La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/01/2017 | BELGIQUE | N°C.16.0179.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 26 janvier 2017, C.16.0179.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.16.0179.F

AG INSURANCE, societe anonyme dont le siege social est etabli àBruxelles, boulevard Emile Jacqmain, 53,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

ETHIAS DROIT COMMUN, association d'assurances mutuelles, dont le siege estetabli à Liege, rue des Croisiers, 24,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Paul

Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149,...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.16.0179.F

AG INSURANCE, societe anonyme dont le siege social est etabli àBruxelles, boulevard Emile Jacqmain, 53,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

ETHIAS DROIT COMMUN, association d'assurances mutuelles, dont le siege estetabli à Liege, rue des Croisiers, 24,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 4 decembre2015 par le tribunal de premiere instance du Hainaut, statuant en degred'appel.

Le president de section Albert Fettweis a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, la demanderesse presente un moyen.

III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

Les articles 1382 et 1383 du Code civil obligent celui qui, par sa faute,a cause à autrui un dommage à le reparer integralement, ce qui impliqueque la partie lesee se retrouve dans la situation dans laquelle elle seserait trouvee si la faute qu'elle allegue n'avait pas ete commise.

L'employeur public qui, en vertu de ses obligations legales oureglementaires, est tenu de verser une remuneration à son agent sansrecevoir de prestations de travail en contrepartie a droit à uneindemnite dans la mesure ou il subit ainsi un dommage.

Le pecule de vacances est du à l'agent pour des jours de vacances.

L'employeur public qui paie ce pecule ne rec,oit pas de prestations detravail en contrepartie. Des lors que ce n'est pas l'accident imputable àun tiers qui le prive de ces prestations, le paiement du pecule devacances ne constitue pas un dommage reparable.

Le jugement attaque constate que la defenderesse « sollicite, à chargede [la demanderesse], le remboursement [...] [des] remunerations verseespar la ville de Mons à [son agent statutaire] durant sa perioded'incapacite temporaire totale » et que la demanderesse « considerequ'il faut prendre en compte la remuneration [...] hors àvantagescomplementaires', contestant ainsi les postes tels que [...] [le] `peculede vacances' ».

Le jugement attaque considere que, « quant aux divers avantages [...], ilconvient de se poser la question de savoir s'ils sont ou non payes encontrepartie des prestations dont l'employeur aurait beneficie enl'absence de la faute du tiers puisque le prejudice reparable consiste enla privation des prestations du travailleur » et que, « si tel n'est pasle cas, il ne s'agit pas d'un dommage reparable ».

Le jugement attaque n'a pu, sans violer l'article 1382 du Code civil,decider « qu'il n'y a pas de motifs [d']exclure [le pecule de vacances]de la reclamation formulee par [la defenderesse] » en considerant que« [celui-ci est] paye en contrepartie des prestations du travailleur ».

Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaque en tant que, par confirmation du jugement dupremier juge, il condamne la demanderesse à payer à la defenderesse lemontant de 43.315,04 euros et qu'il statue sur les depens ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant le tribunal de premiere instancedu Brabant wallon, siegeant en degre d'appel.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, president, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Mireille Delange,Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononce en audience publique duvingt-six janvier deux mille dix-sept par le president de sectionChristian Storck, en presence de l'avocat general Thierry Werquin, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+------------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+-------------+----------------|
| M. Delange | A. Fettweis | Chr. Storck |
+------------------------------------------------+

Requete

1er feuillet

REQUETE EN CASSATION

_________________________

Pour : la S.A. AG INSURANCE, inscrite à la BCE sous le nDEG 0404.494.849,dont

le siege social est etabli à 1000 Bruxelles, boulevard Emile Jacqmain,53,

demanderesse,

assistee et representee par Me Jacqueline Oosterbosch, avocate à la Courde

cassation, dont le cabinet est etabli à 4020 Liege, rue de Chaudfontaine,11

ou il est fait election de domicile,

Contre : l'Association d'Assurances Mutuelles ETHIAS DROIT COMMUN,inscrite

à la BCE sous le nDEG 0402.370.054, dont le siege social est etabli à4000 Liege,

rue des Croisiers, 24,

defenderesse.

