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27/02/2017 | BELGIQUE | N°S.15.0130.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 27 février 2017, S.15.0130.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.15.0130.F

OFFICE NATIONAL DE SECURITE SOCIALE, etablissement public dont le siegeest etabli à Saint-Gilles, place Victor Horta, 11,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67,ou il est fait election de domicile,

contre

1. H. A. et

2. C. D.,

defendeurs en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 10

septembre2015 par la cour du travail de Bruxelles.

Le 31 janvier 2017, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.15.0130.F

OFFICE NATIONAL DE SECURITE SOCIALE, etablissement public dont le siegeest etabli à Saint-Gilles, place Victor Horta, 11,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67,ou il est fait election de domicile,

contre

1. H. A. et

2. C. D.,

defendeurs en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 10 septembre2015 par la cour du travail de Bruxelles.

Le 31 janvier 2017, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et l'avocat general JeanMarie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

Le demandeur presente deux moyens, dont le premier est libelle dans lestermes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 2219, 2227, 2257 et 2262bis, S: 1er, du Code civil ;

- articles 1er, S: 1er et 5, de la loi du 27 juin 1969 revisantl'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant la securite sociale destravailleurs ;

- article 149 de la Constitution.

Decisions et motifs critiques

L'arret, reformant le jugement du premier juge, decide que la demandeoriginaire [des defendeurs] n'est pas prescrite et dit en consequencepour droit qu'il y a lieu de reconnaitre l'assujettissement du defendeurau regime de la securite sociale des travailleurs salaries depuis 1960 etcelui de la defenderesse depuis 1962, pour les motifs suivants :

« La demande des [defendeurs], telle que libellee dans leurs dernieresconclusions, a pour objet : (...)

- de dire pour droit que, depuis 1960 en ce qui concerne [le defendeur] et1962 en ce qui concerne [la defenderesse] ou à tout le moins depuis 1996comme decide par le premier juge et jusqu'au jour du prononce de lafaillite, soit le 29 mai 2001, les [defendeurs] etaient occupes au sein dela s.a. C. dans les liens d'un contrat de travail ;

- d'annuler en consequence la decision de refus d'assujettissement à lasecurite sociale de travailleur salarie notifiee par [le demandeur]. (...)

La cour [du travail] est d'avis que la demande originaire n'est pasprescrite.

Il resulte des termes utilises par [le demandeur] dans sa lettre du 27mars 2006, en reponse à une lettre des [defendeurs] du 23 fevrier 2006,que [le demandeur] se prononce sur l'application à ceux-ci du regime desecurite sociale des travailleurs salaries et qu'il confirme une decision,(apparemment datee du 13 septembre 2005), selon laquelle `c'est à bonescient que vous etes assujettis à la securite sociale des travailleursindependants' ; (...)

A defaut pour l'article 42 [de la loi du 27 juin 1969 revisantl'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant la securite sociale destravailleurs], tel qu'il est applicable en 2006, de contenir unedisposition relative à l'action en contestation d'une decision de refusd'assujettissement, il y a lieu de retenir le delai de prescription dedroit commun de dix ans vise à l'article 2262bis du Code civil. Il suffitde constater que la demande a ete introduite dans ce delai, sans autreconsideration, puisque la demande ne porte, dans les limites du presentlitige, ni sur un paiement de cotisations ni sur la repetition decotisations indues qui, elles, pourraient etre en partie prescrites. Il ya donc lieu d'examiner si, pendant la periode pendant laquelle ils ont eteoccupes professionnellement au sein de la s.a. C., les [defendeurs]pouvaient pretendre à l'assujettissement au statut des travailleurssalaries ».

Griefs

En vertu de l'article 2227 du Code civil, les etablissements publics telsque le demandeur sont soumis aux memes prescriptions que les particulierset peuvent egalement les opposer.

L'arret decide qu'à defaut de disposition particuliere applicable àl'action en contestation d'une decision de refus d'assujettissement, il ya lieu de retenir « le delai de prescription de droit commun de dix ansvise à l'article 2262bis du Code civil ».

L'arret enonce qu'« il suffit de constater que la demande des defendeursa ete introduite dans ce delai » et qu'« il y a donc lieu d'examinersi, pendant la periode pendant laquelle ils ont ete occupesprofessionnellement au sein de la s.a. C., [les defendeurs] pouvaientpretendre à l'assujettissement au statut des travailleurs salaries ».

Premiere branche

L'arret decide que la demande visant à l'assujettissement des defendeursdepuis 1960 et 1962 a ete introduite dans le delai legal de dix ans sur labase de la consideration suivante :

« La cour [du travail] est d'avis que la demande originaire n'est pasprescrite.

