La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/09/2016 | BELGIQUE | N°C.14.0183.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 septembre 2016, C.14.0183.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.14.0183.F

1. IMMOBILIERE SOCIETE NOUVELLE DE DISTRIBUTION, societe anonyme dont lesiege social est etabli à Florennes, rue de Mettet, 204,

2. TRADINOORD, societe anonyme dont le siege social est etabli àFlorennes, rue de Mettet, 204,

demanderesses en cassation,

representees par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ouil est fait election de domicile,

contre

PUBLIFIN, societe cooperative à responsabilite limitee an

ciennementdenommee Tecteo, dont le siege social est etabli à Liege, rue Louvrex,95,



defenderesse ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.14.0183.F

1. IMMOBILIERE SOCIETE NOUVELLE DE DISTRIBUTION, societe anonyme dont lesiege social est etabli à Florennes, rue de Mettet, 204,

2. TRADINOORD, societe anonyme dont le siege social est etabli àFlorennes, rue de Mettet, 204,

demanderesses en cassation,

representees par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ouil est fait election de domicile,

contre

PUBLIFIN, societe cooperative à responsabilite limitee anciennementdenommee Tecteo, dont le siege social est etabli à Liege, rue Louvrex,95,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.

NDEG C.14.0370.F

BENELUX MASTERBUILDERS, societe de droit luxembourgeois, dont le siege estetabli à Wiltz (Grand-Duche de Luxembourg), rue des Tondeurs, 2,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

PUBLIFIN, societe cooperative à responsabilite limitee anciennementdenommee Tecteo, dont le siege social est etabli à Liege, rue Louvrex,95,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

* Les pourvois en cassation sont diriges contre l'arret rendu le 12decembre 2013 par la cour d'appel de Liege.

* Le conseiller Didier Batsele a fait rapport.

* L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation

* A l'appui du pourvoi inscrit au role general sous le numeroC.14.0183.F, les demanderesses presentent deux moyens dans la requeteen cassation jointe en copie certifiee conforme au present arret.

* A l'appui du pourvoi inscrit au role general sous le numeroC.14.0370.F, la demanderesse presente deux moyens dans la requete encassation jointe en copie certifiee conforme au present arret.

* I. La decision de la Cour

* Les pourvois sont diriges contre le meme arret ; il y a lieu deles joindre.

* * Sur le pourvoi inscrit au role general sous le numeroC.14.0183.F :

* Sur le premier moyen :

Quant à la seconde branche :

Aux termes de l'article 2, 20DEG et 21DEG, du decret du conseilregional wallon du 27 juin 1996 relatif aux dechets, au sens de cedecret, on entend par producteur, toute personne dont l'activiteproduit des dechets (producteur initial) et toute personne quieffectue des operations de pretraitement, de melange ou autresconduisant à un changement de nature ou de composition de cesdechets, et par detenteur, toute personne en possession des dechets oules controlant legalement.

L'article 7, S: 1er, du decret dispose qu'il est interdit d'abandonnerles dechets ou de les manipuler au mepris des dispositions legales etreglementaires.

L'article 7, S: 2, du decret dispose que toute personne qui produit oudetient des dechets est tenue d'en assurer ou d'en faire assurer lagestion dans des conditions propres à limiter les effets negatifs surles eaux, l'air, la flore, la faune, à eviter les incommodites par lebruit et les odeurs, d'une fac,on generale, sans porter atteinte ni àl'environnement ni à la sante de l'homme, cette gestion devant, selonl'article 7, S: 3, etre effectuee prioritairement par la valorisationet à defaut par la voie de l'elimination.

Il suit de ces dispositions que l'ignorance de l'existence des dechetsne decharge pas la personne qui les detient de l'obligation d'enassurer ou d'en faire assurer la gestion, prioritairement par leurvalorisation et, à defaut, par leur elimination.

L'arret, qui considere que « les elements avances par [la premieredemanderesse] ne permettent pas d'etablir que [la defenderesse] avaiteffectivement connaissance de la pollution de la parcelle qui ne serarevelee qu'à l'occasion des travaux de creusement du sol » etqu'aucune disposition du decret du 27 juin 1996 « [n'exige] duvendeur qu'il procede, avant la vente, à des analyses du terrain pourtraquer toute pollution eventuelle et faire ensuite proceder sinecessaire à son assainissement », ne justifie pas legalement sadecision que la defenderesse n'a pas meconnu les obligations que luiimpose le decret.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur le second moyen :

Quant à la seconde branche :

L'arret considere que « le dommage dont se plaint [la secondedemanderesse] trouve sa cause unique dans l'imprudence commise par [lapremiere demanderesse], societe immobiliere du groupe Trafic qui, endepit des conseils du notaire [...], n'a pas cru bon de realiser desessais de sol avant de se lancer dans l'acquisition de la parcelle etla construction d'un magasin Trafic à cet endroit », que, « si [lapremiere demanderesse] avait fait proceder à de telles analyses, elleaurait pris conscience de la pollution et aurait des lors, avec [laseconde demanderesse], decide de l'attitude à prendre : retenir cesite ou en choisir un autre », et que « le retard dont se plaint [laseconde demanderesse] dans l'ouverture du magasin de Spa est [...] laconsequence de la legerete commise par [la premiere demanderesse] ».

Contrairement à ce que suppose le moyen, en cette branche, l'arret neconsidere pas que la defenderesse a commis une faute en lien causalavec le dommage dont se plaint la seconde demanderesse.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la premiere branche :

Les motifs vainement critiques par la seconde branche du moyen, d'ouil suit que l'arret considere que la cause unique du dommage dont seplaint la seconde demanderesse est la faute commise par la premieredemanderesse, rendent surabondant le motif critique par le moyen, encette branche.

