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28/11/2016 | BELGIQUE | N°S.15.0108.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 28 novembre 2016, S.15.0108.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.15.0108.F

COMMUNAUTE SCOLAIRE SAINTE-MARIE, association sans but lucratif ayant sonsiege à Namur, rue du President, 28,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

E. J.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Gand, Drie Koningenstraat,

3, ouil est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirig...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.15.0108.F

COMMUNAUTE SCOLAIRE SAINTE-MARIE, association sans but lucratif ayant sonsiege à Namur, rue du President, 28,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

E. J.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Gand, Drie Koningenstraat, 3, ouil est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 21 avril 2015par la cour du travail de Liege, division de Namur.

Le 27 octobre 2016, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat general Jean MarieGenicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 10 et 11 de la Constitution ;

- article 2.1 de la directive 2003/88/CE du Parlement europeen et duConseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'amenagement dutemps de travail ;

- article 23 de la loi du 20 septembre 1948 portant organisation del'economie ;

- article 19 de la loi du 16 mars 1971 sur le travail ;

- article 17, 1DEG, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats detravail ;

- article 15 du decret de la Communaute franc,aise du 1er fevrier 1993,fixant le statut des membres du personnel subsidies de l'enseignementlibre subventionne, tel qu'il est modifie par l'article 5 du decret de laCommunaute franc,aise du 19 decembre 2002 ;

En tant que de besoin :

- principe general du droit de la primaute du droit communautaire europeensur toutes les normes internes ;

- article 2, S: 2, de la loi du 10 aout 2001 relative à la conciliationentre l'emploi et la qualite de vie ;

- article 6, specialement S: 1er, de la loi du 8 avril 1965 instituant lesreglements de travail.

Decision et motifs critiques

L'arret dit la demande originaire recevable en tant qu'elle est dirigeecontre la demanderesse ; dit que le defendeur « a droit à laremuneration de sa participation aux seances du conseil d'entreprise du 4mars 2005 au 31 octobre 2012 » et ordonne la reouverture des debats envue de permettre la determination du montant du à ce titre.

Il fonde cette decision notamment sur les motifs suivants :

« 6. Il est acquis que les reunions du conseil d'entreprise de l'ecoleont lieu en semaine, durant les heures d'ouverture de l'ecole et durantles plages horaires pendant lesquelles les cours sont donnes. Ces reunionssont cependant toujours fixees à des heures au cours desquelles lesrepresentants du personnel n'ont pas cours (traditionnellement le mardiapres-midi)[...].

33. Pour atteindre [l'] objectif d'encourager et de ne pas defavoriser laparticipation au conseil d'entreprise, l'article 23 [de la loi du 20septembre 1948 portant organisation de l'economie] se comprend comme suit.

Soit les seances du conseil d'entreprise ont lieu pendant les heures detravail, et la duree du travail ou le temps de travail sont alors reduitsà concurrence de la duree de ces seances, tandis que la remuneration estpayee comme convenu. Soit encore les seances du conseil d'entreprise ontlieu hors des heures de travail mais le temps qui leur est consacre estrecupere, c'est-à-dire deduit de la duree du travail, et la remunerationreste payee comme convenu.

Dans ces deux hypotheses, la remuneration des seances du conseild'entreprise est payee non sous la forme d'un supplement à laremuneration du travail convenu, mais en reduisant l'ampleur de cedernier.

Dans une autre hypothese, les seances du conseil d'entreprise ont lieu endehors des heures de travail et ne sont pas recuperees par une reductionde celui-ci. Dans ce cas, elles doivent alors etre remunerees en sus de laremuneration ordinaire puisque la quantite de travail et de travailassimile est superieure à ce qui est convenu.

34. S'agissant des enseignants de l'enseignement libre subventionne dansle secondaire, les parties s'accordent pour reconnaitre que leursprestations de travail se divisent en deux grandes categories. D'une part,les prestations presentielles qui sont les heures de cours convenues ainsique leurs accessoires necessaires à la bonne marche des etablissements -au sens de l'article 17, alinea 1er, du decret du 1er fevrier 1993 - quirequierent une presence effective (tels que [les] conseils de classe,[les] reunions de parents, etc.). D'autre part, les prestations nonpresentielles qui ne requierent pas une telle presence (preparation descours et corrections essentiellement).

L'ensemble de ces prestations forme le travail convenu et qui doit etreeffectue en execution du contrat de travail.

