Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG C.15.0437.F
VILLE DE BRUXELLES, representee par son college des bourgmestre etechevins, dont les bureaux sont etablis à Bruxelles, en l'hotel de ville,Grand'Place, 1,
demanderesse en cassation,
representee par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile,
contre
C. B.,
defenderesse en cassation.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 23 avril2013 sous le numero 12A1467 du role general par le tribunal de police deBruxelles, statuant en dernier ressort.
Le 25 mars 2016, l'avocat general Michel Nolet de Brauwere a depose desconclusions au greffe.
Le president de section Christian Storck a fait rapport et l'avocatgeneral Michel Nolet de Brauwere a ete entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, la demanderesse presente un moyen.
III. La decision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la premiere branche :
Le jugement attaque tient pour etablis les faits reproches à ladefenderesse et considere qu'ils constituent une infraction à l'article42 du reglement general de police de la ville de Bruxelles.
Compte tenu des circonstances qu'il releve, le jugement attaque decide quel'amende de cent cinquante euros infligee à la defenderesse par ladecision administrative querellee sera assortie d'un sursis total d'un an.
En vertu de l'article 70 dudit reglement general de police, tout majeurqui contrevient aux dispositions des articles 30 à 69 de ce reglementsera puni d'une amende administrative de maximum deux cent cinquanteeuros.
Ni cette disposition ni aucune autre n'autorise le fonctionnaire designeà l'article 119bis, S: 2, alinea 4, de la nouvelle loi communale, dans saversion applicable au litige, et le tribunal de police saisi du recourscontre la decision de ce fonctionnaire vise à l'article 119bis, S: 12,alinea 1er, de cette loi, dans la meme version, à assortir d'un sursisl'amende administrative qu'ils prononcent.
En accordant ce sursis à la defenderesse, le jugement attaque violel'article 70 du reglement general de police precite.
Le moyen, en cette branche, est fonde.
Et il n'y a pas lieu d'examiner la seconde branche du moyen, qui nesaurait entrainer une cassation plus etendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaque en tant qu'il dit le recours partiellement fondeet qu'il statue sur les depens ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementpartiellement casse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant le tribunal de police du Brabantwallon.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, president, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Mireille Delange,Michel Lemal et Sabine Geubel, et prononce en audience publique duvingt-quatre juin deux mille seize par le president de section ChristianStorck, en presence de l'avocat general Michel Nolet de Brauwere, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
+---------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Lemal |
|-----------------+-------------+-------------|
| M. Delange | A. Fettweis | Chr. Storck |
+---------------------------------------------+
Requete
Requete en cassation
Pour : La Ville de Bruxelles, representee par son College des Bourgmestreet Echevins, dont les bureaux sont etablis en l' Hotel de Ville de et à1000 Bruxelles, Grand Place 1,
demanderesse en cassation,
assistee et representee par Me Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à 1050 Bruxelles, avenue Louise106, chez qui il est fait election de domicile.
Contre : C. B.,
defenderesse en cassation.
A Messieurs les Premier President et President, Mesdames et Messieurs lesConseillers à la Cour de cassation,
Mesdames,
Messieurs,
La demanderesse a l'honneur de soumettre à votre censure le jugementrendu en dernier ressort par la sixieme chambre du Tribunal de police deBruxelles le 23 avril 2013 (RG 12A1467).
Les faits et les antecedents de la procedure tels qu'ils resultent despieces auxquelles votre Cour peut avoir egard peuvent se resumer commesuit :
1.- Le departement du commerce de la demanderesse a constate le 25 mai2012 l'occupation privative du domaine public, rue ... nDEG ... par leplacement sans autorisation, d'une terrasse sur le trottoir.
La defenderesse avait en effet place deux tables et quatre chaises devantson etablissement commercial de vente au detail de produits d'epiceriesous l'enseigne "...".
Le constat a ete notifie à la defenderesse le 5 juillet 2012.
2.- Le conseil de la defenderesse avait ecrit à la demanderesse pourdemander la regularisation de la situation, mais cette demande n'avait pasconnu de developpement particulier.
L'infraction à l'article 42 du reglement general de Police de la Ville deBruxelles n'etant pas contestable, la defenderesse a ete sanctionnee parune decision lui imposant le paiement d'une amende administrative de 150euros.
