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06/07/2016 | BELGIQUE | N°P.16.0739.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 juillet 2016, P.16.0739.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.16.0739.F

A. M., personne faisant l'objet d'un mandat d'arret europeen,

detenu,

demandeur en cassation,

ayant pour conseil Maitre Stanislas Eskenazi, avocat au barreau deBruxelles.





I. la procedure devant la cour

Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 23 juin 2016 par la courd'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.

Le demandeur invoque trois moyens dans un memoire annexe au present arret,en copie certifiee conforme.

Le conseiller Benoit Dejemepp

e a fait rapport.

L'avocat general Dirk Thijs a conclu.

II. la decision de la cour

Sur le premier moyen :

Quant à l...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.16.0739.F

A. M., personne faisant l'objet d'un mandat d'arret europeen,

detenu,

demandeur en cassation,

ayant pour conseil Maitre Stanislas Eskenazi, avocat au barreau deBruxelles.

I. la procedure devant la cour

Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 23 juin 2016 par la courd'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.

Le demandeur invoque trois moyens dans un memoire annexe au present arret,en copie certifiee conforme.

Le conseiller Benoit Dejemeppe a fait rapport.

L'avocat general Dirk Thijs a conclu.

II. la decision de la cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

Le moyen est pris de la violation des articles 4, 5DEG, de la loi du 19decembre 2003 relative au mandat d'arret europeen, 6 du traite sur l'Unioneuropeenne et du droit à la vie privee garanti par l'article 8 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales.

Le demandeur soutient que l'execution du mandat d'arret europeen delivreà sa charge devait etre refusee des lors qu'il y avait des raisonsserieuses de croire que cette execution aurait pour effet de porteratteinte à ses droits fondamentaux. Selon le moyen, la circonstance qu'unautre inculpe dans la meme cause et actuellement detenu en France faitl'objet dans sa cellule d'une videoprotection permanente et attentatoireà la vie privee, constitue une serieuse raison de croire qu'une tellemesure sera appliquee au demandeur.

En application de l'article 4, 5DEG, de la loi du 19 decembre 2003,l'execution du mandat d'arret europeen est refusee s'il y a des raisonsserieuses de croire que celle-ci aurait pour effet de porter atteinte auxdroits fondamentaux de la personne concernee, tels qu'ils sont consacrespar l'article 6 du traite sur l'Union europeenne.

Le juge apprecie en fait l'existence de raisons serieuses de crainte d'unrisque d'atteinte aux droits fondamentaux, la Cour verifiant si, de sesconstatations, il a pu legalement deduire sa decision.

L'arret examine d'abord l'arrete du gouvernement franc,ais du 9 juin 2016prevoyant la possibilite d'appliquer une mesure de videosurveillance àcertaines categories de detenus dans le but de garantir la securite ausein de l'etablissement penitentiaire en cas de risque d'evasion et deprevenir le risque de suicide. Il enonce que cet arrete prevoit que ledetenu est informe du projet de placement sous videoprotection et qu'ilpeut faire valoir ses observations ecrites et orales et etre assiste d'unavocat, et que la decision, specialement motivee, doit etre prise par legarde des sceaux.

Il considere ensuite qu'il s'agit d'une decision individuelle qui n'estpas arbitraire et qui doit etre proportionnee au but poursuivi, ajoutantque, vu le caractere exceptionnel de la mesure, rien n'indique qu'ilexiste un risque serieux qu'elle sera mise en oeuvre à l'egard dudemandeur.

Les juges d'appel ont encore precise que le fait qu'un autre detenu,poursuivi dans le meme dossier, fait l'objet d'une telle mesure, neconstitue pas un element suffisant et personnel permettant de presumerserieusement qu'il y aurait un risque que le demandeur subisse une mesurede protection dans des conditions qui pourraient violer ses droitsfondamentaux.

Par adoption des requisitions du ministere public, l'arret releve que laCommission nationale de l'informatique et des libertes a valide ladecision franc,aise relative à l'autre inculpe precite, confirmant ainsile principe selon lequel un droit fondamental, en l'espece la vie privee,peut etre limite.

Par ces considerations, la chambre des mises en accusation a pu legalementdecider d'ecarter la cause de refus obligatoire de remise prevue parl'article 5, 4DEG, de la loi du 19 decembre 2003.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Quant à la seconde branche :

Le moyen soutient que l'arret ne repond pas aux conclusions alleguant quel'identite de faits reproches à un autre inculpe remis aux autoritesfranc,aises et qui subit dejà la mesure critiquee, suffit à conclure quele demandeur releve des personnes sujettes à se voir infliger une mesurede videoprotection.

Par les considerations resumees en reponse à la premiere branche, lesjuges d'appel ont rencontre cette defense.

Le moyen manque en fait.

Sur le deuxieme moyen :

Quant à la premiere branche :

Invoquant la violation de l'article 6, 1DEG, de la loi du 19 decembre 2003relative au mandat d'arret europeen, le moyen reproche à l'arretd'ecarter sans justification la cause facultative de refus de la remise,dont il a pourtant constate l'existence.

