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27/02/2017 | BELGIQUE | N°S.15.0134.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 27 février 2017, S.15.0134.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.15.0134.F

T. L.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

ENERGY MANAGEMENT BROKERS LIMITED, societe de droit etranger, dont lesiege est etabli à EC3M 3BD Londres (Royaume-Uni de Grande-Bretagne etd'Irlande du Nord), Fenchurchstreet, 30, et ayant en Belgique des bureauxetablis à Mont-Saint-Guibert, Axis Parc, rue Fond Cattelain, 2,
>defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige con...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.15.0134.F

T. L.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

ENERGY MANAGEMENT BROKERS LIMITED, societe de droit etranger, dont lesiege est etabli à EC3M 3BD Londres (Royaume-Uni de Grande-Bretagne etd'Irlande du Nord), Fenchurchstreet, 30, et ayant en Belgique des bureauxetablis à Mont-Saint-Guibert, Axis Parc, rue Fond Cattelain, 2,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 12 mai 2015 parla cour du travail de Bruxelles.

Le 7 fevrier 2017, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et l'avocat general JeanMarie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, le demandeur presente quatre moyens.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la deuxieme branche :

Examinant si le lieu du « siege d'execution du contrat » de travailtransfere par la defenderesse du domicile du demandeur à Waterloo auxlocaux de Mont-Saint-Guibert constitue ou non « un element essentiel [ou]important du contrat de travail », l'arret considere qu'il importe que laperte par le demandeur de la qualite de travailleur à domicile resultantde ce transfert « n'entraine aucun prejudice » et decide que c'« est lecas en la cause » apres avoir verifie seulement que « la suppression deremboursement de frais [lies à l'execution du travail à domicile] qui nesont plus exposes ne constitue pas un prejudice ».

Par aucune consideration, l'arret ne repond aux conclusions du demandeurqui soutenait que les trajets de Waterloo à Mont-Saint-Guibert, neconstituant plus, comme les deplacements qu'il effectuait jusqu'autransfert, du « temps de travail remunere tous frais indemnises »,entravaient son organisation professionnelle et familiale et entrainaientun appauvrissement important.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur le quatrieme moyen :

Quant à la seconde branche :

L'article 1315 du Code civil dispose, en son premier alinea, que celui quireclame l'execution d'une obligation doit la prouver et, en son secondalinea, que, reciproquement, celui qui se pretend libere doit justifier lepaiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. En vertude l'article 870 du Code judiciaire, chacune des parties a la charge deprouver les faits qu'elle allegue.

L'article 119.1, S: 1er, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contratsde travail dispose que le titre VI de cette loi regle l'occupation destravailleurs à domicile qui, sous l'autorite de l'employeur mais sansqu'ils soient sous la surveillance ou le controle direct de cet employeur,fournissent un travail contre remuneration, à leur domicile ou à toutautre endroit choisi par eux.

En vertu de l'article 119.3, 1DEG, dudit titre VI de cette loi,l'employeur est en principe tenu de mettre à la disposition dutravailleur à domicile l'aide, les instruments et les matieresnecessaires à l'execution du travail. L'article 119.4, S: 2, 4DEG, dumeme titre prevoit que le contrat mentionne le remboursement des fraisinherents au travail à domicile et, l'article 119.6 de ce titre, qu'àdefaut de cette mention et de la convention collective de travail viseepar cette disposition, un forfait est du en remboursement de ces frais.

Le remboursement des frais inherents au travail à domicile prevu par lesarticles 119.3, 1DEG, 119.4, S: 2, 4DEG, et 119.6 precites est du autravailleur qui, comme le prevoit l'article 119.1, S: 1er, fournit, sousl'autorite de l'employeur et contre remuneration, un travail à sondomicile ou à un autre endroit choisi par lui.

Ces dispositions ne dispensent pas le travailleur, qui demande leremboursement de ces frais, de prouver l'execution du travail à domicilequ'il allegue.

Le demandeur avait la charge de prouver l'execution du travail à domicilede juillet à octobre 2010, fait qu'il alleguait à l'appui de sa demandede condamner la defenderesse à lui payer pour cette periode l'indemniteprevue par le contrat de travail « pour les frais lies à l'execution deson contrat de travail à domicile ».

La consideration que le demandeur ne prouve pas « avoir continue àtravailler à partir de son domicile » pour cette periode justifielegalement le rejet de la demande du demandeur.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

En revanche, la defenderesse avait la charge de prouver que le demandeurn'avait pas execute le travail à domicile d'avril à juin 2010, faitqu'elle alleguait à l'appui de sa demande de le condamner à rembourserl'indemnite payee pour cette periode.

En prononc,ant la condamnation demandee au motif que le demandeur neprouvait pas « avoir continue à travailler à partir de son domicile »pour cette periode, l'arret viole les articles 1315 du Code civil et 870du Code judiciaire.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fonde.

Quant à la premiere branche :

Le motif concernant la periode de juillet à octobre 2010, vainementcritique par la seconde branche du moyen, constitue un motif distinct etsuffisant du rejet de la demande precitee du demandeur.

Le moyen, qui, en cette branche, ne saurait entrainer la cassation, estirrecevable à defaut d'interet.

Sur les autres griefs :

Il n'y a lieu d'examiner ni les autres branches du premier moyen ni lesdeuxieme et troisieme moyens, qui ne sauraient entrainer une cassationplus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il rejette la demande du demandeuren paiement d'indemnites de travail à domicile de juillet à octobre2010 ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour du travail de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillersMireille Delange, Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du vingt-sept fevrier deux mille dix-septpar le president de section Albert Fettweis, en presence de l'avocatgeneral Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Patricia DeWadripont.

+-----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+------------+----------------|
| M. Lemal | M. Delange | A. Fettweis |
+-----------------------------------------------+

Requete

1er feuillet

REQUETE EN CASSATION

_________________________

Pour : M. Th. L.,

demandeur,

assiste et represente par Me Jacqueline Oosterbosch, avocate à la Cour de

cassation, dont le cabinet est etabli à 4020 Liege, rue de Chaudfontaine,11

ou il est fait election de domicile,

Contre : La societe ENERGY MANAGEMENT BROKERS LIMITED , inscrite à la BCE

sous le nDEG 0899.668.664, dont le siege est etabli au Royaume-Uni, 30Fenchurch

Street, London EC3M 3BD - UNITED KINGDOM, ayant des bureaux à 1435

Mont-Saint-Guibert, Axis Parc, rue Fond Cattelain, 2,

defenderesse.

A Messieurs les Premier President et Presidents, Mesdames et Messieurs lesConseillers composant la Cour de cassation,

Messieurs, Mesdames,

Le demandeur a l'honneur de deferer à votre censure l'arret prononce le12 mai 2015 par la quatrieme chambre de la cour du travail de Bruxelles(R.G. nDEG 2013/AB/728).

