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13/09/2016 | BELGIQUE | N°P.16.0396.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 septembre 2016, P.16.0396.N


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.16.0396.N

I. H. B.,

prévenu,

Me Gert Warson, avocat au barreau de Bruxelles,

II. A. I.,

prévenu,

Me Gert Warson, avocat au barreau de Bruxelles,

III. S. B.,

prévenu,

Me Valérie Soenen, avocat au barreau de Bruges,

IV. J. E.,

prévenu,

Me Raf Jespers, avocat au barreau d'Anvers,

V. S. S.,

prévenu, détenu,

Me Nadia Lorenzetti, avocat au barreau de Bruges,

VI. I. A.,

prévenu, détenu,

Me Filip Van Hende,

avocat au barreau de Gand,

demandeurs en cassation.

I. la procédure devant la cour











Les pourvois sont dirigés contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2016 par lacour d'appel ...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.16.0396.N

I. H. B.,

prévenu,

Me Gert Warson, avocat au barreau de Bruxelles,

II. A. I.,

prévenu,

Me Gert Warson, avocat au barreau de Bruxelles,

III. S. B.,

prévenu,

Me Valérie Soenen, avocat au barreau de Bruges,

IV. J. E.,

prévenu,

Me Raf Jespers, avocat au barreau d'Anvers,

V. S. S.,

prévenu, détenu,

Me Nadia Lorenzetti, avocat au barreau de Bruges,

VI. I. A.,

prévenu, détenu,

Me Filip Van Hende, avocat au barreau de Gand,

demandeurs en cassation.

I. la procédure devant la cour

Les pourvois sont dirigés contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2016 par lacour d'appel de Gand, chambre correctionnelle, statuant comme juridictionde renvoi ensuite d'un arrêt de la Cour du 16 décembre 2014.

Le demandeur I présente trois moyens dans un mémoire annexé au présentarrêt, en copie certifiée conforme.

Le demandeur II invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présentarrêt, en copie certifiée conforme.

Le demandeur III invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présentarrêt, en copie certifiée conforme.

Le demandeur IV présente cinq moyens dans un mémoire annexé au présentarrêt, en copie certifiée conforme.

Le demandeur V ne présente pas de moyen.

Le demandeur VI présente trois moyens dans un mémoire annexé au présentarrêt, en copie certifiée conforme.

Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.

L'avocat général Luc Decreus a conclu.

II. la décision de la cour

Sur le premier moyen des demandeurs I et II :

 1. Le moyen invoque la violation des droits de la défense et duprincipe du contradictoire : l'arrêt rejette la défenseconcrète des demandeurs sollicitant d'appliquer la caused'exclusion prévue à l'article 141bis du Code pénal, sur labase d'un exposé détaillé des faits où il fait référence aux« nombreuses sources librement consultables » qui fourniraientune compréhension satisfaisante de la nature et de l'étendue duconflit en Tchétchénie; l'arrêt n'identifie toutefois pas cessources, de sorte qu'il est impossible d'exercer toute forme decontrôle sur elles ; de plus, les informations factuellescitées n'ont jamais été soumises à la contradiction desdemandeurs, mais sont présentées pour la première fois dansl'arrêt, de sorte qu'il n'est pas possible de présenter unedéfense ou une réponse ; les données mentionnées par l'arrêt neconcernent pas des faits ou des données empiriques généralementconnus ; en effet, plusieurs sources donnent une estimationdifférente de l'ampleur et de la portée du conflit enTchétchénie, en fonction de la matérialité des faits et de leurinterprétation.

 2. Hormis en ce qui concerne les faits de notoriété publique outirés de l'expérience générale et qui, de ce fait, relèventtoujours des débats, les droits de la défense, incluant ledroit au contradictoire, empêchent le juge d'asseoir sadécision sur des éléments de fait qui ne proviennent pas deséléments du dossier répressif ou de l'instruction d'audience,mais dont il a acquis la connaissance par ses propresconstatations ou son expérience personnelle en dehors desdébats, de sorte que les parties n'ont pu les contredire.

 3. L'article 141bis du Code pénal dispose : “[le titre I ter Desinfractions terroristes] ne s'applique pas aux activités desforces armées en période de conflit armé, tels que défini[e]set régi[e]s par le droit international humanitaire, ni auxactivités menées par les forces armées d'un Etat dansl'exercice de leurs fonctions officielles, pour autantqu'elles soient régies par d'autres règles de droitinternational.”