Le moyen, en cette branche, est, des lors, irrecevable à defautd'interet.

Sur le pourvoi inscrit au role general sous le numero C.14.0370.F :

Sur le premier moyen :

En considerant que « les elements avances par la societe Immobilieresociete nouvelle de distribution ne permettent pas d'etablir que [ladefenderesse] avait effectivement connaissance de la pollution de laparcelle qui ne sera revelee qu'à l'occasion des travaux decreusement du sol (decouverte de goudrons dans une cave enterree) »,l'arret repond aux conclusions de cette partie faisant valoir que ladefenderesse devait connaitre la pollution du site, sans etre tenu derepondre aux arguments presentes à l'appui de ce moyen et neconstituant pas des moyens distincts.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le second moyen :

Quant à la seconde branche :

Pour les motifs indiques en reponse à la seconde branche du premiermoyen invoque à l'appui du pourvoi inscrit au role general sous lenumero C.14.0183.F, le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur les autres griefs :

Il n'y a lieu d'examiner ni la premiere branche du premier moyen dupourvoi inscrit sous le numero de role general C.14.0183.F ni lapremiere branche du second moyen du pourvoi inscrit sous le numero derole general C.14.0370.F, qui ne sauraient entrainer une cassationplus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Joint les pourvois inscrits au role general sous les numerosC.14.0183.F et C.14.0370.F ;

Statuant sur le pourvoi inscrit au role general sous le numeroC.14.0183.F :

Casse l'arret attaque en tant qu'il rejette la demande de la premieredemanderesse contre la defenderesse et qu'il statue sur les depens ;

Statuant sur le pourvoi inscrit au role general sous le numeroC.14.0370.F :

Casse l'arret attaque en tant qu'il rejette la demande en garantie dela demanderesse contre la defenderesse et qu'il statue sur lesdepens ;

Rejette les pourvois pour le surplus ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles,ou siegeaient le president de section Christian Storck, le conseillerDidier Batsele, les presidents de section Albert Fettweis et MartineRegout et le conseiller Sabine Geubel, et prononce en audiencepublique du huit septembre deux mille seize par le president desection Christian Storck, en presence de l'avocat general ThierryWerquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Regout |
|-----------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

Requete

Requete en cassation

Pour : la societe anonyme de droit luxembourgeois BeneluxMasterBuilders, en abrege BMB, immatriculee au registre du commerce deLuxembourg sous le nDEG B58818, dont le siege social est etabli àL-9470 Wiltz (Grand-Duche de Luxembourg), rue des Tondeurs, 2,

demanderesse en cassation,

assistee et representee par Me John Kirkpatrick, avocat à la Cour decassation soussigne, dont le cabinet est etabli à 1000 Bruxelles,boulevard de l'Empereur, 3, ou il est fait election de domicile,

Contre : la societe cooperative intercommunale à responsabilitelimitee Publifin, anciennement denommee Tecteo, inscrite à la BCEsous le nDEG 0204.245.277, dont le siege social est etabli à 4000Liege, rue Louvrex, 95,

defenderesse en cassation.

* * *

A Messieurs les Premier President et Presidents, à Mesdames etMessieurs les Conseillers composant la Cour de cassation.

Messieurs,

Mesdames,

La demanderesse a l'honneur de soumettre à votre censure l'arret dela cour d'appel de Liege du 12 decembre 2013 (7eme chambre, RGnDEG 2010/RG/1957 et nDEG 2012/RG/154), rendu contradictoirement entrela demanderesse, la SA Immobiliere Societe Nouvelle de Distribution(en abrege ISND), la SA Tradinoord et Me P.-Y. E.

Les faits et antecedents de la cause, tels qu'ils ressortent despieces de la procedure auxquelles votre haute juridiction peut avoiregard, sont les suivants.

1. La defenderesse, societe cooperative intercommunale àresponsabilite limitee, denommee Tecteo jusqu'au 20 juin 2014, setrouve aux droits et obligations de la societe cooperativeintercommunale à responsabilite limitee Association Liegeoise du Gaz(ci-apres ALG) qu'elle a absorbee par acte du 22 decembre 2010.

Le 3 juin 1960, ALG a achete à la Ville de Spa un vaste terrain surlequel la Ville exploitait depuis 1924 une usine à gaz de ville quietait stocke dans des gazometres.

Une partie de ce terrain fut vendue en 2003 à la societe Aldi qui yfit eriger un magasin à cette enseigne. L'autre partie de ce terrain,moins une petite parcelle enclavee que ALG se reservait pour ydeplacer ses installations, a fait l'objet des deux contratssuivants :

(a) Le premier contrat, dit de « promotion/vente », a ete conclu le26 avril 2006 entre BMB et la SA Tandimo qui exploite les magasins àl'enseigne « Trafic ».

Aux termes de ce contrat, la demanderesse « s'engage à faireexecuter pour le compte de l'acheteur (...) les travaux relatifs à laconstruction d'une surface commerciale » (article 1er), le « prix devente » de 999.500 EUR, hors frais, taxes et TVA, « representantles points suivants : - terrain libre de toutes charges hypothecairesgeneralement quelconques et de toutes infractions aux legislationsressortissant du droit public immobilier (absence de dechets, absencede pollution incompatible avec la destination commerciale projetee,absence d'infraction urbanistique, ...) ; - construction d'un batimentde 1.500 m^2 brut (...) ; parkings (...) » (article 3) ; « lepromoteur assume la responsabilite de la bonne fin du projet et de lagarantie du prix ferme et definitif » (article 9).

