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09/02/2017 | BELGIQUE | N°C.13.0002.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 09 février 2017, C.13.0002.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.13.0002.F

* D. W.,

* demandeur en cassation,

* represente par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard del'Empereur, 3, ou il est fait election de domicile,

contre

Y. K.,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 20 decembre2007 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le president de section Christian Storck a fait rapport.

Le premie

r avocat general Andre Henkes a conclu.

* II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les t...

Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.13.0002.F

* D. W.,

* demandeur en cassation,

* represente par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard del'Empereur, 3, ou il est fait election de domicile,

contre

Y. K.,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 20 decembre2007 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le president de section Christian Storck a fait rapport.

Le premier avocat general Andre Henkes a conclu.

* II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

* Dispositions legales violees

- article 827, specialement alinea 1er, du Code civil ;

- article 1211, specialement alineas 1er et 2, du Code judiciaire,avant sa modification par la loi du 13 aout 2011 reformant laprocedure de liquidation-partage judiciaire ;

- principe general du droit relatif au respect des droits de ladefense ;

- principe general du droit dit principe dispositif et article 1138,2DEG, du Code judiciaire, qui le consacre ;

- en tant que de besoin, articles 774, alinea 2, et 1042 du Codejudiciaire.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir rappele que « les parties se sont mariees le 19 juillet1980, ayant prealablement conclu, le 11 juillet 1980, un contrat demariage », et que « la societe anonyme Kenwatt a ete constituee le13 mars 1990, par devant le notaire C., par [le demandeur], [ladefenderesse] et [un membre de la famille du demandeur], avec uncapital de 1.250.000 francs entierement libere represente par 1.250actions de mille francs souscrites à raison de 600 par [ledemandeur], 600 par [la defenderesse] et 50 par [ce membre de lafamille du demandeur] », et decide que « le regime complementaireadopte par les parties est de type communautaire » et que « les1.200 actions Kenwatt font partie du patrimoine commun »,

l'arret « dit des à present pour droit que, à defaut d'un accorddifferent des parties, les 1.200 actions de la societe Kenwatt quirelevent du patrimoine commun sont attribuees [au demandeur] contrepaiement d'une soulte » et que « les notaires liquidateurs [doivent]preciser la valeur des actions de cette societe qu'ils estiment devoirappliquer à la date de la dissolution du patrimoine commun ; au 11mars 1998, date du jour qui precede l'augmentation effective decapital de la societe, et à la date ou, à defaut, à la date la plusproche du jour du partage [...], et [qu'ils] pourront se faireassister à cette fin par l'expert L., ainsi que, s'il echet, partoute autre personne competente de leur choix »,

par les motifs suivants :

« 8. Quant à l'attribution des actions de la societe anonyme Kenwatt

Les notaires liquidateurs envisagent, dans l'etat liquidatif, demettre les actions de la societe Kenwatt qui relevent du patrimoinecommun (soit 1.200 actions, ainsi qu'il ressort de ce qui est ditci-dessus) dans le lot attribue [au demandeur], à charge pour lui depayer une soulte à [la defenderesse] ;

En revanche, [le demandeur] conteste une telle attribution, faisantvaloir, en substance, que le partage, non seulement est premature,mais encore doit se faire en nature ;

Le partage en nature est la regle, pour autant que le bien soitcommodement partageable (article 827 du Code civil), ce qui est unequestion de fait. Les mots `non commodement partageables' doivent etreentendus comme designant tant l'impossibilite materielle d'un telpartage que toutes les circonstances de fait pouvant contribuer àcette absence de commodite (cfr Cass., 6 juin 1975, Pas., 1975, I,963) ;

Par ailleurs, la notion de partage implique non seulement une egaliteentre les copartageants mais egalement l'aboutissement d'un processusqui doit mettre fin à toutes contestations et tous litiges entre lesparties ;

Or,

- soit les actions qui relevent du patrimoine commun sont repartiespar moitie entre les parties mais, dans ce cas, [la defenderesse] seretrouve, avec 600 actions, minoritaire face à la famille [dudemandeur] qui, apres l'augmentation du capital social à laquelle [ledemandeur] a fait proceder (et, certes, sous reserve de la validite decette augmentation, ce qui en soi est, au moins en principe, unesource de litige), detient 1.900 actions sur 2.500, ce qui estsusceptible de generer des litiges ;

- soit les actions sont mises en vente publique mais, en l'etat, ilapparait que l'acquisition d'une participation minoritaire dans lasociete qui est dirigee par la famille [du demandeur] n'est pas denature à susciter l'interet de quiconque ni, partant, des encheresimportantes, de sorte que [le demandeur] pourrait - directement ouindirectement - acquerir les actions à un prix tres favorable audetriment de [la defenderesse], entrainant entre les parties uneinegalite que, precisement, le partage doit pallier ;

