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06/06/2016 | BELGIQUE | N°S.16.0003.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 juin 2016, S.16.0003.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.16.0003.F

OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, etablissement public dont le siege est etablià Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

V. W. ,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 7 octobre 2015par la cour du travai

l de Mons.

Le conseiller Mireille Delange a fait rapport.

L'avocat general Jean Marie Genicot a conclu.

II....

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.16.0003.F

OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, etablissement public dont le siege est etablià Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

V. W. ,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 7 octobre 2015par la cour du travail de Mons.

Le conseiller Mireille Delange a fait rapport.

L'avocat general Jean Marie Genicot a conclu.

II. Le moyen de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, le demandeur presente un moyen.

III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la premiere branche :

Lorsque le directeur du bureau du chomage exclut un chomeur du beneficedes allocations et que ce dernier conteste cette exclusion, il nait entrel'Office national de l'emploi et le chomeur une contestation relative audroit aux allocations pendant la periode de l'exclusion.

Pour statuer sur cette contestation, le tribunal du travail, auquel elleressortit en vertu de l'article 580, 2DEG, du Code judiciaire, est tenu,dans le respect des droits de la defense et sans modifier l'objet de lademande, d'appliquer aux faits regulierement soumis à son appreciationles regles de droit qui leur sont applicables.

Il ne peut reconnaitre le droit aux allocations que dans le respect desdispositions legales et reglementaires relatives au chomage.

L'arret decide d'annuler « pour defaut de motivation adequate » ladecision du demandeur, qui avait exclu la defenderesse du benefice desallocations de chomage au motif qu'elle n'etait pas disponible sur lemarche de l'emploi comme prevu à l'article 56 de l'arrete royal du 25novembre 1991 portant reglementation du chomage.

L'arret, qui s'abstient apres avoir prononce cette annulation de verifiersi, comme le soutenait le demandeur, la defenderesse avait perc,u uneindemnite en vertu d'un regime belge d'assurance maladie-invalidite qui laprivait du benefice des allocations pendant la periode litigieuse en vertude l'article 61, S: 1er, alinea 1er, de l'arrete royal precite, ne decidepas legalement de « [dire] pour droit que [la defenderesse] ne peut etreexclue du droit aux allocations » pendant cette periode.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Vu l'article 1017, alinea 2, du Code Judiciaire, condamne le demandeur auxdepens ;

Renvoie la cause devant la cour du travail de Liege.

Les depens taxes à la somme de cinq cent vingt-deux euros et huitcentimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillers KoenMestdagh, Mireille Delange, Antoine Lievens et Eric de Formanoir, etprononce en audience publique du six juin deux mille seize par lepresident de section Christian Storck, en presence de l'avocat generalJean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.

+--------------------------------------------+
| F. Gobert | E. de Formanoir | A. Lievens |
|------------+-----------------+-------------|
| M. Delange | K. Mestdagh | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

Requete

1er feuillet

00150979

REQUETE EN CASSATION

POUR : L'OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, en abrege ONEm, etablissement publicayant son siege social à 1000 Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,inscrit à la BCE sous le nDEG 0206.737.484,

demandeur en cassation,

assiste et represente par Me Paul Alain Foriers, avocat à la Cour decassation soussigne, dont le cabinet est etabli à 1050 Bruxelles, avenueLouise, 149 (Bte 20), ou il est fait election de domicile.

CONTRE : Madame V. W., defenderesse en cassation.

* *

*

A Messieurs les Premier President et President, Mesdames et Messieurs lesConseillers composant la Cour de cassation de Belgique,

Messieurs,

Mesdames,

Le demandeur en cassation a l'honneur de soumettre à votre censurel'arret rendu contradictoirement entre les parties le 7 octobre 2015 parla cour du travail de Mons (4eme chambre, R.G. nDEG 2012/AM/379). 2emefeuillet

A l'encontre de cet arret, le demandeur fait valoir le moyen de cassationsuivant.