Devant les juges d'appel, les demandeurs ont soutenu qu'à l'époque dela période d'incrimination, le conflit en Tchétchénie relevait desconditions d'application de cette disposition, de sorte quel'infraction mise à leur charge d'être le dirigeant d'un groupeterroriste n'est pas punissable. Ils ont également suggéré d'entendreun expert témoin bien déterminé sur la situation en question parce quele dossier répressif contiendrait trop peu d'informations à ce sujet.

 4. L'arrêt (pp. 41-44 et 46) considère qu'il n'accède pas à lademande des demandeurs d'entendre le témoin proposé, au motifque les juges d'appel peuvent, à l'instar du premier juge, sefonder sur les nombreuses sources librement consultables quifournissent un aperçu satisfaisant de la nature et del'ampleur du conflit au moment des faits. Puis, l'arrêt seréfère à l'exposé dans le jugement dont appel sur l'origine etle déroulement du conflit armé en Tchétchénie et faitréférence, en plus de cet exposé des faits, en particulier ence qui concerne la création de l'Émirat du Caucase, à uncertain nombre d'éléments historiques pertinents qu'ilreproduit par ailleurs. L'arrêt déduit de la relation desfaits ainsi complétée que la cause d'exclusion prévue àl'article 141bis du Code pénal n'est pas applicable enl'espèce, notamment parce que :

* le conflit en Tchétchénie, tel qu'il s'annonçait aumoment des faits punissables, ne peut être analysécomme un conflit armé international au sens que luidonne le droit international humanitaire, mais il y atout au plus des révoltes limitées et des attentatsterroristes étrangers auxquels ce droit ne s'appliquenullement ;

* les combattants de l'Émirat du Caucase ne peuvent êtreconsidérées comme des forces armées au sens del'article 141bis du Code pénal.

 3. 

 5. D'une part, il ne ressort ni des motifs de l'arrêt, nides pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que lesjuges d'appel aient soumis à la contradiction desdemandeurs les éléments de fait non repris du jugementdont appel sur la base desquels ils apprécient lasituation conflictuelle en Tchétchénie et la créationde l'Émirat du Caucase et dont ils déduisent ensuite lanon-application de l'article 141bis du Code pénal auxfaits reprochés aux demandeurs. D'autre part, leséléments concernant la situation conflictuelle enTchétchénie ne sont pas de notoriété publique ou tiréde l'expérience générale. Ainsi, l'arrêt viole lesdroits de la défense, en ce compris le droit aucontradictoire des demandeurs et la décision n'est paslégalement justifiée.

Le moyen est fondé.

Sur le moyen soulevé d'office concernant les autres demandeurs :

Disposition conventionnelle et principe général du droit violés

* Article 6.1 de la Convention de sauvegarde desdroits de l'homme et les droits de la défenseen ce compris le droit au contradictoire

6. L'arrêt fonde également la décision que la cause d'exclusionprévue à l'article 141bis du Code pénal ne s'applique pas auxinfractions reprochées aux demandeurs III, IV, V et VI, à savoirêtre le dirigeant d'un groupe terroriste ou avoir participé à uneactivité d'un groupe terroriste, sur des faits n'ayant pas étésoumis à la contradiction et n'étant pas davantage de notoriétépublique ou tirés de l'expérience générale.

Ainsi, cette décision n'est pas davantage légalement justifiée.

Sur les autres moyens :

7. Il n'y a pas lieu de répondre aux moyens qui ne sauraiententraîner une cassation sans renvoi.

Sur l'arrestation immédiate :

8. La cassation des décisions condamnant les demandeurs entraîne lacassation des décisions ordonnant leur arrestation immédiate.

PAR CES MOTIFS,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêtcassé.

Réserve les frais pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge derenvoi ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.

* Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, àBruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisantfonction de président, Alain Bloch, Peter Hoet, AntoineLievens et Erwin Francis, conseillers, et prononcé en audiencepublique du treize septembre deux mille seize par leconseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, enprésence de l'avocat général Luc Decreus, avec l'assistance dugreffier Frank Adriaensen.

* Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric deFormanoir et transcrite avec l'assistance du greffier TatianaFenaux.

* Le greffier, Le conseiller,

13 SEPTEMBRE 2016 P.16.0396.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.16.0396.N
Date de la décision : 13/09/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-09-13;p.16.0396.n ?
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