2eme feuillet

Les faits et antecedents de la cause, tels qu'ils ressortent des piecesauxquelles la Cour peut avoir egard, peuvent etre ainsi brievementresumes.

Le 2 juin 2005, le demandeur est engage par John Hall Associates Ltd -dont le siege social est en Grande-Bretagne et qui ne disposait pas àcette epoque de locaux en Belgique - tout d'abord dans les liens d'uncontrat à duree determinee de douze mois à partir du 1er juin 2005 puisensuite d'un contrat à duree indeterminee. L'engagement de depart portesur une fonction de cadre etant la fonction de "Strategic Executive".L'arret analyse retient que le demandeur a ete nomme directeur desoperations UE et du developpement des produits et s'est vu confier enoutre les fonctions de chef de service des bureaux, sans precision dedate.

Il etait admis par les deux parties que le contrat à duree determineeprevoyait dans son point 1.3. que "le principal lieu de travail du CADREsera l'adresse de son domicile en Belgique. La SOCIETE peut egalement luidemander de «travailler occasionnellement [au] 9, Piries Place, HorchamRH12 1EH (Grande-Bretagne) ou à tout autre endroit raisonnablement requis(par la

SOCIETE). Le CADRE effectuera egalement les deplacements à tout endroitque la SOCIETE peut lui demander de temps à autres»". Il etait egalementconvenu que, pour les frais lies à l'execution de son contrat de travailà domicile, une indemnite d'un montant mensuel fixe de 714,58 EUR luietait allouee, soit 10% de la remuneration convenue.

Le contrat à duree indeterminee a ete conclu selon les memes termes quele premier à l'exception de certaines modifications qui ne concernent nile lieu de travail ni l'indemnite pour frais.

A partir du mois de juin 2010, l'entreprise est reprise par ladefenderesse. Cette societe avait toutefois dejà, des le mois d'avril2010, loue des locaux et etabli un siege à Mont-Saint-Guibert, àl'occasion de l'engagement de nouveaux travailleurs.

Par courrier du 28 juillet 2010, la defenderesse precise au demandeur quel'indemnite pour frais de travail à domicile ne lui est plus due depuisle mois d'avril. Elle lui demande le remboursement des sommes payees à cetitre pour les mois d'avril, mai et juin et lui indique qu'elle ne paiera

3eme feuillet

plus les indemnites de travail à domicile. Par courrier du meme jour, ledemandeur indique que les indemnites de travail à domicile doiventcontinuer à lui etre payees, ce qui est refuse par la defenderesse.L'indemnite pour frais s'elevait à cette epoque à un montant mensuel de784,09 EUR.

Chacune des parties restant sur sa position, le demandeur constate, le 6octobre 2010, que la defenderesse a modifie unilateralement les conditionsde travail convenues en lui otant sa qualite de travailleur à domicile etles indemnites legales qui l'accompagnent, et, en consequence, a mis finirregulierement au contrat.

Le 23 novembre 2010, il cite son ex-employeur à comparaitre devant letribunal du travail de Nivelles aux fins d'obtenir une indemnitecompensatoire de preavis estimee à 61.755,66 EUR et le remboursement desindemnites pour travail à domicile pour la periode du 1er juillet au 6octobre 2010.

Reconventionnellement, la societe reclame au demandeur une indemnitecompensatoire de preavis et le remboursement des indemnites pour travailà domicile entre les mois d'avril et de juin 2010.

Par un jugement du 23 mai 2013, le tribunal du travail de Nivelles deboutele demandeur de sa demande. Il declare la demande reconventionnellepartiellement fondee et condamne le demandeur à payer à la defenderesseune somme de 1 euro au titre d'indemnite compensatoire de preavis ainsique les indemnites de travail à domicile versees entre le mois d'avril etle mois de juin 2010.

Le demandeur a interjete appel de ce jugement, la societe formant un appelincident quant au montant de l'indemnite compensatoire de preavis.

L'arret attaque confirme le jugement dont appel en ce qu'il a deboute ledemandeur de ses pretentions. Il declare l'appel incident de ladefenderesse partiellement fonde et condamne le demandeur à lui payer uneindemnite compensatoire de preavis de 28.525,56 EUR, outre leremboursement des indemnites de travail à domicile indues. Il le condamneegalement au paiement des indemnites de procedure de 3.300 EUR parinstance.

4eme feuillet

A l'encontre de cet arret, le demandeur croit pouvoir proposer les moyensde cassation suivants.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Dispositions violees

- l'article 1134 du Code civil,

- les articles 17, 1DEG, 32, 39, 82 (cette disposition avant sonabrogation au 1er janvier 2014 par la loi du 26

decembre 2013, concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvrierset employes en ce qui concerne

les delais de preavis et le jour de carence ainsi que de mesuresd'accompagnement), 119.1, 119.2, 119.3, 1DEG et

119. 4, S: 2, 5DEG, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats detravail,

- l'article 149 de la Constitution.

Decision critiquee

L'arret attaque deboute le demandeur de son action en paiement d'uneindemnite compensatoire de preavis evaluee à 61.755,66 EUR et le condamneà payer à la defenderesse une indemnite compensatoire de preavis fixeeà 28.525,56 EUR, pour tous ses motifs consideres ici comme integralementreproduits et plus specialement que :

"A. l'APPEL PRINCIPAL (DU DEMANDEUR)

1. La Cour estime que la solution du litige reside dans le raisonnementsuivant:

a. L'article 2.3. du contrat de travail prevoit explicitement quel'indemnite de travail à domicile est liee aux frais exposes en raison del'execution du travail à domicile:

Le CADRE recevra pour les frais lies à l'execution de son contrat detravail à domicile une indemnite convenue au montant mensuel fixe de714,58 EUR (article 119.4, 4DEG de laloi sur les contrats de travail).

5eme feuillet

Il s'en suit que le transfert du lieu d'execution du contrat de Waterlooà Mont-Saint Guibert entraine necessairement la perte du droit à desindemnites destinees à couvrir des frais qui ne sont plus exposes.

