La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/02/2017 | BELGIQUE | N°C.15.0310.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 02 février 2017, C.15.0310.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0310.F

VILLE DE FLEURUS, representee par son college communal, dont les bureauxsont etablis à Fleurus, chemin de Mons, 61,

demanderesse en cassation,

representee par Maitres John Kirkpatrick et Simone Nudelholc, avocats àla Cour de cassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevardde l'Empereur, 3, ou il est fait election de domicile,

contre

HULLBRIDGE ASSOCIATED, societe anonyme dont le siege social est etabli àCourcelles (Trazegnies), rue de Pieton, 71,

defenderesse en cassati

on,

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est eta...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0310.F

VILLE DE FLEURUS, representee par son college communal, dont les bureauxsont etablis à Fleurus, chemin de Mons, 61,

demanderesse en cassation,

representee par Maitres John Kirkpatrick et Simone Nudelholc, avocats àla Cour de cassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevardde l'Empereur, 3, ou il est fait election de domicile,

contre

HULLBRIDGE ASSOCIATED, societe anonyme dont le siege social est etabli àCourcelles (Trazegnies), rue de Pieton, 71,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Regence, 4, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 12 decembre2014 par la cour d'appel de Mons.

Le conseiller Didier Batsele a fait rapport.

L'avocat general Philippe de Koster a conclu.

II. Le moyen de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, la demanderesse presente un moyen.

III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la premiere branche :

Les articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivationformelle des actes administratifs disposent respectivement que les actesadministratifs des autorites administratives vises à l'article 1er de laloi doivent faire l'objet d'une motivation formelle et que la motivationexigee consiste en l'indication, dans l'acte, des considerations de droitet de fait servant de fondement à la decision et doit etre adequate.

Les articles 65/4, 5DEG, 65/5, 6DEG, et 65/8, S: 1er, alinea 1er, 2DEG, dela loi du 24 decembre 1993 relative aux marches publics et à certainsmarches de travaux, de fournitures et de services, applicable à l'espece,imposent à l'autorite adjudicatrice, lorsqu'elle attribue un marche,quelle que soit la procedure, d'etablir une decision motivee comportantles noms des soumissionnaires dont l'offre a ete jugee irreguliere et lesmotifs de droit et de fait de leur eviction, relatifs aux criteres definisà l'article 65/5, 6DEG, et de communiquer à tout soumissionnaire dontl'offre a ete jugee irreguliere, les motifs de son eviction, extraits dela decision motivee.

Les articles 65/4, 65/5 et 65/8 de la loi du 24 decembre 1993 nesuppriment pas l'obligation faite aux autorites administratives de fournirune motivation adequate, conformement à l'article 3 de la loi du 29juillet 1991.

Le moyen, qui, en cette branche, repose tout entier sur le soutenementcontraire, manque en droit.

Quant à la deuxieme branche :

La motivation est adequate au sens de l'article 3 de la loi du 29 juillet1991 lorsqu'elle permet au destinataire de connaitre les motifs de ladecision le concernant. L'adequation depend de l'ensemble descirconstances de la cause, notamment de la connaissance effectiveprealable que le destinataire a des elements du dossier.

Il appartient au juge du fond d'apprecier en fait si la motivation de ladecision est adequate. Ce faisant, il ne peut toutefois violer la notionlegale d'obligation de motivation incombant aux autorites.

L'arret constate que la demanderesse ecarte l'offre de la defenderesse auxmotifs suivants : « Le dossier est incomplet et ne repond pas de manieresatisfaisante aux demandes du coordinateur securite et sante (dossierincomplet + analyse de risques trop generale et pas adaptee). Il s'agit demesures particulieres de securite (calcul detaille du cout, des mesures etmoyens de prevention). Il s'agit donc d'un manquement majeur ».

L'arret considere que « ces motifs ne contiennent aucun element concretet precis d'appreciation permettant de savoir en quoi le dossier seraitincomplet, en quoi il ne repondrait pas de maniere satisfaisante auxdemandes du coordinateur securite et sante et en quoi l'analyse de risquesserait trop generale et inadaptee, et ce d'autant plus qu'il est etablique l'offre de [la defenderesse] reprenait en annexe 7 un volumineuxdossier comprenant les documents relatifs à la securite ».

L'arret, qui decide que « cette motivation ne fonde des lors pasraisonnablement la decision ayant consiste à considerer l'offre de [ladefenderesse] comme etant irreguliere et à ecarter ladite offre en raisonde son irregularite », et « qu'il s'agit donc d'une motivationinadequate au sens de l'article 3 de la loi du 29 juillet 1991 », neviole pas les articles 2 et 3 de ladite loi.

Et la violation pretendue de l'article 159 de la Constitution estentierement deduite de la violation vainement alleguee desdits articles 2et 3.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la troisieme branche :

Sur la premiere fin de non-recevoir opposee par la defenderesse au moyen, en cette branche, et deduite de ce qu'il serait melange de fait et dedroit :

L'arret, qui s'approprie la relation des faits du premier juge et ladecision de celui-ci, qu'il confirme, condamne la demanderesse au paiementd'une indemnite de 214.445 euros tout en constatant que l'offre de ladefenderesse, ecartee par la demanderesse, se montait à 1.942.655,53euros hors taxe sur la valeur ajoutee.

