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08/09/2016 | BELGIQUE | N°C.11.0455.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 septembre 2016, C.11.0455.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

* N° C.11.0455.F

* COMMUNAUTÉ FRANÇAISE DE BELGIQUE, représentée par son gouvernement, enla personne du ministre de l'Enseignement obligatoire et de promotionsociale, dont le cabinet est établi à Bruxelles, place Surlet deChokier, 15-17,

* demanderesse en cassation,

* représentée par Maître Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106,où il est fait élection de domicile,

* contre

* A D,

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* représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, ave...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

* N° C.11.0455.F

* COMMUNAUTÉ FRANÇAISE DE BELGIQUE, représentée par son gouvernement, enla personne du ministre de l'Enseignement obligatoire et de promotionsociale, dont le cabinet est établi à Bruxelles, place Surlet deChokier, 15-17,

* demanderesse en cassation,

* représentée par Maître Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106,où il est fait élection de domicile,

* contre

* A D,

défenderesse en cassation,

* représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149,où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour

* Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 17 mai 2011par le Conseil d'État, section du contentieux administratif.

* Le 26 juillet 2016, l'avocat général Thierry Werquin a déposé desconclusions au greffe.

* Le président de section Christian Storck a fait rapport et l'avocatgénéral Thierry Werquin a été entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- articles 13, 144, 145, 158 et 159 de la Constitution ;

- articles 7, 14 et 28 des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12janvier 1973 ;

- articles 158, 159 et 164 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 fixant lestatut des membres du personnel directeur et enseignant, du personnelauxiliaire d'éducation, du personnel paramédical des établissementsd'enseignement gardien, primaire, spécial, moyen, technique, artistique etnormal de l'État, des internats dépendant de ces établissements et desmembres du personnel du service d'inspection chargé de la surveillance deces établissements ;

- article 9 de l'arrêté royal du 18 janvier 1974 pris en application del'article 164 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 fixant le statut desmembres du personnel directeur et enseignant, du personnel auxiliaired'éducation, du personnel paramédical des établissements d'enseignementgardien, primaire, spécial, moyen, technique, artistique et normal del'État, des internats dépendant de ces établissements et des membres dupersonnel du service d'inspection chargé de la surveillance de cesétablissements, tel qu'il était en vigueur au moment où la défenderessedevait être mise en disponibilité, avant sa modification par l'article 12du décret de la Communauté française du 4 février 1997 fixant le régimedes congés et disponibilité pour maladie ou infirmité de certains membresdu personnel de l'enseignement puis par l'article 13 du décret de laCommunauté française du 5 juillet 2000 fixant le régime des congés et dedisponibilité pour maladie ou infirmité de certains membres du personnelde l'enseignement, applicable à partir du 1^er septembre 2000 ;

- article 10 de l'arrêté royal du 18 janvier 1974 précité, tel qu'il étaiten vigueur au moment où la défenderesse devait être mise en disponibilité,avant sa modification par l'article 13 du décret de la Communautéfrançaise du 4 février 1997 précité puis par l'article 14 du décret de laCommunauté française du 5 juillet 2000 précité, applicable à partir du1^er septembre 2000 ;

- en tant que de besoin, articles 12 et 13 du décret de la Communautéfrançaise du 4 février 1997 et 13 et 14 du décret de la Communautéfrançaise du 5 juillet 2000, précités ;

- articles 14 et 15 de l'arrêté royal du 15 janvier 1974 pris enapplication de l'article 160 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 fixant lestatut des membres du personnel directeur et enseignant, du personnelauxiliaire d'éducation, du personnel paramédical des établissementsgardien, primaire, spécial, moyen, technique, artistique et normal del'État, des internats dépendant de ces établissements et des membres dupersonnel du service d'inspection chargé de la surveillance de cesétablissements, tels qu'ils étaient en vigueur au moment où ladéfenderesse devait être mise en disponibilité, et article 160 duditarrêté royal du 22 mars 1969.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt rejette le déclinatoire de compétence soulevé par la demanderessepar les considérations suivantes :