La Cour constate que, dans les developpements de sa these contenue danssesdernieres conclusions d'appel, (le demandeur) ne soutient à aucun momentavoir continue à travailler à partir de son domicile apres le moisd'avril 2010. Il ne le prouve en tout cas pas et n'offre pas d'en apporterla preuve.

b. Pour un cadre dirigeant, le transfert du siege d'execution du contratde Waterloo à Mont-Saint-Guibert necessitant un trajet de 24 minutes etde 26 kilometres, ne constitue pas une modification d'un elementessentiel, ni meme important, du contrat de travail, a fortiori si cecadre dirigeant est appele à se deplacer à Londres une fois ou deux parsemaine. Il importe peu que, suite à ce transfert, le demandeur ne puisseplus etre considere comme «travailleur à domicile» au sens du titre VIde la loi du 3 juillet 1978 pour autant que cette modification de qualiten'entraine aucun prejudice, ce qui est le cas en la cause. La suppressionde remboursement de frais qui ne sont plus exposes ne constitue pas unprejudice.

c. Le transfert de Waterloo à Mont-Saint-Guibert n'est pas le resultatd'un caprice de l'employeur mais la suite logique du developpement del'entreprise en Belgique et de l'engagement de personnel supplementaireauxquels (le demandeur) a volontairement participe puisque c'est lui qui arecherche et propose les nouveaux locaux. (Le demandeur) ne peut pretendreavoir ete surpris par une decision de l'employeur à l'execution delaquelle il a activement contribue, sans protestation pendant plusieurssemaines, sinon plusieurs mois, avant le demenagement effectif.

(...)

(Le demandeur) ne peut donc pretendre (...) à une indemnite compensatoiredepreavis.

Griefs

En vertu de l'article 1134 du Code civil, la convention fait la loi desparties et ne peut etre modifiee unilateralement par l'une d'elles.

Lorsque l'employeur modifie unilateralement et de maniere importante desconditions essentielles du contrat de travail, il y met fin au sens del'article 32, 3DEG, de la loi du 3 juillet 1978 et est, en vertu desarticles 39, S: 1er et 82 de la meme loi, redevable d'une indemnitecompensatoire de preavis.

6eme feuillet

Il s'ensuit :

Premiere branche

S'agissant d'un contrat de travail à domicile, le lieu de travail estnecessairement un element essentiel du contrat. La caracteristique de cecontrat est en effet que le travailleur a le benefice d'executer sonobligation de travailler à son domicile ou sa residence (article 119.1 dela loi du 3 juillet 1978), ce que confirme l'article 119.4, S: 2, 5DEG, dela meme loi qui prevoit que l'ecrit doit mentionner le lieu ou les lieuxou le travailleur à domicile a choisi d'executer son travail.L'obligation du travailleur est, en vertu de l'article 17, 1DEG, de la loidu 3 juillet 1978, d'executer son travail au(x) lieu(x) convenu(s), tandisque l'employeur doit mettre à sa disposition l'aide, les instruments etles matieres necessaires à l'execution du contrat à domicile (article119.3, 1DEG de la meme loi).

Il s'ensuit qu'en decidant que le lieu du travail choisi par le demandeur,etant son domicile, n'etait pas "un element essentiel, ni meme important,du contrat de travail", l'arret attaque meconnait la nature specifique ducontrat de travail à domicile telle qu'elle se degage de cesdispositions. Par voie de consequence, n'ayant pas decide legalement quela defenderesse n'avait pas modifie un element essentiel du contrat etainsi opere sa rupture, l'arret attaque viole l'article 1134 du Code civilet les articles 32, 3DEG, 39, S: 1er et 82 de la meme loi, applicables aucontrat de travail à domicile en vertu de l'article 119.2 de cette loi.

Deuxieme branche

L'arret attaque, pour decider que la modification du lieu d'execution ducontrat du demandeur "ne constitue pas une modification d'un elementessentiel, ni meme important du contrat de travail" considere qu'"ilimporte peu que, suite à ce transfert, (le demandeur) ne puisse plus etreconsidere comme «travailleur à domicile» au sens du titre VI de la loidu 3 juillet 1978 pour autant que cette modification de qualite n'entraineaucun prejudice ce qui est le cas en cause. La suppression deremboursement de frais qui ne sont plus exposes ne constitue pas unprejudice".

7eme feuillet

Outre le fait que la modification de l'element caracteristique du contratde travail à domicile emporte necessairement le prejudice de ladisparition de cette caracteristique que constitue le lieu de travail "àdomicile", dans ses conclusions d'appel, le demandeur ne soutenait passeulement que la modification de sa qualite de travailleur à domicileavait pour consequence qu'il ne percevait plus l'indemnite pour les fraisinherents à ce travail à domicile, mais il soutenait egalement que cettemodification du lieu d'execution du travail lui causait un prejudicemateriel et moral different de la suppression du remboursement des fraisinherents au travail à domicile.

Il soutenait ainsi que :

"Le travail à domicile presente des particularites tres specifiques quien font son attrait. On lira ce qu'ecrit Frederic Robert à ce sujet(Robert F., Le teletravail à domicile, Larcier, 2005, p. 31) : «Letravail à domicile presente de reels avantages pour les parties à larelation de travail». Parmi ces avantages, on peut relever pour letravailleur :

- une plus grande flexibilite dans l'organisation de son temps de travail

- moins de stress

- une meilleure qualite de vie

- un meilleur rapport travail/famille

- l'absence de trafic

- une meilleure autonomie

- une meilleure concentration au travail" (concl. add. et de synth. app.,p. 11).

Il rappelait qu'en vertu de son statut de travailleur à domicile, il "nedevait effectuer aucun deplacement pour se rendre à son travail. Sesdeplacements etaient du temps de travail remunere tous frais indemnises"(memes concl., p. 15). Par contre, la perte de ce statut emportait desdeplacements quotidiens qui "entravent à la fois l'organisationprofessionnelle et familiale (du demandeur) et sont un appauvrissementimportant (pas de vehicule de societe, 70 km/231 = 16.170 km prives ou4.851 EUR/an). (...)

Enfin, (la defenderesse) deduit du fait que (le demandeur) se rendait àLondres et occasionnellement dans les bureaux loues du Regus Business Parkde Braine-L'alleud et ensuite dans les bureaux de Mont-Saint-Guibert, quela modification du contrat du concluant n'est pas substantielle. Or, lesdeplacements (du demandeur) à Londres etaient du temps de travailremunere (et etaient sporadiques), ce qui n'est pas le cas d'une navettequotidienne qui s'impute sur du temps reserve à la vie privee. De memeles deplacements occasionnels au Regus Business Park etaient du temps detravail remunere et sporadiques" (meme concl., p. 16).

8eme feuillet

L'arret attaque ne rencontre par aucune consideration les conclusions dudemandeur sur ce prejudice materiel resultant de ce que, ne partant plusde son domicile comme lieu d'execution principal du contrat, ses heures dedeplacements n'etaient plus considerees comme du temps de travail et sesfrais de deplacements n'etaient plus payes et sur les prejudices que laperte de sa qualite de travailleur à domicile lui causait tant dansl'organisation de son temps de travail et donc dans sa vie professionnelleque dans sa vie personnelle et familiale. Il n'est, partant, pasregulierement motive (violation de l'article 149 de la Constitution).