Le moyen, qui, en cette branche, soutient que l'indemnisation de ladefenderesse devait etre fixee, en vertu de l'article 15 de la loi du 24decembre 1993, à 10 p.c. de son offre, qui etait de 1.942.655,53 euros etnon à 10 p.c. du montant de l'offre de sa concurrente, qui etait de2.144.450,93 euros, n'oblige pas la Cour à rechercher ou à verifier deselements de fait dont son examen commanderait l'appreciation.

Sur la deuxieme fin de non-recevoir opposee par la defenderesse au moyen,en cette branche, et deduite de ce qu'il n'invoque pas les dispositionslegales en rapport avec le grief qui seraient violees :

Le moyen fait grief à l'arret de violer l'article 15, alinea 1er, de laloi du 24 decembre 1993 en condamnant la demanderesse, par confirmation dela decision entreprise, au paiement d'une indemnite de 214.445 euros,alors que l'offre de la defenderesse se montait à 1.942.655,53 euros horstaxe sur la valeur ajoutee.

La violation de cette seule disposition legale suffirait, si le moyen, encette branche, etait fonde, à emporter la cassation.

Sur la troisieme fin de non-recevoir opposee par la defenderesse au moyen,en cette branche, et deduite de ce qu'il meconnaitrait un accordprocedural implicite :

Il ne ressort pas des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que lesparties se seraient accordees sur le montant servant de reference àl'indemnite devant etre payee par l'autorite adjudicatrice ensuite del'eviction irreguliere de la defenderesse.

Les fins de non-recevoir ne peuvent etre accueillies.

Sur le fondement du moyen, en cette branche :

En vertu de l'article 15, alinea 1er, de la loi du 24 decembre 1993,lorsque l'autorite competente decide d'attribuer le marche, celui-ci doitetre attribue, en adjudication publique ou restreinte, au soumissionnairequi a remis l'offre reguliere la plus basse, sous peine d'une indemniteforfaitaire fixee à 10 p.c. du montant, hors taxe sur la valeur ajoutee,de cette offre.

L'arret, qui constate, en s'appropriant la relation des faits de la causepar le premier juge, que l'offre de la defenderesse ecartee par lademanderesse se montait à 1.942.655,53 euros hors taxe sur la valeurajoutee, ne justifie pas legalement sa decision de condamner lademanderesse au paiement d'une indemnite de 214.445 euros par confirmationdu jugement entrepris.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il decide que l'eviction de ladefenderesse est irreguliere ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Condamne la demanderesse à la moitie des depens et en reserve le surpluspour qu'il soit statue sur celui-ci par le juge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Liege.

Les depens taxes à la somme de mille quatre cent soixante-six eurosvingt-neuf centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, le conseiller DidierBatsele, le president de section Martine Regout, les conseillers MichelLemal et Sabine Geubel, et prononce en audience publique du deux fevrierdeux mille dix-sept par le president de section Albert Fettweis, enpresence de l'avocat general Philippe de Koster, avec l'assistance dugreffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Lemal |
|-----------------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | A. Fettweis |
+--------------------------------------------+

Requete

Requete en cassation

I. Pour : La Ville de Fleurus, representee par son college communal, dontles bureaux sont etablis à 6220 Fleurus, chemin de Mons, 61, inscriteà la BCE sous le nDEG 0207.313.348,

demanderesse en cassation,

assistee et representee par Me John Kirkpatrick, avocat à la Cour decassation soussigne, dont le cabinet est etabli à 1000 Bruxelles,boulevard de l'Empereur, 3, ou il est fait election de domicile,

Contre : La societe anonyme Hullbridge Associated, dont le siege socialest etabli à 6183 Courcelles (Trazegnies), rue de Pieton, 71, inscrite àla BCE sous le nDEG 0401.597.222,

defenderesse en cassation.

* * *

A Messieurs les Premier President et Presidents, à Mesdames et Messieursles Conseillers composant la Cour de cassation.

Messieurs,

Mesdames,

La demanderesse a l'honneur de soumettre à votre censure l'arret renducontradictoirement entre parties le 12 decembre 2014 par la cour d'appelde Mons (6eme chambre civile, RG nDEG 2013/RG/938).

Les faits et antecedents de la cause, tels qu'ils ressortent des pieces dela procedure auxquelles votre haute juridiction peut avoir egard, sont lessuivants.

1. Selon un avis de marche public publie le 15 juin 2010, la demanderesselanc,a une procedure d'adjudication publique pour des travaux deconservation et d'amenagement de l'Academie de musique et des arts parlesde Fleurus.

Au cahier special des charges etait annexe un plan de coordinationsecurite-sante.

Les offres devaient etre remises au plus tard le 16 aout 2010.

Sept soumissionnaires, parmi lesquels la defenderesse, remirent desoffres. La defenderesse remit l'offre la plus basse, de 1.942.655,53 EURhors TVA.

2. Le 15 decembre 2010, la demanderesse decida d'attribuer le marche à lasociete TWT Entreprises generales en sa qualite de soumissionnaire ayantremis l'offre reguliere la plus basse, soit 2.144.450,93 EUR hors TVA.

Par courrier recommande du 31 decembre 2010, la demanderesse informal'adjudicataire et les soumissionnaires evinces de sa decision.

