La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/10/2016 | BELGIQUE | N°C.16.0008.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 octobre 2016, C.16.0008.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.16.0008.F

B. J.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

Region Wallonne, representee par son gouvernement, en la personne duministre de l'Agriculture, de la Nature, de la Ruralite, du Tourisme etdes Infrastructures sportives, dont le cabinet est etabli à Namur, rued'Harscamp, 22,

defenderesse en cassation,

representee par

Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.16.0008.F

B. J.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

Region Wallonne, representee par son gouvernement, en la personne duministre de l'Agriculture, de la Nature, de la Ruralite, du Tourisme etdes Infrastructures sportives, dont le cabinet est etabli à Namur, rued'Harscamp, 22,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 18 septembre2012 par la cour d'appel de Liege.

Le conseiller Didier Batsele a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;

- articles 27 et 28 de l'arrete du gouvernement wallon du 23 fevrier 2006mettant en place les regimes de soutien direct dans le cadre de lapolitique agricole commune ;

- article 288 du Traite sur le fonctionnement de l'Union europeenne,version consolidee (ex-article 249 du Traite instituant la Communauteeuropeenne, signe à Rome le 25 mars 1957 et approuve par la loi du 2decembre 1957) ;

- articles 3, 5.1, 6.1 et 7 du reglement (CE) nDEG 1782/2003 du Conseil du29 septembre 2003 etablissant des regles communes pour les regimes desoutien direct dans le cadre de la politique agricole commune etetablissant certains regimes de soutien en faveur des agriculteurs, telqu'il etait en vigueur au moment des faits, c'est-à-dire avant samodification par le reglement (CE) nDEG 146/2008 du Conseil du 14 fevrier2008 et avant son abrogation par le reglement (CE) nDEG 73/2009 du Conseildu 19 janvier 2009 ;

- annexe IV dudit reglement (CE) nDEG 1782/2003, intitulee « Bonnesconditions agricoles et environnementales visees à l'article 5 »,quatrieme « theme » ;

- articles 2, point 33, et 44, S: 1er, du reglement (CE) nDEG 796/2004 dela Commission du 21 avril 2004 portant modalites d'application de laconditionnalite, de la modulation et du systeme integre de gestion et decontrole prevus par le reglement (CE) nDEG 1782/2003 du Conseil du 29septembre 2003 ;

- principe general du droit de la primaute sur les dispositions du droitnational des dispositions de droit international, y compris de droitcommunautaire, ayant un effet direct.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate, notamment par reference à l'expose des faitscontenus dans le jugement entrepris, que le demandeur, qui estagriculteur, beneficie de l'aide compensatoire aux revenus prevue par lereglement (CE) nDEG 1782/2003 du Conseil du 29 septembre 2003 sous laforme de primes calculees sur la base de declarations de superficie qu'ildepose chaque annee ; que, dans le cadre d'un controle effectue le 5octobre 2006 par les agents de la direction de l'agriculture du ministerede la [defenderesse], la presence de touffes importantes de chardons enfleur a ete constatee sur une des parcelles du demandeur, à la suite dequoi la [defenderesse] a decide le 20 avril 2007 une diminution des aidesdirectes de la campagne 2006 d'un montant de 3.355,44 euros correspondantà 3 p.c. de ces aides, la presence de chardons n'etant pas conforme àl'obligation imposee aux agriculteurs de maintenir toutes les parcelles deleur exploitation dans de bonnes conditions agricoles et environnementales; que le recours du demandeur contre cette decision a ete rejete le 20septembre 2007,

l'arret deboute le demandeur de sa demande tendant à faire constater queles decisions administratives de la [defenderesse] des 20 avril et 20septembre 2007 diminuant de 3 p.c. le montant des primes du demandeur sontillegales et, en consequence, à condamner la [defenderesse] à payer audemandeur la somme de 3.355,44 euros à augmenter d'interets, et condamnele demandeur aux depens des deux instances.

