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09/02/2017 | BELGIQUE | N°C.13.0528.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 09 février 2017, C.13.0528.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.13.0528.F

1. TOUAX, societe de droit franc,ais dont le siege est etabli à LaDefense (France), Terrasse Boieldieu, Tour Franklin, 100-101,

2. TOUAX ROM, societe de droit roumain dont le siege est etabli àConstanta (Roumanie), Str. Pacii, 6,

demanderesses en cassation,

representees par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

ETAT BELGE, represente par

a) le pre

mier ministre, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de laLoi, 16,

b) le ministre de la Defense, d...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.13.0528.F

1. TOUAX, societe de droit franc,ais dont le siege est etabli à LaDefense (France), Terrasse Boieldieu, Tour Franklin, 100-101,

2. TOUAX ROM, societe de droit roumain dont le siege est etabli àConstanta (Roumanie), Str. Pacii, 6,

demanderesses en cassation,

representees par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

ETAT BELGE, represente par

a) le premier ministre, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de laLoi, 16,

b) le ministre de la Defense, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rueLambermont, 8,

c) le ministre des Affaires etrangeres, dont le cabinet est etabli àBruxelles, rue des Petits Carmes, 15,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 16 mai 2013 parla cour d'appel de Bruxelles.

Le 16 janvier 2017, le premier avocat general Andre Henkes a depose desconclusions au greffe.

Le president de section Christian Storck a fait rapport et le premieravocat general Andre Henkes a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

Les demanderesses presentent deux moyens libelles dans les termessuivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

Articles 1319, 1320, 1322, 1382 et 1383 du Code civil

Decisions et motifs critiques

Apres avoir rappele que les demanderesses « ont fonde leur action surl'article 1382 du Code civil » et decide que « le droit belge est [...]applicable », l'arret dit cette action non fondee par tous ses motifsreputes ici integralement reproduits et, specialement, par les motifs que:

« Les [demanderesses] estiment que [le defendeur] a commis une faute enparticipant à la decision prise par l'Organisation du Traite del'Atlantique Nord et ses Etats membres de mener des operations militairesen Yougoslavie en violation de la Charte des Nations Unies, qui prohibe lerecours à la menace ou l'emploi de la force dans les relationsinternationales ;

Aux termes de l'article 2, S: 4, de la Charte des Nations Unies, `lesmembres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relationsinternationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soitcontre l'integrite territoriale ou l'independance politique de tout Etat,soit de toute autre maniere incompatible avec les buts des NationsUnies' ;

[Le defendeur] objecte à juste titre que cette disposition est depourvued'effet direct et qu'elle ne peut etre invoquee directement par unparticulier devant les tribunaux en l'absence de mesures d'execution, ceque ne contestent pas les [demanderesses] [...] ;

Cependant, les [demanderesses] soutiennent que cette violation n'enconstitue pas moins une faute au sens de l'article 1382 du Code civil,dont elles peuvent des lors se prevaloir ;

`La faute extracontractuelle est susceptible de se presenter sous deuxaspects. Ou bien c'est un acte ou une abstention qui meconnait une normede droit international ayant des effets directs dans l'ordre juridiquenational ou une norme de droit interne imposant à des sujets de droit des'abstenir ou d'agir de maniere determinee. Ou bien c'est un acte ou uneabstention qui, sans constituer un manquement à de telles normes,s'analyse en une erreur de conduite, laquelle doit etre appreciee suivantle critere d'une personne normalement soigneuse et prudente, placee dansles memes conditions' ;

Des lors que la faute reprochee [au defendeur] ne peut s'analyser en lameconnaissance d'une norme internationale ayant des effets directs et quela demande invoque uniquement une telle violation, sans invoquer nidemontrer un manquement à l'obligation generale de prudence, ce fondementn'est pas adequat ;

[...] Les [demanderesses] soutiennent encore que les operations militairesauxquelles [le defendeur] a pris part ont viole le Traite de l'AtlantiqueNord ;

Aucune faute ne peut toutefois etre tiree de la violation - à la supposeretablie - de ce traite qui est depourvu d'effet direct en droit belge.Pour les memes motifs que ceux qui ont ete developpes precedemment [...],l'invocation de la violation de l'article 1382 du Code civil ne permet pasde retenir une faute [du defendeur] lorsque le comportement qui lui estreproche reside dans la violation de ce traite ».

