Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG C.15.0076.F
T. B.,
demandeur en cassation,
represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,
contre
A. L.,
defendeur en cassation.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 4 novembre2014 par le tribunal de police du Hainaut, statuant en dernier ressort.
Par ordonnance du 3 mai 2016, le premier president a renvoye la causedevant la troisieme chambre.
Le conseiller Didier Batsele a fait rapport.
L'avocat general delegue Michel Palumbo a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, le demandeur presente un moyen.
III. La decision de la Cour
Sur le moyen :
En vertu de l'article 16.1 de l'arrete royal du 1er decembre 1975 portantreglement general sur la police de la circulation routiere et de l'usagede la voie publique, le depassement n'est à considerer qu'à l'egard desconducteurs en mouvement.
Au sens de cette disposition, les conducteurs qui circulent dans une filede vehicules restent en mouvement meme si la progression de la file n'estpas continue.
Apres avoir constate que l'accident de circulation s'est produit sur laroute nationale 5 divisee en deux bandes de circulation alors qu'une filede quatre vehicules se trouvait sur la bande de droite et que le defendeurdeclarait « [avoir double un] vehicule arrete sur [la nationale] et[avoir ete] percute par un vehicule venant d'une rue exterieure », lejugement attaque enonce qu'« il resulte de l'attestation redigee etsignee par J. J. [...], d'une part, que cette conductrice etait `àl'arret' sur la bande de droite de la route nationale 5 et, d'autre part,que le vehicule la precedant s'est immobilise afin de laisser passer lavoiture [du demandeur] qui venait `d'une rue adjacente et souhaitaittraverser la chaussee pour virer vers la gauche' ».
Le jugement attaque n'a pu, sans violer l'article 16.1 precite, deduire deces considerations que, des lors que « l'arret des vehicules sur la bandede droite est [...] etabli », « il n'est pas demontre que [le defendeur]effectuait un depassement ».
Le moyen est fonde.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaque ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementcasse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause devant le tribunal de police du Brabant wallon.
Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, le conseiller DidierBatsele, le president de section Martine Regout, les conseillers MireilleDelange et Marie-Claire Ernotte, et prononce en audience publique du vingtjuin deux mille seize par le president de section Albert Fettweis, enpresence de l'avocat general Jean Marie Genicot, avec l'assistance dugreffier Lutgarde Body.
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| L. Body | M.-Cl. Ernotte | M. Delange |
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| M. Regout | D. Batsele | A. Fettweis |
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* Requete
Requete en cassation
Pour
B. T.,
demandeur en cassation,
assiste et represente par Me Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour decassation soussigne, dont le cabinet est etabli à 6000 Charleroi, rue del'Athenee, 9, ou il est elu domicile.
Contre
L. A.,
defendeur en cassation.
A Messieurs les premier president et president, Mesdames et Messieurs lesconseillers qui composent la Cour de cassation,
Messieurs,
Mesdames,
Le demandeur a l'honneur de soumettre à votre censure le jugement rendule 4 novembre 2014 par la troisieme chambre civile du tribunal de policedu Hainaut - division Charleroi, statuant en dernier ressort, en cause desparties (role general 14 A 14).
A l'encontre du jugement, le demandeur croit pouvoir vous proposer lemoyen unique de cassation suivant.
Moyen unique de cassation
Disposition legale violee
Article 16.1 de l'arrete royal du 1er decembre 1975 portant reglementgeneral sur la police de la circulation routiere et de l'usage de la voiepublique.
Decision attaquee et motifs critiques
Le jugement attaque deboute le demandeur de sa demande de condamnation dudefendeur au paiement de la somme de 1.083,83 euros en principal, etantl'estimation du prejudice qu'il a subi à la suite d'un accident de lacirculation dont a ete victime son fils, B. A., au volant de la voiture deson pere, à Loverval, le 3 avril 2013, la voiture du demandeur, conduitepar son fils, etant heurtee par la voiture conduite par le defendeur.
Apres avoir constate :
« L'accident de circulation litigieux se produit sur la route nationale 5à Loverval, le 3 avril 2013 vers 15 h 30', alors que (le fils dudemandeur) qui sort de l'allee des Templiers et circule au volant de lavoiture de marque Opel Zafira appartenant à son pere, (le demandeur),veut traverser la route nationale 5 afin de virer à gauche et que (ledefendeur) pilote le vehicule de marque Mercedes et circule sur la bandede gauche de la route nationale 5.