« Considérant que, dans son mémoire en réponse, la [demanderesse] soulèveune exception d'irrecevabilité tirée de l'incompétence du Conseil d'Étatpour statuer sur le recours ; qu'elle fait valoir que la contestation apour objet direct et véritable des droits subjectifs ; qu'elle précise quel'article 9 de l'arrêté royal du 18 janvier 1974 prévoit que le membre dupersonnel de l'enseignement se trouve de plein droit en disponibilitélorsqu'il est absent pour cause de maladie ou d'infirmité après avoiratteint la durée maximum des congés qui peuvent lui être accordés pourcette raison ; qu'elle en déduit qu'elle ne peut dès lors que constater laréunion ou non de ces conditions sans disposer à cet égard du moindrepouvoir d'appréciation ; qu'elle estime que les droits pouvant résulter del'application des règles précitées présentent un caractère civil, de sorteque toute contestation sur ce point relève exclusivement de la compétencedes juges judiciaires ; qu'à l'appui de cette thèse, la [demanderesse]fait valoir un arrêt du 24 juin 2004 de la Cour de cassation(C.02.0361.F) ; qu'enfin, elle indique que la [défenderesse] vise àconserver les traitements indûment perçus de 1991 à 1995 et qu'il s'agitde l'objet véritable du recours ;

Considérant que, dans son mémoire en réponse, la [défenderesse] soutientque l'arrêt de la Cour de cassation du 24 juin 2004 (C.02.0361.F) n'a pasexclu la compétence du Conseil d'État pour statuer sur des recours ayantpour objet des décisions de mise en disponibilité pour cause de maladiemais a cassé l'arrêt Druez, n° 106.968 du 24 mars 2002, uniquement enraison d'un défaut de motivation ;

Considérant que, dans son dernier mémoire, la [demanderesse] ajoute que,par un arrêt du 20 décembre 2007 (C.06.0574.F), la Cour de cassation adéfinitivement exclu la compétence du Conseil d'État pour statuer sur lesrecours dirigés contre des décisions de mise en disponibilité pour causede maladie en raison de l'absence de compétence discrétionnaire del'administration pour les adopter ;