Par un avenant à ce contrat de promotion/vente, date du 28 mars 2007,il fut convenu que la SA ISND sera subrogee dans les droits etobligations de Tandimo decoulant du contrat de promotion/vente.

(b) Le second contrat est le contrat de vente du terrain par ALG àISND, au prix de 164.000 EUR. L'acte authentique de vente fut passedevant les notaires E. et W. le 12 avril 2007.

L'acte de vente contenait la clause suivante quant à l'etat du bien :

« Le bien est vendu tel qu'il se trouvait et s'etendait dans son etatau 26 avril 2006, bien connu de l'acquereuse qui declare l'avoirvisite et avoir pris toute information quant à sa situation, son etatet son affectation.

La venderesse s'engage à deplacer à ses frais et sous saresponsabilite l'installation au gaz et les infrastructures existantesau plus tard pour le 30 juin 2007 vers la parcelle reservee par elle(...).

Le bien est egalement vendu sans aucune garantie quant à la nature età la qualite du sol et du sous-sol et quant au developpement de lafac,ade à front de la voie publique ; l'acquereuse renonc,antexpressement à tout recours contre la venderesse, fonde notamment surles articles 1641 et 1643 du Code civil, sauf dol ou connaissance d'unvice cache ou de remblais par la venderesse. A cet egard, elle declarequ'à sa connaissance le bien n'est affecte d'aucun vice cache et necomporte pas de remblais ».

2. Les travaux debuterent en septembre 2007, l'entrepreneur etant lasociete TTI Construct.

Le 20 septembre 2007, une employee de la ville de Spa presente lors dudeplacement d'un egout public constata la presence dans le sol d'unesubstance goudronneuse. Elle avertit la Division de la Police del'Environnement (DPE) qui fit cesser les travaux et analyser laditesubstance.

Le 8 aout 2007, la DPE fit savoir à ISND en sa qualite deproprietaire du terrain que les analyses ont revele la presenceimportante de goudrons et de cyanure et que l'introduction d'un plande rehabilitation du site s'imposait d'urgence, sur la base del'article 42 du decret de la Region wallonne du 27 juin 1996 sur lesdechets, un delai de trois mois etant accorde.

Ledit article, abroge depuis lors par le decret wallon du 5 decembre2008 relatif à la gestion des sols, disposait :

« (...) lorsque la presence de dechets en un endroit suscite undanger mettant en peril l'homme ou l'environnement, et si le detenteurrefuse d'obtemperer aux instructions du fonctionnaire charge de lasurveillance, le bourgmestre, d'office ou sur rapport du fonctionnairecharge de la surveillance : 1DEG ordonne l'arret total de l'activite(...) ; 2DEG impose au detenteur des dechets d'introduire un plan derehabilitation (...) ».

ISND fit appel à une societe de depollution, la sprl Universoil, quilui remit, le 6 fevrier 2008, un rapport sur un plan de rehabilitationdu site, le cout de la remise en etat etant evalue à 467.493 EUR horsTVA.

Entre-temps, le 22 octobre 2007, la Ville de Spa avait donne l'ordreà TTI Construct de cesser le chantier tant que la dixieme conditionfixee dans le permis d'urbanisme, qui etait relative à la deviationde l'egout public, n'etait pas respectee.

3. Par exploits du 19 decembre 2007, ISND cita la demanderesse et ALGdevant le tribunal de commerce de Liege en vue d'obtenir :

- la resolution de la convention de promotion/vente du 26 avril 2006et la condamnation de la demanderesse à lui rembourser les sommesversees en execution de ce contrat ;

- la resolution du contrat de vente du terrain du 12 avril 2007 et lacondamnation de ALG au remboursement des sommes versees en executionde ce contrat ;

- la condamnation de la demanderesse et de ALG à lui payer un euro àtitre provisionnel en indemnisation de toutes les consequencesdommageables resultant de la resolution de ces contrats, une expertiseetant demandee pour evaluer ce dommage.

Par exploit du 6 juin 2008, ISND cita le notaire E. en declaration dejugement commun.

Le 28 janvier 2009, la SA Tradinoord, societe liee à ISND, qui allaitexploiter le magasin Trafic, intervint volontairement à la cause,pour obtenir la reparation de son propre prejudice.

Par conclusions, ISND et Tradinoord demanderent à titre subsidiairela condamnation de la demanderesse à l'execution de la convention depromotion/vente dans les trois mois de la signification du jugement àintervenir, sous peine d'une astreinte par jour de retard.

La demanderesse forma une demande reconventionnelle contre ISND,tendant à faire condamner celle-ci à lui payer à titre provisionnelune somme de 85.000 EUR pour couvrir les frais d'augmentation du prixdes materiaux, dans l'hypothese ou la poursuite de la convention depromotion/vente serait ordonnee, ou une somme de 250.000 EUR pourcouvrir sa perte de profit, dans l'hypothese ou la convention seraitresolue.

La demanderesse forma contre ALG et le notaire E. une demande engarantie de toutes sommes qu'elle serait condamnee à payer à ISND.

Par jugement du 10 mars 2010, le tribunal de commerce estima, dans sesmotifs, que la demanderesse avait expressement garanti la bonne fin ducontrat de promotion/vente ; que ISND etait en droit de croire que leterrain acquis avait fait l'objet de toutes les analyses prealablesnecessaires ; que la garantie de prix donnee par la demanderesseimpliquait qu'elle devait couvrir le cout de la depollution du site ;qu'il n'existait à ce stade « aucun motif de la dispenser d'uneexecution ponctuelle des obligations claires, precises etinconditionnelles du contrat », sous la reserve de l'element suivant,« de nature à intervenir, de maniere reduite, dans l'execution ducontrat », à savoir « le probleme du respect par ISND desimpositions faites par la Ville de Spa dans le cadre de la delivrancedu permis » (c'est-à-dire la condition relative au deplacement del'egout public).

