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13/09/2016 | BELGIQUE | N°P.16.0403.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 septembre 2016, P.16.0403.N


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.16.0403.N

G. C.,

prévenu,

demandeur en cassation,

Me Joachim Meese, avocat au barreau de Gand,

contre

1. L. P. S., et consorts,

parties civiles,

défendeurs en cassation.

I. la procédure devant la cour











Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 29 février 2016 par la courd'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.

Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présentarrêt, en copie certifié

e conforme.

Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.

L'avocat général Luc Decreus a conclu.

II. la décision de la cour

(...)



Sur le deuxième moyen :






...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.16.0403.N

G. C.,

prévenu,

demandeur en cassation,

Me Joachim Meese, avocat au barreau de Gand,

contre

1. L. P. S., et consorts,

parties civiles,

défendeurs en cassation.

I. la procédure devant la cour

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 29 février 2016 par la courd'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.

Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présentarrêt, en copie certifiée conforme.

Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.

L'avocat général Luc Decreus a conclu.

II. la décision de la cour

(...)

Sur le deuxième moyen :

4. Le moyen invoque la violation de l'article 3 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :considérant qu'il n'y a pas de violence policière excessive en se fondantsur des rapports officiels établis par les verbalisants concernés et leurscollègues les plus proches et sur des auditions qui ont été effectuées àl'audience environ cinq ans après les faits, l'arrêt viole l'obligationpositive déduite de l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droitsde l'homme et des libertés fondamentales de statuer rapidement etadéquatement sur l'allégation selon laquelle il y a eu violence policièreexcessive sur la base d'une enquête effectuée objectivement.

5. L'article 3 de la Convention dispose : “Nul ne peut être soumis à latorture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.”

6. Le recours à de la violence non strictement nécessaire par desfonctionnaires de police à l'encontre d'une personne privée de liberté ouconfrontée à des fonctionnaires de police porte atteinte à la dignitéhumaine et implique, en principe, une violation de l'article 3 de laConvention, telle qu'interprété par la Cour européenne des droits del'homme.

7. Cette disposition conventionnelle, telle qu'interprétée par la Coureuropéenne, oblige l'État, si une personne invoque de manière crédibleavoir été traitée par des fonctionnaires de police d'une manière quiimplique une infraction à cet article, à mener une enquête officielle quidoit être effective, en ce sens qu'elle doit permettre d'identifier et depunir les responsables.

8. L'obligation procédurale, déduite de l'article 3 de la Convention, deprocéder à une enquête officielle et effective, implique, en principe, queles personnes chargées de cette enquête doivent être indépendantes àl'égard de ceux qui pourraient être impliqués dans les faits dénoncés.Cela signifie qu'il ne peut exister de lien hiérarchique ou institutionnelentre les enquêteurs et ces personnes concernées ni davantage un lien dedépendance de fait.

9. Si un juge d'instruction et ensuite les juridictions d'instruction etde jugement sont chargés d'examiner ou d'apprécier des infractions ayantété commises à l'encontre de fonctionnaires de police, l'obligationprocédurale précitée ne leur est, en principe, pas applicable. En effet,leur examen et leur appréciation ne concernent, en principe, pas les faitsde violence policière n'étant pas strictement nécessaire, lesquels sont,le cas échéant, examinées par d'autres instances, à la suite d'uneéventuelle plainte des personnes préjudiciées.

En tant qu'il se fonde sur une autre conception juridique, le moyen manqueen droit.

10. Si l'instruction et les poursuites concernent des infractions ayantété commises à l'encontre de fonctionnaires de police et que le prévenuinvoque, dans ce contexte, que de la violence policière non strictementnécessaire est à la base de ces infractions et que cette violencepolicière peut constituer pour lui une cause de justification concernantles infractions du chef desquelles il est poursuivi, le juge doitnéanmoins vérifier si l'enquête menée au sujet de cette violence policièrenon strictement nécessaire satisfait aux conditions déduites de l'article3 de la Convention.

