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28/11/2016 | BELGIQUE | N°C.15.0521.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 28 novembre 2016, C.15.0521.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0521.F

AXA BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àWatermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 25,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Regence, 4, ou il estfait election de domicile,

contre

1. J. S.,

2. Fr. L.,

3. J.-P. K.,

4. D. B.,

5. BALOISE BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àAnvers (Berchem), City Link, Posthofbr

ug, 16,

defendeurs en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0521.F

AXA BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àWatermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 25,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Regence, 4, ou il estfait election de domicile,

contre

1. J. S.,

2. Fr. L.,

3. J.-P. K.,

4. D. B.,

5. BALOISE BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àAnvers (Berchem), City Link, Posthofbrug, 16,

defendeurs en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 19 mai 2015 parla cour d'appel de Bruxelles.

Par ordonnance du 11 octobre 2016, le premier president a renvoye la causedevant la troisieme chambre.

Le 10 octobre 2016, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le president de section Albert Fettweis a fait rapport et l'avocat generalJean Marie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution,

- articles 1384, alinea 1er, et 1386 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque declare l'appel principal [de la demanderesse] non fondeet confirme le jugement du 7 octobre 2011 du tribunal de premiere instancede Bruxelles en ce qu'il retient la responsabilite de son assuree, [laquatrieme defenderesse], et condamne, en consequence, [la demanderesse] àindemniser [la premiere defenderesse].

L'arret attaque se fonde sur l'ensemble de ses motifs tenus ici pourintegralement reproduits et en particulier sur les motifs suivants :

« Quant à la demande de [la premiere defenderesse] :

[La premiere defenderesse] dirige sa demande d'indemnisation àl'encontre, d'une part, [des deuxieme et troisieme defendeurs] ainsi quede leur assureur, [la cinquieme defenderesse], sur la base de l'article1386 du Code civil et, d'autre part, à l'encontre de la [demanderesse],assureur de [la quatrieme defenderesse], sur la base de l'article 1384,alinea 1er, du Code civil.

Le cumul de ces deux responsabilites est envisageable à tout le moinslorsque, comme en l'espece, les qualites de gardien et de proprietairereviennent à des personnes differentes (B. Dubuisson, V. Callewaert, B.De Coninck et G. Gathem, La responsabilite civile, chronique dejurisprudence 1996-2007, Vol.I : Le fait generateur et le lien causal,Dossier J.T. nDEG 74, p. 166 et jurisprudence citee ; Voir egalement enfaveur du cumul : Van Mullen, La conjugaison des mecanismes de laresponsabilite delictuelle, R.C.J.B. 1978, p. 269 et suiv. ; R.O. Dalcq,Fondement de l'article 1386 du Code civil : concours avec une autre causede responsabilite, note sous Cass., 23 octobre 1970, R.C.J.B. 1971, p.505-506).

Dans cette hypothese, en effet, il ne peut etre soutenu qu'en invoquantl'article 1384, alinea 1er, du Code civil, le demandeur contournerait leprescrit de l'article 1386 du Code civil dont les conditionsd'applications sont plus strictes.

Quant à la responsabilite [des deuxieme et troisieme defendeurs] :

En vertu de l'article 1386 du Code civil, `le proprietaire d'un batimentest responsable du dommage cause par sa ruine, lorsqu'elle est arrivee parsuite du defaut d'entretien ou par le vice de sa construction'.

Pour mettre en oeuvre cette responsabilite, il appartient au demandeur deprouver, outre l'existence du dommage, que le defendeur à l'action estbien proprietaire du batiment, que le dommage a ete cause par la ruine dece dernier et que cette ruine est elle-meme la suite d'un defautd'entretien ou d'un vice de construction du batiment (Cass., 17 decembre1992, J.T. 1993, p. 443).

Lorsque ces conditions sont remplies, la responsabilite du proprietaireest engagee peu importe que le vice de construction ou le defautd'entretien soit imputable à son fait ou à celui d'un tiers ou encoreprovienne d'un element fortuit (Van Ommeslaghe, Droit des obligations,Bruylant 2010, T. II, p. 1365).

