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14/09/2016 | BELGIQUE | N°P.16.0646.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 14 septembre 2016, P.16.0646.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.16.0646.F

B. S., inculpe,

demandeur en cassation,

ayant pour conseil Maitre Christophe Marchand, avocat au barreau deBruxelles.

I. la procedure devant la cour

Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 6 mai 2016 par la courd'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.

Le demandeur invoque un moyen dans un memoire annexe au present arret, encopie certifiee conforme.

Le conseiller Frederic Lugentz a fait rapport.

L'avocat general Michel Nolet de Brauwere a conclu.
r>II. la decision de la cour

Le moyen est pris de la violation des articles 127, 128, 135, 235bis, duCode d'inst...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.16.0646.F

B. S., inculpe,

demandeur en cassation,

ayant pour conseil Maitre Christophe Marchand, avocat au barreau deBruxelles.

I. la procedure devant la cour

Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 6 mai 2016 par la courd'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.

Le demandeur invoque un moyen dans un memoire annexe au present arret, encopie certifiee conforme.

Le conseiller Frederic Lugentz a fait rapport.

L'avocat general Michel Nolet de Brauwere a conclu.

II. la decision de la cour

Le moyen est pris de la violation des articles 127, 128, 135, 235bis, duCode d'instruction criminelle, XV de la loi du 25 octobre 1919, del'article unique de la loi du 19 aout 1920, des articles 6 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Unioneuropeenne, 8 de la Directive 2014/42/UE du Parlement europeen et duConseil du 3 avril 2014 concernant le gel et la confiscation desinstruments et des produits du crime dans l'Union europeenne et del'obligation faite aux juridictions d'instruction de repondre auxconclusions de la partie civile.

Critiquant l'arret rendu en application des articles 61quater, 61sexies et235bis du Code d'instruction criminelle, le demandeur invite d'abord laCour à declarer le pourvoi recevable, en constatant l'existence d'unconflit entre, d'une part, l'article 115 de la loi du 5 fevrier 2016modifiant le droit penal et la procedure penale et portant desdispositions diverses en matiere de justice, et, d'autre part, l'article 8de la Directive 2014/42/UE precitee, dont il y aurait lieu de fairedirectement application. Le demandeur soutient que le conflit consistedans l'atteinte portee au droit à un recours effectif contre lesdecisions de saisie et d'alienation d'un vehicule, qui le lesent, droitqu'entend pourtant garantir cette derniere disposition mais qui serait« fortement affaibli » en raison de la suppression du pourvoi encassation immediat contre un arret rendu sur la base de l'article 235bisdu Code d'instruction criminelle ou dans le cadre du contentieux relatifaux saisies.

Selon l'article 8, S: 1er, de la directive precitee, à laquelle les Etatsmembres de l'Union europeenne devaient se conformer au plus tard le4 octobre 2015, ces « Etats membres prennent les mesures necessaires pourfaire en sorte que les personnes concernees par les mesures prevues par lapresente directive aient droit à un recours effectif et à un procesequitable pour preserver leurs droits ». Selon le S: 4 de cettedisposition, « les Etats membres prevoient la possibilite effective pourla personne dont les biens sont concernes d'attaquer la decision de geldevant un tribunal, conformement aux procedures prevues dans le droitnational. Ces procedures peuvent prevoir que lorsque la decision de gelinitiale a ete prise par une autorite competente autre qu'une autoritejudiciaire, ladite decision est d'abord soumise pour validation oureexamen à une autorite judiciaire avant de pouvoir etre attaquee devantun tribunal ». L'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales dispose, quant à lui, que toutepersonne a droit à ce que sa cause soit entendue equitablement,publiquement et dans un delai raisonnable par un tribunal qui deciderasoit des contestations sur ses droits et obligations de caractere civil,soit du bien-fonde de toute accusation en matiere penale dirigee contreelle. Enfin, l'article 47, alineas 1er et 2, de la Charte des droitsfondamentaux de l'Union europeenne prevoit que « toute personne dont lesdroits et libertes garantis par le droit de l'Union ont ete violes a droità un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditionsprevues au present article. Toute personne a droit à ce que sa cause soitentendue equitablement, publiquement et dans un delai raisonnable par untribunal independant et impartial, etabli prealablement par la loi ».

Il ne decoule d'aucune des dispositions invoquees à l'appui du moyen, quele droit à un recours effectif devant un tribunal doive comprendre celuide deferer au controle de la Cour de cassation l'arret de la cour d'appel,chambre des mises en accusation, qui a examine la regularite oul'opportunite de la decision du juge d'instruction de proceder àl'alienation d'un bien saisi et la regularite de l'instruction, y compriscelle de la saisie.

Il ne saurait etre soutenu que l'absence du droit de former un pourvoiimmediat contre de telles decisions porterait atteinte au droit del'inculpe ou du tiers affecte à un recours effectif devant un tribunal ouà leur droit à un proces equitable.

L'arret attaque statue en application des articles 61quater, 61sexies et235bis du Code d'instruction criminelle. Saisie de l'appel d'uneordonnance du juge d'instruction decidant de faire proceder àl'alienation d'un avoir patrimonial dont ce magistrat a estime devoirmaintenir la saisie et d'une demande en vue de controler la regularite dela procedure qui lui etait soumise, la chambre des mises en accusation adeclare ce recours non fonde, la demande en vue de la mainlevee de lasaisie irrecevable et la procedure reguliere.