L'arret fonde cette decision sur les motifs suivants :

« Il n'est pas conteste que la presence des chardons litigieux constitueun manquement aux exigences en matiere de bonnes conditions agricoles etenvironnementales visees aux articles 5 et 6 du reglement 1782/2003 ainsiqu'à son annexe IV qui se refere expressement à l'evitement del'empietement de vegetation indesirable sur les terres agricoles ;

L'article 6 du reglement 1782/2003 porte notamment que, lorsque lesexigences qu'il pose en matiere de bonnes conditions agricoles ouenvironnementales `ne sont pas respectees en raison d'un acte ou d'uneomission directement imputable à l'agriculteur concerne, le montant totaldes paiements directs à octroyer au titre de l'annee civile au cours delaquelle le non-respect est constate est reduit ou supprime apresapplication des articles 10 et 11, conformement aux regles detailleesprevues à l'article 7' ;

[...] Quels qu'en soient les merites, les longs developpements que [ledemandeur] consacre à l'illegalite de l'arrete du gouvernement wallon du 22 juin 2006 et de l'arrete ministeriel du 7 juillet 2006 sont inoperantsen l'espece ;

Le mecanisme de reduction applique par la [defenderesse] trouve en effetson fondement juridique dans un reglement communautaire. En vertu del'article 288 du Traite sur le fonctionnement de l'Union europeenne(ex-article 249 du Traite instituant la Communaute europeenne), un telacte a une portee generale, est obligatoire dans tous ses elements etdirectement applicable dans tout Etat membre ;

Il s'ensuit, d'une part, que c'est à raison que la [defenderesse]soutient que le fondement de sa decision de reduire le paiement directlitigieux de trois p.c. git dans le reglement 1782/2003 et non dans lesarretes invoques par [le demandeur] ;

Il resulte, d'autre part, des principes de primaute et d'effet direct desnormes de droit communautaire que l'efficacite du mecanisme organise parle reglement 1782/2003 quant à la reduction du montant des paiementsdirects lorsque les exigences reglementaires en matiere de bonnesconditions agricoles et environnementales ne sont pas respectees à raisond'un acte ou d'une omission directement imputable à l'agriculteurconcerne ne peut etre tenue en echec ni par une norme de droit national nià plus forte raison par le vice qui l'affecterait ».

Griefs

Premiere branche

I. Aux termes de l'article 288, alinea 2, du Traite sur le fonctionnementde l'Union europeenne, « le reglement a une portee generale ; il estobligatoire dans tous ses elements et il est directement applicable danstout Etat membre ». Il peut toutefois en etre autrement lorsque lereglement lui-meme prevoit que les autorites nationales sont tenues deprendre certaines dispositions en vue de son application.

L'article 3 du reglement (CE) nDEG 1782/2003 du Conseil du 29 septembre2003 cite en tete du moyen dispose : « 1. Tout agriculteur percevant despaiements directs est tenu de respecter les bonnes conditions agricoles etenvironnementales etablies conformement à l'article 5. 2. L'autoritenationale competente fournit à l'agriculteur la liste des exigencesreglementaires en matiere de gestion et de bonnes conditions agricoles etenvironnementales à respecter ». Selon l'article 5 dudit reglement, «1. Les Etats membres veillent à ce que toutes les terres agricoles, enparticulier celles qui ne sont plus exploitees à des fins de production,soient maintenues dans de bonnes conditions agricoles etenvironnementales. Les Etats membres definissent, au niveau national ouregional, des exigences minimales pour les bonnes conditions agricoles etenvironnementales sur la base du cadre fixe à l'annexe IV, qui prennenten compte les caracteristiques des zones concernees, notamment lesconditions pedologiques et climatiques, les modes d'exploitationexistants, l'utilisation des terres, la rotation des cultures, lespratiques agricoles et la structure des exploitations, sans prejudice de[...] ».

L'annexe IV audit reglement, intitulee « Bonnes conditions agricoles etenvironnementales visees à l'article 5 », prevoit, au regard duquatrieme « theme », relatif au niveau minimal d'entretien, les «normes » suivantes : « - densite minimale du betail ou regimesappropries ; - proteger les paturages permanents ; - maintenir lesparticularites topographiques ; - eviter l'empietement de vegetationindesirable sur les terres agricoles ».

En depit de l'effet direct attribue en principe à tout reglementeuropeen, le reglement nDEG 1782/2003 prevoit donc expressement, en sonarticle 5.1, l'intervention des Etats membres pour la definition desexigences minimales pour les bonnes conditions agricoles etenvironnementales, dont ils doivent d'ailleurs fournir la liste auxagriculteurs (article 3.2). En outre, selon la definition contenue aupoint 33 de l'article 2 du reglement (CE) nDEG 796/2004 de la Commissiondu 21 avril 2004 cite en tete du moyen, il faut entendre par « normes »: « les normes definies par les Etats membres conformement à l'article 5et à l'annexe IV du reglement (CE) nDEG 782/2003 ». De plus, l'article44, S: 1er, dudit reglement prevoit : « L'autorite du controle competenteeffectue, pour les exigences ou les normes qui relevent de saresponsabilite, des controles [...] ».