La notion de batiment implique l'idee d'un bien immeuble construit parl'homme, en materiaux solides et fixe au sol de fac,on durable. Il peuts'agir d'un immeuble par nature ou incorporation (P. Van Ommeslaghe, op.cit., p. 1363).

La ruine implique un etat de delabrement avance ou de degradation graveentrainant la chute ou l'effondrement soit de la construction touteentiere soit de materiaux qui en sont partie integrante (Dubuisson,Callewaert, De Coninck et Gathem, La responsabilite civile, chronique dejurisprudence, Dossier J.T. 74, nDEG 319).

L'escalier ainsi que la plate-forme situee en haut de celui-ci etaientfixes au sol de fac,on durable de telle sorte qu'ils constituent bien unbatiment au sens de l'article 1386 du Code civil.

Il est constant que la plate-forme situee en haut de l'escalier s'esteffondree [...], ce qui est constitutif d'une ruine.

Il reste donc à [la demanderesse] de demontrer que la ruine est due à undefaut d'entretien ou un vice de construction.

S'agissant d'un fait juridique, cette preuve peut etre apportee par toutesvoies de droit. Des lors que la preuve positive du vice ou du defaut n'estpas toujours aisee à rapporter, il convient d'admettre une preuveinductive, à savoir la demonstration que la ruine du batiment ne peuts'expliquer autrement que par l'une de ces deux circonstances (Dubuisson,op. cit., nDEG 321).

En l'espece, [la quatrieme defenderesse] et la [demanderesse] estimentqu'il resulte du rapport etabli par l'inspecteur mandate par la compagnied'assurances ainsi que des photos produites que la ruine de la plate-formea ete causee par un vice de construction ou un defaut d'entretien. Ilsajoutent que l'effondrement ne peut s'expliquer par aucune autre cause.

A bon droit, [les deuxieme et troisieme defendeurs] relevent que lerapport unilateral de monsieur V. T. ne leur est pas opposable.

Il resulte en effet du rapport que l'inspecteur s'est rendu seul sur leslieux le 19 aout 2003, son assuree, [la quatrieme defenderesse], etant envacances tandis qu'il ne semble pas que [la demanderesse] ou [la premieredefenderesse] aient invite [les deuxieme et troisieme defendeurs] à etrepresents. Ces derniers n'ont donc pas ete en mesure de contester lesconstatations de l'inspecteur.

Les elements contenus dans le rapport d'expertise peuvent toutefois etrepris en consideration par la cour d'appel à titre de presomptions.

En l'espece, les constatations de monsieur V. T. apparaissent relativementsommaires. Dans son rapport, l'inspecteur se limite à indiquer : `Cetescalier encore recent (+/- 5 ans) etait d'aspect exterieur encore en bonetat mais presentait un vice cache (notamment 2 vis mal placees) quirendait cet escalier peu fiable (à cela s'ajoute probablement la rouilleet l'humidite avec le temps).

Rien ne permettait cependant de supposer que cet escalier qui a servipendant plusieurs annees allait brusquement/partiellement s'effondrer.

La personne qui est tombee serait une personne plutot corpulente et exercela profession de taxiwoman (voir sa version au dossier)'.

L'inspecteur considere donc que l'escalier presentait un vice cacheconsistant notamment en 2 vis mal placees.

A l'appui de ses dires est jointe une photo des debris de la plate-formeou l'on aperc,oit un morceau de bois/planche qui s'est desolidarise dureste de la plate-forme et sur lequel se trouvent effectivement deux visqui semblent deformees.

Rien ne permet toutefois de considerer que ce sont ces vis qui auraient`cede' entrainant ainsi l'ecroulement de la plate-forme, ces vis pouvant,en effet, avoir ete elles-memes deformees suite à l'effondrement.

Il resulte, par ailleurs, des photos qu'il ne s'agit pas du seul elementqui s'est desolidarise de la plate-forme, un grand morceau de bois destinesemble-t-il à soutenir celle-ci se trouvant egalement sur le sol de laterrasse, à cote de la plate-forme proprement dite.