A Messieurs les Premier President et Presidents, Mesdames et Messieurs lesConseillers composant la Cour de cassation,

Messieurs, Mesdames,

La demanderesse a l'honneur de deferer à votre censure le jugementprononce contradictoirement entre les parties le 4 decembre 2015 par latroisieme chambre civile du tribunal de premiere instance du Hainaut,division de Mons, statuant en degre d'appel (R.G. nDEG 14/905/A-14/953/A).

2eme feuillet

Les faits et antecedents de la cause, tels qu'ils ressortent des piecesauxquelles votre Cour peut avoir egard, peuvent etre brievement resumescomme suit.

Le litige est relatif aux consequences d'un accident survenu le 24 juin2006 impliquant un Sieur V.D., agent statutaire de la Ville de Mons, alorsqu'il etait sur le chemin du travail, et un Sieur H.A. assure aupres de lademanderesse.

Par jugement du 29 fevrier 2008, le tribunal de police de Mons a dit lesieur H.A. seul responsable de l'accident et a designe un expert-medecinafin de se prononcer sur les sequelles de l'accident dans le chef del'agent de la Ville de Mons.

L'expert a conclu à une incapacite temporaire totale du 24 juin 2006 au20 juin 2007 et à une incapacite temporaire partielle au taux degressifdu 21 juin 2007 au 23 juin 2008, la consolidation etant arretee au 24 juin2008 avec une incapacite permanente partielle de 17%.

Par exploit du 22 novembre 2011, la defenderesse, association d'assurancesmutuelles, assureur facultatif de l'employeur public, a cite lademanderesse sur la base de l'article 41 de la loi du 25 juin 1992 sur lecontrat d'assurance terrestre, fondant son action (i) sur l'article 1382du Code civil, exerc,ant par là le recours direct de l'employeur publicrelativement aux remunerations et aux frais pendant les incapacitestemporaires et (ii) sur l'article 14, S: 3, de la loi du 3 juillet 1967,exerc,ant la subrogation de l'employeur public dans les droits de lavictime, relativement à l'incapacite permanente partielle.

En ce qui concerne les "remunerations du 24/06/2006 au 21/06/2007", ladefenderesse postulait la condamnation de la demanderesse à luirembourser la somme en principal de 43.315,04 EUR (semi-brut horscotisations patronales).

Par jugement du 5 septembre 2013, le tribunal de police de Mons (deuxiemechambre) a fait droit à cette demande.

La demanderesse a interjete appel de cette decision faisant, notamment,valoir que ne pouvait etre inclus dans le dommage reparable de l'employeurpublic le montant paye au titre de pecule de vacances.

3eme feuillet

Le jugement attaque confirme le jugement entrepris (sauf en ce qu'ilcondamne la demanderesse à payer à la defenderesse les sommes decaisseespour l'incapacite permanente partielle.

A l'encontre de cette decision, la demanderesse a l'honneur de fairevaloir le moyen de cassation suivant.

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Dispositions violees

- les articles 1382 et 1383 du Code civil,

- l'article 3bis de la loi du 3 juillet 1967 sur la prevention ou lareparation des dommages resultants des

accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail etdes maladies professionnelles

dans le secteur public,

- l'article 35 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail.

