (M. Fontaine, Droitdes assurances, Larcier, 4e ed., 2010, pp. 125 et 194; dans le meme sens,P. Colle, op. cit., pp. 65-68, nDEG 70-74). Le paiement de la prime vientainsi en "execution du contrat d'assurance" (Manuel des assurances,precite, pp. 77-79).

Ce n'est donc que si le contrat est valablement conclu que se pose laquestion de savoir si la prime a ete correctement payee, par exemple à unmandataire apparent sur la base de l'article 13, alinea 2, de la loi du 25juin 1992 ou desormais de l'article 67, alinea 2, de la loi du 4 avril2014 relative aux assurances, dont le libelle est identique, dispositionsqui figurent dans une section intitulee "Execution du contrat", distinctede la section, anterieure, "Conclusion du contrat".

Au regard de l'intervention du courtier, il s'en deduit qu'il estenvisageable que celui-ci dispose, soit d'un mandat pour conclure lecontrat et d'un mandat pour encaisser la prime, soit d'un mandat pourconclure mais non d'un mandat d'encaissement, soit encore d'un mandatd'encaissement de la prime due en execution d'un contrat preexistant,qu'il n'a ni conclu ni pu conclure. Un mandat apparent peut exister dansces differentes figures.

11eme feuillet

Mais il n'est pas possible qu'une apparence de mandat pour percevoir laprime existe dans l'hypothese ou aucun contrat n'est conclu directementpar l'assureur et ou aucune apparence ne permettait de croire que lecourtier avait mandat pour le conclure. La question de savoir si la primea ete valablement payee ne se pose que s'il est constate qu'un contrat aete conclu - fut-ce par l'intervention d'un mandataire apparent -, etcelui qui n'a pu legitimement croire que le contrat a ete conclu ne peutpas legitimement croire à l'existence d'un mandat donne au courtier pourl'executer.

Les dispositions legales regissant l'intermediation en assurances et ladistribution d'assurances (loi du 27 mars 1995, actuellement articles 257à 279 de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances) le confirment.

L'article 13 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assuranceterrestre s'applique à toute intermediation en assurance (article 12 dela loi du 27 mars 1995), et desormais l'article 67 de la loi du 4 avril2014 s'applique à toute intermediation en assurances (article 272 deladite loi).

Les entreprises d'assurances qui collaborent avec des agents d'assuranceslies assument la responsabilite entiere et inconditionnelle de touteaction effectuee ou de toute omission commise par ces agents d'assuranceslies lorsqu'ils agissent en leur nom et pour leur compte (articles12octies de la loi du 27 mars 1995 et 279, S: 1er, de la loi du 4 avril2014). L'agent d'assurances lie est defini comme celui qui, en raisond'une ou plusieurs convention(s) ou procuration(s), ne peut exercer uneactivite d'intermediation en assurance, au nom et pour le compte, qued'une seule entreprise d'assurances ou de plusieurs entreprisesd'assurances pour autant que les contrats d'assurance de ces entreprisesn'entrent pas en concurrence entre eux, et qui agit sous l'entiereresponsabilite de celle(s)-ci pour les contrats d'assurances qui lesconcernent respectivement (articles 1er, 8DEGbis, de la loi du 27 mars1995 et 257, 5DEG, de la loi du 4 avril 2014).

L'arret ne constate pas que tel serait, en l'espece, le cas du sieur F..

A contrario, l'entreprise d'assurances telle la demanderesse n'assumenullement semblable responsabilite. C'est du reste la raison pour laquellela loi impose à l'intermediaire d'assurances de couvrir par une assurancesa responsabilite civile professionnelle (articles 10, 4DEG, de la loi du27 mars 1995

12eme et dernier feuillet

et 268, S: 1er, 3DEG, de la loi du 4 avril 2014). Il est par ailleurstenu, à la demande du client, de lui communiquer la nature et la porteede ses competences (articles 12ter de la loi du 27 mars 1995 et 274 de laloi du 4 avril 2014).

Ayant decide que le sieur F. n'a pas "ete mandate par l'assureur pourconclure des contrats en son nom" et que les bons de souscription remispar la demanderesse au sieur F. et par celui-ci au defendeur n'ont pascree l'apparence d'un mandat pour conclure le contrat, la cour d'appel nepouvait legalement decider que "la compagnie a cree l'apparence que (M.F.) etait mandate pour percevoir les primes" et que "(le defendeur) alegitimement pu croire que le courtier avait ete mandate par l'assureurpour percevoir les primes", la "confiance (...) parfaitement justifiee" dudefendeur etant "fondee sur l'apparence de mandat que la (demanderesse)avait confere à M. F. pour l'encaissement des primes".

Les primes d'assurance n'etant dues qu'en execution d'un contrat dontl'arret attaque decide expressement qu'il n'existe pas, et dont ledefendeur n'a pu croire que le sieur F. pouvait le conclure, l'arretattaque n'a pu conclure à l'existence d'un mandat apparent "pourpercevoir les primes" et condamner la demanderesse sur cette base.

PAR CES CONSIDERATIONS,

l'avocate à la Cour de cassation soussignee, pour la demanderesse,conclut qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arret attaque;ordonner que mention de votre arret soit faite en marge de la decisionannulee; renvoyer la cause et les parties devant une autre cour d'appel;statuer comme de droit quant aux depens.

Jacqueline Oosterbosch

Le 25 janvier 2016

9 MARS 2017 C.16.0052.F/1

Requete/23


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.16.0052.F
Date de la décision : 09/03/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-03-09;c.16.0052.f ?
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