Si le rapport de monsieur V. T. apparait, au vu des developpements quiprecedent, peu probant quant à l'origine exacte de la ruine, [lademanderesse] objecte neanmoins, de maniere pertinente, que l'escalier,qui s'est effondre sous le poids de [la premiere defenderesse], n'a pu lefaire qu'en raison d'un defaut de construction ou d'entretien.

Si le defaut d'entretien doit etre ecarte, l'escalier n'ayant que 5 ans etl'inspecteur V. T. ayant constate son bon etat exterieur, aucune autrecause que le vice de construction ne peut, en l'espece, expliquer ceteffondrement.

Certes, [les deuxieme et troisieme defendeurs] avancent, en conclusions,differentes hypotheses qui auraient, selon eux, pu amener àl'effondrement litigieux.

Ils font ainsi successivement valoir que :

- les vis ont pu progressivement se devisser à la suite d'une mauvaiseutilisation de l'escalier et de sa plate-forme ;

- la plate-forme aurait ete trop sollicitee notamment par l'entreposage depots de fleurs relativement lourds ce qui aurait eu pour consequence decreer un poids trop important sur le long terme ;

- un des demenageurs a pu fragiliser la plate-forme en laissant tomber unobjet lourd sur celle-ci.

Ces suggestions, outre qu'elles sont purement hypothetiques, ne sont pasde nature à exclure le vice de la construction.

En effet, une plate-forme situee en haut d'un escalier et faisant le lienentre l'escalier et une terrasse doit etre susceptible de supporter lepassage de charges, fussent-elles lourdes.

En consequence, si le passage de ces charges est de nature à fragiliserl'escalier au point que ce dernier s'effondre sous le poids d'une personnequi l'emprunte, c'est que ce dernier est atteint d'un vice deconstruction.

C'est par consequent, à tort, que le premier juge a estime que laresponsabilite [des deuxieme et troisieme defendeurs] n'etait pas engageesur la base de l'article 1386 du Code civil.

Quant à l'article 1384, alinea 1er, du Code civil :

En vertu de l'article 1384, alinea 1er, du Code civil, on est responsabledu dommage cause par le fait des choses que l'on a sous sa garde.

Pour mettre en oeuvre cette responsabilite, il appartient à [la premieredefenderesse] de demontrer le vice de la chose, la qualite de gardien dela chose dans le chef de [la quatrieme defenderesse] ainsi que le liencausal entre le vice et le dommage dont elle reclame reparation.

Une chose est entachee d'un vice lorsqu'elle presente une caracteristiqueanormale qui la rend, en certaines circonstances, susceptible de causer unprejudice.

Le caractere anormal de la chose ne peut s'apprecier qu'en effectuant unecomparaison avec des choses du meme genre et du meme type afin dedeterminer les qualites auxquelles la victime pouvait normalements'attendre (Cass., 11 mars 2010, C.09.0186.N).

En l'espece, c'est à bon droit que le premier juge a considere que laplate-forme litigieuse etait affectee d'une caracteristique anormale deslors qu'elle s'est effondree sous le poids d'une personne.

[La quatrieme defenderesse] ne conteste pas qu'elle etait, au moment del'accident, gardienne de l'escalier.

En effet, si elle avait vendu l'immeuble au mois de mars 2003, elle enavait conserve la jouissance jusqu'au 15 juillet 2003.

C'est par consequent, à bon droit, que le premier juge a considere que laresponsabilite [de la quatrieme defenderesse], assuree de [lademanderesse], etait engagee et a, partant, condamne la [demanderesse] àindemniser [la premiere defenderesse] ».

L'arret attaque en conclut que « l'appel principal de la [demanderesse]sera declare non fonde des lors qu'il convient de confirmer la decision dupremier juge en ce qu'elle retient la responsabilite de son assuree etcondamne, en consequence, [la demanderesse] à indemniser [la premieredefenderesse].

L'appel de [la premiere defenderesse] en ce qu'il est dirige contre [lesdeuxieme, troisieme et cinquieme defendeurs] est, pour sa part, fonde.