35. Puisque [...] les seances du conseil d'entreprise ne sont pas dutravail effectue en execution du contrat de travail, elles ne relevent nides prestations presentielles, ni des prestations non presentielles.

Le fait, propre au secteur de l'enseignement et specialement del'enseignement secondaire, que les prestations non presentielles aient uncaractere assez forfaitaire et qu'elles englobent des prestations detravail parfois tres variees ne remet pas en cause cette appreciation.

36. En l'espece, il n'est pas conteste que l'horaire de travail [dudefendeur], soit le nombre d'heures de prestations presentielles et nonpresentielles, n'a pas ete modifie, ni à la baisse ni à la hausse, enraison de sa participation au conseil d'entreprise de [l'etablissementscolaire administre par la demanderesse].

37. Des lors que la participation à ces seances du conseil d'entreprisene relevait pas de ses prestations accomplies en execution du contrat detravail et que ces prestations n'ont pas ete reduites à raison de cesseances, ces dernieres avaient lieu en dehors des heures de travail. Ellesdoivent etre remunerees de maniere complementaire au salaire convenu pourles heures de travail.

La circonstance que les seances du conseil d'entreprise de l'ecole aienttoujours eu lieu durant les heures d'ouverture de l'ecole, et meme durantles heures de cours theoriques, ne remet pas en cause ce point de vue.Cette circonstance n'a en effet pas pour consequence de faire de laparticipation aux seances du conseil d'entreprise un travail effectue enexecution du contrat de travail.

38. Adopter la these inverse reviendrait par ailleurs à ne pas permettreà l'article 23 de la loi du 20 septembre 1948 d'atteindre son objectif,decrit au point 33 ci-dessus, puisque, à charge de travail (et de travailassimile) globale superieure, les representants du personnel au conseild'entreprise garderaient une remuneration identique à celle des autresenseignants, defavorisant ainsi la participation à cet organe social.Cette these inverse ferait donc en outre naitre la difference detraitement alleguee par [le defendeur] entre les enseignants participantau conseil d'entreprise et les autres ».

Griefs

Premiere branche

I. L'article 23 de la loi du 20 septembre 1948 portant organisation del'economie dispose que « les seances du conseil d'entreprise, meme endehors des heures de travail, sont considerees comme du temps de travaileffectif et sont remunerees comme tel ».

L'article 19 de la loi sur le travail du 16 mars 1971 dispose, en sonalinea 2, qu'« on entend par duree du travail le temps pendant lequel lepersonnel est à la disposition de l'employeur ».

L'article 2, S: 2, de la loi du 10 aout 2001 a porte en regle àtrente-huit heures le temps maximum de travail hebdomadaire.

La definition de la duree du travail par l'article 19 precite de la loi du16 mars 1971 est conforme à l'article 2.1. de la directive 2003/88/CE duParlement europeen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certainsaspects de l'amenagement du temps de travail. Selon cette disposition dela directive : « on entend par : 1. 'temps de travail' ; toute periodedurant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition del'employeur et dans l'exercice de son activite ou de ses fonctions,conformement aux legislations et/ou pratiques nationales ».

En vertu de l'article 17, 1DEG, de la loi du 3 juillet 1978 relative auxcontrats de travail, le travailleur « a l'obligation d'executer sontravail avec soin, probite et conscience, au temps, au lieu et dans lesconditions convenus ».

L'article 6, S: 1er, 1DEG, de la loi du 8 avril 1965 instituant lesreglements de travail dispose que le reglement de travail doit indiquer lecommencement et la fin de la journee de travail reguliere, le moment et laduree des intervalles de repos et les jours d'arret regulier du travail.

L'article 15 du decret de la Communaute franc,aise du 1er fevrier 1993fixant le statut des membres du personnel subsidies de l'enseignementlibre subventionne, tel que modifie par l'article 5 du decret de laCommunaute franc,aise du 19 decembre 2002, dispose, en ses alineas 1er et2, que : « Les membres du personnel executent leur travail avec soin,probite et conscience au lieu, au temps et dans les conditions convenus.Les membres du personnel agissent conformement aux ordres et auxinstructions qui leur sont donnes par les membres du pouvoir organisateuret leurs delegues en vue de l'execution du contrat ».

II. Le litige soumis aux juges du fond concernait la maniere de combinerl'article 23 de la loi du 20 septembre 1948 portant organisation del'economie avec les dispositions precitees (dispositions europeennes etfederales et decret de la Communaute franc,aise).