Elle ecrivit à la defenderesse :

« Votre offre a ete declaree irreguliere d'un point de vue coordinationsecurite et sante.

Veuillez trouver ci-joint les motifs de l'irregularite de votre offre,extrait de la decision d'attribution :

Le dossier est incomplet et ne repond pas de maniere satisfaisante auxdemandes du coordinateur securite et sante (dossier incomplet + analysedes risques trop generale et pas adaptee).

Il s'agit de mesures particulieres de securite (calcul detaille du cout,des mesures et des moyens de prevention).

Il s'agit donc d'un manquement majeur ».

3. En reponse à une lettre du conseil de la defenderesse du 16 mars 2011contestant la decision de la demanderesse et le caractere suffisant de samotivation, le conseil de la demanderesse donna par lettre du 30 juin 2011les explications suivantes : la decision d'attribution a ete communiqueeà la defenderesse conformement aux prescriptions de l'article 65/8 de laloi du 24 decembre 1993 redige comme suit : « S: 1er ; Des lors qu'elle apris la decision d'attribution, l'autorite adjudicatrice communique :(...) à tout soumissionnaire dont l'offre a ete jugee irreguliere, lesmotifs de son eviction, extraits de la decision motivee » ; l'extrait dela decision transmise à la defenderesse comprend bien les motifs del'ecartement de son offre, repris fidelement du rapport negatif ducoordinateur securite et sante ; l'offre remise par la defenderesse necomportait pas le document prevu à l'article 30, alinea 2, 1DEG, del'arrete royal du 25 janvier 2001 sur les chantiers temporaires etmobiles ; or selon le cahier special des charges, ce document devait etrejoint à l'offre, sous peine de nullite absolue de celle-ci ; l'offre dela defenderesse ne reprend que des mesures generales (description desequipements de protection individuelle, des procedures d'urgence, ...)aucunement adaptees au chantier en l'espece, alors qu'aucune propositionde securite n'est en relation avec les specificites du chantier figurantdans le PSS (risques de passage de charroi dans le parking de l'Academie,amenagement de la voie d'acces en tenant compte de la specificite desactivites exercees sur le site ; traitement des materiaux comportant del'amiante).

A la demande du conseil de la defenderesse, le conseil de la demanderesselui communiqua une copie du dossier securite de l'offre retenue.

4. Par exploit du 4 octobre 2012, la defenderesse cita la demanderessedevant le tribunal de premiere instance de Charleroi en paiement d'unesomme de 214.445 EUR (soit 10 % de la somme de 2.144.450,93 EURrepresentant le prix du marche attribue à TWT Entreprises generales).

La defenderesse invoquait que la decision de l'evincer etait« manifestement illegale tant quant au fond que quant à la forme » ;que le motif de son eviction se fondait sur un critere d'attribution quin'etait pas expressement prevu au cahier special des charges ; que c'estde fac,on irreguliere que la demanderesse a attribue le marche à unconcurrent de la defenderesse alors que cette derniere avait remis l'offreavec le prix le plus bas ; que la decision etait motivee par reference aurapport d'analyse des offres qui n'etait pas joint à la decision.

Par jugement du 25 septembre 2013, le tribunal estima que la decisionlitigieuse violait la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivationformelle des actes administratifs. Il condamna la demanderesse à payer àla defenderesse « sur la base de l'article 15 de la loi du 24 decembre1993 relative aux marches publics et à certains marches de travaux, defournitures et de services, la somme de 214.445 EUR, majoree des interetsde retard calcules conformement à la legislation sur les marches publicset en particulier à l'article 15 du cahier general des charges, jusqu'aupresent jugement, ensuite des interets judiciaires jusqu'à parfaitpaiement » ; condamna la demanderesse aux frais et depens de l'instance ;dit n'y avoir lieu à l'execution provisoire du jugement.

5. La demanderesse interjeta appel.

Par l'arret du 12 decembre 2004, la cour d'appel de Mons confirme lejugement entrepris et condamne la demanderesse aux depens d'appel.

A l'encontre de cet arret, la demanderesse a l'honneur de faire valoir lemoyen de cassation suivant.

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Dispositions legales dont la violation est invoquee.

- Article 159 de la Constitution ;

- Articles 15, alinea 1er, 65/4, 5DEG, 65/5, 6DEG, 65/8, S: 1er, alinea1er, 2DEG, de la loi du 24 decembre 1993 relative aux marches publics età certains marches de travaux, de fournitures et de services (avantl'abrogation de cette loi par l'article 78 de la loi du 15 juin 2006relative aux marches publics et à certains marches de travaux, defournitures et de services, entre en vigueur le 1er juillet 2013) ;

- Articles 2, 3 et 6 de la loi du 29 juillet 1991 relative à lamotivation formelle des actes administratifs.

Decision et motif critiques.