Il convient donc de condamner ces parties, ainsi que la [demanderesse], insolidum à indemniser [la premiere defenderesse] ».

Griefs

Premiere branche

Il est constant que deux motifs contradictoires equivalent à une absencede motivation au regard de l'article 149 de la Constitution (Cass., 24avril 2010, Pas., 2010, p. 1278).

L'arret attaque estime, d'un cote, qu'« en l'espece, c'est à bon droitque le premier juge a considere que la plate-forme litigieuse etaitaffectee d'une caracteristique anormale des lors qu'elle s'est effondreesous le poids d'une personne.(...) C'est par consequent, à bon droit, quele premier juge a considere que la responsabilite de [la quatriemedefenderesse], assuree de [la demanderesse], etait engagee et a, partant,condamne la [demanderesse] à indemniser [la premiere defenderesse] » et,d'un autre cote, qu'« il resulte, au contraire, des developpements quiprecedent que la ruine est due à un vice de construction dont [laquatrieme defenderesse] ne peut etre tenue responsable ».

En consequence, l'arret attaque se contredit, puisqu'il ne peut d'un coteconsiderer que [la quatrieme defenderesse] etait responsable et condamnerson assureur à une indemnisation et d'un autre cote considerer que [laquatrieme defenderesse] n'est pas responsable. Partant, l'arret attaqueviole l'article 149 de la Constitution.

Seconde branche

Il est generalement admis que les presomptions de responsabilite du faitdes choses sont exclusives l'une de l'autre (J. van Zuylen, « Laresponsabilite du gardien d'une chose affectee d'un vice (art. 1384,alinea 1er, du Code civil) », in Actualites en droit de laresponsabilite, Bruxelles, Bruylant, 2015, p. 11 ; B. Dubuisson, V.Callewaert, B. De Coninck et G. Gathem, La responsabilite civile.Chronique de jurisprudence 1996-2007, Vol. 1, Le fait generateur et lelien causal, Bruxelles, Larcier 2009, p. 165, nDEG203). Cela signifie, enprincipe, que l'article 1384, alinea 1er, du Code civil ne s'applique paslorsque les conditions de l'article 1386 - hypothese du dommage cause parla ruine d'un batiment - sont reunies. Cette solution resulte d'un arretde la Cour de cassation du 24 mai 1945 (Pas., I, p. 172) qui enonce que :« l'article 1384, alinea 1er, du Code civil, qui rend le gardien d'unechose inanimee, atteinte d'un vice, responsable du dommage cause par lefait de cette chose, ne distingue pas entre choses mobilieres ouimmobilieres, pour autant qu'il ne s'agisse pas d'un batiment dont laruine, cause du dommage, et resultant d'un defaut d'entretien ou d'un vicede construction, est specialement prevue par l'article 1386 ». Elle estjustifiee par l'adage « specialia generalibus derogant » (P. VanOmmeslaghe, De Page, Traite de droit civil belge, T. II, Lesobligations, Vol. II, Bruxelles, Bruylant, 2013, nDEG 941 et 961 ; J-LFagnart, Examen de la jurisprudence concernant la responsabilite civile(1969 - 1975), Bruxelles, Larcier, 1976, nDEG 105 ; H. De Page, Traiteelementaire de droit civil belge, T. II, 3eme ed., Bruxelles, Bruylant,1964, p. 1031, nDEG997).