Les deux parties ont fait valoir dans leurs conclusions devant la cour dutravail que la duree hebdomadaire du travail du personnel enseignant est,dans l'enseignement libre subventionne, de 38 heures, lesquelles serepartissent en heures de cours, en taches ponctuelles (reunions deparents, conseils de classe) et en heures non presentielles, c'est-à-direen heures consacrees à des taches qui peuvent etre executees en dehorsdes batiments scolaires (correction des exercices et interrogations,preparation des cours).

A cet egard, la demanderesse a invoque ce qui suit, dans ses secondesconclusions additionnelles et de synthese d'appel :

« L'organisation du travail dans l'enseignement est specifique, en cesens que la duree des prestations durant lesquelles les enseignants sontoccupes à donner cours - les heures de cours - est limitee à 20 periodesau degre superieur de l'enseignement secondaire (cf. annexe du reglementde travail). Ces periodes ('heures de cours') sont prestees en raison d'unvolume hebdomadaire de 20 fois 50 minutes au degre superieur del'enseignement secondaire. Le temps de travail n'est pas identique aunombre d'heures de cours ; pretendre le contraire reviendrait à limiterà 20 periodes de 50 minutes, soit un peu plus de 16 heures de travail, laduree de travail hebdomadaire d'un professeur à temps plein. Enconsequence, il demeure entre 18 et 20 heures par semaine qui sontconsacrees par les enseignants aux conseils de classe, aux reunions deparents, aux surveillances, à la preparation des cours, aux corrections,etc. Les seances du conseil d'entreprise (de la demanderesse) sonttoujours fixees en dehors des heures de cours du (defendeur) - sinon il nepourrait pas y assister, sauf à ne pas donner cours - mais non en dehorsdu temps de travail des enseignants - pour rappel, fixe à raison d'uneduree hebdomadaire moyenne de 38 heures par semaine - ces seances setenant du reste entre 8h20 et 16h50, soit non seulement durant le temps detravail mais aussi durant les periodes durant lesquelles les cours sontfixes conformement à l'article 2, S: 1er, alinea 2, du reglement detravail.

Est sans incidence le fait que les enseignants ne soient parfois pas surle lieu du travail au moment ou interviennent les seances du conseild'entreprise - entre 8h20 et 16h50 - des lors que cela n'est du qu'à lasouplesse et à la tolerance dont ils disposent dans le cadre del'organisation du travail et notamment quant à la latitude qui leur estlaissee quant à leurs taches en dehors des heures de cours - qu'ils nesont pas obliges d'effectuer à l'ecole.

(...)

La notion de temps de travail est definie par les articles 19 de la loi du16 mars 1971 sur le travail et 2 de la directive 2003/88/CE concernantcertains aspects de l'amenagement du temps de travail (...).

Il faut d'emblee rappeler, contrairement à ce que soutient (le defendeur)pretendant qu'il pourrait effectuer ses taches non presentielles'n'importe ou et n'importe quand' (...), que l'article 15, alinea 1er, dudecret du 1er fevrier 1993 prevoit que `les membres du personnel executentleur travail avec soin, probite et conscience au lieu, au temps et dansles conditions convenus' (...). Cette obligation, egalement inscrite àl'article 17, 1DEG, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats detravail, est une obligation de resultat du travailleur (...).

Quoiqu'en dise (le defendeur), il a l'obligation de respecter l'horaireinscrit dans le reglement de travail, dont il n'a d'ailleurs jamaisconteste la legalite et l'applicabilite (...). L'article 5 du reglement detravail ne permet pas de s'ecarter de l'horaire inscrit à l'article 2 dumeme reglement : `La direction definit l'horaire hebdomadaire (...) dansle respect de la legislation en vigueur et notamment de ce qui est preciseaux articles 2 et 5 du present reglement' (...). L'horaire inscrit àl'article 2 n'est pas un simple 'cadre general' comme l'allegue, à tort,(le defendeur) (...) il s'agit de l'horaire de travail qui s'impose etdoit etre respecte lors de l'elaboration de l'horaire hebdomadaireindividuel. (...) (Le defendeur) ne saurait donc etre suivi lorsqu'ilallegue que l'horaire de travail prevu par le reglement de travail nedefinirait pas l'horaire des travailleurs (...).

Releve de la seule responsabilite du (defendeur) le fait qu'il effectueeventuellement certaines taches en dehors de l'horaire en vigueur.