Il resulte des termes utilises par [le demandeur] dans son courrier du 27mars 2006, en reponse à une lettre des [defendeurs] du 23 fevrier 2006,que [le demandeur] se prononce sur l'application à ceux-ci du regime desecurite sociale des travailleurs salaries et qu'il confirme une decisionapparemment datee du 13 septembre 2005 selon laquelle `c'est à bonescient que vous etes assujettis à la securite sociale des travailleursindependants' ».

En decidant sur cette base que la demande originaire des defendeurs n'estpas prescrite, l'arret viole les articles 2219 et 2262bis, S: 1er, du Codecivil.

L'arret constate en effet que la demande des defendeurs visait à se fairereconnaitre un assujettissement en qualite de travailleurs salaries pourla periode de 1960 au 29 mai 2001, s'agissant du defendeur, et pour laperiode de 1962 au 29 mai 2001, s'agissant de la defenderesse.

La demande portait donc expressement sur la reconnaissance d'un droitsubjectif des defendeurs pendant une tres longue periode determinee, deplus de quarante annees.

Les juges d'appel ont bien compris la portee de cette demande enconsiderant qu'« il y a donc lieu d'examiner si, pendant la periodependant laquelle ils ont ete occupes professionnellement au sein de las.a. C., les [defendeurs] pouvaient pretendre à l'assujettissement austatut des travailleurs salaries ».

Or l'arret ne verifie pas si la demande ainsi formulee par les defendeursn'etait pas prescrite en fonction de la periode d'assujettissementrevendiquee par les defendeurs, se contentant de considerer à cet egardqu'« il suffit de constater que la demande a ete introduite dans cedelai » .

Pour calculer le delai de la prescription, il importe avant tout d'enconnaitre le point de depart. La prescription, etant une defense opposeeà une action tardive, ne commence en principe à courir qu'au jour ounait cette action. Ce principe decoule de l'article 2257 du Code civil.

La demande des defendeurs portait sur leur assujettissement continu à lasecurite sociale des travailleurs salaries depuis 1960 et 1962.

A cet egard, une application correcte de ces dispositions legales imposede declarer prescrite la demande des defendeurs introduite le 23 octobre2006 en tant qu'elle revendique un tel assujettissement depuis 1960 et1962.

Pour cette periode, le droit subjectif des defendeurs àl'assujettissement en tant que travailleurs salaries a en effet prisnaissance plus de dix annees avant l'introduction de leur action.

L'article 1er, S: 1er, alinea 1er, de la loi du 27 juin 1969 prevoitqu'elle s'applique aux travailleurs et aux employeurs lies par un contrattravail. Il resulte du systeme organise par cette loi, et notamment desarticles 5 et 2, S: 2, de celle-ci, que l'assujettissement destravailleurs à cette loi est, en principe, la condition de leur admissionau benefice des regimes au financement duquel ils contribuent par leursprestations.

Le droit du travailleur d'agir en justice contre l'Office national desecurite sociale en vue de faire reconnaitre son etat de salarie et,partant, son droit subjectif à la securite sociale du travailleur salarienait au moment de la conclusion du contrat de travail et se poursuitpendant toute la periode pendant laquelle il continue à etre employecomme salarie.

L'assujettissement d'un travailleur à la loi du 27 juin 1969 etant lacondition de son admission au benefice de la securite sociale destravailleurs salaries, la prescription de l'action relative au droit quele travailleur pretend puiser dans cette loi commence à courir au jourou, selon l'arret, doit etre reconnue aux defendeurs la qualite detravailleur salarie.

La circonstance que, dans les limites du present litige, la demande neportait pas « sur un paiement de cotisations ni sur la repetition decotisations indues qui, elles, pourraient etre en partie prescrites »est etrangere à ce raisonnement et ne permet donc pas de motiverlegalement la decision de la cour du travail de declarer la demande desdefendeurs non prescrite pour ce qui concerne les assujettissements auregime des travailleurs salaries qu'ils revendiquent sans discontinuitedepuis 1960 et 1962.

Il en resulte qu'en declarant que la demande originaire des defendeurs,portant sur un assujettissement à la securite sociale des travailleurssalaries pour la periode de 1960, s'agissant du defendeur, ou 1962, s'agissant de la defenderesse, au 29 mai 2001, n'est pas prescrite aumotif pretendument « suffisant » qu'elle a ete « introduite » dansle delai de dix ans vise à l'article 2262bis du Code civil et « sansautre consideration », l'arret viole toutes les dispositions legalesvisees au moyen, sauf l'article 149 de la Constitution, des lors que leurdroit subjectif à un tel assujettissement avait pris naissance en 1960 et1962, en raison de leur qualite de travailleurs salaries constatee parl'arret à ces deux dates, et avait donc commence à se prescrire plus dedix ans avant la date de la citation introductive d'instance du 23 octobre2006.

