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17/10/2016 | BELGIQUE | N°C.11.0334.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 17 octobre 2016, C.11.0334.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.11.0334.F

* J. J.,

* demandeur en cassation,

* represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise,149, ou il est fait election de domicile,

contre

L. C.,

defenderesse en cassation,

* representee par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard del'Empereur, 3, ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi

en cassation est dirige contre l'arret rendu le 16 avril 2008par la cour d'appel de Liege.

Par ordonnance du 22 sep...

Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.11.0334.F

* J. J.,

* demandeur en cassation,

* represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise,149, ou il est fait election de domicile,

contre

L. C.,

defenderesse en cassation,

* representee par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard del'Empereur, 3, ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 16 avril 2008par la cour d'appel de Liege.

Par ordonnance du 22 septembre 2016, le premier president a renvoye lacause devant la troisieme chambre.

Le president de section Christian Storck a fait rapport.

L'avocat general delegue Michel Palumbo a conclu.

* II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

* Dispositions legales violees

Articles 893, 894, 967, 970 et 1322 à 1324 du Code civil

Decision et motifs critiques

L'arret attaque confirme le jugement du premier juge du 14 mars 2005qui « dit pour droit que le document du 18 septembre 1998 est untestament valable ».

Il fonde cette decision sur les motifs suivants :

« [Le demandeur] conteste la validite du testament olographe du 18septembre 1998 au motif qu'il ne porte pas la signature habituelle deson pere. En effet, bien que le document comporte la mention des nomet prenom du testateur, tous deux rediges de la main de celui-ci, leurgraphisme ne correspond pas au graphisme habituel de sa signature ;

Aux termes de l'article 970 du Code civil, le testament olographen'est valable que s'il est ecrit en entier, date et signe de la maindu testateur ;

La signature du document a une double fonction. D'une part, elle doitpermettre d'identifier son auteur, ce qui n'est pas mis en doute par[le demandeur], d'autre part, elle atteste l'adhesion du signataire aucontenu de l'acte ;

L'argumentation des parties porte sur ce deuxieme aspect de lasignature ;

A cet egard, conformement à l'evolution de la jurisprudence de laCour de cassation depuis ses arrets des 10 juin 1983 et 13 juin 1986,il y a lieu de verifier que, par la marque apposee sur le testament,l'auteur a eu la volonte de signer, c'est-à-dire de s'approprier etd'approuver definitivement ses dispositions, quand bien meme cettemarque ne serait pas celle qu'il utilisait habituellement dans lesactes juridiques ordinaires (cfr Repertoire notarial, Testaments, p.98) ;

Compte tenu de cette jurisprudence, il ne suffit pas de constater quele graphisme de la signature sur le testament est different de celuiqui se trouve sur d'autres documents pour conclure à la non-validitedudit testament mais [il faut] verifier si, au vu des circonstances dela cause, le testateur avait la volonte de donner à ses dispositionstestamentaires un caractere definitif ;

La cour [d'appel] releve que :

- [le pere du demandeur] s'est rendu avec [la defenderesse], sa futureepouse, le 17 septembre 1998 aupres du notaire A. P. en vue de lasignature d'un contrat de mariage de separation de biens. A cetteoccasion, le notaire a donne aux futurs epoux les renseignementsd'usage sur les droits successoraux des conjoints survivants et aredige, à la demande [du pere du demandeur], un projet de testamentprevoyant une institution de legataire universelle ;

- le lendemain, le testament a ete redige de la main [du pere dudemandeur], celui-ci recopiant le projet qui lui avait ete remis laveille ;

- ce document a ete envoye au notaire le 22 septembre 1998 ;

- le mariage a ete contracte le 9 octobre 1998 ;

- [le pere du demandeur] n'a pas redige d'autre testamentposterieurement au 18 septembre 1998 ;

Il ressort clairement de ce qui precede que [le pere du demandeur], aumoment de la redaction du document, avait l'intention d'avantager safuture epouse, des lors que cette question avait ete discutee enpresence du notaire. C'est le lendemain de cette discussion que leprojet remis par le notaire a ete recopie par le defunt. Compte tenude cet ecart d'un seul jour, il ne peut etre raisonnablement mis endoute qu'il etait bien dans l'intention [du pere du demandeur] detester en faveur de [la defenderesse]. En l'epousant trois semainesplus tard, le defunt a confirme sa volonte de former une communaute devie avec [elle] et l'on ne peut qu'en deduire qu'à ce moment, iletait toujours dans ses intentions de lui assurer des moyensfinanciers confortables en cas de survie ;

C'est à tort que [le demandeur] soutient qu'il s'agit d'un simpleprojet de testament. En effet, l'on ne conc,oit pas pour quelle raison[son pere] aurait recopie de sa main le projet remis par le notairealors qu'il aurait suffi qu'il conserve le projet du notaire s'ilavait reellement eu l'intention d'y reflechir encore ;

En outre, ayant ete conseille par un notaire, [le pere du demandeur]devait savoir qu'une institution contractuelle contenue dans uncontrat de mariage avait une autre portee qu'un testament, revocableà tout moment, de telle sorte qu'il n'est nullement etonnant qu'iln'ait pas recouru à cette possibilite la veille de la redaction dutestament. Au demeurant, il avait evoque sa volonte de tester devantle notaire. Il est donc sans relevance que ce notaire ait ete choisipar [la defenderesse], le defunt ayant eu personnellement l'occasiond'exprimer clairement sa volonte devant celui-ci ;

Par ailleurs, il n'appartient pas à l'expert de determiner s'il y aeu volonte de substitution de signature du testateur, cetteverification appartenant au juge du fond compte tenu des elements dela cause ;

N'etant pas conteste que le nom et le prenom apposes sur le testamentemanent bien de la main [du pere du demandeur] et eu egard au fait quele contenu de ce document correspond en toute lettre à la volonteexprimee par le testateur la veille de la redaction dudit testament,la cour [d'appel] conclut à l'animus testandi [de celui-ci] , meme sile graphisme de la signature est different du graphisme de sasignature habituelle ».