Correlativement, releve de la seule responsabilite du (defendeur) le faitqu'il n'effectue eventuellement aucune tache durant certaines periodesfigurant à l'horaire de travail et ou il n'est pas present dansl'etablissement. En toute hypothese, les heures inscrites à l'horaire detravail durant lesquelles (le defendeur) doit en principe effectuer sestaches - et ou, en toute hypothese, il doit agir conformement aux ordreset aux instructions (de la demanderesse), le cas echeant (cf. art. 15,alinea 2, du decret du 1er fevrier 1993) - relevent de la notion de tempsde travail ».

III. En l'espece, l'arret constate que « les prestations nonpresentielles qui ne requierent pas une (...) presence (preparation descours et corrections essentiellement) » forment, avec les prestationspresentielles, « le travail convenu et qui doit etre effectue enexecution du contrat de travail ».

L'arret ne denie pas qu'ainsi que la demanderesse l'invoquait dans lepassage precite de ses conclusions, les reunions du conseil d'entreprisese tenaient « entre 8h20 et 16h50, soit non seulement durant le temps detravail mais aussi durant les periodes durant lesquelles les cours sontfixes conformement à l'article 2, S: 1er, alinea 2, du reglement detravail ». L'arret constate qu'il « est acquis que les reunions duconseil d'entreprise de l'ecole ont lieu en semaine, durant les heuresd'ouverture de l'ecole et durant les plages horaires pendant lesquellesles cours sont donnes ». En decidant que, nonobstant cette circonstance,les seances du conseil d'entreprise « avaient lieu en dehors des heuresde travail », pour le motif qu'elles se tenaient « à des heures aucours desquelles les representants du personnel n'ont pas cours(traditionnellement le mardi apres-midi) », l'arret attaque viole lanotion legale de « temps de travail » ou de « duree du travail » ausens des dispositions europeennes et federales pertinentes, dont il sededuit qu'on entend par duree du travail le temps pendant lequel le membredu personnel est à la disposition de l'employeur, que ce soit dansl'entreprise ou, le cas echeant, à son domicile ou dans un autre lieulibrement choisi par lui (violation des articles 2.1 de la directive2003/88/CE du Parlement europeen et du Conseil du 4 novembre 2003concernant certains aspects de l'amenagement du temps de travail, 19 de laloi sur le travail du 16 mars 1971, 17, 1DEG, de la loi du 3 juillet 1978relative aux contrats de travail et, en tant que de besoin, violation duprincipe general du droit vise en tete du moyen et des articles 2, S: 2,de la loi du 10 aout 2001 relative à la conciliation entre l'emploi et laqualite de vie et 6, specialement S: 1er, de la loi du 8 avril 1965instituant les reglements de travail), de meme que l'article 15, alineas1er et 2, du decret de la Communaute franc,aise du 1er fevrier 1993,modifie par le decret du 19 decembre 2002, qui dispose que le travail desmembres du personnel doit etre execute « au lieu, au temps et dans lesconditions convenus ».

Deuxieme branche

Il resulte de l'article 23 de la loi du 20 septembre 1948 portantorganisation de l'economie que les seances du conseil d'entreprise nedoivent donner lieu à une remuneration complementaire que lorsqu'elles setiennent en dehors des heures qui marquent le debut et la fin de la dureedu travail. La decision attaquee n'est des lors pas legalement justifieepar le motif que l'horaire de travail du defendeur, soit le nombred'heures de prestations presentielles et non presentielles, « n'a pas etemodifie, ni à la baisse, ni à la hausse, en raison de sa participationau conseil d'entreprise de l'ecole ». En effet, c'est seulement dansl'hypothese ou les seances du conseil d'entreprise se tiennent en dehorsdes heures de travail, comprises dans le sens precise dans la premierebranche du present moyen, que l'article 23 precite impose à l'employeur,soit de reduire la duree du travail (sans payer un supplement deremuneration), soit de remunerer les heures passees au conseild'entreprise en sus de la remuneration ordinaire.

N'ayant pas legalement justifie la decision selon laquelle les seances duconseil d'entreprise auxquelles participait le defendeur « avaient lieuen dehors des heures de travail », l'arret n'a pu legalement decider que,faute pour la demanderesse d'avoir modifie « le nombre d'heures deprestations presentielles et non presentielles » de l'horaire dudefendeur, ce dernier « a droit à la remuneration de sa participationaux seances du conseil d'entreprise du 4 mars 2005 au 31 octobre 2012 ».Par cette decision, l'arret viole l'article 23 de la loi du 20 septembre1948 portant organisation de l'economie combine avec les normeseuropeennes, federales et decretales dont il se deduit qu'on entend parduree du travail le temps pendant lequel le membre du personnel est à ladisposition de l'employeur, que ce soit dans l'entreprise ou, le casecheant, à son domicile ou dans un autre lieu librement choisi par lui(violation de toutes les dispositions visees en tete du moyen, àl'exception des articles 10 et 11 de la Constitution).