Par voie de consequence, il ne decide pas legalement que le lieud'execution du travail à domicile n'etait pas pour le demandeur unelement essentiel ni meme important du contrat et que sa modificationunilaterale n'a pas emporte la rupture de ce contrat (violation desarticles 1134 du Code civil, 17, 1DEG, 32, 39, 82, 119.1, 119.2, 119.3,1DEG et 119.4, S: 2, de la loi du 3 juillet 1978).

A tout le moins, dans la mesure ou il pose en regle que la modificationunilaterale du lieu de travail et, partant, la perte de la qualite detravailleur à domicile, n'est permise que si cette modification n'emporteaucun prejudice mais qu'il ne verifie pas la realite des prejudicesinvoques par le demandeur autres que celui de la perte de l'indemniteforfaitaire de remboursement de frais de travail à domicile, l'arretattaque ne permet pas à votre Cour d'exercer son controle sur la legalitede la decision (violation de l'article 149 de la Constitution).

Troisieme branche

Il etait admis par la defenderesse que le demandeur avait ete engage dansles liens d'un contrat de travail à domicile en tant que "directeur desachats" et que, lors de son engagement : "il a ete convenu entre lesparties que (le demandeur) remplirait ses obligations à partir de sondomicile en Belgique, mais qu'il pourrait etre invite à «travailleroccasionnellement [au 9], PIRIES Place, Horsham, RH12 IEH(Grande-Bretagne) ou à tout autre endroit raisonnablement requis (par laSOCIETE). Le Cadre effectuera egalement les deplacements à tout endroitque la SOCIETE peut lui demander de temps à autres» (article 1.3 ducontrat de travail)" (sec. concl. app., p. 2).

Les parties ont donc conclu un contrat de travail à domicile nonobstantles fonctions de cadre du demandeur et ses deplacements à Londres.

9eme feuillet

En fondant sa decision que le lieu de travail n'etait pas un elementessentiel ni meme un element important du contrat de travail sur cescirconstances, l'arret attaque viole les articles 1134 du Code civil, 17,1DEG, 32, 39, 82, 119.1, 119.2, 119.3, 1DEG et 119.4, S: 2, de la loi du 3juillet 1978.

Quatrieme branche

La question si le lieu de travail etait pour le travailleur à domicile unelement essentiel du contrat, un element determinant de son consentement,ne peut se verifier à l'aune des consequences de la modificationunilaterale de cet element par l'employeur.

Il s'ensuit que de la circonstance que le deplacement que le demandeurdevait effectuer pour se rendre au siege de Mont-Saint-Guibert nenecessitait qu'un trajet de 24 minutes et de 26 kilometres, ne peut sededuire que le lieu d'execution du contrat à domicile et la qualite detravailleur à domicile qui en est la consequence, n'etaient pas "unelement essentiel ni meme important du contrat".

En fondant sa decision que le lieu de travail n'etait pas un elementessentiel ni meme un element important du contrat de travail sur cescirconstances, l'arret attaque viole les articles 1134 du Code civil, 17,1DEG, 32, 39, 82, 119.1, 119.2 et 119.4, S: 2, de la loi du 3 juillet1978.

Cinquieme branche

Lorsque l'employeur a conclu avec le travailleur un contrat de travail àdomicile, soit un contrat dont la caracteristique est que le lieu detravail chez choisi par le travailleur (articles 119.1, 119.3, 1DEG et119.4, S: 2, de la loi du 3 juillet 1978 combines avec l'article 17, 1DEG,de cette loi), ce contrat fait la loi des parties en vertu de l'article1134 du Code civil. Si l'employeur estime ensuite que les necessites del'entreprise ne justifient plus l'existence d'un contrat de travail àdomicile, il ne peut se delier unilateralement de son engagement en sefondant sur les necessites de l'entreprise. Il lui appartient de requerirl'accord du travailleur sur cette modification, ou, à defaut, de romprele contrat moyennant un preavis execute selon les modalites convenues ouen payant une indemnite compensatoire de preavis.

10eme feuillet

En se fondant sur les circonstances que, lors de l'engagement dudemandeur, John Hall Associates Ltd ne disposait pas de locaux en Belgiqueet que le transfert du lieu d'execution n'est pas le resultat d'un capricede l'employeur mais de la suite logique du developpement de l'entrepriseen Belgique et de l'engagement de personnel supplementaire pour en deduireque le lieu d'execution à domicile du contrat et, partant, la qualite detravailleur à domicile n'etaient pas pour le demandeur "un elementessentiel ni meme important du contrat", l'arret attaque viole lesarticles 1134 du Code civil, 17, 1DEG, 32, 39, 82, 119.1, 119.2, 119.3,1DEG et 119.4, S: 2, de la loi du 3 juillet 1978.

Developpements du premier moyen de cassation

La premiere branche du moyen soutient que, lorsque le contrat de travailconvenu est un contrat de travail à domicile, le lieu de travail estnecessairement un element essentiel.

Les travaux preparatoires de la loi du 6 decembre 1996 relative au travailà domicile ont ainsi souligne que : "Le contrat de travail à domicile sedistingue (...) des autres contrats de travail par deux elements (lepremier etant que) le travail est effectue par le travailleur dans un lieuqu'il choisit lui-meme et qui peut etre son domicile ou une de sesresidences" (Doc. parl., Ch., sess. 1995-1996, Rapport fait au nom de laCommission des Affaires sociales, Doc. 232/6 [3]). Il a egalement etesouligne que le contrat de travail à domicile presentait des avantages.Ainsi : "les travailleurs concernes peuvent decider de maniere autonome dela repartition de leur temps de travail" (Doc. parl., ch. sess. 1995-1996,rapport doc. 232/6 [6]). "Des lors qu'il s'agit d'un choix volontaire dutravailleur, il est clair que dans la plupart des cas, le travail àdomicile represente un avantage en soi pour celui-ci (...). Le travail àdomicile rencontre (...) un certain succes chez certains travailleurs enraison des avantages lies à la qualite de vie, au gain de temps, àl'evitement du stress sur le lieu ou sur le chemin du travail" (meme Doc.,[10]). Il a egalement ete precise que "Le lieu de travail est considerecomme un des elements essentiels du contrat de travail. En principe,l'employeur ne pourra donc pas imposer une telle transformation du contratde travail de maniere unilaterale. Il ne pourrait donc pas, sans l'accorddes travailleurs concernes, transformer le contrat de travail destravailleurs occupes dans l'entreprise en contrat d'occupation detravailleurs à domicile" (meme Doc., [19]). Le meme raisonnement vautdans le sens inverse, à savoir l'interdiction de modifier unilateralementun contrat de travail à domicile en un contrat de travail dont lesprestations sont executees dans l'entreprise.