Griefs

Dans leurs conclusions de synthese devant la cour d'appel, lesdemanderesses soutenaient que leur action « n'est pas fondee sur uneregle de droit international directement applicable mais sur une fautecivile commise par [l'Etat belge] ». Elles faisaient valoir, ensubstance, que les operations militaires contre la Serbie constituent uneviolation de la Charte des Nations Unies et donc un faitinternationalement illicite au regard de l'article 2, S: 4, de cettecharte ; que la Belgique a viole cette regle prohibant le recours à laforce « en participant à la decision prise par les Etats membres del'Organisation du Traite de l'Atlantique Nord reunis au sein du Conseil del'Atlantique Nord le 30 juin 1999 et en decidant d'engager les forcesarmees belges dans cette operation militaire » alors que celle-ci ne futpas menee au titre de la legitime defense et n'a jamais ete autoriseeprealablement par le Conseil de securite des Nations Unies, que « lacampagne de bombardement contre la Yougoslavie etait de toute evidence unacte d'agression » au sens de l'article 8bis du statut de Rome de la Courpenale internationale et enfin que pareille operation n'etait pas pluslicite au regard du Traite de l'Atlantique Nord qui ne prevoit en aucunede ses dispositions que « l'Organisation du Traite de l'Atlantique Nordpeut s'engager dans des operations coercitives qui ne seraient pascommandees par les necessites de la legitime defense de ses membres ou del'un d'entre eux ».

Enfin, les demanderesses faisaient valoir que « le Conseil atlantique ausein duquel siege [l'Etat belge] a conserve la gestion directe de la crisedes le debut de la campagne aerienne conformement à sa volonte de garderau niveau politique la maitrise en temps reel des operations ; que leConseil atlantique a donc garde la main sur la selection des cibles desoperations de bombardement ; que, par la voix de son ambassadeur, [l'Etatbelge] pouvait donc bloquer toute decision relative à la destruction desponts sur le Danube au sein du Conseil atlantique mais qu'il s'en estcoupablement abstenu ».

Les demanderesses ne contestaient ni « que la regle prohibant le recoursà la menace ou l'emploi de la force dans les relations internationales,telle qu'elle est codifiee à l'article 2, S: 4, de la Charte des NationsUnies, est depourvue d'effet direct » ni qu'une telle regle ne peut etreinvoquee directement par un particulier devant les tribunaux. Ellessoutenaient que leur action n'etait pas fondee sur la regle prohibant lerecours à la menace ou à l'emploi de la force dans les relationsinternationales (ou sur la violation du Traite de l'Atlantique Nord) mais« sur l'article 1382 du Code civil [...] qui confere aux particuliers ledroit d'obtenir la reparation du dommage resultant de la fauted'autrui ». Elles faisaient valoir que « tout comportement imprudentpeut etre qualifie de faute, meme sans violation d'une regle de droitexplicite, mais a fortiori si une regle de droit a ete violee ; qu'iln'est pas requis que la negligence ou le defaut de prevoyance commis parl'Etat à l'egard d'un etranger ou d'une societe etrangere soit en soiconstitutive de violation d'une regle internationale pour que saresponsabilite soit engagee » ; que « la these qu'une guerre illegalen'entraine que des droits dans le chef des Etats attaques et non dans lechef des particuliers est depassee », et qu'« en 1990 dejà, le Conseilde securite a affirme qu'en vertu du droit international, un Etat qui aviole la Charte de l'Organisation des Nations Unies en agressant un autrepays engage sa responsabilite vis-à-vis des particuliers à qui undommage a ete occasionne ». Elles en concluaient que « le comportementde l'Etat qui consiste à violer une regle internationale fondamentale,comme l'interdiction de l'usage unilateral de la force contre un autrepays ou les regles du droit humanitaire, constitue donc indiscutablementaussi une faute civile » et qu'« un tel comportement viole d'ailleursaussi les principes generaux de notre droit qui doivent guider l'action del'executif, notamment les principes de precaution et deproportionnalite ».