Decision critiquee

Le jugement attaque condamne la demanderesse, en sa qualite d'assureur dutiers responsable de l'accident, à payer à la defenderesse, en saqualite d'assureur de l'employeur public subroge dans les droits decelui-ci à la reparation, sur la base de l'article 1382 du Code civil, dudommage qu'il subit, la somme de 43.315,04 EUR en principal majoree desinterets representants les "remunerations" versees par la Ville de Mons àson agent durant la periode d'incapacite temporaire totale en decidantqu'il n'y a pas lieu d'en exclure la somme payee au titre de pecule devacances, aux motifs que :

"Etendue de la remuneration à prendre en consideration

(La demanderesse) considere qu'il faut prendre en compte la remunerationhors charges fiscales et sociales et, à tout le moins, hors «avantagescomplementaires», contestant ainsi les postes tels que «prestationsdominicales et/ou nocturnes, pecule de vacances, allocation». (Ladefenderesse) plaide

4eme feuillet

pour la prise en compte de la remuneration brute supportee par l'employeuret elle precise qu'elle ne reclame pas les charges patronales, lesquellesetaient exclues de l'assurance et n'ont pas fait l'objet d'unremboursement à son assure.

L'article 1382 du code civil prevoit l'indemnisation integrale duprejudice subi par la personne lesee en raison de la faute d'un tiers.

Il est actuellement etabli que «le dommage de l'employeur consistant dansla privation des prestations de travail equivaut à la remuneration et auxcharges fiscales et sociales y afferentes qu'il doit payer» (Cass., 18novembre 2011, arret RG nDEG C.09.0521.F/11 [...]) ou encore que «ledommage specifique subi par l'employeur consiste dans la remunerationbrute dont il a ete contraint de poursuivre le paiement au profit de sonagent victime d'un accident du à la faute d'un tiers» (Cass., 23 octobre2013, arret RG nDEG P.13.0727.F/3 [...]).

Quant aux divers avantages ou sursalaires, il convient de se poser laquestion de savoir s'ils sont - ou pas - payes en contrepartie desprestations dont l'employeur aurait beneficie en l'absence de faute dutiers puisque le prejudice reparable consiste en la privation desprestations du travailleur. Si tel n'est pas le cas, il ne s'agit pas d'undommage reparable au sens de l'article 1382 du code civil (...). Enl'espece, les postes precites constituent bien des sommes payees encontrepartie des prestations du travailleur et il n'y a pas de motifs deles exclure de la reclamation formulee par (la defenderesse).

(...)

Au vu de ce qui precede, la demande est fondee et le jugement seraconfirme sur ce point".

Griefs

Dans ses conclusions prises devant la juridiction d'appel, la demanderessecontestait la remuneration à prendre en consideration pendantl'incapacite temporaire en soutenant qu'il fallait "distinguer lesdecaissements realises par l'employeur public, du dommage reparable dansle chef de ce dernier au sens de l'article 1382 du Code civil. En d'autrestermes, tout ce qui a ete paye par cet employeur ne doit pasnecessairement etre rembourse par l'assureur du tiers responsable. Bien aucontraire, ce dernier n'est tenu qu'au remboursement de ce qui compose ledommage de l'employeur public au sens de l'article 1382 du Code civil(...). Il resulte (...) de la piece 1 de la sous-farde V du dossier de (ladefenderesse) que le montant de la remuneration annuelle de referenceenglobe (...) un pecule de vacances (...)", pour en conclure que cetelement est "à exclure de l'assiette du recours de l'employeur public";que "(la defenderesse) fait valoir que

5eme feuillet

l'article 3 bis de la loi du 3 juillet 1967, enonce que l'agent victimede l'accident a droit à la meme remuneration que celle qui serait due àun travailleur du secteur prive. (La defenderesse) poursuit sonraisonnement en se prevalant des articles 34 et 35 de la loi du 10 avril1971 qui definissent ce qu'englobe la notion de remuneration de base. Ilest exact que ces dispositions legales fixent les contours d'uneremuneration de base large des lors qu'on y integre certains avantages, àl'exclusion neanmoins des pecule de vacances (cf. : article 35, alinea 1erin fine)" et que ces dispositions ne definissent pas "le dommage subi parla Ville de Mons, dans les droits de laquelle (la defenderesse) pretendetre subrogee" (concl. add., pp. 15 et 16).