11eme feuillet

Les autres branches du moyen sont proposees à titre subsidiaire.

Les deuxieme, troisieme et quatrieme branches n'appellent pas dedeveloppements.

La cinquieme branche du moyen soutient qu'il ressort de la jurisprudencede votre Cour que les necessites de l'entreprise ne permettent pas àl'employeur de se delier unilateralement de son engagement en portantatteinte à un element essentiel du contrat.

Ainsi, dans son arret du 1er decembre 1980 (Pas., p. 377), votre Courcasse un arret de la cour du travail qui s'etait fonde, pour decider quel'employeur pouvait obliger unilateralement le travailleur à effectuerquotidiennement un deplacement de cinquante kilometres, sur la basseconjoncture economique actuelle et la circonstance que le deplacementgarantissait au travailleur la stabilite de son emploi.

Par son arret du 7 fevrier 1983 (Pas., nDEG 324), votre Cour casse unarret de la cour du travail ayant decide que la reduction unilaterale dutemps de travail imposee par l'employeur ne constituait pas lamodification d'un element essentiel du contrat au motif que cette decisionavait ete prise dans le but de reduire les frais, etant donne qu'au coursdes dernieres annees le chiffre d'affaire du travailleur avaitconsiderablement baisse.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Dispositions violees

- l'article 1134 du Code civil,

- les articles 17, 1DEG, 32, 39, 82, (cette disposition avant sonabrogation au 1er janvier 2014 par la loi du 26

decembre 2013, concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvrierset employes en ce qui concerne

les delais de preavis et le jour de carence ainsi que de mesuresd'accompagnement), 119.1, 119.2, 119.3, 1DEG et

119.4, S: 2, 5DEG, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats detravail,

- l'article 149 de la Constitution.

12eme feuillet

Decision critiquee

L'arret attaque deboute le demandeur de son action en paiement d'uneindemnite compensatoire de preavis evaluee à 61.755,66 EUR et le condamneà payer à la defenderesse une indemnite compensatoire de preavis fixeeà 28.525,56 EUR, pour tous ses motifs repris à la premiere branche dumoyen et consideres ici comme integralement reproduits.

Griefs

En vertu de l'article 1134 du Code civil, la convention fait la loi desparties et ne peut etre modifiee unilateralement par l'une d'elles.

Lorsque l'employeur modifie unilateralement et de maniere importante desconditions essentielles du contrat, il y met fin au sens de l'article 32,3DEG, de la loi du 3 juillet 1978 et est, en vertu des articles 39, S: 1eret 82 de la meme loi, redevable d'une indemnite compensatoire de preavis.

Pour decider que la modification unilaterale du lieu d'execution ducontrat de travail au domicile du travailleur et, par voie de consequence,la perte de sa qualite de travailleur à domicile n'est pas importante, lejuge du fond est tenu de verifier les consequences que cette modificationemporte pour le travailleur et, partant, d'examiner toutes lescirconstances invoquees par celui-ci quant aux avantages que le contrat detravail à domicile lui procurait et aux prejudices subis du fait de laperte de sa qualite de travailleur à domicile.

Dans ses conclusions d'appel, le demandeur ne soutenait pas seulement quela modification de sa qualite de travailleur à domicile avait pourconsequence qu'il ne percevait plus l'indemnite pour les frais inherentsà ce travail à domicile, mais il soutenait egalement que cettemodification du lieu d'execution du travail lui causait un prejudicemateriel et moral different de la suppression du remboursement des fraisinherents au travail à domicile.

13eme feuillet

Il soutenait ainsi que :

"Le travail à domicile presente des particularites tres specifiques quien font son attrait. On lira ce qu'ecrit Frederic Robert à ce sujet(Robert F., Le teletravail à domicile, Larcier, 2005, p. 31) : «Letravail à domicile presente de reels avantages pour les parties à larelation de travail». Parmi ces avantages, on peut relever pour letravailleur :

- une plus grande flexibilite dans l'organisation de son temps de travail

- moins de stress

- une meilleure qualite de vie

- un meilleur rapport travail/famille

- l'absence de trafic

- une meilleure autonomie

- une meilleure concentration au travail" (concl. add. et de synth. app.,p. 11).

Il rappelait qu'en vertu de son statut de travailleur à domicile, il "nedevait effectuer aucun deplacement pour se rendre à son travail. Sesdeplacements etaient du temps de travail remunere tous frais indemnises"(memes concl., p. 15). Il soutenait que, par contre, la perte de ce statutemportait des deplacements quotidiens qui entravent à la foisl'organisation professionnelle et familiale (du demandeur) et sont unappauvrissement important (pas de vehicule de societe, 70 km/231 = 16.170km prives ou 4.851 EUR/an)" (meme concl., p. 16).

Il concluait encore que :

"Enfin, (la defenderesse) deduit du fait que (le demandeur) se rendait àLondres et occasionnellement dans les bureaux loues du Regus Business Parkde Braine-L'alleud et ensuite dans les bureaux de Mont-Saint-Guibert, quela modification du contrat du concluant n'est pas substantielle.

Or, les deplacements (du demandeur) à Londres etaient du temps de travailremunere (et etaient sporadiques), ce qui n'est pas le cas d'une navettequotidienne qui s'impute sur du temps reserve à la vie privee.

De meme les deplacements occasionnels au Regus Business Park etaient dutemps de travail remunere et sporadiques" (meme concl., p. 16).

L'arret attaque ne rencontre par aucune consideration les conclusions dudemandeur sur ce prejudice materiel resultant de ce que, ne partant plusde son domicile comme lieu d'execution principal du contrat, ses heures dedeplacements n'etaient plus considerees comme du temps de travail et sesfrais de

14eme feuillet

deplacements n'etaient plus payes et sur le prejudice que la perte de saqualite de travailleur à domicile lui causait tant dans l'organisation deson temps de travail et donc dans sa vie professionnelle que dans sa viepersonnelle et familiale. Il n'est, partant, pas regulierement motive(violation de l'article 149 de la Constitution).

Par voie de consequence, il ne decide pas legalement que la modificationdu lieu d'execution du contrat emportant la perte de sa qualite detravailleur à domicile n'etait pas importante et, partant, n'a pasemporte la rupture de ce contrat (violation des articles 1134 du Codecivil, 17, 1DEG, 32, 39, 82, 119.1, 119.2 et 119.4, S: 2, de la loi du 3juillet 1978).