Le tribunal ordonna des lors la reouverture des debats afin depermettre aux parties de verser au dossier les pieces utiles relativesà ce probleme et pour permettre à Tradinoord de justifier de laqualite dans laquelle elle intervient et des relations contractuellesqui existent entre elle et ISND.

4. La demanderesse interjeta appel par une premiere requete du 14decembre 2010, dirigee contre ISND (cause nDEG 2010/RG/1957) et parune seconde requete du 31 janvier 2012 dirigee contre ISND,Tradinoord, Tecteo (venue aux droits et obligations de ALG) et Me E.(cause nDEG 2012/RG/154).

Par l'arret attaque, la cour d'appel ordonne la jonction des causesintroduites par les deux requetes d'appel et constate que ISND nedemande plus la resolution du contrat de vente.

La cour d'appel decide que l'action de ISND contre la demanderessetendant à l'execution forcee de la convention de promotion/vente estfondee, sans qu'il y ait lieu à partage de responsabilite entre ISNDet la demanderesse ; condamne la demanderesse à executer le plan derehabilitation/assainissement impose par la Region wallonne le 30avril 2014 au plus tard ; condamne la demanderesse à realiser ensuitela construction du magasin Trafic et les amenagements tels que prevuspar la convention de promotion/vente dans les delais prevus parl'article 6 du contrat, calcules à dater du 1er mai 2014 ; remet lacause au 15 mai 2014 afin de verifier si le premier delai a eterespecte et dans la negative, d'entendre ISND et la demanderesse surl'opportunite des astreintes postulees par ISND ; reserve à statuersur l'opportunite de la demande d'astreinte en ce qui concerne lesecond delai ; dit que BMB sera autorisee à facturer ses prestationsà concurrence de 525.528,59 EUR (soit la difference entre le prix de999.500 EUR fixe à la convention de promotion/vente et 473.973,41EUR, representant le total des sommes dejà payees par ISND enexecution de cette convention et des sommes payees par ISND àUniversoil).

La cour d'appel deboute Tradinoord de sa demande contre lademanderesse.

La cour dit non fondees toutes les actions dirigees contre ladefenderesse. Elle estime qu'il n'est pas etabli que ALG aurait commisun dol incident à l'occasion du contrat de vente du terrain à ISND,laquelle ne prouve pas que ALG connaissait effectivement l'existencede la pollution au moment de passer l'acte et a sciemment dissimulecette information ; que ALG n'a pas meconnu la legislation wallonnerelative aux dechets, n'ayant aucune obligation de proceder avant lavente à des analyses du terrain « pour traquer toute pollutioneventuelle et faire ensuite proceder si necessaire à sonassainissement » ; que ALG a respecte son obligation de delivrer un« terrain à batir au vu de sa situation urbanistique ».

La cour dit egalement non fondee toutes les actions dirigees contre lenotaire E.

La cour d'appel reserve à statuer sur le surplus et sur les depens.

5. Cet arret a fait l'objet d'un premier pourvoi en cassationintroduit par ISND et Tradinoord contre Tecteo. Ces parties critiquentl'arret en tant qu'il les a deboutees de leurs demandes contre Tecteoet font valoir deux moyens de cassation : le premier fait grief àl'arret d'avoir decide que ALG n'a pas meconnu la legislation wallonnerelative aux dechets et le second critique la decision par laquellel'arret a deboute Tradinoord de sa demande contre Tecteo.

Le present pourvoi critique l'arret en tant qu'il a deboute lademanderesse de sa demande contre la defenderesse (anterieurementdenommee Tecteo).

Il fait valoir deux moyens.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

I. Disposition legale dont la violation est invoquee.

Article 149 de la Constitution.

II. Decision et motif critiques.

Apres avoir constate les faits suivants : ALG (aux droits de laquellese trouve la defenderesse) a acquis de la Ville de Spa, le 3 juin1960, un terrain sur lequel la Ville exploitait depuis 1924 une usineà gaz de ville et stockait du gaz de ville dans des gazometres ; paracte authentique du 12 avril 2007, ALG a vendu ce terrain à laSA ISND ; le contrat de vente contenait la clause suivante : « Lebien est (...) vendu sans aucune garantie quant à la nature et à laqualite du sol et du sous-sol (...) ; l'acquereuse renonc,antexpressement à tout recours contre la venderesse, fonde notamment surles articles 1641 et 1643 du Code civil, sauf dol ou connaissance d'unvice cache ou de remblais par la venderesse. A cet egard, elle declarequ'à sa connaissance le bien n'est affecte d'aucun vice cache et necomporte pas de remblais »; ce terrain avait auparavant fait l'objetd'un autre contrat dit de « promotion/vente », conclu en avril 2006entre la demanderesse et la SA Tandimo aux droits de laquelle setrouve subrogee ISND ; par ce contrat, la demanderesse s'engageait àfaire executer sur ce terrain « pour le compte de l'acheteur » lestravaux relatifs à la construction d'une surface commerciale pour unprix ferme et definitif incluant le terrain « libre de toutes chargeshypothecaires generalement quelconques et de toutes infractions auxlegislations ressortissant du droit public immobilier (absence dedechets, absence de pollution incompatible avec la destinationcommerciale projetee, absence d'infraction urbanistique, ...) et laconstruction du batiment et des parkings ; apres le debut des travaux,lors d'une visite liee au deplacement d'un egout public, on constatala presence dans le sol d'une substance goudronneuse qui fit l'objetd'analyses ; celles-ci revelerent la presence importante de goudronset de cyanure ; la Division de la Police de l'Environnement de laRegion wallonne avertit ISND, en tant que proprietaire du terrain,qu'il lui appartenait, sur pied de l'article 42 du decret du 27 juin1996 relatif aux dechets, d'introduire un plan de rehabilitationaupres de l'Office wallon des dechets ; ISND fit evaluer le cout de laremise en etat du terrain par la sprl Universoil, societe specialiseeen depollution ; celle-ci evalua ce cout à 467.493 EUR hors TVA,