11. Il appartient au juge de vérifier, sur la base de l'ensemble des actesd'instruction accomplis au cours de l'information et, le cas échéant, del'examen à l'audience, si l'instruction a été menée avec un degréd'indépendance suffisant à l'égard des personnes concernées par laviolence policière non strictement nécessaire invoquée. Le simple fait quecertaines constatations relatives à la violence policière non strictementnécessaire aient été faites par des fonctionnaires de police concernés parles faits ou par des fonctionnaires de police du même corps, n'entraînepas automatiquement la violation de l'article 3 de la Convention.

Les obligations légales ou les impératifs de la cause peuvent en effetnécessiter que ces fonctionnaires de police doivent dresser unprocès-verbal de leurs constatations. La qualité de victime éventuelle neles prive pas du droit de dresser un procès-verbal et n'empêche pas lejuge d'apprécier la valeur probante dudit procès-verbal et de le prendreen considération en tant qu'élément de preuve.

En tant qu'il se fonde sur une autre conception juridique, le moyen manqueen droit.

12. L'arrêt considère que :

- le demandeur a fait valoir à tort que le procès-verbal initial a étéuniquement rédigé par les défendeurs 2 et 3 ; en effet, d'autresfonctionnaires de police ont également procédé à des auditions de deuxtémoins et signé ces auditions ;

- la rédaction du procès-verbal initial a dû se faire très vite puisqu'uneenquête judiciaire a été demandée le jour même des faits ; ^

- l'enquête sur les faits et les prétendues violences policières a eu lieuspécifiquement à l'audience de la cour d'appel du 8 décembre 2015, aprèsla convocation de deux témoins indépendants entendus par les jugesd'appel ; ^

- le ministère public et le juge d'instruction sont indépendants de lapolice et il y a eu un contrôle étroit et direct sur l'enquête menée parun magistrat du parquet et ensuite par le juge d'instruction ; ^

- les deux ont coordonné leurs actions et ont suivi de façon très concrèteet de très près les actes d'instruction ; ^

- les juges d'appel apprécient librement la valeur probante duprocès-verbal initial et apprécient les renseignements qu'ils y puisent àl'aune des déclarations et des points de vue du demandeur et descoprévenus ainsi que de leur entourage et des témoins indépendants ; ^ ^

- il ne ressort d'aucun élément que l'on ait tenté d'orienter lesrésultats de l'enquête ; ^

- il n'apparaît pas que le procès-verbal manque de fiabilité ; ^ ^

- à l'audience du 8 décembre 2015, les témoins ont été confrontés avec lesprévenus présents, dont le demandeur ; ^

- les témoins S. et W. entendus à l'audience et désormais majeurs sont àconsidérer comme les seuls témoins indépendants qui ont observé l'ensembledu déroulement des faits, à partir de l'arrivée du premier véhicule depolice, et qui ont en fait confirmé grosso modo leur déclarationantérieure ; ^

- les déclarations initiales des témoins indépendants S. et W. et lesauditions par le juge d'instruction des prévenus, parmi lesquelles ledemandeur, ont déjà rendu plausible le fait qu'il n'y ait pas eu deviolence policière excessive ; ^

- il ressort au contraire que les faits, eu égard notamment aux faiblessouvenirs apparus contradictoires lors des auditions du demandeur et descoprévenus et de leur entourage, se résument en une explosion de violencesuscitée par une diminution de tolérance à la frustration en raison del'abus de boissons alcoolisées chez le demandeur, les coprévenus et leurentourage qui ont été confrontés à une situation pénible à la suite dublocage d'un ascenseur ; ^

- lors de l'appel au service 101, le demandeur a recouru à l'expression :“alors je vais justement te péter la gueule, ok”, à laquelle il a étéconfronté sous une forme légèrement adaptée lors de sa première auditionet dont l'état agité peut être établi ; ^

- le juge d'instruction a examiné de façon critique les éléments duprocès-verbal initial, a soumis les blessures du demandeur et descoprévenus à un constat médical, a procédé à l'audition du demandeur etdes coprévenus, a procédé à une audition complémentaire des témoinsindépendants S. et W. et interrogé les données CIC ; ^

- le supplément d'enquête demandé par les juges d'appel, plus spécialementla production d'un reportage photographique, complète encore ces actes, desorte qu'un procès équitable est certainement garanti ; ^

- ni le juge d'instruction, ni le ministère public n'ont agi de façondéloyale ;