Considérant que, dans son dernier mémoire, la [défenderesse] fait valoirque l'arrêt de la Cour de cassation du 20 décembre 2007 (C.06.0574.F) n'apas davantage exclu la compétence du Conseil d'État pour statuer sur desrecours ayant pour objet des décisions de mise en disponibilité pour causede maladie étant donné que la Cour a renvoyé l'affaire au Conseil d'Étataprès cassation ; qu'elle en déduit que cette cassation a été justifiéepar une erreur de droit du Conseil d'État dans la motivation mais non parson incompétence ; qu'elle considère que la [demanderesse] dispose biend'un pouvoir d'appréciation pour déterminer si les conditions requisessont réunies en vue de placer un enseignant en disponibilité ; qu'elleestime que la divergence d'appréciation quant à la réunion de cesconditions, d'une part, par [la demanderesse] et, d'autre part, par lesjuridictions judiciaires, qui ont statué sur la contestation opposant la[défenderesse] à la [demanderesse], atteste l'existence d'une facultéd'appréciation de l'autorité administrative ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la [demanderesse], laCour de cassation n'a pas décidé, dans l'arrêt du 20 décembre 2007(C.06.0574. F), que le Conseil d'État était nécessairement incompétentpour statuer sur la demande qui lui avait été soumise ; qu'elle a jugé quela compétence de l'administration pour statuer sur la réunion desconditions visées à l'article 9 de l'arrêté royal précité du 18 janvier1974 est liée et qu'en conséquence, en se fondant sur le caractèrediscrétionnaire de cette compétence pour écarter le déclinatoire decompétence, le Conseil d'État n'avait pas justifié légalement sadécision ; qu'après avoir cassé l'arrêt, la Cour de cassation a renvoyé lacause au Conseil d'État, ce qui implique qu'elle n'a pas exclu qu'il pûtêtre compétent pour statuer sur la demande mais qu'elle a considéré qu'illui appartenait, s'il estimait être compétent, de le justifierlégalement ; que la seule circonstance qu'une contestation porte sur unedécision qu'une autorité administrative estime avoir dû prendre sur labase d'une norme liant sa compétence n'implique pas nécessairement qu'elleait pour objet direct et véritable un droit subjectif ni que la compétencedu Conseil d'État soit exclue ; qu'en effet, l'existence d'unecontestation ayant pour objet un droit subjectif suppose que la partiedemanderesse fasse état d'une obligation juridique déterminée qu'une règlede droit impose directement à l'autorité administrative, à l'exécution delaquelle cette autorité est tenue en vertu d'une compétence liée et àl'exécution de laquelle la partie demanderesse a un intérêt (Cass., 20décembre 2007, C.06.0574.F, et 24 septembre 2010, C.08.0429.N) ; qu'enl'espèce, la [défenderesse] ne se prévaut pas à l'égard de la[demanderesse] d'une obligation à l'exécution de laquelle elle a unintérêt ; qu'au contraire, elle conteste l'existence d'une obligation parlaquelle la [demanderesse] estime être tenue et à l'exécution de laquellela [défenderesse] n'a pas d'intérêt dès lors qu'elle emporte unemodification défavorable de sa situation administrative ; que le recoursn'a donc pas pour objet direct un droit subjectif ; qu'il n'a pasdavantage pour objet véritable un tel droit ; que la Cour de cassation aprécisé dans son arrêt précité du 20 décembre 2007 que la modification dela situation administrative visée à l'article 9 de l'arrêté royal du 18janvier 1974 requiert une décision administrative ; que le premier acteattaqué est une décision que la [demanderesse] estime avoir dû prendre enapplication de cet article 9 ; que, contrairement à ce que soutient la[demanderesse], il ne résulte pas du recours que la [défenderesse]viserait à contester la répétition de traitements qui lui auraient étéindûment payés (Cass., 13 février 2004, C.03.0428.F) ; que le recours apour objet véritable et direct l'annulation de l'acte modifiant sasituation administrative et vise au rétablissement de cette situation(Cass., 11 juin 2010, C.09.0336.F) ; qu'elle ne pourrait atteindre ce butpar une action devant les tribunaux de l'ordre judiciaire (Cass., 13février 2004, C.03.0428.F) ; que le fait que l'annulation de l'acteattaqué puisse affecter le droit subjectif de la [défenderesse] àconserver des traitements qui lui ont été payés est sans incidence sur lacompétence du Conseil d'État (Cass., 13 février 2004, C.03.0428.F) ;qu'enfin, la [défenderesse] ne revendique pas davantage un droit aumaintien de sa situation administrative mais soutient que la[demanderesse] l'a modifiée en violation de normes du droit objectif quine lui confèrent pas de droits subjectifs ; qu'à cet égard, si le secondmoyen soulevé par la (défenderesse) et selon lequel la [demanderesse] améconnu les principes de sécurité juridique et du délai raisonnable étaitfondé, il en résulterait que les principes précités s'opposaient à ce quela [demanderesse] prenne les décisions attaquées ; qu'en conséquence, ellen'aurait pas été tenue de les adopter en vertu d'une compétence liée dèslors qu'elle n'aurait pas pu les édicter ; que le Conseil d'État est donccompétent pour déterminer si la [demanderesse] a légalement décidé demodifier la situation administrative de la [défenderesse] ; quel'exception d'irrecevabilité ne peut être accueillie ».

Griefs

En vertu des articles 13 et 144 de la Constitution, les contestations quiont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort destribunaux de l'ordre judiciaire.

En vertu de l'article 14, § 1^er, des lois coordonnées sur le Conseild'État, la section du contentieux administratif du Conseil d'État statuepar voie d'arrêts sur les recours en annulation pour violation des formessoit substantielles, soit prescrites à peine de nullité, excès oudétournement de pouvoir, formés contre les actes et règlements desdiverses autorités administratives.

La compétence de la section du contentieux administratif est déterminéepar l'objet véritable et direct du recours en annulation.

Les cours et tribunaux connaissent de la demande d'une partie fondée surun droit subjectif. L'existence d'un pareil droit suppose que la partiedemanderesse fasse état d'une obligation juridique déterminée qu'une règledu droit objectif impose directement à un tiers et à l'exécution delaquelle cette partie a un intérêt.

Plus spécialement, pour déterminer si le Conseil d'État est ou noncompétent, il convient de rechercher si, dans la relation juridique encause existant entre l'autorité administrative et l'administré, il existeune règle de droit attribuant directement à l'administré le pouvoird'exiger de l'autorité un comportement déterminé.

Un tel pouvoir existe lorsque la compétence de l'autorité administrativeest entièrement liée, ce qui suppose que les conditions à la réuniondesquelles est subordonné l'exercice de la compétence soient définies demanière objective par la règle de droit, de sorte que l'autorité nedispose d'aucun pouvoir d'appréciation.