Apres avoir constate, notamment par reference à l'expose des faitscontenus dans le jugement du premier juge, que le 15 juin 2010, lademanderesse a publie au Bulletin des adjudications un avis de marchevisant des travaux de conservation et d'amenagement de l'academie demusique et des arts parles de Fleurus ; que le cahier special des chargesauquel est annexe un plan de coordination securite-sante, precise que lemarche est passe par adjudication publique ; que le 16 aout 2010, àl'ouverture des offres, la defenderesse a remis l'offre la moins chereparmi les sept soumissionnaires qui ont remis offre, pour un montant horsTVA de 1.942.655,53 EUR ; que le 15 decembre 2010, la demanderesse decidad'attribuer le marche au soumissionnaire ayant remis « l'offre regulierela plus basse », la societe TWT Entreprises generales, qui avait remisune offre de 2.144.450,93 EUR hors TVA ; que le 31 decembre 2010, lademanderesse informa le futur adjudicataire et les soumissionnairesevinces de sa decision ; qu'à la defenderesse, la demanderesse a ecrit :« Votre offre a ete declaree irreguliere d'un point de vue coordinationsecurite et sante. Veuillez trouver ci-joint les motifs de l'irregularitede votre offre, extrait de la decision d'attribution : Le dossier estincomplet et ne repond pas de maniere satisfaisante aux demandes ducoordinateur securite et sante (dossier incomplet + analyse des risquestrop generale et pas adaptee). Il s'agit de mesures particulieres desecurite (calcul detaille du cout, des mesures et des moyens deprevention). Il s'agit donc d'un manquement majeur » ; que le 4 octobre2012, la defenderesse a cite la demanderesse devant le tribunal depremiere instance de Charleroi pour obtenir, sur pied de l'article 15 dela loi du 24 decembre 1993 relative aux marches publics et à certainsmarches de travaux, de fournitures et de services, la condamnation de lademanderesse à lui payer en principal une indemnite de 214.445 EURcorrespondant à l'indemnisation forfaitaire de 10 % pour evictionirreguliere ; que le premier juge a fait droit à cette demande au motifque la decision de la demanderesse d'evincer l'offre de la defenderesseviolait la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle desactes administratifs ; que la demanderesse a interjete appel de cejugement,

l'arret attaque, par confirmation de la decision du jugement entrepris,condamne la demanderesse à payer à la defenderesse la somme de 214.445EUR majoree des interets de retard calcules conformement à la legislationsur les marches publics et en particulier à l'article 15 du cahiergeneral des charges, jusqu'au jugement et ensuite les interets judiciairesjusqu'à parfait paiement ; condamne la demanderesse aux depens des deuxinstances.

L'arret attaque fonde cette decision sur les motifs suivants :

« L'article 65/8, S: 1er, 2DEG de la loi precitee du 24 decembre 1993prevoit que, des qu'elle a pris la decision d'adjudication, l'autoriteadjudicatrice communique à tout soumissionnaire, dont l'offre a ete jugeeirreguliere, les motifs de son eviction, extraits de la decision motivee.Les motifs figurant dans un courrier recommande, date du 31 decembre 2010,adresse par (la demanderesse) à (la defenderesse) et destine à faireapplication de la disposition precitee sont libelles comme suit :

`Le dossier est incomplet et ne repond pas de maniere satisfaisante auxdemandes du coordinateur securite et sante (dossier incomplet + analyse derisques trop generale et pas adaptee).

Il s'agit de mesures particulieres de securite (calcul detaille du cout,des mesures et moyens de prevention).

Il s'agit donc d'un manquement majeur'.

En vertu de l'article 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à lamotivation formelle des actes administratifs, la motivation exigee parladite loi consiste en l'indication, dans l'acte, des considerations dedroit et de fait servant de fondement à la decision. La meme dispositionprevoit, en outre, que la motivation doit etre adequate. Il y a lieud'entendre par motivation adequate de l'acte administratif, toutemotivation qui fonde raisonnablement la decision concernee (...).

(La demanderesse) reconnait n'avoir pas motive sa decision d'ecarterl'offre de (la defenderesse), en se referant à un autre document. Elle sedefend d'avoir tente de motiver cette decision a posteriori. Il y a deslors lieu de s'en tenir strictement aux motifs reproduits ci-dessus.

Ces motifs ne contiennent aucun element concret et precis d'appreciationpermettant de savoir en quoi le dossier serait incomplet, en quoi il nerepondrait pas de maniere satisfaisante aux demandes du coordinateursecurite et sante et en quoi l'analyse de risques serait trop generale etinadaptee, et ce d'autant plus qu'il est etabli que l'offre de (ladefenderesse) reprenait en annexe 7 un volumineux dossier comprenant lesdocuments relatifs à la securite (...).

Cette motivation ne fonde des lors pas raisonnablement la decision ayantconsiste à considerer l'offre de (la defenderesse) comme etantirreguliere et à ecarter ladite offre en raison de son irregularite. Ils'agit donc d'une motivation inadequate au sens de l'article 3 de la loidu 29 juillet 1991.

C'est des lors vainement que (la demanderesse) soutient qu'elle n'avaitpas `à donner les motifs de ses motifs'.

C'est à bon droit que le premier juge a considere que (la demanderesse)avait viole la loi precitee du 29 juillet 1991.

C'est des lors egalement à bon droit que le premier juge a, de maniereimplicite mais neanmoins certaine, refuse, en vertu de l'article 159 de laConstitution, d'appliquer la decision de (la demanderesse) d'ecarterl'offre de (la defenderesse) et que, partant, il a fait droit à lademande de cette derniere ».