Les demanderesses ajoutaient que l'Etat belge avait agi en connaissance decause des circonstances du fait internationalement illicite ; qu'il « nepouvait pas ignorer que la decision de l'Organisation du Traite del'Atlantique Nord du 30 janvier 1999, à laquelle [il] a participe, avaitprecisement pour but de bombarder la Serbie ; [qu'il] avait conscienceque ces bombardements n'avaient pas ete autorises par le Conseil desecurite, pas plus qu'ils ne constituent une reaction en legitimedefense ; [qu'il] n'ignorait pas qu'en fournissant un appui aerien auxpilotes engages dans les bombardements et en leur garantissant une liberted'action, il leur permettait de proceder aux bombardements ainsidecides ».

Premiere branche

La faute de l'autorite administrative qui peut, sur la base des articles1382 et 1383 du Code civil, engager sa responsabilite consiste en uncomportement qui, ou bien, sous reserve d'une erreur invincible ou d'uneautre cause de justification, viole une norme de droit national ou d'untraite international ayant des effets dans l'ordre juridique interneimposant à cette autorite de s'abstenir ou d'agir d'une manieredeterminee, ou bien s'analyse en une erreur de conduite devant etreappreciee suivant le critere de l'autorite normalement soigneuse etprudente, placee dans les memes conditions.

Il ne resulte pas des articles 1382 et 1383 du Code civil que l'Etat belgen'engagerait sa responsabilite qu'en cas de violation d'une norme de droitinternational ayant un effet directement applicable en droit belge ; ilfaut mais il suffit, pour que la responsabilite de l'Etat belge soitengagee sur la base de l'article 1382 du Code civil, qu'il ait adopte uncomportement qu'une regle internationale lui interdit d'adopter et qui estsusceptible de causer des dommages à des particuliers, et que cecomportement ait cause le dommage dont le prejudicie demande lareparation.

Au demeurant, la violation consciente par l'Etat belge de dispositionsinternationales prohibant le recours à la force, hors le cas de legitimedefense ou sans autorisation prealable du Conseil de securite, estnecessairement un comportement que n'adopterait pas un Etat normalementprudent soucieux de ne causer aucun dommage à des particuliers, hormisles cas d'imperieuse necessite qui sont precisement determines parlesdites dispositions internationales.

L'arret, qui deboute les demanderesses de leur action en considerant quela faute reprochee à l'Etat belge, soit des comportements illicites auregard de l'article 2, S: 4, de la Charte des Nations Unies ou du Traitede l'Atlantique Nord, « ne peut s'analyser en la meconnaissance d'unenorme internationale ayant des effets directs » et qu'un manquement àl'obligation generale de prudence n'est pas demontre, viole, partant, lanotion legale de faute contenue dans les articles 1382 et 1383 du Codecivil (violation de ces dispositions).

Seconde branche

Ainsi qu'il a ete rappele ci-dessus, les demanderesses invoquaient bien le« comportement imprudent », « la negligence ou le defaut deprevoyance », le defaut « de precaution et de proportionnalite »resultant des decisions et actions de l'Etat belge dans le cadre desoperations militaires en Yougoslavie, prises et executees en violation desarticles 2, S: 4, de la Charte des Nations Unies et du Traite del'Atlantique Nord.

L'arret, qui considere que les demanderesses n'ont pas invoque « unmanquement à l'obligation generale de prudence », viole partant la foidue à leurs conclusions de synthese en refusant d'y lire un element quis'y trouve (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

Second moyen

Dispositions legales violees

- articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;

- article 149 de la Constitution.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir rappele que les demanderesses « ont fonde leur action surl'article 1382 du Code civil » et decide que « le droit belge est [...]applicable », l'arret dit cette action non fondee aux motifs que :

« Violation alleguee de l'article 167, S: 1er, alinea 2, de laConstitution

Aux termes de l'article 167, S: 1er, alinea 2, de la Constitution, `le Roicommande les forces armees et constate l'etat de guerre ainsi que la findes hostilites. Il en donne connaissance aux Chambres aussitot quel'interet et la surete de l'Etat le permettent, en y joignant lescommunications convenables' ;

Les [demanderesses] soutiennent que l'Etat belge a commis une faute enparticipant à une guerre sans acte du Roi, contresigne par ses ministres,ni communication aux Chambres de l'engagement des forces armees belges ;

Ainsi que le fait valoir l'Etat belge, il n'est pas certain que ladecision d'engager les forces armees belges à l'intervention del'Organisation du Traite de l'Atlantique Nord doive revetir une expressionformelle - telle un arrete royal - pour pouvoir produire ses effets ;

En tout etat de cause, les [demanderesses] n'etablissent pas le lien decausalite entre cette pretendue faute et le dommage dont elles seplaignent puisque, sans l'engagement des forces armees belges - dont iln'est pas conteste qu'elles n'ont pas pris part aux bombardementslitigieux -, l'operation conduite par l'Organisation du Traite del'Atlantique Nord se serait deroulee de la meme maniere ».