Il decoule du rapprochement des principes rappeles ci-dessus que, nonseulement les 1.200 actions de la societe Kenwatt qui relevent dupatrimoine commun ne sont pas commodement partageables au sens de laloi, mais encore que leur attribution [au demandeur] contre paiementd'une soulte est la solution la plus adequate dans le cadre du presentpartage. En outre, l'adoption de cette solution n'est pas prematureedes lors que le sort de ces 1.200 actions doit necessairement etreregle afin de permettre l'aboutissement de la procedure deliquidation-partage entre les parties et eviter ainsi le reportinutile d'une contestation latente ;

La cour [d'appel] releve à cet egard que [la defenderesse] neconteste pas cette solution, precisant, avec raison, que la soultedoit etre determinee par la valeur des actions au moment ou intervienteffectivement le partage ».

Griefs

Premiere branche

Le demandeur invoquait à titre principal dans ses conclusions desynthese d'appel que les actions de la societe anonyme Kenwattdependant du patrimoine commun etaient commodement partageables ennature. A titre subsidiaire, il soutenait que, si la cour d'appelconcluait au caractere non commodement partageable desdites actions,quod non, il se reservait le droit d'exiger la vente publique de cesactions à defaut d'une valorisation raisonnable.

La defenderesse soutenait quant à elle que « les actions de lasociete anonyme Kenwatt, etant au porteur, sont partageables en naturedans la mesure ou elles sont communes [...] ; [que] la [defenderesse]accepte cependant la proposition des notaires commis de placer les1.200 actions dans le lot du [demandeur], etant entendu qu'ellesdoivent faire l'objet d'une evaluation à la date la plus proche dupartage effectif [...], comme le demandent les notaires ; [qu']il fautdonc actualiser le rapport d'evaluation de monsieur L., auquel uncomplement de rapport doit etre demande ; [que], cependant, et comptetenu des droits legitimes de la [defenderesse] à sa part dans lesactifs communs - et du fait que [le demandeur] jouit, lui, de cesavoirs -, il y a lieu d'ordonner un partage provisionnel des actionsde la societe Kenwatt sur la base des evaluations retenues par lesnotaires commis dans l'attente du complement d'expertise ».

Aucune des parties n'avait donc soutenu devant la cour d'appel que lesactions de la societe anonyme Kenwatt dependant du patrimoine communn'etaient pas commodement partageables en nature. A fortiori, aucunedes parties n'avait soutenu que le caractere non commodementpartageable desdites actions resultait du fait que la repartition deces actions par moitie entre les parties placerait la defenderessedans la situation d'une actionnaire minoritaire, cette defenderesserecueillant 600 actions et le demandeur, qui detenait dejà desactions en propre à la suite d'une augmentation de capital, detenantau terme du partage « 1.900 actions sur 2.500, ce qui est susceptiblede generer des litiges ».

En fondant sa decision sur des arguments de fait qu'aucune des partiesn'avait invoques, sans les soumettre à la contradiction, l'arretmeconnait les droits de la defense (violation du principe general dudroit relatif au respect des droits de la defense et, en tant que debesoin, des articles 774, alinea 2, et 1042 du Code judiciaire).

En outre, en decidant que les actions de la societe Kenwatt dependantdu patrimoine commun ne sont pas commodement partageables en naturealors que les deux parties soutenaient explicitement dans leursconclusions devant la cour d'appel que ces actions sont partageablesen nature, l'arret meconnait le principe general du droit dit principedispositif en elevant d'office une contestation etrangere à l'ordrepublic dont les conclusions des parties excluaient l'existence(violation dudit principe general du droit et de l'article 1138, 2DEG,du Code judiciaire, qui le consacre).

Seconde branche

Aux termes de l'article 827, alinea 1er, du Code civil, « si lesbiens ne sont pas commodement partageables, tout copartageant peut enexiger la vente publique ».

L'article 1211, alineas 1er et 2, du Code judiciaire, tel qu'il etaitapplicable avant sa modification par la loi du 13 aout 2011, disposeque, « en statuant sur la demande [de partage], le tribunal ordonnela vente des biens qui ne sont pas commodement partageables » et que« la vente des immeubles est faite conformement à ce qui est usiteà l'egard des ventes publiques ordinaires d'immeubles ».

La licitation par vente publique est imperative à defaut d'accord desparties sur une autre forme de partage (Mons, 11 fevrier 1993, Rev.not. b., 1993, 266).

Le fait qu'à defaut d'amateurs exterieurs, la vente publiquepermettrait à l'une des parties d'acquerir le ou les biens indivis «à un prix tres favorable, au detriment » de l'autre, n'est pas unecirconstance permettant au juge d'eviter la vente publique enattribuant d'office le bien indivis à l'une des parties moyennant unesoulte à determiner à dire d'expert.