Griefs

Premiere branche

Selon l'article 2 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivationformelle des actes administratifs, « les actes des autoritesadministratives (...) doivent faire l'objet d'une motivation formelle ».

L'article 3 de ladite loi dispose : « La motivation exigee consiste enl'indication, dans l'acte, des considerations de droit et de fait servantde fondement à la decision » (alinea 1er). « Elle doit etre adequate »(alinea 2).

Selon l'article 6 de cette loi, celle-ci « ne s'applique aux regimesparticuliers imposant la motivation formelle de certains actesadministratifs que dans la mesure ou ces regimes prevoient des obligationsmoins contraignantes que celles organisees par les articles precedents ».

En matiere de marches publics, la loi du 23 decembre 2009, entree envigueur le 25 fevrier 2010, a introduit dans la loi du 24 decembre 1993relative aux marches publics et à certains marches de travaux, defournitures et de services, « un nouveau livre relatif à la motivation,à l'information et aux voies de recours », le livre IIbis.

Selon l'article 65/4 de la loi du 24 decembre 1993, introduit par la loiprecitee du 23 decembre 2009, « l'autorite adjudicatrice etablit unedecision motivee : (...) 5DEG lorsqu'elle attribue un marche, quelle quesoit la procedure ».

Selon l'article 65/5 de la loi precitee, « la decision visee à l'article65/4 comporte, selon la procedure et le type de decision : (...) 6DEG lesnoms des soumissionnaires dont l'offre a ete jugee irreguliere et lesmotifs de droit et de fait de leur eviction. Ces motifs sont notammentrelatifs au caractere anormal des prix et, le cas echeant, à lanon-equivalence des solutions proposees par rapport aux specificationstechniques et à leur non-satisfaction par rapport aux performances ou auxexigences fonctionnelles prevues ».

L'article 65/8, S: 1er, alinea 1er, dispose : « Des qu'elle a pris ladecision d'attribution, l'autorite adjudicatrice communique : (...) 2DEGà tout soumissionnaire dont l'offre a ete jugee irreguliere, les motifsde son eviction, extraits de la decision motivee ».

La loi du 24 decembre 1993, telle que modifiee par la loi du 23 decembre2009, prevoit ainsi que la decision d'adjudication doit etre « motivee »(article 65/4, 5DEG) ; que celle-ci doit mentionner les « motifs de droitet de fait » de l'eviction des soumissionnaires dont l'offre a ete jugeeirreguliere, et le cas echeant les motifs relatifs à la non-equivalencedes solutions proposees par rapport aux specifications techniques ou à lanon-satisfaction par rapport aux performances ou aux exigencesfonctionnelles prevues (article 65/5, 6DEG) et la communication auditsoumissionnaire evince des motifs de son eviction « extraits de ladecision motivee » (article 65/8, S: 1er, alinea 1er, 2DEG).

La loi relative aux marches publics contient donc un regime particulierimposant la motivation formelle de certains actes administratifs, tel quevise à l'article 6 precite de la loi du 29 juillet 1991 relative à lamotivation formelle des actes administratifs, et ce regime prevoit pour lecas de l'eviction d'un soumissionnaire dont l'offre a ete jugeeirreguliere, des obligations plus contraignantes que le regime generalprevu aux articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991, puisque l'article65/5 de ladite loi prevoit ce que doivent couvrir les « motifs de droitet de fait » de la decision d'eviction, et que selon l'article 65/8, S:1er, alinea 1er, 2DEG, l'autorite adjudicatrice doit, des qu'elle a prisla decision d'adjudication, donner à tout soumissionnaire dont l'offre aete jugee irreguliere les motifs de son eviction, « extraits de sadecision ».

Des lors, les articles 2 et 3 de la loi du 21 juillet 1991 ne peuventtrouver à s'appliquer au cas de l'eviction par l'autorite adjudicatriced'un soumissionnaire dont l'offre a ete jugee irreguliere.

Bien qu'il constate que le courrier recommande du 31 decembre 2010 adressepar la demanderesse à la defenderesse etait « destine à faireapplication » de l'article 65/8, S: 1er, alinea 1er, 2DEG, de la loi du24 decembre 1993, l'arret attaque n'examine pas si les motifs figurantdans ce courrier repondent à ce que prescrivent les articles 65/4, 5DEG,65/5, 6DEG et 65/8, S: 1er, alinea 1er, 2DEG, de ladite loi du 24 decembre1993, specialement en ce que l'autorite adjudicatrice doit donner commemotifs en cas de non-equivalence des solutions proposees par rapport auxspecifications techniques ou en cas de non-satisfaction par rapport auxperformances ou aux exigences fonctionnelles prevues : l'arret examine lamotivation contenue dans ledit courrier au regard des seuls articles 2 et3 la loi du 29 juillet 1991. Partant, l'arret attaque viole tant l'article6 de la loi du 29 juillet 1991 qui lui impose d'appliquer les articles65/4, 5DEG, 65/5, 6DEG et 65/8, S: 1er, alinea 1er, 2DEG, de la loi du 24decembre 1993 et ces dispositions qu'il omet d'appliquer, que les articles2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 dont il fait à tort application.

En outre, en decidant, en consequence de sa decision quant à lamotivation formelle de la decision de la demanderesse, que le premier jugea « à bon droit » refuse d'appliquer cette decision en vertu del'article 159 de la Constitution, l'arret attaque viole cette dernieredisposition.