En vertu de l'article 9 de l'arrêté royal du 18 janvier 1974 pris enapplication de l'article 164 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 fixant lestatut des membres du personnel directeur et enseignant, du personnelauxiliaire d'éducation, du personnel paramédical des établissementsd'enseignement gardien, primaire, spécial, moyen, technique, artistique etnormal de l'État, des internats dépendant de ces établissements et desmembres du personnel du service d'inspection chargé de la surveillance deces établissements, avant sa modification par l'article 12 du décret de laCommunauté française du 4 février 1997 fixant le régime des congés etdisponibilité pour maladie ou infirmité de certains membres du personnelde l'enseignement, et ensuite par l'article 13 du décret de la Communautéfrançaise du 5 juillet 2000 fixant le régime des congés et dedisponibilité pour maladie ou infirmité de certains membres du personnelde l'enseignement, le membre du personnel visé à l'article premier,définitif ou stagiaire, se trouve de plein droit en disponibilitélorsqu'il est absent pour cause de maladie ou d'infirmité après avoiratteint une durée maximum des congés qui peuvent lui être accordés pourcette raison.

En vertu de l'article 10 de cet arrêté, avant sa modification parl'article 13 du décret de la Communauté française du 4 février 1997 fixantle régime des congés et disponibilité pour maladie ou infirmité decertains membres du personnel de l'enseignement, et ensuite par l'article14 du décret de la Communauté française du 5 juillet 2000 fixant le régimedes congés et de disponibilité pour maladie ou infirmité de certainsmembres du personnel de l'enseignement :

« Le membre du personnel en disponibilité pour cause de maladie oud'infirmité reçoit un traitement d'attente dont le montant est fixé parannée de services effectifs, sur la base du traitement d'activité, àraison de :

- 5 p.c. pour chacune des cinq premières années ;

- 4 p.c. pour chacune des cinq années suivantes ;

- 2 p.c. pour chacune des autres.

Le montant de ces traitements ne peut être inférieur à la moitié dutraitement d'activité ni supérieur aux trois quarts du même traitement ».

Si l'article 14 de l'arrêté royal du 15 janvier 1974 pris en applicationde l'article 160 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 définit le nombre dejours de congé maximum auxquels le membre du personnel peut prétendre pourcause de maladie ou d'infirmité, l'article 15 du même arrêté précise que :

« Par dérogation à l'article 14, le congé pour cause de maladie oud'infirmité est accordé sans limite de temps lorsqu'il est provoqué par :

- un accident de travail ;

- un accident survenu sur le chemin du travail ;

- une maladie professionnelle ».

L'état de disponibilité intervient donc de plein droit lorsque lesconditions prévues par l'article 9 précité sont remplies, sous réservenotamment de l'application des articles 14 et 15 de l'arrêté royal du 15janvier 1974 pris en application de l'article 160 de l'arrêté royal du 22mars 1969 et ce, indépendamment de toute intervention de l'administration,qui ne peut que constater la réunion ou non des conditions, sans disposerd'un pouvoir discrétionnaire d'appréciation de ce chef.

Suivant l'article 158, a), b) et c), de l'arrêté royal du 22 mars 1969, lemembre du personnel auquel cet article s'applique est dans une despositions suivantes : en activité de service, en non-activité ou endisponibilité.

Conformément à l'article 159 de cet arrêté, le membre du personnel esttoujours censé en activité de service, sauf disposition formelle leplaçant dans une autre position administrative.

En application de cette disposition, la nouvelle situation d'un membre dupersonnel intervient de plein droit lorsque les conditions fixées parl'article 9 de l'arrêté royal du 18 janvier 1974 sont remplies.

Le membre du personnel est en disponibilité et n'est plus en activité dèsle moment où les conditions d'application de cette disposition sontremplies. Et l'administration n'a pas d'appréciation ou de choix à exercerà cette fin.

La compétence de l'administration en cette matière est donc complètementliée et celle-ci a une incidence directe sur les droits subjectifs de lapersonne en cause.

Ces droits sont définis par l'article 10 de l'arrêté royal précité du 18janvier 1974, qui précise la manière dont est calculé le traitementd'attente du membre du personnel en disponibilité de plein droit.

L'administration ne dispose d'aucun pouvoir d'appréciation en cettematière et les droits résultant de l'application de ces dispositions sontdes droits civils dont seuls les tribunaux de l'ordre judiciaire peuventconnaître en cas de contestation.