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Dispositions legales violees

- articles 10, 11, 149 et 159 de la Constitution ;

- article 580, 1DEG et 2DEG, du Code judiciaire ;

- article 7, S: 11, alinea 1er, de l'arrete-loi du 28 decembre 1944concernant la securite sociale des travailleurs ;

- articles 60, 61, S: 1er, alinea 1er, et 62, , S: 1er, alinea 1er, del'arrete royal du 25 novembre 1991 portant reglementation du chomage ;

- article 100, S: 1er, alineas 1er et 4, de la loi relative à l'assurancesoins de sante et indemnites, coordonnee par l'arrete royal du 14 juillet1994

- principe general du droit interdisant au juge d'appliquer unedisposition - notamment une norme - contraire à une norme superieure.

Decision et motifs critiques

Apres avoir constate (arret pp. 3 à 6) que la defenderesse a ete admiseau benefice d'allocations d'attente sur base de ses etudes du 28 aout 2002au 1er janvier 2007 ; que le 5 septembre 2007, elle fut reconnue incapablede travailler et elle a perc,u des indemnites d'incapacite de travailjusqu'au 24 fevrier 2011 ; qu'elle sollicita le benefice des allocationsde chomage à partir du 25 fevrier suivant et remit un certificat medicalattestant qu'elle presentait une incapacite de travail de plus de 33% ;que le demandeur sollicita de son medecin-conseil une double demanded'examen, d'une part, pour la fixation du taux d'inaptitude au travail :« l'interessee est-elle apte au travail au sens de la legislation enmatiere d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidite ? » ;d'autre part, en ce qui concerne l'activation de la recherche d'emploi :« l'interessee presente-t-elle un taux d'inaptitude au travail temporaireou permanente de 33% au moins ? » ; que le 6 juin 2011, lemedecin-conseil du demandeur estima que la defenderesse etait « atteinted'une inaptitude permanente de 33% au moins » et ajouta en remarquequ'elle « n'avait jamais presente de capacite de gain » ; que le 8 juin3eme feuillet

2011, la defenderesse fut reprise en charge par son organisme assureur ;que par decision du 30 septembre 2011, le demandeur exclut la defenderessedu droit aux allocations de chomage à partir du 30 mars 2012 au motifqu'elle « n'etait pas disponible pour le marche de l'emploi (article 56de l'arrete royal du 25 novembre 1991) », un delai de six mois etantainsi laisse à la defenderesse pour d'entreprendre les demarchesnecessaires à sa prise en charge par le SPF Securite sociale ; que ladefenderesse a conteste cette decision en formant un recours au tribunaldu travail de Mons, section de La Louviere ; que par jugement du 27septembre 2012, le tribunal du travail annula la decision pour defaut demotivation, mais la confirma en ce qu'elle excluait la defenderesse dudroit aux allocations de chomage des sa prise en charge effective par leSPF Securite sociale et au plus tard le 30 mars 2012, en application desarticles 60 et suivants de l'arrete royal du 25 novembre 1991 portantreglementation du chomage et que la defenderesse interjeta appel de cejugement ;

l'arret attaque,

statuant en prosecution de cause de l'arret rendu le 20 novembre 2014, quiavait ordonne la reouverture des debats pour permettre aux parties defaire valoir leurs observations sur la question de savoir si l'applicationde l'article 60 de l'arrete royal du 25 novembre 1991 portantreglementation du chomage devait etre ecartee par la cour en vertu del'article 159 de la Constitution, des lors que, « en ce qu' il contraintl'ONEm à prendre en charge les chomeurs n'ayant jamais eu de capacite degain et ce de la meme maniere que ceux qui, au contraire, ont eu cettecapacite de gain, l'article 60 de l'arrete royal du 25 novembre 1991pourrait etre considere comme engendrant une situation qui n'est passusceptible de justification raisonnable et, partant, pourrait etredeclare contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution »,

« annule la decision administrative querelle notifiee le 30 septembre2011 pour defaut de motivation adequate ; dit pour droit que (ladefenderesse) ne peut etre exclue du droit aux allocations de chomage àpartir du 30 mars 2012 des lors qu'elle doit etre consideree comme apte autravail au sens de la legislation relative à l'assurance obligatoirecontre la maladie et l'invalidite et, partant, comme reunissant une desconditions d'octroi (aptitude au travail) pour pretendre au beneficed'allocations de chomage ; reforme le jugement dont appel en ce qu'il aconfirme la decision (du demandeur) d'exclure (la defenderesse) du droitaux allocations de chomage des sa prise en charge effective par le SPFSecurite sociale et au plus tard le 30 mars 2012, en application desarticles 60 et suivants de l'arrete royal du 25 novembre 1991 portantreglementation du chomage ». 4eme feuillet