Deuxieme branche (subsidiaire)

L'article 2 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivationformelle des actes administratifs dispose : « Les actes des autoritesadministratives (...) doivent faire l'objet d'une motivation formelle ».Aux termes de l'article 3 de ladite loi, « la motivation exigee consisteen l'indication dans l'acte, des considerations de droit et de faitservant de fondement à la decision [alinea 1er]. Elle doit etre adequate[alinea 2] ».

Il appartient au juge d'apprecier si la motivation est adequate,c'est-à-dire si la decision est etayee par la motivation qui la fonde,mais il revient à la Cour de cassation de verifier si dans sonappreciation du caractere adequat de la motivation, le juge ne viole pasla notion legale d'obligation de motivation incombant aux autorites.

La motivation formelle des actes administratifs a pour but non seulementde contraindre l'administration à justifier sa decision par rapport àl'administre mais egalement de permettre à l'administre, informe desmotifs de la decision qui le concerne, d'apprecier en connaissance decause l'opportunite d'introduire un recours contre cette decision si lesmotifs qui lui sont ainsi reveles ne sont pas fondes, et au juge de lalegalite de l'acte d'exercer son controle de legalite.

Des lors, le controle de l'exigence formelle de l'obligation de motivationdes actes administratifs se distingue du controle de la legalite internedes motifs de fait et de droit qui ont preside à la decisionadministrative. Le controle que le juge opere sur pied des articles 2 et 3de la loi du 29 juillet 1991 ne concerne que la motivation formelle del'acte administratif et non la legalite interne de cet acte.

En l'espece, comme la demanderesse l'indiquait dans ses conclusionsd'appel (p. 3, point 8), la defenderesse s'etait vu notifier son evictiondans les termes suivants :

« Votre offre a ete declaree irreguliere d'un point de vue coordinationsecurite et sante.

Veuillez trouver ci-joint les motifs de l'irregularite de votre offre,extrait de la decision d'attribution :

Le dossier est incomplet et ne repond pas de maniere satisfaisante auxdemandes du coordinateur securite et sante (dossier incomplet + analysedes risques trop generale et pas adaptee).

Il s'agit de mesures particulieres de securite (calcul detaille du cout,des mesures et des moyens de prevention).

Il s'agit donc d'un manquement majeur ».

L'arret attaque decide que cette motivation « ne fonde pasraisonnablement la decision ayant consiste à considerer l'offre de (ladefenderesse) comme etant irreguliere et d'ecarter ladite offre en raisonde son irregularite » et constitue donc « une motivation inadequate ausens de l'article 3 de la loi du 29 juillet 1991 », parce que « cesmotifs ne contiennent aucun element concret et precis d'appreciationpermettant de savoir en quoi le dossier serait incomplet, en quoi il nerepondrait pas de maniere satisfaisante aux demandes du coordinateursecurite et sante et en quoi l'analyse des risques serait trop generale etinadaptee, et ce d'autant plus qu'il est etabli que l'offre de (ladefenderesse) reprenait en annexe 7 un volumineux dossier comprenant lesdocuments relatifs à la securite ».

Or la lettre precitee de la demanderesse enonce le motif de l'eviction :elle indique qu'il y a un « manquement majeur » car « le dossier estincomplet et ne satisfait pas aux demandes du coordinateursecurite-sante », et que l'analyse des risques est « trop generale etpas adaptee », s'agissant de « mesures particulieres de securite ».

Les motifs qui sous-tendent la decision de la demanderesse (pourquoi ledossier est considere comme incomplet, au regard des demandes ducoordinateur securite-sante, alors pourtant que l'offre de la defenderessecomprenait un volumineux dossier de documents relatifs à la securite)ressortissent à la legalite interne de la decision. En effet, si eu egardaux documents relatifs à la securite que la defenderesse avait deposes,la decision de l'evincer etait illegale ou irreguliere, il s'agirait d'ungrief etranger à la motivation formelle de l'acte.

Sans denier que la decision de la demanderesse enonc,ait formellement lesraisons pour lesquelles elle avait juge l'offre de la defenderesseirreguliere du point de vue de la coordination securite-sante, l'arretattaque considere que cette decision ne respecte pas le prescrit del'article 3 de la loi du 29 juillet 1991 pour les motifs precites qui neconcernent pas le controle de l'exigence formelle de la motivationinscrite aux articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991, mais bien lecontrole de la legalite interne de la decision.

Partant, l'arret viole lesdits articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet1991.

En outre, en decidant, en consequence de sa decision quant à lamotivation formelle de la decision de la demanderesse, que le premier jugea « à bon droit » refuse d'appliquer cette decision en vertu del'article 159 de la Constitution, l'arret attaque viole cette dernieredisposition.

Troisieme branche (plus subsidiaire)

L'article 15 de la loi du 24 decembre 1993 relative aux marches publics età certains marches de travaux, de fournitures et de services, dispose enson alinea 1er : « Lorsque l'autorite competente decide d'attribuer lemarche, celui-ci doit etre attribue, en adjudication publique ourestreinte, au soumissionnaire qui a remis l'offre reguliere la plusbasse, sous peine d'une indemnite forfaitaire fixee à 10 % du montant,hors taxe sur la valeur ajoutee, de cette offre ».