Certes, une discussion peut intervenir sur les éléments de fait qui setrouvent à l'origine des absences du membre du personnel afin de vérifierleur cause et notamment s'il s'agit, suivant l'article 15 de l'arrêtéroyal du 15 janvier 1974, d'absences dues à un accident du travail, à unaccident survenu sur le chemin du travail ou à une maladieprofessionnelle.

Cette discussion porte cependant sur l'appréciation de conditionsobjectives qui ne laissent aucune place à un quelconque pouvoird'appréciation de l'administration.

La naissance du droit subjectif ne dépend nullement d'une décisionpréalable de l'autorité administrative relevant de son pouvoirdiscrétionnaire.

En effet, la vérification de la question si est atteinte « la duréemaximum des congés qui peuvent lui être accordés » pour maladie ouinfirmité intervient sur la base des articles 14 et 15 de l'arrêté du 15janvier 1974, qui ne comportent aucune marge d'appréciation del'administration.

Le fait que l'autorité soit appelée à procéder à l'analyse de la situationde l'agent concerné et à une qualification des absences qui ont marqué sacarrière pour vérifier si les conditions prévues par l'article 9 sontremplies n'exclut ni l'existence d'une compétence liée de l'administrationni le fait que le changement de statut intervient de plein droit.

Les discussions qui en résultent sont dès lors de la compétence destribunaux de l'ordre judiciaire.

Devant le Conseil d'État, la demanderesse a développé les raisonsjustifiant l'incompétence du Conseil d'État en raison de l'utilisation destermes « de plein droit » dans la disposition de l'article 9 de l'arrêtéroyal du 18 janvier 1974, excluant tout pouvoir d'appréciation del'administration. Elle a fait valoir que l'objet véritable du recours dela défenderesse était de conserver les traitements indûment perçus de 1991à 1995.

Pour écarter le déclinatoire de compétence soulevé par la demanderesse, leConseil d'État a estimé que la défenderesse « ne se prévaut pas à l'égardde la [demanderesse] d'une obligation à l'exécution de laquelle elle a unintérêt ; qu'au contraire, elle conteste l'existence d'une obligation parlaquelle la [demanderesse] estime être tenue et à l'exécution de laquellela [défenderesse] n'a pas d'intérêt dès lors qu'elle emporte unemodification défavorable de sa situation administrative ».

Autrement dit, pour le Conseil d'État, l'objet véritable du recours seraitde faire admettre que la demanderesse, dans les circonstances de la cause,n'était pas tenue de constater qu'il y avait lieu d'appliquer l'article 9de l'arrêté royal du 18 janvier 1974 et disposait ainsi en quelque sorted'un pouvoir d'appréciation la plaçant dans une situation échappant àtoute compétence liée, ce qui justifierait la compétence du Conseil d'Étatà connaître de la demande formulée par la défenderesse devant lui.

Or, il résulte de l'examen des dispositions applicables que la réunion desconditions prévues à l'article 9 de l'arrêté royal entraîne de plein droitla mise en disponibilité du membre du personnel, même si une décisionadministrative doit être adoptée pour le constater et que la compétence del'administration de statuer sur la réunion de ces conditions soit liée,dès lors que seule est correcte la qualification des absences du membre dupersonnel qui est conforme aux dispositions légales et réglementaires quien définissent le caractère.

La décision de l'administration est dès lors totalement indépendante decirconstances étrangères aux conditions d'application des dispositionspertinentes et aucune marge d'appréciation ne lui est laissée.

En rejetant le déclinatoire de compétence par les considérations reprisesau moyen, le Conseil d'État s'est à tort déclaré compétent pour connaîtrede contestations concernant des droits civils et a, partant, violé lesarticles 13 et 144 de la Constitution, 7 et 14 des lois coordonnées sur leConseil d'État, ainsi que les autres dispositions visées au moyen.

III. La décision de la Cour

* En vertu de l'article 14, § 1^er, des lois sur le Conseil d'État,coordonnées le 12 janvier 1973, la section du contentieuxadministratif du Conseil d'État statue par voie d'arrêts sur lesrecours en annulation pour violation des formes, soit substantielles,soit prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir,formés contre les actes et règlements des diverses autoritésadministratives.

* Cette compétence est déterminée par l'objet véritable et direct durecours en annulation.