- conformément à l'article 29 du Code d'instruction criminelle, lesdéfendeurs 2 et 3 ont pu décrire leur expérience dans un procès-verbal ; ^

- les défendeurs 2 et 3 n'ont plus traité l'affaire et ne sont plusintervenus dans la suite de l'enquête et ce fut un inspecteur principalqui eut les premiers contacts concernant les faits avec le magistrat deservice du parquet ; ^

- il n'y a pas eu de provocation par la police, ce qui est à déduire desdifférentes auditions explicites du témoin indépendant W., des deuxpremières auditions du témoin S. et que ce fut un coprévenu qui a ouvertle premier la portière du véhicule de police et a entamé les actes deviolence ; ^

- l'on se rallie à la version de la police, désignée notamment par ledemandeur comme le rapport de police ; ^

- la version des prévenus se base en partie sur les versions de personnesqui n'ont pas vu l'ensemble des faits et leur version quant à l'existenced'une provocation policière est dénuée de toute crédibilité ; ^

- il n'y a pas eu de violence excessive par la police, ce qui estclairement démontré par les certificats médicaux existants ;

- les prévenus, dont le demandeur, se prévalent à tort de la légitimedéfense pour leur intervention violente. ^

Par ces motifs, l'arrêt justifie légalement la décision que l'article 3 dela Convention n'a pas été violé.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le troisième moyen :

13. Le moyen invoque la violation des articles 6.1 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 149 de laConstitution, 195 et 211 du Code d'instruction criminelle et 21ter dutitre préliminaire du Code de procédure pénale : des constatations qu'ilcontient et plus précisément des informations selon lesquelles l'enquêtene comprend qu'un nombre très restreint d'actes d'instruction et seraitsommaire, qu'au moment où l'arrêt a été rendu, environ quatre années etneuf mois s'étaient écoulés depuis les faits, que la durée de la procédureen première instance a pris à peu près deux ans, que la durée de laprocédure en appel a pris plus de dix-sept mois et de la nature del'affaire, à savoir la provocation policière par violence policièreexcessive, ce qui doit, selon la jurisprudence constante de la Coureuropéenne des droits de l'homme, donner lieu à un jugement plus rapide,l'arrêt n'a pu légalement déduire que le délai raisonnable n'a pas étédépassé ; à tout le moins, l'arrêt n'est pas légalement motivé ; pourpermettre le contrôle de la Cour, les motifs qui ont donné lieu à cettedécision doivent être mentionnés ; un simple aperçu de la procédure nesuffit pas à cet effet, étant donné que le juge pénal doit également tenircompte dans son appréciation de la nature et de la complexité de la cause,ainsi que de l'attitude du prévenu.

14. Le juge examine en toute cause, séparément et à la lumière descirconstances particulières de cette cause, si une décision a été renduedans un délai raisonnable, en application de l'article 6.1 de laConvention, sur les poursuites pénales engagées à charge d'un prévenu.Dans son appréciation, le juge prend en considération la complexité de lacause, l'attitude des parties et celle des autorités compétentes etl'intérêt de la cause pour ces parties.

15. Il ne résulte toutefois pas de l'article 6.1 de la Convention, del'article 149 de la Constitution, des articles 195 et 211 du Coded'instruction criminelle et de l'article 21ter du Titre préliminaire duCode de procédure pénale que, si un prévenu sollicite auprès du juge, sansaucune autre motivation, qu'il fasse l'objet d'une simple déclaration deculpabilité, conformément à l'article 21ter, le juge doive expressémentindiquer dans sa décision qu'il a confronté la condition du délairaisonnable à chacun des critères précités.

En tant qu'il se fonde sur une autre conception juridique, le moyen manqueen droit.