L'indemnisation forfaitaire est donc fixee à 10 % de la soumissionreguliere la plus basse qui a ete ecartee.

A supposer que ce soit illegalement que la demanderesse a ecarte lasoumission de la defenderesse qui etait la plus basse, l'indemnisation dela defenderesse devait etre fixee à 10 % du montant de son offre quietait de 1.942.655,53 EUR et non à 10 % du montant de l'offre de saconcurrente, TWT Entreprises generales, retenue par la demanderesse, quietait de 2.144.450,93 EUR.

Par confirmation du jugement entrepris, l'arret attaque condamne lademanderesse à payer 240.445 EUR, soit 10 % de l'offre retenue de TWTEntreprises generales, au lieu de 194.265 EUR, soit 10 % de l'offre de ladefenderesse, et viole ainsi l'article 15, alinea 1er, de la loi du 24decembre 1993.

Developpements

Premiere branche

1. Selon l'expose des motifs de la loi du 23 decembre 2009 introduisantdans la loi du 24 decembre 1993 relative aux marches publics et àcertains marches de travaux, de fournitures et de services () un« nouveau livre relatif à la motivation, à l'information et aux voiesde recours », cette loi transpose en droit belge la directive 2007/66/CEdu Parlement europeen et du Conseil du 11 decembre 2007 modifiant lesdirectives 89/665/CEE et 92/13/CEE du Conseil en ce qui concernel'amelioration de l'efficacite des procedures de recours en matiere depassation des marches publics ; cette directive impose une « informationprecise des candidats concernes et soumissionnaires » (Chambre, Doc. 52,2276/001, p. 1 et 5) ; cette information doit etre detaillee pour ce quiconcerne les decisions « de rejet », ce qui explique que les motifsd'eviction d'un soumissionnaire comprennent ceux relatifs au caractereanormal des prix ou à la non-equivalence des solutions proposees parrapport aux specifications techniques ou à la non-satisfaction parrapport aux performances ou aux exigences fonctionnelles prevues (Doc.parl. precite, p. 17).

Des lors la loi relative aux marches publics prevoit un regime particulierde motivation plus contraignant que le regime general de la loi du 29juillet 1991, de sorte qu'en vertu de l'article 6 de cette derniere loi,celle-ci ne doit pas s'appliquer.

2. L'arret ne contient aucun motif de nature à justifier que lamotivation de la lettre du 31 decembre 2010 ne repondait à ce queprescrivent les articles 65/5, 6DEG et 65/8, S: 1er, alinea 1er, 2DEG, dela loi du 24 decembre 1993 en cas de « non-equivalence des solutionsproposees par rapport aux specifications techniques » ou de« non-satisfaction par rapport aux performances ou aux exigencesfonctionnelles prevues ».

Le moyen n'est donc pas irrecevable à defaut d'interet.

3. La recevabilite du moyen ne pourrait non plus etre contestee au motifqu'il serait « nouveau ».

Certes, la demanderesse n'avait pas fait valoir que c'est par rapport auregime particulier prevu par la loi du 24 decembre 1993, modifie par laloi du 23 decembre 2009, qu'il fallait examiner la motivation formelle dela decision d'evincer la defenderesse en raison de l'irregularite de sonoffre, mais le juge a l'obligation de trancher le litige conformement auxregles de droit qui lui sont applicables : le juge a l'obligation, enrespectant les droits de la defense, de relever d'office les moyens dedroit dont l'application est commandee par les faits invoques par lesparties au soutien de leurs pretentions (Cass. 24 mars 2006, Pas., nDEG173 ; Cass. 9 mai 2008, Pas., nDEG 283 ; Cass. 4 mars 2013, Pas., nDEG143) ; le juge est tenu d'examiner la nature juridique des faits invoquespar les parties et, quelle que soit la qualification juridique quecelles-ci leur ont donnee, il peut suppleer d'office aux moyens invoquesdevant lui lorsqu'il n'eleve aucune contestation dont les conclusions desparties ont exclu l'existence, qu'il se fonde uniquement sur les faitsregulierement soumis à son appreciation et qu'il respecte les droits dela defense (Cass. 16 mars 2006, Pas., nDEG 155 ; Cass. 14 avril 2005,Pas., nDEG 225). Selon l'arret de votre Cour du 14 decembre 2012 (Pas.,nDEG 690), le juge doit seulement envisager, moyennant le respect desdroits de la defense, « l'applicabilite des fondements juridiques quis'imposent incontestablement à lui, en raison des faits tels qu'ils ontete specialement invoques ».

En l'espece, l'application des dispositions precitees de la loi sur lesmarches publics « s'imposait particulierement » à la cour d'appel deslors que celle-ci a releve, dans ses motifs, que par le courrierrecommande du 31 decembre 2010, la demanderesse a entendu faireapplication de l'article 65/8, S: 1er, 2DEG, de ladite loi.