A tout le moins, l'action des defendeurs est prescrite dans la mesure ouelle conteste la decision du demandeur de refuser leur assujettissement àla securite sociale des travailleurs salaries pour une periode excedantles dix annees avant son introduction le 23 octobre 2006.

Des lors qu'il ne declare pas prescrite, à tout le moins pour cetteperiode-là, la demande des defendeurs, l'arret viole les dispositionslegales visees en tete du moyen, à l'exception de l'article 149 de laConstitution.

Deuxieme branche

L'arret ne precise pas le point de depart du delai qu'il prend enconsideration pour le calcul de la prescription.

En considerant qu'il suffit de constater que la demande a ete introduitedans un delai de dix ans, sans preciser le point de depart de ce delai,l'arret ne motive pas regulierement sa decision car il ne permet pas à laCour de cassation d'exercer son controle de legalite de la decision de lacour du travail selon laquelle la demande originaire introduite le 23octobre 2006 par les defendeurs afin de dire pour droit qu'ils etaientoccupes au sein de la s.a. C. dans les liens d'un contrat de travaildepuis 1960 et 1962 n'est pas prescrite (violation de l'article 149 de laConstitution).

Troisieme branche

Si l'on doit lire l'arret comme precisant le point de depart du delai deprescription de dix ans comme etant la notification de la decision dudemandeur, du 27 mars 2006, alors les juges d'appel auraient du considerercomme prescrite l'action des defendeurs pour une periode excedant les dixannees avant son introduction (violation de toutes les dispositionslegales visees au moyen sauf l'article 149 de la Constitution).

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

L'Office national de securite sociale a, comme le montrent lesdispositions des articles 5, 9, 22 et 40 de la loi du 27 juin 1969revisant l'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant la securite socialedes travailleurs, le pouvoir de refuser le benefice de cette loi à ceuxqui n'en remplissent pas les conditions. Le travailleur disposereciproquement à l'egard de l'Office d'un droit subjectif à lareconnaissance de l'application de la loi.

L'article 1er, S: 1er, de la meme loi dispose qu'elle est applicable auxtravailleurs et aux employeurs lies par un contrat de travail.

Le travailleur est donc assujetti à cette loi et il peut faire valoir àl'egard de l'Office son droit à la reconnaissance de cette application,des la prise de cours et pendant toute la duree du contrat de travail.

A defaut de disposition particuliere, l'action sanctionnant ce droit seprescrit, conformement à l'article 2262bis, S: 1er, alinea 1er, du Codecivil, par dix ans à partir du jour ou l'obligation est exigible.

Le droit subjectif à la reconnaissance de l'application de la loi etantexigible jour apres jour, la citation en justice signifiee par letravailleur à l'Office national de securite sociale interrompt laprescription, comme le prevoit l'article 2244 du Code civil, pour les dixannees qui la precedent.

L'arret constate que les defendeurs demandaient à l'Office national desecurite sociale, le demandeur, de reconnaitre qu'ils avaient ete occupessous contrat de travail et que la loi du 27 juin 1969 leur etaitapplicable, de 1960 ou 1962 au 29 mai 2001.

En decidant que cette demande n'est pas prescrite pour les dix annees quiprecedent la citation en justice du 23 octobre 2006, l'arret ne viole pasl'article 2262bis, S: 1er, alinea 1er, du Code civil.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

En decidant que cette demande n'est pas davantage prescrite pour laperiode qui precede ces dix annees, de 1960 ou 1962 au 22 octobre 1996,l'arret viole cette disposition legale.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur les autres griefs :

Il n'y a lieu d'examiner ni les autres branches du premier moyen ni lesecond moyen, qui ne sauraient entrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, sauf en tant que, par confirmation du jugement dupremier juge, il reconnait l'assujettissement des defendeurs au regime dela securite sociale des travailleurs salaries du 23 octobre 1996 au 29 mai2001 et ecarte la decision du demandeur de refuser cet assujettissementpour cette periode ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Vu l'article 1017, alinea 2, du Code judiciaire, condamne le demandeur auxdepens ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour du travail de Liege.

Les depens taxes à la somme de trois cent cinquante-trois eurosquatre-vingt-deux centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillersMireille Delange, Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du vingt-sept fevrier deux mille dix-septpar le president de section Albert Fettweis, en presence de l'avocatgeneral Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Patricia DeWadripont.

+-----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+------------+----------------|
| M. Lemal | M. Delange | A. Fettweis |
+-----------------------------------------------+

27 FEVRIER 2017 S.15.0130.F/3


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.15.0130.F
Date de la décision : 27/02/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-02-27;s.15.0130.f ?
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