et apres avoir decide que la responsabilite contractuelle de lademanderesse est engagee à l'encontre de ISND ; que la demanderessedoit des lors prendre en charge les travaux de depollution du site,executer le plan de rehabilitation/assainissement impose par la Regionwallonne et ensuite realiser la construction du magasin et lesamenagements prevus dans la convention de promotion/vente du 26 avril2006,

l'arret attaque deboute la demanderesse de sa demande formee contre ladefenderesse, tendant à la condamnation de cette derniere à lagarantir de toutes condamnations au benefice de ISND, et en outre àlui payer une somme provisionnelle de 85.000 EUR en indemnisation deson dommage resultant de la majoration du prix des materiaux deconstruction.

III. L'arret fonde cette decision sur les motifs suivants :

IV. L'action en garantie de la demanderesse contre Tecteo depend,selon les conclusions de la demanderesse, de la question desavoir si ALG savait qu'il y avait une pollution du sol : si ALGle savait, elle a commis non seulement un dol vis-à-vis de ISNDmais egalement une faute quasi delictuelle à l'encontre de lademanderesse. « Or il a ete demontre [voir motifs citesci-apres] qu'il n'est pas etabli que (ALG) n'avait pasconnaissance (lire : avait connaissance) de la pollution duterrain au moment de la vente et (la demanderesse) n'apporte àcet egard aucun element de preuve complementaire » (arret, p.25).

V. Certes, « les rapports etablis par Universoil confirment que lacontamination du site par le cyanure, les HAP et les huilesminerales est liee, d'une part, aux activites exercees sur le sitedepuis le debut du XXeme siecle (usine à gaz) et, d'autre part,à l'etalement sur le site de remblais de mauvaise qualiteprovenant de la destruction des infrastructures anciennementexploitees (...) ; l'acte d'acquisition (...), date du 3 juin1960, evoque 'l'usine à gaz de la ville' et les `installationsgazometriques' vendues par la Ville de Spa ; ISND etablit par lespieces de son dossier que du gaz de ville a ete produit sur lesite apparemment depuis 1924 (voir le permis d'exploitationdelivre à la societe Gaz Franco-belge pour etablir `une chaudiereà vapeur à son usine de Spa') » (arret, p. 14).

VI. « Tecteo observe toutefois que la production de gaz de villen'implique pas necessairement une pollution du sol, `car si cettepollution est certes caracteristique de anciennes usines deproduction du gaz de ville, toutes ces anciennes usines n'en sontpas forcement affectees. La nuance est importante. Les substancescontaminantes ne deviennent polluantes qu'à partir de certainesconcentrations qui ne sont pas forcement depassees' (...) ; ISNDne produit aucun element qui contredit cette affirmation. Tecteoajoute `qu'au moment ou ALG l'a acquis, il n'y avait plus de gazde ville produit dans cette ancienne usine' (...) et que (ALG)n'a fait qu'y stocker du gaz de ville entre 1960 et 1973 (...),date de l'arrivee du gaz naturel à Spa (...) » (arret, p. 14).

VII. « Ces differents elements objectifs valident la these defenduepar Tecteo. (...) les elements de preuve avances par ISND nepermettent pas d'etablir que (ALG) avait effectivementconnaissance de la pollution de la parcelle qui ne sera reveleequ'à l'occasion du creusement du sol (decouverte de goudronsd'une cave enterree) » (arret, p. 15-16).

VIII. IX. Grief

X. Dans ses conclusions de synthese d'appel prises conjointement avecla SA Tradinoord en vue de l'audience d'introduction du 21 fevrier2012 dans les causes 2012/RG/154 et 2010/RG/1957, ISND faisaitvaloir que ALG etait de mauvaise foi lorsqu'elle avait declaredans l'acte de vente du terrain du 12 avril 2007, contenant uneclause d'exoneration de sa garantie quant à l'etat du sol et dusous-sol, « qu'à sa connaissance le bien n'est affecte d'aucunvice cache », car il resulte des circonstances de la cause queALG « savait que le bien etait affecte d'un vice, soit lapollution constatee » (lesdites conclusions, p. 39).

XI. Pour etablir que ALG savait que le bien vendu etait pollue, ISNDse fondait sur les deux elements suivants :

XII. 1) L'intercommunale ALG a ete creee en 1947 à l'initiative dequatorze communes de la Province de Liege. La Ville de Spas'affilie à ALG des 1948, « ce qui implique qu'au sein duconseil d'administration de ALG siege un conseiller communal dela Ville de Spa, laquelle exploite sur le site jusqu'au 1960l'usine à gaz concernee ». « Comment ALG peut-elle pretendretout ignorer de la pollution alors meme qu'elle integre dans sonconseil d'administration depuis 1948 un representant duproprietaire du site - la Commune de Spa - qui connaitl'activite exercee et les procedes de la purification du gaz dehouille qui impliquent que soient stockes les produits enderivant (goudron, cyanure, gaz distille) depuis le debut duXXeme siecle » (lesdites conclusions, p. 42). « Les procedesde fabrication du gaz de ville, lesquels imposent le stockage deproduits derives tels que HAP, goudron, cyanure, ... sont bienconnus des exploitants d'usines à gaz, tels la Ville de Spa etALG ensuite. ALG ne peut raisonnablement pretendre ignorer lapollution generee par une activite qui etait exercee par laCommune de Spa faisant partie de l'intercommunale » (lesditesconclusions, p. 43).