Cette decision administrative du 24 octobre 2012 fut notifiee à ladefenderesse le meme jour.
3.- Par requete d'appel du 7 novembre 2012, la defenderesse a interjeteappel de cette decision.
Par la decision attaquee, le tribunal de police de Bruxelles, apres avoirconstate que l'infraction etait etablie, a confirme le montant de l'amendemais a estime que des lors que la defenderesse avait fait preuve de bonnefoi en demandant la regularisation de la situation, il y avait lieud'accorder à la defenderesse un sursis total pendant un an.
4.- A l'encontre de la decision attaquee, la demanderesse a l'honneur depresenter le moyen unique de cassation qui suit.
Moyen unique de cassation
Dispositions legales dont la violation est invoquee
- Article 119bis de la Nouvelle Loi Communale et, en particulier, article119bis S: 12 de la Nouvelle Loi Communale codifiee par l'arrete royal du24 juin 1988, ratifie par la loi du 26 mai 1989, tels qu'ils etaient envigueur au moment de l'introduction du recours, avant son remplacementresultant de l'article 46 de la loi du 24 juin 2013 relative aux sanctionsadministratives communales et de l'article 31 S: 1er de la meme loi;
- Articles 42 et 70 du Reglement general de Police de la Ville deBruxelles;
- Article 8 de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursiset la probation, tel qu'il etait en vigueur au moment de la decisionattaquee, à savoir : le paragraphe 1er, tel qu'il a ete modifie par leslois des 9 janvier 1991, 11 juillet 1994, 10 fevrier 1994 et 17 avril 2002,mais egalement dans sa version actuelle resultant des lois du 11 fevrier2014, 25 avril 2014, et 10 avril 2014; le paragraphe 2, tel qu'il a etemodifie par la loi du 11 juillet 1994 ; le paragraphe 4, abroge par la loidu 4 aout 1986;
- Pour autant que de besoin, les articles 8, 9 et 601 ter en particulier1DEG du Code judiciaire, ce dernier article, tant dans sa version envigueur lors de l'introduction de la procedure, que dans celle en vigueurdepuis le 1er janvier 2014, suite à sa modification intervenue par la loidu 24 juin 2013.
- Article 1138, 2DEG, du Code judiciaire;
- Principe dispositif;
- Principe general du droit relatif au respect des droits de la defense.
Partie critiquee de la decision attaquee
Le jugement qui decide en reformation de la decision rendue par lefonctionnaire sanctionnateur de la Ville de Bruxelles du 24 octobre 2012,qu'il sera sursis à l'execution de l'amende de 150 euros pendant 1 an, etqui compense les depens par les motifs que :
"Attendu que les faits en soi ne sont pas contestes (par la defenderesse),mais que par voie de son conseil, par courrier adresse à la(demanderesse) le 19 avril 2011, elle a demande de pouvoir regulariser lasituation suite à d'autres constatations et infractions anterieures et dedisposer d'une autorisation conforme.
Attendu que (la demanderesse) n'a pas donne suite à cette demande.
Que (la defenderesse) n'a pas non plus envoye de rappel.
Attendu que des lors force est de constater que (la defenderesse), enplac,ant les 2 tables et les 4 chaises devant son etablissement, sansautorisation valable du bourgmestre, etait en infraction à l'article 42du reglement general de Police de la Ville de Bruxelles.
Que c'est donc à juste titre que (la defenderesse) a ete sanctionnee.
Attendu neanmoins, que concernant le montant de l'amende de 150 eurosinfligee, il y a lieu de tenir compte de la demarche faite par (ladefenderesse), par voie de son conseil, le 19 avril 2011, par laquelleelle a demande la regularisation et l'autorisation, c'est-à-dire qu'ellea fait preuve d'initiative, demontrant sa bonne foi, de sorte que l'amendeinfligee de 150 euros sera confirmee mais avec sursis total pendant 1 an"(jugement attaque p. 2).
Griefs
Premiere branche
Le tribunal de police constate que les faits reproches à la defenderessesont etablis et qu'ils constituent une infraction à l'article 42 duReglement general de Police de la Ville de Bruxelles.