* L'arrêt constate que le recours tend à l'annulation de deux arrêtés dugouvernement de la demanderesse du 25 août 2005 décidant, le premier,que la défenderesse est placée de plein droit en disponibilité pourcause de maladie du 30 avril 1989 au 30 novembre 1992 et que, pourcette période, elle bénéficie d'un traitement d'attente, le second,que démission honorable de ses fonctions de professeur de coursspéciaux lui est accordée à partir du 1^er décembre 1992 et qu'elleest autorisée à faire valoir ses droits à la pension.

* Ce recours a pour objet véritable et direct l'annulation d'arrêtés quimodifient la position administrative de la défenderesse et vise aurétablissement de sa position antérieure.

* La défenderesse ne saurait atteindre ce but par une action devant lestribunaux de l'ordre judiciaire.

* La circonstance que la réunion des conditions prévues à l'article 9 del'arrêté royal du 18 janvier 1974 pris en application de l'article 164de l'arrêté royal du 22 mars 1969 fixant le statut des membres dupersonnel directeur et enseignant, du personnel auxiliaired'éducation, du personnel paramédical des établissementsd'enseignement gardien, primaire, spécial, moyen, technique,artistique et normal de l'État, des internats dépendant de cesétablissements et des membres du personnel du service d'inspectionchargé de la surveillance de ces établissements entraîne de pleindroit la mise en disponibilité du membre du personnel sans quel'autorité administrative dispose à cet égard du moindre pouvoird'appréciation n'est pas de nature à exclure la compétence du Conseild'État dès lors qu'à l'obligation ainsi imposée à l'autoritéadministrative ne correspond pas un droit subjectif de ce membre dupersonnel.

* En considérant « que la seule circonstance qu'une contestation portesur une décision qu'une autorité administrative estime avoir dûprendre sur la base d'une norme liant sa compétence n'implique pasnécessairement qu'elle ait pour objet direct et véritable un droitsubjectif ni que la compétence du Conseil d'État soit exclue ; qu'eneffet, l'existence d'une contestation ayant pour objet un droitsubjectif suppose que la requérante fasse état d'une obligationjuridique déterminée qu'une règle de droit impose directement àl'autorité, à l'exécution de laquelle cette autorité est tenue envertu d'une compétence liée et à l'exécution de laquelle la requérantea un intérêt » et « qu'en l'espèce, la [défenderesse] ne se prévautpas à l'égard de la [demanderesse] d'une obligation à l'exécution delaquelle elle a un intérêt » mais « qu'au contraire, elle contestel'existence d'une obligation à laquelle la [demanderesse] estime êtretenue et à l'exécution de laquelle [la défenderesse] n'a pas d'intérêtdès lors qu'elle emporte une modification défavorable de sa situationadministrative », l'arrêt justifie légalement sa décision de rejeterle déclinatoire de compétence de la demanderesse.

* Le moyen ne peut être accueilli.

* Par ces motifs,

* La Cour, statuant en chambres réunies,

* Rejette le pourvoi;

Condamne la demanderesse aux dépens.

Les dépens taxés à la somme de mille soixante-trois euros septante-septcentimes envers la partie demanderesse et à la somme de cent neuf eurossoixante-neuf centimes envers la partie défenderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, chambres réunies, à Bruxelles, oùsiégeaient le premier président chevalier Jean de Codt, le président PaulMaffei, les présidents de section Christian Storck et Eric Dirix, leconseiller Didier Batselé, les présidents de section Albert Fettweis,Beatrijs Deconinck et Alain Smetryns, le conseiller Koen Mestdagh, leprésident de section Martine Regout, le conseiller Mireille Delange, etprononcé en audience publique du huit septembre deux mille seize par lepremier président chevalier Jean de Codt, en présence de l'avocat généralThierry Werquin, avec l'assistance du greffier en chef Chantal Van DerKelen.

+-----------------------------------------------------------------------+
| Ch. Van Der Kelen | M. Delange | M. Regout |
|-------------------------+---------------------+-----------------------|
| K. Mestdagh | A. Smetryns | B. Deconinck |
|-------------------------+---------------------+-----------------------|
| A Fettweis | D. Batselé | E. Dirix |
|-------------------------+---------------------+-----------------------|
| Chr. Storck | P. Maffei | J. de Codt |
+-----------------------------------------------------------------------+

8 SEPTEMBRE 2016 C.11.0455.F/1

Requête/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.11.0455.F
Date de la décision : 08/09/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-09-08;c.11.0455.f ?
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