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09/02/2017 | BELGIQUE | N°C.13.0143.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 09 février 2017, C.13.0143.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.13.0143.F

STRAPS, societe anonyme dont le siege social est etabli à Chaudfontaine(Beaufays), voie de l'Air pur, 224,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

contre

ELIA ASSET, societe anonyme dont le siege social est etabli à Bruxelles,boulevard de l'Empereur, 20,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Fori

ers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estf...

Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.13.0143.F

STRAPS, societe anonyme dont le siege social est etabli à Chaudfontaine(Beaufays), voie de l'Air pur, 224,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

contre

ELIA ASSET, societe anonyme dont le siege social est etabli à Bruxelles,boulevard de l'Empereur, 20,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 22 juin2012 par le tribunal de commerce de Liege, statuant en degre d'appel.

Le 16 janvier 2017, le premier avocat general Andre Henkes a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Didier Batsele a fait rapport et le premier avocat generalAndre Henkes a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 544, 552, alinea 1er, 553, 1382 et 1383 du Code civil ;

- en tant que de besoin, article 16 de la Constitution.

Decisions et motifs critiques

Le jugement attaque ecarte l'application de la loi du 10 mars 1925 sur lesdistributions d'energie electrique, decide qu'il n'y a pas eu usucapionabregee et qu'il n'y a pas eu faute au sens de l'article 1382 du Codecivil, et ordonne la reouverture des debats afin de permettre à lademanderesse de revoir l'ensemble de sa demande à la lumiere de la notionde juste compensation de l'article 544 du Code civil.

Ce jugement fonde sa decision que la defenderesse n'a pas commis de fauteau sens de l'article 1382 du Code civil sur les motifs suivants :

« 2.3. Sur l'application de l'article 1382 du Code civil

A defaut d'application de la loi du 10 mars 1925, [la demanderesse]sollicite l'application de l'article 1382 du Code civil ;

[...] 2.3.2. La faute

Selon [la demanderesse], la faute est constituee par le fait d'implanterun pylone en empietant de 170 metres carres sur le terrain d'autrui, sansaucune autorisation ;

L'empietement est reconnu par [la defenderesse], qui conteste cependantque son predecesseur ait agi de maniere fautive ;

En l'espece, l'empietement resulte d'une contravention à la loi et enparticulier aux dispositions relatives à la propriete ;

La faute civile comporte cependant deux elements, un element materiel - lenon-respect d'une norme legale ou reglementaire ou de comportement - et unelement moral. La Cour de cassation ne s'est en effet jamais ralliee à latheorie de la faute objective. Il faut une violation libre et conscientede la norme legale ou reglementaire. [...] Or, comme l'indique [lademanderesse] en conclusions, `les parties concernees se sont preoccupeesdes conditions d'implantation du pylone P18' car il y a en effet eu, dansl'optique de la construction de ce pylone, differentes operationsimmobilieres d'achat ou d'echange ;

C'est seulement à la suite de ces operations que l'implantation du pyloneaura lieu, sur la base d'un permis de batir etabli en fonction de cespermutations de propriete ;

Au moment de l'implantation du pylone - bien que celle-ci soit intervenuepartiellement sur le fonds voisin de celui ou elle devait avoir lieu -,l'element moral necessaire à la reconnaissance d'une faute faisaitdefaut ;

Il n'apparait d'ailleurs nullement des elements du dossier que la societeEuramco aurait perc,u, au moment de l'implantation, l'erreur intervenue.Les premieres interrogations n'apparaissent que huit ans plus tard, dansle cadre de l'adjudication de la propriete d'Euramco, alors en faillite ;

L'absence de reaction du predecesseur [de la defenderesse] à cesinterrogations ne permet pas d'etablir une faute qui serait intervenuehuit ans plus tot ;

L'existence d'une faute n'est pas etablie ;

[...] En l'absence de faute au sens de l'article 1382 du Code civil, iln'est pas necessaire d'examiner les autres elements de la responsabiliteaquilienne ».

Griefs

Aux termes de l'article 544 du Code civil, la propriete est le droit dejouir et de disposer des choses de la maniere la plus absolue, pourvuqu'on n'en fasse pas un usage prohibe par les lois et les reglements.L'article 552, alinea 1er, de ce code dispose que la propriete du solemporte la propriete du dessus et du dessous. L'article 553 du meme codeprecise que toutes constructions, plantations et ouvrages sur un terrainsont presumes faits par le proprietaire à ses frais et lui appartenir, sile contraire n'est pas prouve.

L'article 16 de la Constitution precise que nul ne peut etre prive de sapropriete que pour cause d'utilite publique, dans les cas et de la maniereetablis par la loi, et moyennant une juste et prealable indemnite.

Le jugement attaque constate que la defenderesse reconnaissait que lepylone nDEG 18, implante par la societe Gecoli, predecesseur de ladefenderesse, empiete de 170 metres carres sur le terrain appartenantauparavant à Euramco, dont la demanderesse est devenue proprietaire.