Troisieme branche

Contrairement à ce qu'affirme l'arret au point 38, adopter la thesesoutenue par la demanderesse devant les juges du fond ne reviendrait pas« à ne pas permettre à l'article 23 de la loi du 20 septembre 1948d'atteindre son objectif [...] puisque, à charge de travail (et detravail assimile) globale superieure, les representants du personnel auconseil d'entreprise garderaient une remuneration identique à celle desautres enseignants, defavorisant ainsi la participation à cet organesocial ». Contrairement à ce que l'arret affirme en outre au pointprecite, la these soutenue par la demanderesse ne ferait naitre aucunedifference de traitement entre les enseignants participant au conseild'entreprise et les autres. En effet, c'est seulement lorsque les reunionsdu conseil d'entreprise se tiennent en dehors des heures de travail quel'assistance à ces reunions entraine une charge de travail supplementairequi doit etre compensee, soit par une remuneration complementaire, soitpar une reduction de l'horaire normal de travail, pour supprimer ladiscrimination qui, sans cette compensation, naitrait entre lesrepresentants du personnel et les autres travailleurs. En revanche, il n'ya ni charge supplementaire de travail ni inegalite à compenser lorsqueles reunions du conseil d'entreprise se tiennent pendant les heures detravail. En pareil cas, c'est la remuneration du temps consacre auxreunions, pendant l'horaire normal de travail, qui ferait naitre uneinegalite de traitement defavorable aux travailleurs qui ne sont pasmembres du conseil d'entreprise.

En consequence, en se fondant sur les motifs figurant au point 38, l'arretviole les principes d'egalite et de non-discrimination combines avecl'article 23 de la loi du 20 septembre 1948 et la notion legale de «duree du travail » ou « de temps de travail » (violation de toutes lesdispositions visees en tete du moyen).

III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la premiere branche :

En vertu de l'article 23, alinea 1er, de la loi du 20 septembre 1948portant organisation de l'economie, les seances du conseil d'entreprise,meme en dehors des heures de travail, sont considerees comme temps detravail effectif et sont remunerees comme tel.

Il s'ensuit que les seances du conseil tenues en dehors des heures detravail effectif, sans reduction de celles-ci, doivent etre remunerees ensus de la remuneration ordinaire.

Aux termes de l'article 19, alinea 2, de la loi du 16 mars 1971 sur letravail, on entend par duree du travail le temps pendant lequel lepersonnel est à la disposition de l'employeur.

L'article 2, point 1, de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 duParlement europeen et du Conseil concernant certains aspects del'amenagement du temps de travail, redige en des termes identiques à ceuxde l'article 2, point 1, de la directive 93/104/CE du Conseil du 23novembre 1993 concernant certains aspects de l'amenagement du temps detravail, qui fixe des prescriptions minimales de securite et de sante enmatiere d'amenagement du temps de travail, applicables aux periodes derepos journalier, aux temps de pause, au repos hebdomadaire, à la dureemaximale hebdomadaire de travail, au conge annuel ainsi qu'à certainsaspects du travail de nuit, du travail poste et du rythme de travail,dispose qu'aux fins de cette directive, on entend par temps de travailtoute periode durant laquelle le travailleur est au travail, à ladisposition de l'employeur et dans l'exercice de son activite ou de sesfonctions, conformement aux legislations ou pratiques nationales.

Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union europeenneque la qualification de temps de travail, au sens de la directive2003/88/CE, d'une periode de presence du travailleur est fonction del'obligation pour ce dernier de se tenir à la disposition de sonemployeur et que le facteur determinant est le fait que le travailleur estcontraint d'etre physiquement present au lieu determine par l'employeur etde s'y tenir à la disposition de ce dernier pour pouvoir immediatementfournir les prestations appropriees en cas de besoin.

L'article 19, alinea 2, de la loi du 16 mars 1971 n'appelle pas une autreinterpretation.

La duree du travail d'un travailleur, qui, en vertu de son regime detravail, est tenu d'effectuer une partie de ses prestations au lieudetermine par l'employeur et est autorise à effectuer l'autre partie deses prestations en un lieu de son choix, est determinee par le total desheures ou il est à la disposition de l'employeur au lieu determine parcelui-ci et de celles consacrees au travail effectue en dehors de ce lieu.