XIII. 2) « ALG a demoli la majeure partie des installations (...).Les zones polluees se situent precisement aux endroits ou lapollution presente le degre le plus eleve de concentration.Comment des lors pretendre (...) ne pas l'avoir constate dansla mesure ou il s'agit d'une pollution coloree et odorante queles travaux de demolition ont necessairement mise en evidence ?L'allegation de ALG selon laquelle `il s'agissait exclusivementde demolir des installations existantes, travaux quin'impliquaient absolument aucune excavation, ni mememodification sensible du relief du sol' laisse perplexe (...).La destruction d'un gazometre et sa desaffectation (sont)impossible(s) sans excavation et modification sensible durelief du sol. (...) Il s'agissait de gazometres partiellemententerres dont les traces sont encore visibles par photoaeriennes en annexe desquelles on peut d'ailleurs lireàncienne excavation' (piece 33, p. 6-7-8) (...). Il ne s'agitaucunement d'une pollution inodore et/ou incolore mais bien,conformement au rapport d'Universoil, d'une pollutioncaracterisee et identifiable lors de travaux, particulierementpour une professionnelle du gaz, telle ALG (...). Il s'agit eneffet (...) `d'une couleur verte, signe eventuel d'unecontamination en cyanures' ; `de terrains satures d'unesubstance goudronnee à forte odeur de carbonyle ou de solvantsau naphtalene'. ALG tente maladroitement de faire croirequ'elle n'a pas vu cette couleur verte et/ou qu'elle n'a passenti cette forte odeur, alors qu'elle a effectue des travauxde demolition dans la zone precise ou le plus grand taux depollution a ete constate » (lesdites conclusions, p. 43).

XIV. L'arret attaque ne rencontre pas les moyens precites desconclusions de INSD selon lesquels ALG devait connaitre lapollution du site des lors qu'elle avait dans son conseild'administration un representant de la Ville de Spa qui avaitexploite l'usine à gaz de ville en tout cas jusqu'en 1960(moment ou elle a vendu le site à ALG) et qui connaissait lesprocedes de purification du gaz imposant le stockage de produitspolluants tels des goudrons et du cyanure, et des lors que ALGavait elle-meme demoli des gazometres partiellement enterres(travaux impliquant necessairement des excavations) aux endroitsou la pollution est la plus concentree et qu'elle n'a pas pu nepas se rendre compte de la presence de la pollution coloree etfortement odorante. L'arret n'est des lors pas regulierementmotive (violation de l'article 149 de la Constitution).

XV. XVI. OBSERVATION

XVII. Une partie est recevable à invoquer, à l'appui de sonpourvoi, un defaut de reponse aux conclusions d'une autrepartie lorsque la solution de la contestation soulevee par cesconclusions presente le meme interet pour la solution du litigeentre le demandeur en cassation et le defendeur en cassation(Cass. 4 novembre 1999, Pas., I, nDEG 589 ; Cass. 5 avril 2000,Pas., nDEG 225 ; Cass. 11 octobre 2000, Pas., nDEG 537).

XVIII. C'est le cas en l'espece.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Dispositions legales et principe general du droit dont la violationest invoquee

- article 149 de la Constitution ;

- articles 1382 et 1383 du Code civil ;

- articles 2, specialement 1DEG, 20DEG et 21DEG ; 7, S:S: 1 à 3, 51et 52 du decret du Conseil regional wallon du 27 juin 1996 relatif auxdechets (I'article 2, 1DEG tel qu'il etait en vigueur avant l'entreeen vigueur du decret du 10 mai 2012 ; I'article 2, 20DEG et 21DEG telque modifie par le decret du 11 mars 1999 et avant sa modification parle decret du 10 mai 2012 ; les articles 7, S:S: I à 3 et 51 et 52dans leur version anterieure à I'entree en vigueur du decret du 22mars 2007 publie le 24 avril 2007 modifiant ledit article 7 et dudecret du 5 juin 2008 modifiant lesdits articles 51 et 52) ;

- articles 1, 8 et 15 de la directive 75/442/CEE du Conseil du 15juillet 1975 relative aux dechets (telle que modifiee par la directive91/156/CEE du Conseil du 18 mars 1991) et annexe I à laditedirective sub Q 4 ;

- articles 1, 8 et 15 de la directive 2006/12/CE du Parlement europeenet du Conseil du 5 avril 2006 relative aux dechets (telle qu'elleetait en vigueur avant son abrogation par la directive 2008/98/CE duParlement europeen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative auxdechets et abrogeant certaines directives) ;

- principe general du droit de la primaute du droit communautaire surtoutes les normes nationales.