Toute autre solution aboutirait à vider l'article 1386 du Code civil deson contenu et à le priver de portee (Liege, 30 juin 1988, R.G.A.R.,1992, nDEG 12.010 ; Bruxelles, 23 octobre 1995, A.J.T., 1995-1996, p.529 ; R-O Dalcq, « Fondement de l'article 1386 du Code civil. Concoursavec une autre cause de responsabilite », R.C.J.B., 1971, p. 500). Deslors, la victime d'un dommage cause par la ruine d'un batiment devradiriger son recours contre le proprietaire, dans les conditionsprescrites par l'article 1386 du Code civil, et ne pourra l'exercer contrele gardien du batiment (Cass., 22 octobre 1954, Pas., 1955, I, p. 149 ;Cass., 24 mai 1945, Pas., I, p. 172 ; Liege, 3 novembre 1960, Pas., 1961,II, p. 215 ; Liege 30 juin 1988, R.G.A.R., 1992, nDEG 12.010 ; Bruxelles,23 octobre 1995, A.J.T., 1995-1996, p. 529 ; R-O Dalcq, « Fondement del'article 1386 du Code civil. Concours avec une autre cause deresponsabilite », R.C.J.B., 1971, p. 500). Au contraire, s'il est jugeque la cause du dommage ne s'analyse pas en une ruine, mais peut neanmoinsconstituer un vice du batiment, l'article 1384, alinea 1er, du Code civil,pourra recevoir application, mais dans le cadre d'un recours contre leseul gardien et non contre le proprietaire en tant que tel (P. VanOmmeslaghe, De Page, Traite de droit civil belge, T. II, Lesobligations, Vol. II, Bruxelles, Bruylant, 2013, nDEG 961).

En l'espece, l'arret attaque declare que « [la premiere defenderesse]dirige sa demande d'indemnisation à l'encontre, d'une part, des [deuxiemeet troisieme defendeurs] ainsi que de leur assureur, [la cinquiemedefenderesse], sur la base de l'article 1386 du Code civil et, d'autrepart, à l'encontre de [la demanderesse], assureur de [la quatriemedefenderesse], sur la base de l'article 1384, alinea 1er, du Code civil.

Le cumul de ces deux responsabilites est envisageable à tout le moinslorsque, comme en l'espece, les qualites de gardien et de proprietairereviennent à des personnes differentes (...). Dans cette hypothese, eneffet, il ne peut etre soutenu qu'en invoquant l'article 1384, alinea 1er,du Code civil, le demandeur contournerait le prescrit de l'article 1386 duCode civil dont les conditions d'applications sont plus strictes »,

ensuite qu'« il est constant que la plate-forme situee en haut del'escalier s'est effondree (...), ce qui est constitutif d'une ruine.(...) C'est par consequent, à tort, que le premier juge a estime que laresponsabilite [des deuxieme et troisieme defendeurs] n'etait pas engageesur la base de l'article 1386 du Code civil »,

et enfin que, « quant à l'article 1384, alinea 1er, du Code civil :(...) C'est par consequent, à bon droit, que le premier juge a considereque la responsabilite de [la quatrieme defenderesse], assuree [de lademanderesse], etait engagee et a, partant, condamne [la demanderesse] àindemniser [la premiere defenderesse] ».

L'arret attaque en conclut que « l'appel principal de la [demanderesse]sera declare non fonde des lors qu'il convient de confirmer la decisiondont appel en ce qu'elle retient la responsabilite de son assuree etcondamne, en consequence, [la demanderesse] à indemniser [la premieredefenderesse].

L'appel de [la premiere defenderesse] en ce qu'il est dirige contre [lesdeuxieme et troisieme defendeurs] et leur assureur, [la cinquiemedefenderesse], est, pour sa part, fonde.

Il convient donc de condamner ces parties, ainsi que la [demanderesse], insolidum à indemniser [la premiere defenderesse] ».

Il en resulte que l'arret attaque part du principe que le cumul desarticles 1386 et 1384, alinea 1er, du Code civil est envisageable, tandisqu'il constate que la cause du dommage s'analyse en une ruine, et retientla responsabilite des [deuxieme et troisieme defendeurs] sur la base del'article 1386 du Code civil, mais retient egalement la responsabilite de[la quatrieme defenderesse] sur la base de l'article 1384, alinea 1er, duCode civil.

Or, comme enonce ci-dessus, lorsque le juge constate que le dommage estcause par la ruine du batiment sur la base de l'article 1386 du Codecivil, il ne peut appliquer simultanement la responsabilite du gardien dela chose sur la base de l'article 1384, alinea 1er, du Code civil.

Il convenait donc en l'espece que l'arret attaque, qui constate que ledommage est cause par la ruine du batiment, retint uniquement laresponsabilite des [deuxieme et troisieme defendeurs] en leur qualite deproprietaire et non en la cumulant avec une responsabilite de [laquatrieme defenderesse] en sa qualite de gardien du batiment.