Les « normes » prevues à l'annexe IV dudit reglement, intitulee« Bonnes conditions agricoles et environnementales visees à l'article 5», doivent donc faire l'objet de definitions par les Etats membres pourl'application du systeme de conditionnalite des aides agricoles. Ce n'estque lorsque ces normes sont definies par les Etats membres et que la listeen est fournie aux agriculteurs que ceux-ci peuvent voir reduire lemontant total des paiements directs à leur octroyer pour non-respect desbonnes conditions agricoles et environnementales, conformement auxarticles 6.1 et 7 du reglement (CE) nDEG 1782/2003.

II. Aux termes de l'article 27, alinea 1er, de l'arrete du gouvernementwallon du 23 fevrier 2006 cite en tete du moyen, « tout agriculteurdemandant des paiements directs est tenu de respecter les exigencesreglementaires en matiere de gestion, les normes en matiere de bonnesconditions agricoles et environnementales, y compris pour les superficieslaissees hors production, ainsi que les obligations en ce qui concerne lemaintien des terres consacrees aux paturages permanents ». L'article 28de ce meme arrete dispose : « Le gouvernement fixe les lignes directricesde la conditionnalite en Region wallonne. Le ministre determine lesmodalites d'application en matiere de conditionnalite ». Il ressort desdispositions precitees que les normes en matiere de bonnes conditionsagricoles et environnementales devaient encore etre definies par leministre pour que puisse etre applique le regime de conditionnalite prevupar la reglementation europeenne.

III. Le demandeur a fait valoir, dans ses conclusions d'appel de synthese,en substance ce qui suit : la legislation europeenne impose aux Etatsmembres de mettre en oeuvre le systeme de conditionnalite ; « en droitwallon, le principe de conditionnalite est repris à l'article 27 del'arrete du gouvernement wallon du 23 fevrier 2006 mettant en place lesregimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune ;seul le principe est enonce puisque l'article 28 prevoit que legouvernement fixe les lignes directrices de la conditionnalite en Regionwallonne et que le ministre determine les modalites d'application enmatiere de conditionnalite ; un arrete du gouvernement wallon du 22 juin2006 a ete pris, fixant les lignes directrices de la conditionnalite ; unarrete ministeriel du 7 juillet 2006 porte application de laconditionnalite » ; « le cadre reglementaire wallon mettant en place lesysteme de conditionnalite est affecte de plusieurs irregularitesimportantes » ; l'arrete du gouvernement wallon du 22 juin 2006 etl'arrete ministeriel du 7 juillet 2006 n'ont pas ete soumis à l'avis dela section de legislation du Conseil d'Etat, sans qu'aucun motif justifiece defaut d'avis prealable ; en outre, le controle a eu lieu le 5 octobre2006, soit avant la publication, le 13 octobre 2006, au Moniteur belge,de l'arrete ministeriel du 7 juillet 2006 mettant en place le regime dessanctions en droit wallon ; la sanction administrative est illegale auregard des principes de legalite et de securite juridique « puisque, aumoment du non-respect des bonnes conditions agricoles etenvironnementales, mais egalement au moment du proces-verbal de constat,le regime juridique des sanctions applicables en droit wallon n'etait pasencore publie au Moniteur belge ».

IV. L'arret refuse d'examiner si l'arrete du gouvernement wallon du 22 juin 2006 et l'arrete ministeriel du 7 juillet 2006 precites ne sontpas affectes d'illegalite pour n'avoir pas ete soumis à l'avis de lasection de legislation du Conseil d'Etat et si l'arrete ministeriel du 7juillet 2006 pouvait etre applique, alors qu'au moment du controle desparcelles agricoles du demandeur par les agents de la division generale del'agriculture du ministere de la [defenderesse], soit le 5 octobre 2006,cet arrete ministeriel n'avait pas encore ete publie au Moniteur belge.Selon l'arret, en effet, « les longs developpements que (le demandeur)consacre à l'illegalite de l'arrete du gouvernement wallon du 22 juin2006 et de l'arrete ministeriel du 7 juillet 2006 sont inoperants enl'espece » aux motifs que « le mecanisme de reduction applique par la[defenderesse] trouve son fondement juridique dans un reglementcommunautaire » qui, en vertu de l'article 288, alinea 2, du Traite surle fonctionnement de l'Union europeenne, « est obligatoire dans tous seselements et directement applicable dans tout Etat membre » et qu'« ilresulte des principes de primaute et d'effet direct des normes de droitcommunautaire que l'efficacite du mecanisme organise par le reglement1782/2003 quant à la reduction du montant des paiements directs lorsqueles exigences reglementaires en matiere de bonnes conditions agricoles etenvironnementales ne sont pas respectees à raison d'un acte ou d'uneomission directement imputable à l'agriculteur concerne ne peut etretenue en echec ni par une norme de droit national ni à plus forte raisonpar le vice qui l'affecterait ».