Sauf convention contraire, le travailleur n'est pas tenu d'effectuer lesprestations, qu'il est autorise à effectuer hors de l'entreprise, auxheures d'ouverture de celle-ci.

L'article 15, alinea 1er, du decret de la Communaute franc,aise du 1erfevrier 1993 fixant le statut des membres du personnel subsidies del'enseignement libre subventionne, en vertu duquel les membres dupersonnel executent leur travail avec soin, probite et conscience au lieu,au temps et dans les conditions convenus, ne deroge pas à ces principes.

L'arret constate « que les reunions du conseil d'entreprise de[l'etablissement scolaire administre par la demanderesse] ont lieu ensemaine, durant les heures d'ouverture de l'ecole et durant les plageshoraires pendant lesquelles les cours sont donnes » et que « cesreunions sont cependant toujours fixees à des heures au cours desquellesles representants du personnel n'ont pas cours (traditionnellement lemardi apres-midi) ».

Il releve que « s'agissant des enseignants de l'enseignement libresubventionne dans le secondaire, les parties s'accordent pour reconnaitreque leurs prestations de travail se divisent en deux grandescategories », « d'une part, les prestations presentielles qui sont lesheures de cours convenues, ainsi que leurs accessoires necessaires à labonne marche des etablissements - au sens de l'article 17, alinea 1er, dudecret du 1er fevrier 1993 - qui requierent une presence effective (telsque [les] conseils de classe, [les] reunions de parents, etc.) »,« d'autre part, les prestations non presentielles qui ne requierent pasune telle presence (preparation des cours et correctionsessentiellement) » et que « l'ensemble de ces prestations forment letravail convenu et qui doit etre effectue en execution du contrat detravail ».

Il considere que, puisque « les seances du conseil d'entreprise ne sontpas du travail effectue en execution du contrat de travail, elles nerelevent ni des prestations presentielles ni des prestations nonpresentielles », que « le fait, propre au secteur de l'enseignement etspecialement de l'enseignement secondaire, que les prestations nonpresentielles aient un caractere assez forfaitaire et qu'elles englobentdes prestations de travail parfois tres variees ne remet pas en causecette appreciation » et que « l'horaire de travail [du defendeur], soitle nombre d'heures de prestations presentielles et non presentielles, n'apas ete modifie, ni à la baisse ni à la hausse, en raison desa participation au conseil d'entreprise de [l'etablissement scolaireadministre par la demanderesse] ».

Si l'arret constate que les reunions du conseil d'entreprise de lademanderesse sont toujours fixees à des heures au cours desquelles ledefendeur ne donne pas cours, il ne ressort pas de ces constatationsqu'elles etaient fixees à des heures au cours desquelles le defendeuretait tenu d'etre present dans l'etablissement de la demanderesse ni quecelui-ci etait tenu d'effectuer ses prestations non presentielles auxheures d'ouverture de cet etablissement.

Dans cette mesure, l'examen du moyen requiert des verifications de fait,ce qui excede les pouvoirs de la Cour.

Pour le surplus, par les considerations precitees, l'arret justifielegalement sa decision que, « des lors que la participation à cesseances du conseil d'entreprise ne relevait pas des prestations accompliesen execution du contrat de travail et que ces prestations n'ont pas etereduites à raison de ces seances, ces dernieres avaient lieu en dehorsdes heures de travail ».

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant aux deuxieme et troisieme branches reunies :

Le moyen, qui, en ces branches, est entierement deduit de la violation,vainement alleguee par la premiere branche du moyen, de la notion legalede temps de travail ou de duree de travail, est irrecevable.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme quatre cent cinq euros trente centimes enversla partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Martine Regout, les conseillers DidierBatsele, Mireille Delange, Michel Lemal et Marie-Claire Ernotte, etprononce en audience publique du vingt-huit novembre deux mille seize parle president de section Martine Regout, en presence de l'avocat generalJean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

+-----------------------------------------+
| L. Body | M.-Cl. Ernotte | M. Lemal |
|------------+----------------+-----------|
| M. Delange | D. Batsele | M. Regout |
+-----------------------------------------+

28 NOVEMBRE 2016 S.15.0108.F/1

Requete/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.15.0108.F
Date de la décision : 28/11/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-11-28;s.15.0108.f ?
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