En application de cette disposition, l'execution du mandat d'arreteuropeen peut etre refusee lorsque la personne qui en fait l'objet estpoursuivie en Belgique pour le meme fait que celui qui est à la basedudit mandat.

S'agissant d'une cause de refus facultative, l'autorite judiciaireapprecie discretionnairement si, eu egard aux circonstances, l'actionpublique doit etre poursuivie en Belgique.

Les juges d'appel ont considere qu'outre les faits qui sont à la base dumandat d'arret europeen, le mandat d'arret belge mentionne d'autres faitsqui sont reproches au demandeur à des periodes infractionnellesdifferentes. L'arret enonce egalement que le demandeur est soupc,onned'avoir participe à la preparation d'un attentat terroriste qui a eu lieuen France et qu'il n'y a des lors pas lieu d'appliquer la cause de refusprecitee.

Par adoption des motifs du requisitoire du ministere public, l'arretprecise encore que les autorites franc,aises n'ont pas denonce à laBelgique les faits commis en relation avec les attentats du 13 novembre2015 à Paris, de telle sorte que chaque Etat reste competent « pourinstruire des dossiers dont les qualifications penales sont differentes »et que des poursuites distinctes pourraient etre preferees en raison del'impact produit par les vagues d'attentats perpetres en France et enBelgique.

Procedant d'une lecture incomplete de l'arret, le moyen manque en fait.

Quant à la seconde branche :

Le demandeur fait grief aux juges d'appel de ne pas avoir repondu à sesconclusions sollicitant le refus de la remise en raison de l'identite desfaits pour lesquels il est poursuivi en France et en Belgique.

Par les considerations enoncees en reponse à la premiere branche, lesjuges d'appel ont rencontre cette defense.

Le moyen manque en fait.

Sur le troisieme moyen :

Quant aux deux branches reunies :

L'arret refuse de subordonner la remise du demandeur à la France, à lacondition qu'apres y avoir ete juge, il soit renvoye en Belgique pour ysubir la peine qui aurait ete prononcee dans l'Etat d'emission.

Le benefice du retour sur le territoire de l'Etat d'execution, prevu àtitre de faculte par l'article 8 de la loi du 19 decembre 2003 relative aumandat d'arret europeen, est laisse à l'appreciation en fait de lajuridiction d'instruction, sauf son obligation de repondre aux conclusionsalleguant l'existence des conditions justifiant l'application de la clausede retour differe.

Le demandeur a fait valoir que ses attaches personnelles et familiales enBelgique creaient dans son chef un interet legitime au retour sur leterritoire de l'Etat d'execution.

Pour rejeter cette demande, l'arret declare qu'il serait premature d'yfaire droit. Il s'en explique en considerant que le retour en Belgiquepourra etre sollicite par le demandeur dans l'avenir, sur la base de laloi du 15 mai 2012 relative à l'application du principe de reconnaissancemutuelle aux peines ou mesures privatives de liberte prononcees dans unEtat membre de l'Union europeenne.

Mais cette loi ne confere pas à un juge le pouvoir de statuer sur lademande de retour. La decision à rendre sur celle-ci est laissee, parl'article 5, S: 2, à la seule discretion de l'Etat dans lequel lejugement a ete rendu.

Ne repond pas à la demande d'octroi de la clause de retour differe,fondee sur l'affirmation d'un interet legitime à l'execution de la peinesur le territoire de l'Etat du lieu de la residence, l'arret qui, pourecarter cette demande, se borne à renvoyer la personne concernee à ladecision eventuelle de l'Etat d'emission.

Le moyen est fonde.

Le controle d'office

Pour le surplus, les formalites substantielles ou prescrites à peine denullite ont ete observees et la decision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arret attaque en tant seulement qu'il statue sur l'application del'article 8 de la loi du 19 decembre 2003 ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Condamne le demandeur à la moitie des frais et reserve le surplus pourqu'il soit statue sur celui-ci par le juge de renvoi ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, à la cour d'appel de Bruxelles, chambredes mises en accusation, autrement composee.

Lesdits frais taxes à la somme de deux cent quarante-deux euros quinzecentimes dus.

Ainsi juge par la Cour de cassation, chambre des vacations, à Bruxelles,ou siegeaient le chevalier Jean de Codt, premier president, Eric Dirix,president de section, Benoit Dejemeppe, Mireille Delange et KoenraadMoens, conseillers, et prononce en audience publique du six juillet deuxmille seize par le chevalier Jean de Codt, premier president, en presencede Dirk Thijs, avocat general, avec l'assistance de Fabienne Gobert,greffier.

+--------------------------------------+
| F. Gobert | K. Moens | M. Delange |
|--------------+----------+------------|
| B. Dejemeppe | E. Dirix | J. de Codt |
+--------------------------------------+

6 JUILLET 2016 P.16.0739.F/7


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.16.0739.F
Date de la décision : 06/07/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-07-06;p.16.0739.f ?
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