Deuxieme branche

4. L'un des objectifs que le legislateur a poursuivi en imposant lamotivation formelle des actes administratifs est que, informe des motifsde la decision qui le concerne, l'administre puisse apprecier enconnaissance de cause l'opportunite d'introduire un recours administratifou juridictionnel contre la decision et donc de se defendre contre cettedecision si les motifs qui lui sont reveles par la motivation de ladecision ne sont pas fondes (R. Andersen et P. Lewalle, « La motivationformelle des actes administratifs », Adm. Publique 1993, p. 62 ; D.Lagasse, « La loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelledes actes administratifs », J.T. 1991, p. 735 ; X. Delgrange et B.Lombaert, « La loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelledes actes administratifs : questions d'actualite », La motivationformelle des actes administratifs, sous la direction de P. Jadoul et S.van Drooghenbroeck, La Charte 2005, nDEG 4, p. 4).

Il y a des lors lieu de distinguer suffisamment l'exigence formelle demotivation de l'acte administratif, qui releve de la legalite externe del'acte, et les motifs de fait ou de droit, qui servent de fondement à ladecision et qui relevent de la legalite interne de l'acte (X. Delgrange etB. Lombaert (etude precitee, nDEG 44, p. 41).

Le controle que le juge opere sur pied de l'article 3 de la loi du 9juillet 1991 ne concerne que la motivation formelle de l'acteadministratif et non la legalite interne de cet acte.

Dans des arrets relatifs à la motivation des contraintes en matiere deTVA ou en matiere de droits de succession, votre haute juridiction tientcompte de cette distinction entre motivation formelle des actesadministratifs et motifs relevant de la legalite interne desdits actes.Elle distingue en effet les elements qui motivent formellement lacontrainte (la contrainte doit preciser le fait imposable, le montant del'impot et la qualite du debiteur) et « les elements de fait de l'examenadministratif dont il ressort comment l'administration a ete informee dufait imposable et de quels moyens de preuve dont elle dispose » : cesderniers elements « ne ressortissent pas au domaine de la motivation dela contrainte, à savoir les elements de droit et de fait servant defondement à la dette d'impot, mais à l'administration de la preuve de ladette fiscale » (Cass. 20 mars 2008, Pas., nDEG 194 ; voir lesconclusions de M. l'avocat general Thijs avant cet arret, in A.C. ; voiraussi Cass. 22 mai 2008, nDEG 312 et le grief qui a ete declare fonde).Selon un arret du 10 janvier 2013 (Pas., nDEG 20), « les elements de faitde l'examen administratif dont il ressort comment l'administration aevalue le fait imposable et de quels moyens de preuve elle dispose, neressortissent pas au domaine de la motivation de la contrainte mais àl'administration de la preuve de la dette fiscale » ; l'administration nedoit donc pas preciser dans la contrainte les faits qui l'amenent àretenir l'estimation d'un fonds de commerce faisant partie d'unesuccession.

5. En l'espece, la motivation de l'eviction de la defenderesse repondaità l'exigence formelle de la loi du 29 juillet 1991, des lors qu'elleenonc,ait le motif de l'eviction : elle indiquait qu'il y a un« manquement majeur » car le dossier est incomplet et ne satisfait pasaux demandes du coordinateur securite-sante, et que l'analyse des risquesest « trop generale et pas adaptee », s'agissant de « mesuresparticulieres de securite » .

Les motifs qui sous-tendent la decision de la demanderesse (pourquoi ledossier est considere comme incomplet, au regard des demandes ducoordinateur securite-sante, alors pourtant que l'offre de la defenderessecomprenait un volumineux dossier de documents relatifs à la securite)ressortissent à la legalite interne de la decision.

Troisieme branche

6. En vertu de l'article 15, alinea 1er, de la loi du 24 decembre 1993relative aux marches publics, l'indemnisation forfaitaire dusoumissionnaire dont l'offre la plus basse a ete irregulierement ecarteeet fixee à 10 % de l'offre la plus basse qui ete ecartee (M. A. Flamme etautres, Commentaire pratique de la reglementation des marches publics, t.I A, 6eme edition, commentaire de l'article 15 de la loi, nDEG 24 et 26,p. 261-262).

7. Le moyen n'est pas nouveau.

Certes, la demanderesse n'avait pas conteste le montant reclame par ladefenderesse mais le juge a l'obligation de faire une application correctede dispositions legales sur lesquelles il fonde sa decision et de suppleerd'office aux moyens invoques devant lui, sous reserve du respect desdroits de la defense.

par ce moyen et ces considerations,

L'avocat à la Cour de cassation soussigne, pour la demanderesse, conclutqu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arret attaque ; ordonnerque mention de votre arret soit faite en marge de l'arret annule ;renvoyer la cause et les parties devant une autre cour d'appel ; depenscomme de droit.

Piece jointe :

En extrait conforme, la decision du college communal de la demanderesse du19 mai 2015 d'introduire le pourvoi.

Bruxelles, le 14 juillet 2015

J. Kirkpatrick

La loi du 24 decembre 1993 est abrogee avec effet au 1er juillet 2013 envertu de l'article 78 de la loi du 15 juin 2006 relative aux marchespublics et à certains marches de travaux, de fournitures et de services,entre en vigueur le 1er juillet 2013 ; la loi du 24 decembre 1993 etaitdonc applicable au marche litigieux.

2 FEVRIER 2017 C.15.0310.F/7

Requete/17


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.15.0310.F
Date de la décision : 02/02/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-02-02;c.15.0310.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award