Decision et motifs critiques

Apres avoir fait les constatations enoncees dans le premier moyen,

et apres avoir decide que la demanderesse « est contractuellementtenue à l'egard de ISND de prendre en charge les travaux dedepollution du site » (arret, p. 11), des lors qu'elle s'etaitengagee à transferer à ISND un terrain exempt de toute infractionaux legislations ressortissant du droit public immobilier,c'est-à-dire une absence de dechets et une absence de pollutionincompatible avec la destination commerciale projetee ; quel'administration de la Region wallonne a arrete les travaux en raisonde la presence d'une pollution constituee de cyanure et de goudrons ;que « la pollution constatee relevait (...) de la reglementationwallonne sur les dechets, conformement aux principes degages par laCour de justice europeenne dans son arret Vandewalle (affaire C-1/03)du 7 septembre 2004 » qui a « dit pour droit que `des hydrocarburesdeverses de fac,on non intentionnelle et à l'origine d'une pollutiondes terres et des eaux souterraines sont des dechets, au sens del'article 1er, sous a), de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15juillet 1975, relative aux dechets, telle que modifiee par ladirective 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991. Il en va de memepour des terres polluees par des hydrocarbures, y compris lorsque cesterres n'ont pas ete excavees' » ; que « c'est d'ailleurs sur basede l'article 42 du decret du 27 juin 1996 relatif aux dechets qu'enl'espece, un plan de rehabilitation a ete impose par la Regionwallonne à ISND » (arret, p. 10),

l'arret attaque deboute la demanderesse de sa demande contre ladefenderesse qui tendait à la garantir de toutes condamnationsprononcees à sa charge au benefice de ISND, en raison d'une fautequasi delictuelle reprochee à AGL lors de la vente du terrain.

Pour decider que ALG n'a commis aucune faute en vendant à ISND leterrain pollue, sur lequel la demanderesse s'etait engagee àconstruire une surface commerciale, l'arret attaque se fonde sur lemotif suivant :

« Certes, en vertu de l'article 7, S: 1er, du decret wallon du 27juin 1996, ` il est interdit d'abandonner, de rejeter ou de manipulerles dechets au mepris des dispositions legales et reglementaires'.Mais ni cette disposition ni aucune autre n'exigent du vendeur qu'ilprocede, avant la vente, à des analyses du terrain pour traquertoute pollution eventuelle et faire ensuite proceder si necessaire àson assainissement » (arret, p. 16-17).

Griefs

Premiere branche

ISND avait fait valoir dans ses conclusions de synthese d'appel prisesconjointement avec la SA Tradinoord le moyen suivant :

« La Cour notera (...) les principes degages dans (Iedit) arret deprincipe Vandewalle : ` l'article 15 de la directive 75/442 prevoitque, conformement au principe du pollueur-payeur, le cout deI'elimination des dechets doit etre supporte par le detenteur quiremet les dechets à un operateur, charge de les eliminer et/ou parles detenteurs anterieurs ou par le producteur du produit generateurde dechets (...)'. En I'espece, il n'est pas contestable queI'activite d'usine à gaz est à l'origine de la pollution constateeet notamment la presence en HAP et cyanure, lesquels constituent desresidus de la production de gaz de ville. Cette activite a ete exerceepar la Ville de Spa, commune affiliee à ALG et par ALG par la suite.Ces dechets etaient stockes par la Ville de Spa d'abord et par ALGensuite, cette derniere les ayant etendu sur le site ensuite destravaux de destruction. Le pollueur est incontestablement ALG. Dansces conditions, la legislation relative aux dechets impose à ALGd'assainir le terrain avant la vente de celui-ci. L'article 7, S: 1erdu decret du 27 juin 1996 relatif aux dechets dispose en effet commesuit : `S: 1er. Il est interdit d'abandonner les dechets ou de lesmanipuler au mepris des dispositions legales reglementaires. S: 2.Toute personne qui a produit ou detient des dechets, est tenue d'enassurer ou d'en faire assurer la gestion dans des conditions propresà limiter les effets negatifs sur les eaux, I'air, le sol, la flore,la faune, à eviter les incommodites par le bruit et les odeurs et,d'une fac,on generale, sans porter atteinte ni à l'environnement nià la sante de l'homme. S: 3. La gestion est effectuee prioritairementpar la voie de la valorisation et à defaut par la voie del'elimination. S: 4. Afin de realiser une gestion conforme auxprescrits des S:S: 1er à 3, les producteurs et detenteurs de dechetssont tenus d'adapter les modes de production et/ou de conditionnementdes dechets. S: 5. Les dechets sont soit geres par le producteur desdechets, soit cedes à une personne agreee ou enregistree pour lesgerer, soit cedes à un etablissement autorise ou declare pour lesgerer'. En l'espece, ALG ne fournit pas d'autorisation etablissantqu'elle etait habilitee à gerer des dechets sur ce terrain. En outre,les dechets presents dans le sous-sol du terrain litigieux contenantnotamment du cyanure, presentent un danger pour la sante de l'homme etpour l'environnement. ALG s'est donc rendue coupable d'abandon dedechets au mepris de dispositions legales et reglementaires, d'unepart, et elle n'en a pas assure la gestion, c'est-à-dire en l'especeI'assainissement, contrairement à I'article 7, S: 2, du decret du 27juin 1996 qui la contraignait à le faire. S'agissant d'une violationreglementaire particuliere grave et prejudiciable à l'environnementet à l'homme, ALG a adopte un comportement dont se serait garde touthomme normalement prudent et diligent, ce qui constitue une violationde l'obligation generale de prudence qui s'impose à tous, soit unefaute extracontractuelle » (lesdites conclusions, p. 46-47).

L'arret attaque ne repond pas au moyen precite des conclusions d'ISNDen tant qu'elles formulaient à l'encontre d'ALG un double griefd'abandon de dechet et de defaut de gestion des dechets. L'arretattaque n'est des lors pas regulierement motive (violation deI'article 149 de la Constitution).