Ces conducteurs ont redige et signe un constat amiable d'accident surlequel (le fils du demandeur) a coche la case `virait à gauche' et ainscrit les observations suivantes, sous la rubrique nDEG 14 : `bandegauche libre car interdiction de depasser, suite au panneaud'interdiction, au moment du virage, une voiture arrive sur la bande degauche'.
(Le defendeur) a coche la case `doublait' et a mentionne les observationssuivantes sous la rubrique nDEG 14 de ce document : `doublait vehiculearrete sur la N 5 et fut percute par un vehicule venant d'une rueexterieure'.
Le croquis de l'accident, figurant à la rubrique nDEG 13 du constatamiable signe par ces deux conducteurs, indique notamment que le chocs'est produit dans le carrefour forme par le croisement de la rue desTempliers, munie de triangles inverses dessines sur le sol, et de la routenationale 5, que cette `N 5' est en ligne droite et est divisee en deuxbandes de circulation, qu'une fleche se trouve devant le vehicule A(conduite par [le fils du demandeur]) et que celui-ci est dessine enposition perpendiculaire par rapport au flanc droit du vehicule B (conduitpar [le defendeur]) qui se trouve sur la bande de circulation de gauche.
Quatre vehicules se trouvent sur la bande de droite de la RN 5 - parrapport à la direction (du defendeur) - et le vehicule A (du fils dudemandeur) est dessine devant le deuxieme vehicule de cette file etperpendiculairement à ce vehicule.
Il resulte des cases nDEG 10 et 11 de ce constat amiable que la voitureOpel Zafira de la partie demanderesse (vehicule A) est endommagee auniveau du pare-chocs avant, du capot et du phare avant gauche et que lavoiture Mercedes (vehicule B) de la partie defenderesse presente desdegats au niveau des portieres passagers avant et arriere.
(...). »
Le tribunal fonde sa decision sur les motifs suivants :
« (...)
Il est (...) etabli que (le fils du demandeur) etait debiteur de lapriorite de passage conformement au prescrit de l'article 12.3.1, alinea2, a (signal B1) du Code de la route.
D'autre part, ces photographies montrent la presence (suite à destravaux) d'un signal C35 place sur la RN 5 et interdisant le depassement.
L'article 16.1 du Code de la route enonce que `le depassement n'est àconsiderer qu'à l'egard des conducteurs en mouvement'.
(...)
Il resulte de l'attestation redigee et signee par Madame J. J. le 29 aout2013, produite en copie aux debats (...) d'une part, que cette conductriceetait `à l'arret' sur la bande de droite de la route nationale 5 etd'autre part que le vehicule la precedant s'est immobilise afin de laisserpasser la voiture (du fils du demandeur) qui venait `d'une rue adjacenteet souhaitait traverser la chaussee pour virer vers la gauche'.
Les elements tires de cette attestation constituent donc des presomptionsgraves, precises et concordantes desquelles il resulte que Madame J. J.etait à l'arret dans la file de droite et qu'elle se trouvait derriereune autre voiture qui a volontairement laisse passer le vehicule pilotepar (le fils du demandeur).
Compte tenu du prescrit de l'article 16.1 precite du Code de la route,etant qu'il resulte des observations claires et non equivoques souscritespar (le defendeur) sous la case nDEG 14 du constant amiable que lesvehicules situes à droite de ce conducteur etaient à l'arret et quel'attestation redigee par Madame J. J. confirme qu'elle etait à l'arretet que le conducteur qui la precedait s'est volontairement immobilise afinde laisser passer le vehicule (du fils du demandeur), l'arret desvehicules se trouvant sur la bande de droite est donc etabli et l'emploipar (le defendeur) du mot `doublait' n'a des lors aucune consequence dansle cas d'espece.
Par consequent, il n'est pas demontre que la partie demanderesse [il fautlire : le defendeur] effectuait un depassement et aucun element n'etablitque (le defendeur) n'a pas respecte le signal C35 place sur la routenationale 5.
D'autre part, la localisation des degats aux deux vehicules et le fait quec'est le flanc droit de la voiture Mercedes qui a ete percute par l'avantdu vehicule Opel constituent des elements objectifs qui corroborent lathese de la partie defenderesse et confirment que la voiture de partiedefenderesse etait visible pour tout conducteur normalement prudent etdiligent.