En vertu de l'article 70 de ce meme reglement, "sans prejudice del'eventuelle sanction prononcee par le college des bourgmestre et echevinsdans les cas prevus au present chapitre", sera puni d'une amendeadministrative de maximum 250 euros quiconque contrevient aux dispositionsdes articles 30 à 69. L'amende administrative ne pourra jamais exceder lasomme de 125 euros lorsque les faits ont ete commis par des mineurs ayantatteint l'age de 16 ans accomplis au moment des faits.
La contravention visee par l'article 42 du Reglement general de Police dela Ville de Bruxelles n'est pas sanctionnee penalement.
En vertu de l'article 119bis S:12 de la Nouvelle Loi communale, applicableau moment de l'introduction de la procedure d'appel, avant l'entree envigueur de l'article 31, S:1er de la loi du 24 juin 2013 relative auxsanctions administratives communales, un recours contre la decisionadministrative du fonctionnaire sanctionnateur peut etre introduit parrequete ecrite aupres du tribunal de police, declare competent pourconnaitre de ce recours par l'article 601ter, S: 1er selon la procedurecivile, dans le mois de la notification de la decision.
Le tribunal de police est competent pour statuer sur ce recours en vertude l'article 601 ter du Code judiciaire. Le tribunal de police possede deslors la competence d'attribution visee aux articles 8 et 9 du Codejudiciaire.
Il ne ressort d'aucune disposition que le sursis à l'execution de lasanction administrative, tel qu'il est prevu pour les condamnationspenales par l'article 8 de la loi du 29 juin 1964 concernant lasuspension, le sursis et la probation serait applicable aux sanctionsadministratives visees aux articles 70 et 42 du Reglement General dePolice de la Ville de Bruxelles, d'autant plus que l'infraction reprocheeà la defenderesse n'est pas sanctionnee penalement.
Le tribunal de police n'a des lors pu assortir la sanction administrative,consistant en une amende administrative, d'un sursis à l'execution.
Il a ce faisant viole toutes les dispositions legales citees au moyen, àl'exception de l'article 1138, 2DEG, du Code judiciaire, du principedispositif, et du principe general du droit relatif au respect des droitsde la defense.
La decision attaquee n'est des lors pas justifiee legalement.
Deuxieme branche
Dans la requete d'appel et ses conclusions deposees devant le Tribunal dePolice, la defenderesse n'a jamais sollicite l'octroi d'un sursis àl'execution de la sanction administrative prise à son encontre par lademanderesse.
Sa demande tendait à la mise à neant de la decision du 6 mars 2012 et àce qu'il soit dit pour droit qu'il n'y avait pas lieu de lui infliger uneamende administrative.
Le juge d'appel qui octroie un sursis total à l'execution de l'amendeadministrative modifie des lors l'objet et la cause de la demande sanspermettre à la demanderesse de contester et de s'expliquer sur lapossibilite d'octroyer un tel sursis s'agissant d'une amendeadministrative.
Il viole partant l'article 1138, 2DEG du Code judiciaire, le principedispositif, et le principe general du droit relatif au respect des droitsde la defense.
Developpements
En ce qui concerne la premiere branche du moyen, la demanderesse se refereà l'arret rendu par votre Cour le 7 fevrier 2008 disponible sur le sitede la Cour: C.05.0233.N.
En ce qui concerne la deuxieme branche du moyen, la demanderesse se refereà l'arret rendu par votre Cour le 28 septembre 2009, Pas., 2009, nDEG529.
Par ces considerations,
L'avocat à la Cour de cassation soussigne conclut qu'il vous plaise,Mesdames, Messieurs, casser le jugement attaque, ordonner que mention ensoit faite en marge du jugement attaque, renvoyer l'affaire devant unautre tribunal de police statuant en dernier ressort et statuer comme dedroit sur les depens.
Bruxelles, le 19 octobre 2015
Pour Pierre Van Ommeslaghe
Absent à la signature
Martin Lebbe
Avocat à la Cour de cassation
Annexe 1 : original de l'extrait du registre aux deliberations du Conseilcommunal etablissant la decision de la Ville de Bruxelles d'introduire lepourvoi.
24 JUIN 2016 C.15.0437.F/3
Requete/5