A tout le moins, dans la mesure ou il pose en regle que la modificationunilaterale du lieu de travail et, partant, la perte de la qualite detravailleur à domicile, n'est permise que si cette modification n'emporteaucun prejudice mais qu'il ne verifie pas la realite des prejudicesinvoques par le demandeur autres que celui de la perte de l'indemniteforfaitaire de remboursement de frais de travail à domicile, l'arretattaque ne permet pas à votre Cour d'exercer son controle sur la legalitede la decision (violation de l'article 149 de la Constitution).

Developpements du deuxieme moyen de cassation

Le deuxieme moyen envisage l'hypothese ou le motif de l'arret que lamodification du lieu de travail du demandeur "ne constitue pas unemodification d'un element essentiel ni meme important du contrat detravail" devrait se lire en ce sens que la cour du travail auraitconsidere que le lieu de travail etait un element essentiel mais que lamodification n'etait pas importante. Il est propose à titre subsidiaire;il parait en effet au demandeur que la cour du travail a considere quec'est bien "le transfert du siege d'execution du contrat", soit le lieu dutravail, qui ne modifie pas un element essentiel, ni meme important ducontrat. Ce moyen n'appelle pas de developpements.

15eme feuillet

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Dispositions violees

- les articles 1134, 1315,1319, 1320, 1322, du Code civil,

- l'article 807 du Code judiciaire,

- les articles 17, 1DEG et 2DEG, 32, 39, 82 (cette derniere dispositionavant son abrogation au 1er janvier 2014 par la

loi du 26 decembre 2013, concernant l'introduction d'un statut uniqueentre ouvriers et employes en ce qui

concerne les delais de preavis et le jour de carence ainsi que de mesuresd'accompagnement), 119.1,

119.2, 119.3, 1DEG et 119.4, S: 2, 5DEG, de la loi du 3 juillet 1978relative aux contrats de travail,

- le principe general du droit que la renonciation à un droit est destricte interpretation et ne peut se deduire

que de faits ou d'actes non susceptibles d'une autre interpretation.

Decision attaquee

L'arret attaque deboute le demandeur de son action en paiement d'uneindemnite compensatoire de preavis evaluee à 61.755,66 EUR et le condamneà payer à la defenderesse une indemnite compensatoire de preavis fixeeà 28.525,56 EUR, pour tous ses motifs consideres ici comme integralementreproduits et plus specialement que :

"La Cour constate que, dans les developpements de sa these contenue danssesdernieres conclusions d'appel, le demandeur ne soutient à aucun momentavoir continue à travailler à partir de son domicile apres le moisd'avril 2010. Il ne le prouve en tout cas pas et n'offre pas d'en apporterla preuve. (...)

Le transfert de Waterloo à Mont-Saint-Guibert n'est pas le resultat d'uncaprice de l'employeur mais la suite logique du developpement del'entreprise en Belgique et de l'engagement de personnel supplementaireauxquels le demandeur a volontairement participe puisque c'est lui qui arecherche et propose les nouveaux locaux. Le demandeur ne peut pretendreavoir ete surpris par une decision de l'employeur à l'execution delaquelle il a activement contribue, sans protestation pendant plusieurssemaines, sinon plusieurs mois, avant le demenagement effectif".

16eme feuillet

Griefs

Dans ses conclusions d'appel, le demandeur a soutenu que :

"Apres la rupture, par courrier du 18 octobre 2010, (la defenderesse)expliqua que l'installation de bureaux fixes à Mont-Saint-Guibert enBelgique en avril 2010 ne justifiait plus le contrat d'occupation detravailleurs à domicile (...).

Or, (le demandeur) a d'une part continue d'exercer son travail depuis sondomicile et ce jusqu'à la fin de la relation de travail et, d'autre part,n'a jamais donne son accord ni sur la perte de sa qualite de travailleurà domicile ni sur la modification de son lieu de travail principal"(concl. add. et de synth., p. 4).

Il a conclu que :

"Les nouveaux bureaux ouvrent en avril 2010; rien n'est modifie dans letype de fonction ou le paiement de la remuneration ou des frais de travailà domicile ni d'ailleurs quant à son lieu de travail qui reste sondomicile

- aucune obligation d'etre present au siege de Mont-Saint-Guibert ne luiest notifiee

(...)

(La defenderesse) avance que le modification a eu lieu le 1er avril maisque ce n'est que par courrier du 1er aout 2010, soit quatre mois plustard, que (le demandeur) s'est oppose au fait que les indemnites detravail à domicile ne soient plus payees pour en conclure que sa reactiona ete tardive.

Cette analyse ne resiste pas aux faits : entre le 1er avril et le 31juillet, rien n'avait change. (Le demandeur) continue à travaillerprincipalement au depart de son domicile et ses indemnites lui etaientpayees" (concl. add. et de synth., p. 22).

Le demandeur a egalement conteste qu'en collaborant à l'installation desbureaux à Mont-Saint-Guibert, il aurait accepte la modification du lieud'execution de son propre travail et de sa qualite de travailleur àdomicile, soutenant que :

"On ne peut suivre le tribunal :

- en ce qu'il assimile l'installation d'un siege d'exploitation àMont-Saint-Guibert en «demenagement» alors qu'il s'agit de l'ouvertured'un espace de travail pour permettre à d'autres employes d'y travailler.

- En ce qu'il infere des demarches faites par le (demandeur) en vued'ouvrir le siege de Mont-Saint-Guibert une volonte du travailleur demodifier son statut alors que (le demandeur) executait de la sorte uneinstruction qui lui etait donnee.

17eme feuillet

- En ce qu'il considere incompatible la qualite de travailleur à domicileavec la place reservee (au demandeur) dans l'organigramme alors que lafonction etait de facto exercee jusqu'ores depuis le domicile et que, plusgeneralement, nombre de directeurs dirigent à distance l'une ou l'autresuccursale ou ils ne sont physiquement presents que tres episodiquement"(concl. add. et de synth., p. 13).

En vertu de l'article 1134 du Code civil, la convention fait la loi desparties et ne peut etre modifiee unilateralement par l'une d'elles.

Lorsque l'employeur modifie unilateralement et de maniere importante desconditions essentielles du contrat de travail, il y met fin au sens del'article 32, 3DEG, de la loi du 3 juillet 1978 et est, en vertu desarticles 39, S: 1er et 82 de la meme loi, redevable d'une indemnitecompensatoire de preavis.

La poursuite par le travailleur de ses prestations de travail auxconditions modifiees au-delà du delai necessaire pour prendre attitude ausujet de la conclusion eventuelle d'un nouveau contrat peut impliquer sarenonciation à invoquer la rupture imputable à l'employeur et son accordtacite sur les conditions modifiees.