Dans ses conclusions de synthese d'appel, le demandeur soutenait àtitre infiniment subsidiaire que, « si la cour [d'appel] estime queles 1.200 actions communes ne sont pas commodement partageables etque celles-ci doivent faire l'objet d'une attribution unique [audemandeur], celui-ci se reserve le droit d'exiger la vente publique deces actions, à defaut d'une valorisation raisonnable desdites actions».

En consequence, les motifs precites de l'arret, et en particulier lemotif selon lequel, si les actions etaient mises en vente publique,« l'acquisition d'une participation minoritaire dans la societe quiest dirigee par la famille [du demandeur] n'est pas de nature àsusciter l'interet de quiconque ni, partant, des encheres importantes,de sorte que [le demandeur] pourrait - directement ou indirectement -acquerir les actions à un prix tres favorable au detriment de [ladefenderesse], entrainant entre les parties une inegalite que,precisement, le partage doit pallier », ne sont pas de nature àjustifier legalement la decision de mettre les actions de la societeanonyme Kenwatt dependant du patrimoine commun au lot du demandeurmoyennant une soulte.

En fondant sa decision sur le motif precite, nonobstant lesconclusions par lesquelles le demandeur se reservait d'exiger la ventepublique, l'arret meconnait le caractere imperatif de l'article 827,alinea 1er, du Code civil (violation dudit article et de l'article1211, alineas 1er et 2, du Code judiciaire, tel qu'il etaitapplicable avant sa modification par la loi du 13 aout 2011).

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

D'une part, des lors que, si les parties admettaient que les actionsde la societe anonyme Kenwatt dependant de leur patrimoine communetaient partageables en nature, le demandeur pretendait, si telle nedevait pas etre la decision de la cour d'appel, se reserver le droitd'en exiger la vente publique tandis que la defenderesse se ralliaità la proposition des notaires liquidateurs de les attribuer au lot dudemandeur, l'arret, en examinant le caractere commodement partageablede ces biens, n'eleve pas une contestation dont les conclusions desparties excluaient l'existence.

D'autre part, l'arret, qui, pour considerer que le partage en naturedes actions litigieuses aurait pour effet de placer la defenderessedans une situation minoritaire face à la famille du demandeur, denature à susciter des conflits, se fonde sur des faits regulierementsoumis à l'appreciation de la cour d'appel, etant le nombre et larepartition de ces actions, que les parties ont pu discuter, nemeconnait pas le droit de defense du demandeur en se bornant ainsi àsuppleer aux motifs proposes par les parties.

Quant à la seconde branche :

En disposant qu'il doit etre procede à la vente des biens indiviss'ils ne sont pas commodement partageables, les articles 827, alinea1er, du Code civil et 1211, alinea 1er, du Code judiciaire, applicableau litige, entendent par ces derniers termes tant l'impossibilitematerielle de proceder au partage en nature des biens que toutes lesautres circonstances de fait pouvant justifier l'absence de commoditedu partage.

L'obligation de vendre les biens qui ne peuvent se partagercommodement implique qu'il y a lieu, pour remplir chacun des epoux deses droits, de repartir entre eux les biens qui sont effectivementrepresentes lors de la liquidation de la communaute.

L'arret constate que douze cents actions de la societe anonyme Kenwattrelevent du patrimoine commun des parties.

Apres avoir observe, par les motifs vainement critiques par lapremiere branche du moyen, que, si ces actions etaient reparties parmoitie entre les parties, la defenderesse « se retrouveraitminoritaire face à la famille [du demandeur] », « ce qui estsusceptible de generer des litiges », alors que le partage est« l'aboutissement d'un processus qui doit mettre fin à toutescontestations et tous litiges entre les parties », l'arret considereque si, en revanche, elles etaient « mises en vente publique »,« l'acquisition d'une participation minoritaire dans la societe [...]dirigee par [cette] famille n'est pas de nature à susciter l'interetde quiconque ni, partant, des encheres importantes, de sorte que [ledemandeur] pourrait - directement ou indirectement - acquerir lesactions à un prix tres favorable au detriment de [la defenderesse],entrainant entre les parties une inegalite que, precisement, lepartage doit pallier ».

De ces considerations, l'arret a pu, sur la base d'une appreciationqui git en fait, legalement deduire que les actions litigieuses « nesont pas commodement partageables au sens de la loi » et doivent etreattribuees au demandeur moyennant une soulte.

Le moyen, en aucune de ses branches, ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de six cent quarante-cinq eurosnonante-neuf centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles,ou siegeaient le president de section Christian Storck, le conseillerDidier Batsele, les presidents de section Albert Fettweis et MartineRegout et le conseiller Mireille Delange, et prononce en audiencepublique du neuf fevrier deux mille dix-sept par le president desection Christian Storck, en presence du premier avocat general AndreHenkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Delange | M. Regout |
|-----------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

9 FEVRIER 2017 C.13.0002.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.13.0002.F
Date de la décision : 09/02/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-02-09;c.13.0002.f ?
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