Griefs

Dans leurs conclusions de synthese d'appel, les demanderesses soutenaient,en substance, que la decision d'engager les forces armees belges dans uneoperation militaire à l'etranger residait « constitutionnellement entreles mains du Roi » en vertu de l'article 167, S: 1er, alinea 2, de laConstitution et « necessitait donc un acte du Roi, bien entenducontresigne par ses ministres, conformement à l'article 106 de laConstitution », et ne pouvait etre prise par le seul conseil desministres, et qu'en l'espece, aucun acte du Roi n'avait ete pris afind'engager les forces armees belges dans l'operation « Force alliee » etaucune communication n'avait ete faite aux Chambres, pour en deduire quela participation de l'Etat belge aux bombardements en Yougoslavie avaitete realisee en meconnaissance de la Constitution et qu'il en resultait« une faute civile ».

Il n'etait pas conteste que les decisions relatives à l'operationmilitaire en Yougoslavie avaient ete prises au sein de l'Organisation duTraite de l'Atlantique Nord et de ses structures integrees selon latechnique du consensus.

L'Etat belge soutenait « que seule la decision d'engager les forcesarmees belges est [...] pertinente au regard de l'article 167 de laConstitution ; que l'eventuelle violation de la Constitution lors de laprise de cette decision n'aurait pu etre la cause du dommage des[demanderesses] que si les forces aeriennes belges avaient participe aubombardement des ponts sur le Danube ; que les [demanderesses] restent endefaut de demontrer qu'il en serait ainsi et que tel n'est pas le cas »,et que, « meme si l'Etat belge n'avait pas participe à l'execution de ladecision d'intervenir au Kosovo, le dommage des [demanderesses] se seraitproduit tel qu'il s'est produit, etant donne que les forces armees belgesn'ont ni bombarde les ponts ni participe à cette operation ».

Les demanderesses contestaient cette these que leur dommage se seraitproduit meme sans la participation de la Belgique en faisant valoir 1. que« la participation de [la] force aerienne [belge] a garanti la liberted'agir et la securite generale des pilotes engages dans le bombardementdes objectifs, notamment des ponts, action utile et meme necessaire auxdestructions », et 2. qu'en amont des decisions du Conseil atlantique,« les Etats membres de l'Organisation du Traite de l'Atlantique Nord ontegalement participe [...] à la determination des cibles des operations debombardement par le biais des chefs d'etats-majors ; [que l'Etat belge]aurait donc pu, par l'intermediaire de ses representants militairesnationaux, s'opposer à la destruction des ponts ; [que], si la Belgiqueavait entendu s'opposer à la destruction de ces ponts, elle aurait pu lefaire en manifestant son objection aupres de ses allies ; [qu']à defautde l'avoir fait, elle partage leurs fautes, et cela d'autant plus qu'ellea volontairement contribue à en faciliter la commission ».

Ainsi qu'il ressort des passages des conclusions de synthese desdemanderesses rappeles ci-dessus, celles-ci soutenaient que les forcesarmees belges avaient participe aux bombardements litigieux sur les pontsdu Danube par le comportement de ses representants nationaux au sein deschefs d'etats-majors qui pouvaient s'opposer à la destruction des pontset ne l'avaient pas fait, et par une « action utile et memenecessaire », en garantissant par un support aerien « la securite despilotes engages dans le bombardement des objectifs, notamment desponts ».