Encore faut-il : (i) que le travailleur ait effectivement execute lecontrat aux conditions modifiees et (ii) que cette renonciation se fondesur des faits ou actes non susceptibles d'une autre interpretation.

Il s'ensuit :

Premiere branche

S'il a entendu decider que le demandeur avait, en executant le contrat detravail aux conditions modifiees au-delà du temps necessaire pour prendreattitude, renonce à invoquer la rupture imputable à l'employeur etmarque son accord tacite sur les conditions modifiees, aux motifs que"dans les developpements de sa these contenus dans ses dernieresconclusions d'appel, (le demandeur) ne soutient à

18eme feuillet

aucun moment avoir continue à travailler à partir de son domicile apresle mois d'avril 2010", l'arret attaque, ne lit pas dans les dernieresconclusions d'appel du demandeur ce qui s'y trouve, violant, partant, lafoi qui leur est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Codecivil).

Deuxieme branche

En vertu des articles 1315 du Code civil et 807 du Code judiciaire,chacune des parties a la charge de prouver les faits qu'elle allegue.

Lorsque les parties ont fixe le lieu de travail principalement au domiciledu travailleur, cette convention fait la loi des parties au sens del'article 1134 du Code civil. L'employeur a l'obligation de faire executerle contrat au lieu convenu au domicile convenu etant le domicile dutravailleur (articles 119.3, 1DEG et 119.4, S: 2, 5DEG, de la loi du 3juillet 1978) et le travailleur a l'obligation d'executer le contrat à celieu convenu (articles 17, 1DEG et 119.4, S: 2, 5DEG, de la meme loi).

Il s'en deduit que le demandeur n'avait pas à prouver qu'il avaitcontinue à executer son contrat à son domicile. Il appartenait aucontraire à la defenderesse, qui soutenait qu'en executant son contrat detravail au lieu modifie au-delà du temps necessaire pour prendreattitude, le demandeur avait renonce à se prevaloir de la rupture etaccepte de travailler aux conditions modifiees, de l'etablir.

Il s'ensuit que, s'il decide que le demandeur a accepte la modification deson lieu de travail et partant la perte de sa qualite de travailleur àdomicile, aux motifs qu'il n'apporte pas la preuve qu'il a continue àexecuter son contrat principalement à domicile à partir d'avril 2010,l'arret attaque viole les articles 1315 du Code civil, 807 du Codejudiciaire, 17, 1DEG, 119.3, 1DEG et 119.4, S: 2, 5DEG, de la loi du 3juillet 1978.

Troisieme branche

La caracteristique de tout contrat de travail est l'existence d'un lien desubordination. L'article 3 de la loi du 3 juillet 1978 qui, conformementà l'article 119.2, S: 1er, de la meme loi est applicable au contrat detravail à domicile, donne à l'employeur le droit de diriger le travaildu travailleur, de lui donner des ordres et des instructions, tandis qu'envertu de l'article 17, 1DEG et 2DEG, de la loi du 3 juillet 1978, cetravailleur doit agir conformement aux ordres et aux instructions qui luisont donnees.

19eme feuillet

Les circonstances que le demandeur a recherche et propose des locaux et aactivement contribue au developpement de l'entreprise pendant "plusieurssemaines, sinon plusieurs mois avant le demenagement effectif" peuvent,ainsi que le soutenait le demandeur, s'expliquer par la circonstance qu'entant que travailleur subordonne, il etait tenu d'oeuvrer au developpementde l'entreprise en agissant conformement aux instructions rec,ues.

Il s'ensuit que, s'il deduit de ces circonstances que le demandeur aaccepte la modification du lieu d'execution de son propre contrat et arenonce à invoquer cette modification au titre de comportementequipollent à rupture, l'arret attaque viole le principe general du droitque la renonciation à un droit est de stricte interpretation et ne peutse deduire que de faits ou d'actes non susceptibles d'une autreinterpretation, ainsi que les articles 1134 du Code civil, 3 et 17, 2DEG,de la loi du 3 juillet 1978 applicables au contrat de travail à domicileen vertu de l'article 119.2, S:1er, de la loi du 3 juillet 1978.

A tout le moins, l'arret attaque ne rencontre pas les conclusions dudemandeur en ce qu'elles soutenaient que, en effectuant des demarches envue d'ouvrir le siege de Mont-Saint-Guibert, il n'avait fait qu'executerles instructions donnees et n'est pas regulierement motive (violation del'article 149 de la Constitution) et ne permet pas à votre Cour d'exercerson controle sur la legalite de la decision (violation de l'article 149 dela Constitution).

Developpements du troisieme moyen de cassation

Le troisieme moyen envisage l'hypothese que, par les motifs de l'arretreproduits en tete du moyen, la cour du travail decide que le demandeur a,par son attitude, accepte la modification ou du moins renonce à invoquerl'existence d'un acte equipollent à rupture.

Il n'appelle pas de developpements.

20eme feuillet

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Dispositions violees

- les articles 1235, 1315, 1319, 1320, 1322, 1376 et 1377 du Code civil,

- l'article 807 du Code judiciaire,

- l'article 17, 1DEG, 119.1, 119.2, S: 1er, 119.3, 1DEG, 119.4, S: 2, 4DEGet 5DEG et 119.6 , de la loi du 3 juillet 1978 relative

aux contrats de travail.

Decision critiquee

L'arret attaque deboute le demandeur de son action tendant à lacondamnation de la defenderesse à lui payer l'indemnite convenue pour lesfrais lies à l'execution de son contrat de travail à domicile entre lesmois de juillet et d'octobre 2010, soit 2.460,84 EUR et dit fondeel'action reconventionnelle de la defenderesse tendant à voir condamner ledemandeur au remboursement desdites indemnites pour les mois d'avril àjuin 2010, soit 2.352,27 EUR, pour tous ses motifs consideres ici commeintegralement reproduits et plus particulierement que :

"L'article 2.3 du contrat de travail prevoit explicitement que l'indemnitede travail à domicile est liee aux frais exposes en raison de l'executiondu travail à domicile : le Cadre recevra pour les frais lies àl'execution de son contrat de travail à domicile, une indemnite convenueau montant mensuel fixe de 714,58 E (article 119.4, 4DEG de la loi sur lecontrat de travail).

Il s'ensuit que le transfert du lieu d'execution du contrat de Waterloo àMont-Saint-Guibert entraine necessairement la perte du droit à desindemnites destinees à couvrir des frais qui ne sont plus exposes.

"La Cour constate que, dans les developpements de sa these contenue danssesdernieres conclusions d'appel, (le demandeur) ne soutient à aucun momentavoir continue à travailler à partir de son domicile apres le moisd'avril 2010. Il ne le prouve en tout cas pas et n'offre pas d'en apporterla preuve. (...)