L'arret refuse ainsi de reconnaitre que, nonobstant les termes del'article 288, alinea 2, du Traite sur le fonctionnement de l'Unioneuropeenne, la reduction du montant total des paiements à octroyer auxagriculteurs pour non-respect des bonnes conditions agricoles etenvironnementales, prevue aux articles 6.1 et 7 du reglement (CE) nDEG1782/2003, ne peut etre appliquee qu'apres que les Etats membres ontdefini les exigences minimales de ces bonnes conditions sur la base ducadre fixe à l'annexe IV de ce reglement, conformement à l'article 5.1dudit reglement, et en ont fourni la liste aux agriculteurs, conformementà l'article 3.2 dudit reglement. L'arret viole ainsi les articles 288,alinea 2, du Traite sur le fonctionnement de l'Union europeenne, 3, 5.1,6.1 et 7 du reglement (CE) nDEG 1782/2003 du Conseil du 29 septembre2003, 2, point 33, et 44, S: 1er, du reglement (CE) nDEG 796/2004 de laCommission du 21 avril 2004, de meme que le principe general du droit citeen tete du moyen, dont il fait une fausse application. L'arret viole enoutre les articles 27 et 28 de l'arrete du gouvernement wallon du 28fevrier 2006, qui reconnaissent cette non-application immediate dureglement (CE) nDEG 1782/2003.

Seconde branche

En faisant valoir, dans ses conclusions d'appel de synthese citees dans lapremiere branche du moyen, point III, que la reglementation europeenneimposait aux Etats membres de mettre en oeuvre le systeme deconditionnalite et que le demandeur ne pouvait des lors voir ses aidesreduites pour la presence de chardons en fleur sur une de ses parcellescontrolee le 5 octobre 2006, parce qu'à cette date, il n'y avait pas enRegion wallonne de cadre reglementaire mettant en place le regime de laconditionnalite des aides prevues par le reglement (CE) nDEG 1782/2003 du29 septembre 2003, le demandeur contestait necessairement que la presencedes chardons litigieux constituat un manquement aux exigences en matierede bonnes conditions agricoles et environnementales visees aux articles 5et 6 dudit reglement et à son annexe IV.

En considerant qu'« il n'est pas conteste que la presence des chardonslitigieux constitue un manquement aux exigences en matiere de bonnesconditions agricoles et environnementales visees aux articles 5 et 6 dureglement 1782/2003 ainsi qu'à son annexe IV », l'arret refuse de lirela contestation ainsi presente dans les conclusions precitees du demandeuret viole la foi qui est due à cet ecrit (violation des articles 1319,1320 et 1322 du Code civil).

I. La decision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la premiere branche :

L'article 3 du reglement (CE) nDEG 1782/2003 du Conseil du 29 septembre2003 etablissant des regles communes pour les regimes de soutien directdans le cadre de la politique agricole commune et etablissant certainsregimes de soutien en faveur des agriculteurs, tel qu'il etait en vigueurau moment des faits, c'est-à-dire avant sa modification par le reglement(CE) nDEG 146/2008 du Conseil du 14 fevrier 2008, dispose, en sonparagraphe 1er, que tout agriculteur percevant des paiements directs esttenu de respecter les bonnes conditions agricoles et environnementalesetablies conformement à l'article 5. 2 et, en son paragraphe 2, quel'autorite nationale competente fournit à l'agriculteur la liste desexigences reglementaires en matiere de gestion et de bonnes conditionsagricoles et environnementales à respecter.

L'article 5, S: 1er, du meme reglement dispose que les Etats membresveillent à ce que toutes les terres agricoles, en particulier celles quine sont plus exploitees à des fins de production, soient maintenues dansde bonnes conditions agricoles et environnementales, qu'ils definissent,au niveau national ou regional, des exigences minimales pour les bonnesconditions agricoles et environnementales sur la base du cadre fixe àl'annexe IV, qui prennent en compte les caracteristiques des zonesconcernees, notamment les conditions pedologiques et climatiques, lesmodes d'exploitation existants, l'utilisation des terres, la rotation descultures, les pratiques agricoles et la structure des exploitations.

L'annexe IV du reglement, intitulee « Bonnes conditions agricoles etenvironnementales visees à l'article 5 », prevoit, au regard duquatrieme theme, relatif au niveau minimal d'entretien, les normessuivantes : densite minimale du betail ou regimes appropries, proteger lespaturages permanents, maintenir les particularites topographiques, eviterl'empietement de vegetation indesirable sur les terres agricoles.