L'arret, qui, pour exclure tout lien causal entre la participation desforces armees belges à l'operation « Force alliee » et le dommage desdemanderesses, considere qu'« il n'est pas conteste qu'elles n'ont paspris part aux bombardements litigieux », pour en deduire que, « sansl'engagement des forces armees belges, l'operation conduite parl'Organisation du Traite de l'Atlantique Nord se serait deroulee de lameme maniere », donne des conclusions des demanderesses uneinterpretation inconciliable avec leurs termes, refusant d'y voir unelement qui s'y trouve, et meconnait ainsi la foi qui leur est due(violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

A tout le moins, s'il n'a egard qu'aux seules actions de bombardement entant que telles, l'arret ne rencontre pas les moyens deduits 1. de ce que« les Etats membres de l'Organisation du Traite de l'Atlantique Nord ontegalement participe en amont à la determination des cibles debombardement par le biais des chefs d'etats-majors », que l'Etat belgeaurait donc pu, par l'intermediaire de ses representants militairesnationaux, s'opposer à la destruction des ponts, et qu'il s'agit d'uneparticipation volontaire aux bombardements litigieux, et 2. de ce que lagarantie de la securite des pilotes qui effectuaient les bombardements,assuree par le support aerien des forces armees belges, etait une action« necessaire » aux destructions, et n'est, partant, pas regulierementmotive (violation de l'article 149 de la Constitution).

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la seconde branche :

Si, dans les conclusions qu'elles ont prises devant la cour d'appel, lesdemanderesses faisaient valoir que leur action etait « fondee surl'article 1382 du Code civil [...] ; [que] tout comportement imprudentpeut etre qualifie de faute, meme sans violation d'une regle de droitexplicite, mais a fortiori si une regle de droit a ete violee ; [qu']iln'est pas requis que la negligence ou le defaut de prevoyance commis parl'Etat à l'egard d'un etranger ou d'une societe etrangere soit en soiconstitutive de violation d'une regle internationale pour que saresponsabilite soit engagee », et que « le comportement de l'Etat quiconsiste à violer une regle internationale [...] viole d'ailleurs aussiles principes generaux de notre droit qui doivent guider l'action del'executif, notamment les principes de precaution et deproportionnalite », elles n'invoquaient toutefois aucun fait, autre quela violation de l'article 2, S: 4, de la Charte des Nations Unies et desdispositions du Traite de l'Atlantique Nord, de nature à constituer uneerreur de conduite.

En considerant que les demanderesses n'ont pas invoque « un manquement[du defendeur] à l'obligation generale de prudence », l'arret ne donnepas de ces conclusions une interpretation inconciliable avec leurs termeset ne viole pas, partant, la foi due à l'acte qui les contient.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la premiere branche :

La faute de l'autorite administrative pouvant, sur la base des articles1382 et 1383 du Code civil, engager sa responsabilite consiste en uncomportement qui, ou bien s'analyse en une erreur de conduite devant etreappreciee suivant le critere de l'autorite normalement soigneuse etprudente, placee dans les memes conditions, ou bien, sous reserve d'uneerreur invincible ou d'une autre cause de justification, viole une normede droit national ou d'un traite international ayant des effets directsdans l'ordre interne qui impose à cette autorite de s'abstenir ou d'agird'une maniere determinee.

Le moyen, qui, en cette branche, soutient que l'existence de pareillefaute deduite de la violation d'une norme d'un traite international nerequiert pas que cette norme ait un effet direct en droit interne, manqueen droit.

Sur le second moyen :

Dans les conclusions dont le moyen reproduit des passages, lesdemanderesses imputaient au defendeur une violation du ius in bello deduite de sa participation au bombardement d'objectifs non militaires.

En considerant que les huit ponts sur le Danube bombardes par les forcesalliees « constituaient un objectif militaire », l'arret, repondant àces conclusions, exclut que la destruction de ces ouvrages constitue unefaute.

Il n'etait, d'une part, pas tenu de repondre auxdites conclusions dans lamesure ou elles soutenaient que le defendeur avait de quelque maniereparticipe aux bombardements litigieux, que sa decision privait depertinence.

Des lors, d'autre part, que cette decision rendait vaine la contestationdes parties relative à cette participation, le grief deduit de laviolation de la foi due aux conclusions des demanderesses est denued'interet.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne les demanderesses aux depens.

Les depens taxes à la somme de huit cent septante-huit euros septante etun centimes envers les parties demanderesses et à la somme de six centsoixante et un euros six centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, le conseiller DidierBatsele, les presidents de section Albert Fettweis et Martine Regout et leconseiller Mireille Delange, et prononce en audience publique du neuffevrier deux mille dix-sept par le president de section Christian Storck,en presence du premier avocat general Andre Henkes, avec l'assistance dugreffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Delange | M. Regout |
|-----------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
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9 FEVRIER 2017 C.13.0528.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.13.0528.F
Date de la décision : 09/02/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-02-09;c.13.0528.f ?
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