Le transfert de Waterloo à Mont-Saint-Guibert n'est pas le resultat d'uncaprice de l'employeur mais la suite logique du developpement del'entreprise en Belgique et de l'engagement de personnel supplementaireauxquels le demandeur a volontairement participe puisque c'est lui qui arecherche

21eme feuillet

et propose les nouveaux locaux. Le demandeur ne peut pretendre avoir etesurpris par une decision de l'employeur à l'execution de laquelle il aactivement contribue, sans protestation pendant plusieurs semaines, sinonplusieurs mois, avant le demenagement effectif.

(Le demandeur) ne peut donc pretendre (...) à l'indemnite pour travail àdomicile"

et, sur l'appel incident de la defenderesse, que :

"En ce qui concerne l'indemnite de travailleur à domicile, il a ete ditci-dessus que cette indemnite n'etait plus due à partir du moment ou (ledemandeur) n'exerc,ait plus ses fonctions à partir de son domicile. C'estdonc indument qu'il a beneficie de celle-ci pendant les mois d'avril àjuin 2010".

Griefs

Dans ses conclusions d'appel, le demandeur a soutenu que :

"Apres la rupture, par courrier du 18 octobre 2010, (la defenderesse)expliqua que l'installation de bureaux fixes à Mont-Saint-Guibert enBelgique en avril 2010 ne justifiait plus le contrat d'occupation detravailleurs à domicile (...).

Or, (le demandeur) a d'une part continue d'exercer son travail depuis sondomicile et ce jusqu'à la fin de la relation de travail et, d'autre part,n'a jamais donne son accord ni sur la perte de sa qualite de travailleurà domicile ni sur la modification de son lieu de travail principal"(concl. add. et de synth., p. 4).

Il a conclu que :

"Les nouveaux bureaux ouvrent en avril 2010; rien n'est modifie dans letype de fonction ou le paiement de la remuneration ou des frais de travailà domicile ni d'ailleurs quant à son lieu de travail qui reste sondomicile

- aucune obligation d'etre present au siege de Mont-Saint-Guibert ne luiest notifiee

(...)

(La defenderesse) avance que le modification a eu lieu le 1er avril maisque ce n'est que par courrier du 1er aout 2010, soit quatre mois plustard, que (le demandeur) s'est oppose au fait que les indemnites detravail à domicile ne soient plus payees pour en conclure que sa reactiona ete tardive.

Cette analyse ne resiste pas aux faits : entre le 1er avril et le 31juillet, rien n'avait change. (Le demandeur) continue à travaillerprincipalement au depart de son domicile et ses indemnites lui etaientpayees" (concl. add. et de synth., p. 22).

22eme feuillet

Il s'ensuit que :

Premiere branche

En deboutant le demandeur de son action en paiement de l'indemnite detravail à domicile pour les mois de juillet au 6 octobre 2010 et en lecondamnant à rembourser lesdites indemnites pour les mois d'avril à juin2006, au motif que "dans les developpements de sa these contenus dans sesdernieres conclusions d'appel, (le demandeur) ne soutient à aucun momentavoir continue à travailler à partir de son domicile apres le moisd'avril 2010", l'arret attaque ne lit pas dans les conclusionsadditionnelles et de synthese du demandeur ce qui s'y trouve, violant,partant, la foi qui leur est due (violation des articles 1319, 1320 et1322 du Code civil).

Seconde branche

Les caracteristiques du contrat de travail à domicile sont :

(i) qu'en vertu de l'article 119.1, de la loi du 3 juillet 1978, letravailleur choisit le lieu ou il va executer son contrat, ce que confirmel'article 119.4, S: 2, 5DEG, aux termes duquel l'ecrit doit mentionner lelieu ou les lieux ou le travailleur à domicile a choisi d'executer sontravail. Ce lieu est donc celui ou le travailleur est tenu de travaillerconformement à l'article 17, 1DEG, de la loi du 3 juillet 1978, renduapplicable au contrat de travail à domicile par l'article 119.2, S: 1er,de la loi du 3 juillet 1978;

(ii) que, en vertu de l'article 119.3, 1DEG, de la loi du 3 juillet 1978,l'employeur est tenu de rembourser les frais inherents à l'execution ducontrat de travail à domicile; que le montant de l'indemnite doit etrementionne dans le contrat conformement à l'article 119.4, S: 2, 4DEG, dela loi du 3 juillet 1978 et, qu'à defaut, il doit payer le forfait de 10%de la remuneration prevu par l'article 119.6, de cette loi.

Il s'en deduit :

(i) que la defenderesse, qui soutenait avoir paye indument les indemnitesde frais de travail à domicile entre les mois d'avril et de juin 2010 aumotif que le demandeur n'exerc,ait plus son activite à domicile et quientendait en obtenir le remboursement sur la base des articles 1235, 1376et 1377 du Code civil avait, conformement aux articles 1315 du Code civilet 807 du Code judiciaire, la charge de prouver ce fait qu'elle alleguait;

23eme et dernier feuillet

(ii) que la defenderesse, qui soutenait ne plus etre tenue de payer lesindemnites contractuellement prevues entre le mois de juillet et le 6octobre 2010, avait la charge de prouver le fait qui la liberait del'obligation de payer les frais inherents au travail à domicile.

En disant fondee l'action de la defenderesse en remboursement des frais detravail à domicile pour les mois d'avril à juin 2010 et en deboutant ledemandeur de son action en paiement desdits frais pour les mois de juilletau 6 octobre 2010, aux motifs que le demandeur ne prouve pas et n'offrepas d'apporter la preuve qu'il a continue à travailler à domicile àpartir du mois d'avril 2010 et que l'indemnite n'est plus due à partir dumoment ou le demandeur n'exerce plus ses fonctions à partir de sondomicile, l'arret attaque viole les articles 1315, 1235, 1376 et 1377 duCode civil, 807 du Code judiciaire et 119.1, 119.3, 1DEG et 119.4, S: 2,4DEG et 5DEG, de la loi du 3 juillet 1978.

PAR CES CONSIDERATIONS,

l'avocate à la Cour de cassation soussignee, pour le demandeur, conclutqu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arret attaque; ordonnerque mention de votre arret soit faite en marge de la decision annulee;renvoyer la cause et les parties devant une autre cour du travail; statuercomme de droit quant aux depens.

Jacqueline Oosterbosch

Liege, le 7 decembre 2015

Piece jointe pour l'information de la Cour : le contrat de travail du 31mai 2005, produit par les deux parties en

piece 1 de leur dossier.

27 FEVRIER 2017 S.15.0134.F/1

Requete/32


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.15.0134.F
Date de la décision : 27/02/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-02-27;s.15.0134.f ?
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