En d'autres termes, l'arret attaque ne pouvait cumuler la responsabilitedes [deuxieme et troisieme defendeurs] sur la base de l'article 1386 duCode civil avec la responsabilite de [la quatrieme defenderesse] sur labase de l'article 1384, alinea 1er, du Code civil.

En consequence, l'arret attaque viole les articles 1384, alinea 1er, et1386 du Code civil.

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

Il n'est pas contradictoire de considerer, d'une part, s'agissant del'action dirigee par la premiere defenderesse contre la demanderesse surla base de l'article 1384, alinea 1er, du Code civil, que « laplate-forme litigieuse etait affectee d'une caracteristique anormale deslors qu'elle s'est effondree sous le poids d'une personne » et que « laresponsabilite de [la quatrieme defenderesse], assuree de [lademanderesse], etait engagee » sur cette base, d'autre part, s'agissantde l'action en garantie dirigee par les deuxieme et troisieme defendeurscontre la quatrieme defenderesse sur la base de l'article 1382 du Codecivil, que « si [la quatrieme defenderesse] est responsable duditaccident à l'egard de la [premiere defenderesse] c'est en raison de lapresomption irrefragable instituee par l'article 1384, alinea 1er, du Codecivil », qu'« il n'est par contre nullement etabli qu'elle aurait commisune faute à l'origine du sinistre et notamment que celui-ci resulteraitd'un manque d'entretien de l'escalier litigieux ou encore d'un usageinadequat de celui-ci » et qu'« il resulte, au contraire, desdeveloppements qui precedent que la ruine [de la plate-forme] est due àun vice de construction dont [la quatrieme defenderesse] ne peut etretenue pour responsable [sur la base de l'article 1382 du Code civil] ».

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la seconde branche :

En vertu de l'article 1386 du Code civil, le proprietaire d'un batimentest responsable du dommage cause par sa ruine lorsqu'elle resulte dudefaut d'entretien ou du vice de sa construction.

L'article 1384, alinea 1er, du meme code, rend le gardien d'un immeubleresponsable du dommage cause par le vice dont celui-ci est atteint.

Celle des deux responsabilites du fait des choses qui est d'applicationdepend de l'etat du batiment.

Il s'ensuit que, dans le cas ou le batiment est dans un etat de ruineresultant du defaut d'entretien ou du vice de sa construction, l'article1386 exclut l'application de la disposition plus generale de l'article1384, alinea 1er.

L'arret n'a pu, des lors, sans violer ces dispositions legales, considererque « le cumul [des] responsabilites [fondees sur celles-ci] estenvisageable, à tout le moins lorsque, comme en l'espece, les qualites degardien et de proprietaire reviennent à des personnes differentes », et,apres avoir decide que le dommage de la premiere defenderesse etait du àla ruine du batiment appartenant aux deuxieme et troisieme defendeurs,assures aupres de la cinquieme defenderesse, condamner la demanderesse, insolidum avec ces derniers, à reparer le meme dommage en qualited'assureur de la quatrieme defenderesse, gardienne de cet immeuble qu'iltient pour affecte d'un vice.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

* Casse l'arret attaque en tant qu'il declare l'appel principal de lademanderesse contre la premiere defenderesse non fonde et qu'ilcondamne la demanderesse à payer à la premiere defenderesse un europrovisionnel et à supporter une partie de la provision de l'expert ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

* Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

* Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillersMireille Delange, Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Eric deFormanoir, et prononce en audience publique du vingt-huit novembre deuxmille seize par le president de section Albert Fettweis, en presence del'avocat general Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffierLutgarde Body.

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| L. Body | E. de Formanoir | S. Geubel |
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| M.- Cl. Ernotte | M. Delange | A. Fettweis |
+-------------------------------------------------+

* Requete

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28 NOVEMBRE 2016 C.15.0521.F/1

Requete/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.15.0521.F
Date de la décision : 28/11/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-11-28;c.15.0521.f ?
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