Il ressort de l'article 5, S: 1er, precite que les Etats membres doiventdefinir, au niveau national et regional, des exigences minimales pour lesbonnes conditions agricoles et environnementales dont, en vertu del'article 3, S: 2, ils doivent fournir la liste aux agriculteurs.

L'elaboration de ces normes nationales ou regionales et leur opposabiliteaux agriculteurs constituent un prealable obligatoire aux controles deconformite et à l'application eventuelle de sanctions aux agriculteurs.

L'arrete du gouvernement wallon du 23 fevrier 2006 mettant en place lesregimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole communedispose, en son article 27, alinea 1er, que tout agriculteur demandantdes paiements directs est tenu de respecter les exigences reglementairesen matiere de gestion, les normes en matiere de bonnes conditionsagricoles et environnementales, y compris pour les superficies laisseeshors production, ainsi que les obligations en ce qui concerne le maintiendes terres consacrees aux paturages permanents, et, en son article 28, quele gouvernement fixe les lignes directrices de la conditionnalite enRegion wallonne et que le ministre determine les modalites d'applicationen matiere de conditionnalite.

Il en ressort qu'il appartenait au gouvernement wallon de fixer les lignesdirectrices des conditions imposees aux agriculteurs et au ministre defixer les modalites d'application de ces conditions. Le gouvernementwallon a pris, le 22 juin 2006, un arrete fixant les lignes directrices dela conditionnalite et un arrete ministeriel a ete pris le 7 juillet 2006,qui porte application de la conditionnalite.

Le demandeur faisait valoir en ses conclusions de synthese d'appel quel'arrete du gouvernement wallon du 22 juin 2006 et l'arrete ministeriel du7 juillet 2006 n'ont pas ete soumis à l'avis de la section de legislationdu Conseil d'Etat, sans qu'aucun motif justifie ce defaut d'avis. Ilinvoquait egalement que le controle de conditionnalite a eu lieu le 5octobre 2006, c'est-à-dire avant la publication de l'arrete ministerieldu 7 juillet 2006, qui n'est intervenue que le 13 octobre 2006.

L'arret considere, pour rejeter cette defense, que « quels qu'en soientles merites, les longs developpements que [le demandeur] consacre àl'illegalite de l'arrete du gouvernement du 22 juin 2006 et de l'arreteministeriel du 7 juillet 2006 sont inoperants en l'espece » aux motifsque « le mecanisme de reduction applique par la [defenderesse] trouve eneffet son fondement juridique dans un reglement communautaire, qu'en vertude l'article 288 du Traite sur le fonctionnement de l'Union europeenne(ex-article 249 du Traite instituant la Communaute europeenne), un telacte a une portee generale, est obligatoire dans tous ses elements etdirectement applicable dans tout Etat membre », qu'« il s'ensuit, d'unepart, que c'est à raison que la [defenderesse] soutient que le fondementde sa decision de reduire le paiement direct litigieux de trois pour centgit dans le reglement 1782/2003 et non dans les arretes invoques par [ledemandeur] » et qu'« il resulte, d'autre part, des principes de primauteet d'effet direct des normes de droit communautaire que l'efficacite dumecanisme organise par le reglement 1782/2003 quant à la reduction dumontant des paiements directs lorsque les exigences reglementaires enmatiere de bonnes conditions agricoles et environnementales ne sont pasrespectees à raison d'un acte ou d'une omission directement imputable àl'agriculteur concerne ne peut etre tenue en echec ni par une norme dedroit national ni à plus forte raison par le vice qui l'affecterait ».

Niant par ces motifs la subordination, par le reglement du 29 septembre2003, de son application à la necessite de la definition, par des reglesnationales ou regionales, des exigences minimales pour les conditionsagricoles et environnementales, l'arret viole l'ensemble des dispositionslegales precitees.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Et il n'y a pas lieu d'examiner la seconde branche du moyen, qui nesaurait entrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il rec,oit l'appel ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, le conseiller DidierBatsele, le president de section Martine Regout, les conseillers MireilleDelange et Michel Lemal, et prononce en audience publique du six octobredeux mille seize par le president de section Albert Fettweis, en presencede l'avocat general Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffierPatricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | M. Delange |
|-----------------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | A. Fettweis |
+--------------------------------------------+

6 OCTOBRE 2016 C.16.0008.F/13


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.16.0008.F
Date de la décision : 06/10/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-10-06;c.16.0008.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award