En outre, la presence du signal B1 place dans l'allee des Templiersetablit que cette voie - d'ou vient (le fils du demandeur) etait debitricede la priorite et que ce conducteur devait donc ceder le passage auxusagers circulant sur la route nationale 5.
En vertu des articles 870 du Code judiciaire et 1315 du Code civil, c'està la partie demanderesse qu'il incombe de rapporter la preuve, dans lechef de la partie defenderesse, de l'existence d'une faute en relation decausalite necessaire avec le dommage.
Dans le cas d'espece, sur base des elements produits aux debats, cettepreuve n'est donc pas etablie et la demande doit des lors etre declareenon fondee. »
Griefs allegues
« Le depassement n'est à considerer qu'à l'egard des conducteurs enmouvement », enonce la disposition legale visee.
Ce texte ne definit pas l'expression « en mouvement » qui doit des lorsetre entendue selon son sens usuel.
Reste que, lorsque la circulation s'effectue en file, les voiturescirculant dans cette file sont « en mouvement » au sens du texte legalcite, meme si, notamment en raison d'embarras de la circulation, cesvoitures circulent tres lentement, tantot s'arretent pour se remettreensuite en marche. De tels arrets, momentanes et involontaires (dus auxexigences de la circulation), n'excluent nullement que la voiture quis'arrete dans ces conditions demeure « en mouvement » au sens du textelegal vise, toutes les voitures se trouvant dans la file prenant part àla circulation.
Il s'ensuit que le conducteur qui remonte une telle file de vehicules,lorsque les voitures sont à l'arret dans les conditions rappelees,effectue un depassement.
Or il se deduit des constatations du jugement que quatre voitures setrouvaient sur la bande de droite de la route principale dans le senssuivi par le defendeur, que, selon ses propres termes (dans le constatamiable d'accident), le defendeur « doublait » une voiture arretee surcette voie principale, que, selon attestation d'un autre conducteur, unevoiture etait « à l'arret » sur la bande de droite de celle-ci et« que le vehicule la precedant s'est immobilise afin de laisser passer lavoiture (du fils du demandeur) ».
Le jugement releve d'autre part que le depassement etait interdit sur lavoie principale suivie par le defendeur par le signal C35.
Il se deduit de ces constatations que le demandeur depassait une file devoitures situee sur sa droite et que, si ces voitures etaient à l'arret,cet arret ne pouvait etre que momentane et du aux exigences de lacirculation et notamment à la survenance de la voiture du fils dudemandeur venant d'une voie secondaire.
Il s'ensuit que le demandeur effectuait bien un depassement au sens de ladisposition legale visee.
En decidant le contraire et, en consequence, en decidant qu'il n'est pasetabli que le defendeur « n'a pas respecte le signal C35 », et enfondant notamment le deboute du demandeur sur cette decision, le jugementn'est pas legalement justifie.
Developpement
Le demandeur croit pouvoir se referer à vos arrets des 26 avril 1988(Pas., nDEG 514), 21 novembre 1960 (Pas., 1961, p. 313), 14 mars 1960(Pas., p. 824), 6 fevrier 1956 (Pas., p. 584).
Les decisions des juridictions de fond se prononcent en faveur del'interpretation de la disposition legale visee retenue au moyen (voy.civ. Bruxelles, 23 octobre 2003, Dr. circ., 2003, p. 384 ; pol. Dinant, 19mars 2001, Dr. circ., 2001, p. 282 ; pol. Anvers, 20 juillet 2003, Dr.circ., 2003, p. 293 ; pol. Bruxelles, 15 novembre 2007, C.R.A., 2008, p.262 ; voy. Code de la circulation routiere annote, 2012, par Ph. Joos,Kluwer, 2012, 18e ed., p. 92).
PAR CES CONSIDERATIONS,
L'avocat à la Cour de cassation soussigne vous prie, Messieurs, Mesdames,casser le jugement attaque, ordonner que mention de votre decision serainscrite en marge du jugement casse, renvoyer la cause et les partiesdevant un autre tribunal de police siegeant en dernier ressort et statuercomme de droit sur les depens.
Charleroi, le 11 juillet 2016
Franc,ois T'Kint
Avocat à la Cour de cassation
20 JUIN 2016 C.15.0076.F/3
Requete/8