Le jugement attaque admet egalement que « l'empietement resulte d'unecontravention à la loi et en particulier aux dispositions relatives à lapropriete ».

L'article 1382 du Code civil dispose que tout fait quelconque de l'hommequi cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il estarrive à le reparer. L'article 1383 de ce code precise que chacun estresponsable du dommage qu'il a cause, non seulement par son fait, maisencore par sa negligence ou par son imprudence.

La faute visee à l'article 1382 du Code civil peut resulter, soit de laviolation d'une regle legale ou reglementaire, soit de la violation d'unenorme du bon comportement que l'on peut attendre d'une personnenormalement soigneuse et prudente placee dans les memes conditions.

La transgression materielle d'une disposition legale ou reglementaireconstitue en soi une faute qui entraine la responsabilite (penale et)civile de l'auteur, à condition que cette transgression soit commiselibrement et consciemment par l'intervention de l'homme.

Ainsi, il est requis que l'acte constitutif de la faute ait ete commislibrement et consciemment, sans toutefois qu'il soit necessaire quel'auteur de cet acte soit conscient du fait qu'il commet une transgressionmaterielle d'une disposition legale ou reglementaire, l'inconscience d'unetransgression materielle d'une disposition legale ou reglementaire neconstituant pas une cause d'exoneration de responsabilite.

L'implantation d'un pylone, acte commis librement et consciemment, enempietant sur le terrain d'autrui et, des lors, en violant le droit depropriete vise aux articles 544 et 552 du Code civil constitue parconsequent une faute au sens de l'article 1382 du Code civil, meme sicette implantation a eu lieu sur la base d'un permis de batir etabli enfonction de permutations de propriete.

La transgression materielle d'une norme legale ou reglementaire, commiselibrement et sciemment, constitue une faute, sans qu'il soit requis quel'acte commis n'eut pas ete commis par une personne normalement soigneuseet prudente placee dans les memes conditions.

La circonstance que le proprietaire du terrain sur lequel une tiercepersonne empiete par l'erection d'une construction ou d'un ouvragen'aperc,oit pas au moment de l'implantation l'erreur commise ne peutenlever à cet acte de transgression d'une norme legale son caracterefautif.

Le jugement attaque n'a, des lors, pu legalement conclure que l'existenced'une faute de la defenderesse ou de son predecesseur n'etait pas etablie,alors qu'il n'etait pas conteste que l'implantation du pylone nDEG 18empietait sur le terrain appartenant à la defenderesse.

Le jugement attaque n'a des lors pu, sur la base des motifs critiques,legalement rejeter l'action de la demanderesse basee sur la responsabilitequasi-delictuelle de la defenderesse et viole, partant, les articles 544,552, alinea 1er, 553, 1382, 1383 du Code civil et, en tant que de besoin,16 de la Constitution.

III. La decision de la Cour

La transgression materielle d'une disposition legale ou reglementaireconstitue en soi une faute qui entraine la responsabilite civile de sonauteur, à condition que cette transgression soit commise librement etconsciemment.

Il n'est pas necessaire que l'auteur de la transgression ait consciencequ'il la commet.

Le jugement attaque considere que « l'empietement [resultant del'implantation d'un pylone partiellement sur le fonds voisin constitue]une contravention à la loi et en particulier [aux] dispositions relativesà la propriete ».

Il enonce que « les parties concernees se sont preoccupees des conditionsd'implantation du pylone », qu'« il y a en effet eu, dans l'optique dela construction de ce pylone, differentes operations immobilieres d'achatou d'echange », que « c'est seulement suite à ces operations quel'implantation du pylone [a eu] lieu, sur la base d'un permis de batiretabli en fonction de ces permutations de propriete », et qu'« iln'apparait d'ailleurs nullement des elements du dossier que [leproprietaire du fonds voisin] aurait perc,u, au moment de l'implantation,l'erreur intervenue ; que les premieres interrogations n'apparaissent quehuit ans plus tard ».

Il suit de ces enonciations qu'aux yeux des juges d'appel, l'auteur del'empietement n'avait pas conscience de le commettre.

Par ces motifs, desquels il ne resulte pas que les juges d'appel aientexamine l'existence d'une erreur invincible ou d'une autre cause dejustification, le jugement attaque ne justifie pas legalement sa decisionque « la violation de la norme » n'a pas ete « libre et consciente »de sorte que « l'element moral necessaire à la reconnaissance d'unefaute faisait defaut ».

Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant le tribunal de commerce francophone de Bruxelles,siegeant en degre d'appel.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, le conseiller DidierBatsele, les presidents de section Albert Fettweis et Martine Regout et leconseiller Mireille Delange, et prononce en audience publique du neuffevrier deux mille dix-sept par le president de section Christian Storck,en presence du premier avocat general Andre Henkes, avec l'assistance dugreffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Delange | M. Regout |
|-----------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

9 FEVRIER 2017 C.13.0143.F/3


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.13.0143.F
Date de la décision : 09/02/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-02-09;c.13.0143.f ?
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