Seconde branche

1. Constituent des dechets au sens des directives 75/442/CEE duConseil du 15 juillet 1975 et 2006/12/CE du Parlement europeen et duConseil du 5 avril 2006 relatives aux dechets, « toute substance outout objet qui releve des categories figurant I'annexe 1 » de cettedirective, « dont le detenteur se defait ou dont il a l'intention ouI'obligation de se defaire » (art. 1er, a, de la directive 75/442/CEEet art. 1er, a, de la directive 2006/12/CE), I'annexe 1 mentionnant àson point Q 4 les matieres « accidentellement deversees, perdues ouayant subi tout autre incident, y compris toute matiere, equipement,etc., contaminees par suite de I' incident en question ». Aux termesde I'article 1er, c, de la directive 75/442/CEE et de la directive2006/12/CE, constitue un « detenteur » de dechets « le producteurdes dechets ou la personne physique ou morale qui a les dechets en sapossession ».

Il ressort de l'arret de la Cour de justice des Communauteseuropeennes du 7 septembre 2004 dans l'affaire C-1/103 que des terrespolluees par des hydrocarbures constituent des dechets meme s'ils ontete deverses de fac,on non intentionnelle, le detenteur de ces dechetsetant la personne qui en a la possession « c'est-à-dire leproprietaire ou le detenteur ».

Les dispositions precitees de la directive 75/442/CEE sont transposeespar l'article 2, specialement 1DEG, 20DEG et 21DEG, du decret duConseil regional wallon du 27 juin 1996 relatif aux dechets. II enresulte que le proprietaire d'un terrain pollue, fut-ceaccidentellement, est, au regard de la legislation wallon relative auxdechets, le detenteur des dechets constitues par les terres pollueesmeme s'il en ignorait l'existence.

2. Aux termes de I'article 7, S: 1er, du decret du Conseil regionalwallon du 27 juin 1996, « il est interdit d'abandonner desdechets ». L'article 7, S: 2, du meme decret impose à toute personnequi produit ou detient des dechets « d'en assurer ou d'en faireassurer la gestion » dans les conditions qu'il precise, cette gestiondevant, selon I'article 7, S: 3, « etre effectuee prioritairement parla valorisation et à defaut par la voie de I'elimination » (cesdispositions transposent les articles 8 et 15 des directives visees aumoyen).

Tout manquement à I'article 7, S:S: 1er et 2, du decret du 27 juin1996 est penalement sanctionne (art. 51 et 52 de ce decret).

Hors le cas d'une ignorance invincible ou d'une autre cause dejustification, le proprietaire d'un terrain pollue se rend coupabled'infraction à I'article 7, S:S: 1 à 3, du decret du 27 juin 1996s'il abandonne les dechets qui affectent ce terrain et n'en assure pasou n'en fait pas assurer la gestion, meme s'il ne connaissait pas leurexistence.

3. Tout manquement à une norme imposant un comportement determine - afortiori penalement sanctionnee - constitue une faute au sens desarticles 1382 et 1383 du Code civil.

4. L'arret attaque constate que le terrain litigieux etait pollue. Enrevanche, il ne constate pas que la venderesse de ce terrain, ALG, auxdroits et obligations de laquelle se trouve la defenderesse, auraitete sous I'emprise d'une ignorance invincible ou d'une autre cause dejustification. Il n'a des lors pas pu legalement decider que ALG n'acommis aucune faute lors de la vente au motif que ni I'article 7 dudecret wallon du 27 juin 1996 ni aucune autre disposition n'exigentque le vendeur procede avant la vente à des analyses de son terrainpour traquer toute pollution et faire ensuite proceder si necessaireà son assainissement (violation de toutes les dispositions legalescitees en tete du moyen, à l'exception de l'article 149 de laConstitution, et, pour autant que de besoin, violation du principegeneral du droit vise en tete du moyen).

5. A tout le moins, I'arret attaque ne comporte pas dans ses motifs laconstatation de fait devant permettre à la Cour d'exercer soncontrole de legalite au regard des dispositions du Code civil, dudecret du 27 juin 1996 et de la directive 75/442/CEE visees au moyen.

L'arret attaque n'est donc pas regulierement motive (violation deI'article 149 de la Constitution).

OBSERVATIONS

Dans ses conclusions d'appel, la demanderesse avait fait valoir, àl'appui de sa demande en garantie contre la defenderesse, que celle-ciavait commis une faute quasi delictuelle (un dol incident) endeclarant faussement qu'à sa connaissance le bien vendu à ISNDn'etait pas affecte d'un vice cache, alors qu'elle savait que leterrain etait pollue. La demanderesse n'avait pas fait valoir, commel'a fait ISND à l'appui de sa demande de dommages et interets contrela defenderesse, que celle-ci avait commis une autre faute quasidelictuelle en ne respectant pas la legislation wallonne sur lesdechets (qui, selon l'arret, n'oblige pas le proprietaire d'un terrainà proceder avant la vente à des analyses du terrain pour traquertoute pollution eventuelle et faire ensuite proceder à sonassainissement si necessaire). La demanderesse est neanmoins recevableà critiquer la decision de l'arret sur ce point, car le juge doitappliquer le droit aux faits qui lui sont soumis et trancher le litigeconformement aux normes de droit applicable.

Quant à la premiere branche du moyen, la demanderesse se refere àl'observation qui suit le premier moyen de cassation.

par ces moyens et ces considerations,

XIX. L'avocat à la Cour de cassation soussigne, pour lademanderesse, conclut qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames,casser l'arret attaque en tant qu'il deboute la demanderesse desa demande contre la defenderesse ; ordonner que mention soitfaite de votre arret en marge de la decision partiellementannulee ; renvoyer la cause ainsi limitee et les parties devantune autre cour d'appel ; depens comme de droit.

Bruxelles, le 14 aout 2014

J. Kirkpatrick

Requete nDEG C.14.0183.F : Version electronique non disponible.

8 SEPTEMBRE 2016 C.14.0183.F-

C.14.0370.F/6

Requete/20


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.14.0183.F
Date de la décision : 08/09/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-09-08;c.14.0183.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award