16. L'arrêt répond comme suit, en le rejetant, au moyen déduit dudépassement du délai raisonnable invoqué par le demandeur : “Les faitsdatent du 4 juin 2011 et, le même jour, une instruction judiciaire a étédemandée. L'instruction judiciaire a pris fin par la décision de lachambre du conseil du 25 novembre 2011. La cause a été fixée à l'audiencedu tribunal correctionnel du 30 mars 2012. La cause a été remise àl'audience du 26 octobre 2012. Elle a ensuite été remise à l'audience du22 mars 2013, au cours de laquelle elle a été examinée au fond. Il y eutalors le jugement du 19 avril 2013. Le jugement interlocutoire du 19 avril2013 a ordonné des enquêtes sociales, avec réouverture des débats le 11octobre 2013. Le 21 février 2014, la cause a été à nouveau examinée aufond. Un jugement a alors suivi le 21 mars 2014. Après les appelsinterjetés, la cause est examinée à la cour d'appel pour la première foisle 17 septembre 2014, après quoi elle fut traitée ainsi qu'il a été ditdans le préambule du présent arrêt”. Il s'ensuit que l'arrêt a tenu comptede l'attitude du demandeur et des autorités compétentes et a examiné s'iln'y a pas eu dans le traitement de la cause des périodes d'inactionanormale.

Reposant dans cette mesure sur une lecture incorrecte de l'arrêt, le moyenmanque en fait.

17. Des motifs que l'arrêt contient, les juges d'appel ont pu déduire que,dans cette cause, le droit à un délai raisonnable n'a pas été violé, en netirant pas de leurs constatations des conséquences qu'elles ne sauraientjustifier et en n'empêchant pas la Cour d'exercer son contrôle delégalité.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le quatrième moyen :

18. Le moyen invoque la violation des articles 149 de la Constitution,1022 du Code judiciaire, 162bis, 195 et 211 du Code d'instructioncriminelle et 26 du Titre préliminaire du Code de procédure pénale :l'arrêt confirme à tort la condamnation prononcée par le jugement dontappel du demandeur au paiement, solidairement avec les co-condamnés, d'uneindemnité de procédure de 715,00 euros à tous les défendeurs ; ledemandeur ne pouvait toutefois pas être condamné à payer une indemnité deprocédure aux défendeurs 1 et 4 étant donné qu'ils n'avaient pas introduitd'action contre lui ; l'arrêt constate que la prescription de l'actionpublique pour le fait de la prévention D est intervenue avant laconstitution de partie civile reposant sur ce fait ; l'arrêt ne pouvaitdès lors pas légalement décider de confirmer le jugement dont appel dansla mesure où le premier juge avait statué sur l'action civile fondée surce fait; l'arrêt n'est par conséquent pas légalement justifié en ce quiconcerne cette condamnation ; l'arrêt est en outre contradictoire dans sastructure : il confirme d'une part le jugement dont appel en tant qu'ilconsidérait que la demande des défendeurs 1 et 4 avait été intentée dansles délais pour la prévention A déclarée prescrite, alors que, d'autrepart, il constate indubitablement que cette action n'avait été intentéequ'après que l'action publique était prescrite pour la prévention D.

19. L'article 162bis, alinéa 1^er, du Code d'instruction criminelledispose que tout jugement de condamnation rendu contre le prévenu lecondamnera envers la partie civile à l'indemnité de procédure visée àl'article 1022 du Code judiciaire.

20. Il n'apparaît pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard quele jugement dont appel ait prononcé contre le demandeur une condamnationau profit des défendeurs 1 et 4.

21. L'arrêt n'a pu dès lors confirmer la décision du jugement dont appelde condamner le demandeur au paiement d'une indemnité de procédure de715,00 euros aux défendeurs 1 et 4. Ce faisant, l'arrêt viole les articles162bis, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle et 1022 du Codejudiciaire.

Dans cette mesure, le moyen est fondé.

Le contrôle d'office

22. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont étéobservées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

La Cour

Casse le jugement attaqué en tant qu'il condamne le demandeur à payer auxdéfendeurs 1 et 4 une indemnité de procédure de 715,00 euros.

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêtpartiellement cassé ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Condamne le demandeur aux dix-neuf vingtièmes des frais de son pourvoi ;

Laisse le surplus des frais à charge de l'Etat ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président,Alain Bloch, Peter Hoet, Antoine Lievens et Erwin Francis, conseillers, etprononcé en audience publique du treize septembre deux mille seize par leconseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence del'avocat général Luc Decreus, avec l'assistance du greffier FrankAdriaensen.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Benoit Dejemeppe ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.

Le greffier, Le conseiller,

13 SEPTEMBRE 2016 P.16.0403.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.16.0403.N
Date de la décision : 13/09/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-09-13;p.16.0403.n ?
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