Griefs

1. Aux termes de l'article 970 du Code civil, le testament olographene sera point valable, s'il n'est ecrit en entier, date et signe de lamain du testateur : il n'est assujetti à aucune autre forme.

La signature au sens de cette disposition legale, comme des articles1322 à 1324 du Code civil, s'entend en regle de la marque manuscritepar laquelle le testateur revele habituellement sa personnalite auxtiers. Une autre marque manuscrite ne peut à cet egard etre retenuecomme signature que si, en l'apposant au bas d'un ecrit, l'auteur dece dernier a eu l'intention d'apposer sa signature (articles 970 et1322 à 1324 du Code civil).

2. Par ailleurs, si, comme tout testament (articles 893, 894 et 967 duCode civil), le testament olographe suppose l'intention de tester,encore faut-il qu'il soit signe de la main du testateur (article 970du Code civil). L'intention meme etablie de faire un testament et degratifier ainsi le beneficiaire de ce dernier est des lors sans effetsi l'auteur de la disposition n'a pas eu l'intention de la signer, lasignature du testament olographe constituant un acte distinct (article970 du Code civil). L'intention de signer (« animus signandi ») estainsi distincte de l'intention de tester (« animus testandi »), lapremiere ne pouvant etre legalement deduite de la seconde.

3. Il s'ensuit qu'en decidant que le document redige le 18 septembre1998 par [le pere du demandeur] constituait un testament olographevalable en la forme au motif que, meme si la marque de son nom et deson prenom au bas de ce document etait differente du « graphisme desa signature habituelle », cette marque emanait de sa main et qu'[il]avait ete anime de l'intention de tester (« animus testandi »),l'arret attaque ne justifie pas legalement sa decision (violation del'article 970 du Code civil et des autres dispositions visees aumoyen).

En effet, il meconnait la notion legale de signature d'un testamentolographe (violation des articles 970 et 1322 à 1324 du Code civil)qui, lorsqu'elle ne correspond pas à la marque manuscrite parlaquelle le testateur revele habituellement sa personnalite aux tiers,requiert que ce dernier ait eu l'intention de signer et non passimplement l'intention de tester. A tout le moins, l'arret confond-ilillegalement - en deduisant la premiere de la seconde - l'intention designer, qui caracterise la signature, condition de forme du testamentolographe imposee par l'article 970 du Code civil, et l'intention detester, condition de fond de tout testament, alors qu'il s'agit deconditions distinctes (violation des articles 893, 894, 967 et 970 duCode civil).

III. La decision de la Cour

Aux termes de l'article 970 du Code civil, le testament olographe nesera point valable s'il n'est ecrit en entier, date et signe de lamain du testateur : il n'est assujetti à aucune autre forme.

Il suit de cette disposition qu'un testament olographe n'est valableque si son auteur atteste par sa signature que les dispositionsecrites et datees par lui sont bien l'expression de sa volonte.

Si la signature est, au sens de l'article 970 precite, la marquemanuscrite par laquelle le testateur revele habituellement sapersonnalite aux tiers, une autre marque manuscrite peut traduirel'intention de celui-ci d'apposer sa signature sur le testament.

L'arret attaque constate que, « bien que le document [litigieux]comporte la mention du nom et du prenom du testateur, tous deux de lamain de celui-ci, leur graphisme ne correspond pas au graphismehabituel de sa signature ».

Il considere que le pere du demandeur « avait l'intention d'avantager[la defenderesse], sa future epouse », qu'« il etait bien dans [son]intention [...] de tester en faveur de [cette derniere] » et que,« eu egard au fait que le contenu du [testament] correspond en touteslettres à la volonte exprimee par le testateur la veille de [sa]redaction » devant le notaire que les futurs epoux avaient consulte,« la cour [d'appel] conclut à l'animus testandi dans [son] chef ».

En deduisant la volonte du pere du demandeur de signer le testamentlitigieux de son intention de tester, l'arret attaque viole l'article970 du Code civil.

Le moyen est fonde.

Et la cassation de l'arret attaque du 16 avril 2008 entrainel'annulation des arrets des 20 janvier, 30 juin, 23 novembre 2010 et15 juin 2011, qui en sont la suite.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque du 16 avril 2008 ;

Annule les arrets des 20 janvier, 30 juin, 23 novembre 2010 et 15 juin2011 ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse et des arrets annules ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles,ou siegeaient le president de section Christian Storck, lesconseillers Didier Batsele, Mireille Delange, Michel Lemal etMarie-Claire Ernotte, et prononce en audience publique du dix-septoctobre deux mille seize par le president de section Christian Storck,en presence de l'avocat general delegue Michel Palumbo, avecl'assistance du greffier Lutgarde Body.

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| L. Body | M.-Cl. Ernotte | M. Lemal |
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| M. Delange | D. Batsele | Chr. Storck |
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17 OCTOBRE 2016 C.11.0334.F/2

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Synthèse
Numéro d'arrêt : C.11.0334.F
Date de la décision : 17/10/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 11/11/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-10-17;c.11.0334.f ?
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