Il est certain que l'employeur public qui doit payer des remunerations, àla suite d'un accident imputable à un tiers, peut subir un dommageconsistant dans la privation des prestations du travailleur et le paiementdes traitements sans contrepartie. Mais l'employeur tenu de payer lepecule de vacances pour la duree des vacances - c'est-à-dire pour uneperiode ou le travailleur n'effectue pas de prestations - ne subit pas,par la faute du tiers responsable de l'accident, de dommage consistant enla privation de ces prestations et du paiement de celles-ci sanscontrepartie.

Si l'article 3bis de la loi du 3 juillet 1967 prevoit que sous reserve del'application d'une disposition legale ou reglementaire plus favorable,les membres du personnel auxquels la loi est applicable beneficientpendant la periode d'incapacite temporaire jusqu'à la date de reprisecomplete du travail des dispositions prevues en cas d'incapacitetemporaire totale par la legislation sur les accidents de travail,l'article 35 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travailprevoit precisement que "le pecule de vacances n'est pas considere commeremuneration pour le calcul des indemnites dues pour l'incapacitetemporaire".

Il s'ensuit que le jugement attaque qui, apres avoir constate qu'en ce quiconcerne l'etendue de la remuneration, la demanderesse contestait qu'ysoient inclus "les postes tels que «prestations dominicales et/ounocturnes, pecule de vacances, allocations»" et considere "quant auxdivers avantages ou sursalaires, (qu')il convient de se poser la questionde savoir s'ils sont - ou pas - payes en contrepartie des prestations dontl'employeur aurait beneficie en l'absence de la faute du tiers puisque leprejudice reparable consiste dans la privation des prestations dutravailleur" et que "si tel n'est pas le cas, il ne s'agit pas d'undommage reparable au sens de l'article 1382 du Code civil", decide qu'"enl'espece, les postes precites [et, partant, le pecule de vacances]constituent bien des sommes payees en contrepartie des prestations du

6eme feuillet

travailleur et il n'y a pas de motifs de les exclure de la reclamationformulee par (la defenderesse)" viole les articles 1382 et 1383 du Codecivil et, pour autant que de besoin, les articles 3bis de la loi du 3juillet 1967 et 35 de la loi du 10 avril 1971 vises au moyen.

Developpements du premier moyen de cassation

Il est à present admis que l'employeur public qui doit payer lesremunerations de son agent pendant l'incapacite temporaire totale detravail, due à la faute d'un tiers responsable d'un accident sur lechemin du travail, subit un dommage consistant en la privation desprestations de travail de son agent et le paiement des traitements sanscontrepartie.

Le pecule de vacances que l'employeur public est tenu de payer pour laperiode des vacances annuelles auxquelles l'agent a droit ne constitue pasun dommage reparable. En effet, l'employeur n'est pas prive desprestations du travailleur pendant ladite periode par la faute du tiersresponsable des lors que, sans cette faute et sans l'accident, il n'eutpas beneficie desdites prestations et eut ete tenu au paiement du peculede vacances.

Le jugement attaque, qui considere qu'il n'y a pas de motif d'exclure lepecule de vacances du dommage de l'employeur public que l'assureur dutiers responsable est tenu d'indemniser, n'est pas legalement justifie auregard de l'article 1382 du Code civil.

7eme et dernier feuillet

PAR CES CONSIDERATIONS,

l'avocate à la Cour de cassation soussignee, pour la demanderesse,conclut qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser le jugementattaque; ordonner que mention de votre arret soit faite en marge de ladecision annulee; renvoyer la cause et les parties devant un autretribunal de premiere instance statuant en degre d'appel; statuer comme dedroit quant aux depens.

Jacqueline Oosterbosch

Liege, le 2 mai 2016

26 JANVIER 2017 C.16.0179.F/4

Requete/9


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.16.0179.F
Date de la décision : 26/01/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-01-26;c.16.0179.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award