Cet arret n'epuise pas la juridiction du juge sur tout ce qui fait l'objetde l'action publique. Conformement à l'article 420, alinea 1er, du Coded'instruction criminelle, le pourvoi contre une telle decision n'estouvert qu'apres l'arret definitif.

L'article 420, alinea 2, qui enumere les seuls cas, etrangers à l'espece,dans lesquels la loi autorise un pourvoi immediat contre un arretpreparatoire et d'instruction, ne permet pas à une partie qui conteste lerejet de sa demande de voir reformer une decision d'un juge d'instructionde la nature precitee et de ses griefs à propos de la regularite de laprocedure, de deferer immediatement l'arret de rejet au controle de laCour.

Le pourvoi est irrecevable.

Il n'y a pas lieu d'examiner le surplus du memoire presente par ledemandeur, etranger à la recevabilite du pourvoi.

Sur la question prejudicielle :

A titre subsidiaire, le demandeur propose à la Cour de poser à la Courconstitutionnelle la question prejudicielle suivante :

« L'article 115 de la loi du 5 fevrier 2016 modifiant le droit penal etla procedure penale et portant des dispositions diverses en matiere dejustice viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, le principegeneral du droit relatif à la securite juridique, l'article 6 [de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales], l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux del'Union [europeenne] et l'article 8 de la Directive 2014/42/UE duParlement [europeen] et du Conseil du 3 avril 2014 concernant le gel et laconfiscation des instruments et des produits du crime dans l'Unioneuropeenne, en ce qu'il a supprime le recours en cassation apres la miseen oeuvre de l'article 235bis du Code d'instruction criminelle pour desmesures de saisie et d'alienation de biens mobiliers, alors qu'un telrecours en cassation est maintenu pour d'autres mesures attentatoires àdivers droits fondamentaux, apres la mise en oeuvre du meme article235bis, suite à une decision definitive sur l'action publique ? ».

Il ressort du memoire que la question prejudicielle proposee par ledemandeur a pour objet une discrimination qui, selon lui, pourrait sededuire de la comparaison des deux elements suivants :

* l'arret de la cour d'appel, chambre des mises en accusation, relatifà la regularite ou à la mainlevee d'une saisie ou d'une decisiond'alienation d'un avoir patrimonial saisi, à l'occasion duquel il aete fait application de l'article 235bis du Code d'instructioncriminelle, ne peut plus, depuis l'entree en vigueur de l'article 115de la loi du 5 fevrier 2016, faire l'objet d'un pourvoi immediat encassation, et, selon le demandeur, le droit de se pourvoir encassation contre pareil arret, apres la decision definitive surl'action publique, est « fortement affaibli » en raison de lacirconstance que la mesure de saisie, « par definition, ne subsisteraplus apres la decision definitive sur l'action publique » ;

* l'arret de la cour d'appel, chambre des mises en accusation, rendu enapplication du meme article 235bis et relatif à d'autres mesuresportant atteinte à des droits fondamentaux, peut sans restrictionfaire l'objet d'un pourvoi apres ladite decision definitive.

L'article 115 de la loi du 5 fevrier 2016 n'a pas supprime le « recoursen cassation apres la mise en oeuvre de l'article 235bis du Coded'instruction criminelle pour des mesures de saisie et d'alienation debiens mobiliers ». Ce recours peut etre forme, comme celui contre lacategorie de decisions visee au deuxieme tiret ci-dessus, apres ladecision definitive sur l'action publique.

Contrairement à ce que le demandeur soutient, la mesure de saisie estsusceptible de subsister apres ladite decision definitive, tant qu'il n'apas ete statue definitivement sur l'action publique par une decisioncoulee en force de chose jugee.

Le demandeur ne precise pas autrement dans quels cas le droit de former unpourvoi differe contre la categorie de decisions visee au premier tiretci-dessus serait « fortement affaibli », ni pour quelle raison, dans ceshypotheses, il existerait une difference de traitement injustifiee.

En qualifiant de « fortement affaibli » le pourvoi differe forme contrela premiere categorie d'arrets, le demandeur ne decrit pas avec precisionla discrimination que, selon lui, l'application de la norme critiqueeentraine.

Il n'y a des lors pas lieu de poser la question prejudicielle.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux frais.

Lesdits frais taxes en totalite à la somme de deux cent nonante-cinqeuros soixante-six centimes dont septante-sept euros soixante et uncentimes dus et deux cent dix-huit euros cinq centimes payes par cedemandeur.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Benoit Dejemeppe, conseiller faisant fonction de president,Franc,oise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frederic Lugentz,conseillers, et prononce en audience publique du quatorze septembre deuxmille seize par Benoit Dejemeppe, conseiller faisant fonction depresident, en presence de Michel Nolet de Brauwere, avocat general, avecl'assistance de Fabienne Gobert, greffier.

+---------------------------------------------+
| F. Gobert | F. Lugentz | T. Konsek |
|-----------------+------------+--------------|
| E. de Formanoir | F. Roggen | B. Dejemeppe |
+---------------------------------------------+

14 SEPTEMBRE 2016 P.16.0646.F/7


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.16.0646.F
Date de la décision : 14/09/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-09-14;p.16.0646.f ?
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