L'arret attaque fonde cette decision sur les motifs qu'il indique à ses7eme à 12eme feuillets tenus ici pour integralement reproduits et plusspecialement sur les considerations suivantes :

« 1.2. Quant à la conformite de l'article 60 de l'AR du 25/11/1991 avecles articles 10 et 11 de la Constitution »

« Pour definir l'aptitude au travail dans le secteur chomage, l'article60 de l'arrete royal du 25 septembre 1991 renvoie à la notiond'incapacite en assurance maladie-invalidite en enonc,ant que `pourbeneficier des allocations, le travailleur doit etre apte au travail ausens de la legislation relative à l'assurance obligatoire contre lamaladie et l'invalidite'.

L'incapacite en assurance maladie-invalidite obligatoire est, ainsi,definie par l'article 100 de la loi coordonnee le 14 juillet 1994 :

`S: 1er. Est reconnu incapable de travailler au sens de la presente loicoordonnee, le travailleur qui a cesse toute activite en consequencedirecte du debut ou de l'aggravation de lesions ou de troublesfonctionnels dont il est reconnu qu'ils entrainent une reduction de sacapacite de gain, à un taux egal ou inferieur au tiers de ce qu'unepersonne de meme condition et de meme formation peut gagner par sontravail, dans le groupe de professions dans lesquelles se range l'activiteprofessionnelle exercee par l'interesse au moment ou il est devenuincapable de travailler ou dans les diverses professions qu'il a ou qu'ilaurait pu exercer du fait de sa formation professionnelle.

(...)

Toutefois, pendant les six premiers mois de l'incapacite primaire, ce tauxde reduction de capacite de gain est evalue par rapport à la professionhabituelle de l'interesse (...)'.

« L'article 100 de la loi coordonnee relative à l'assurance obligatoiresoins de sante et indemnites subordonne la reconnaissance de l'etatd'incapacite de travail à la reunion de trois conditions :

- la cessation des activites ;

- la reduction de capacite de gain de deux tiers par rapport à lapersonne de reference ;

- le lien entre la cessation des activites et le debut ou l'aggravationdes lesions et troubles fonctionnels, cause de la reduction de capacite degain.

[...] 5eme feuillet

« Ainsi, pour obtenir des indemnites d'incapacite de travail sur base del'article 100 de la loi coordonnee le 14 juillet 1994, il est requis qu'aumoment de l'entree sur le marche du travail, l'assure social justified'une capacite de gain de plus d'un tiers : l'aggravation de l'etat desante qui reduit à neant une capacite de gain dejà inexistante au regarddes criteres prescrits par l'article 100 precite n'ouvre evidemment pas ledroit au benefice des indemnites prevues par cette legislation.

« On ne peut bien evidemment pas perdre une seconde fois une capacite detravail qu'on avait dejà perdue par le passe (...).

« Il decoule des developpements qui precedent que le travailleur atteintd'au moins 66% d'incapacite sans jamais avoir presente de capacite reellede travail sera considere comme inapte au travail pour l'application del'article 100 de la loi coordonnee le 14 juillet 1994 et, par consequent,egalement, pour celle de l'article 60 de l'arrete royal du 25 novembre1991 puisque cette disposition reglementaire renvoie à la notiond'incapacite en assurance maladie-invalidite obligatoire pour definirl'inaptitude au travail dans le secteur chomage.

[...]

« Cependant, en l'espece, les conclusions du medecin agree de l'ONEm du 6juin 2011 selon lesquelles (la defenderesse) `n'a jamais presente decapacite de gain' ne peuvent avoir aucune incidence sur son droit auxallocations de chomage : à supposer, en effet, ce constat exact, (ladefenderesse) n'etait pas reconnue incapable au sens de l'article 100 dela loi coordonnee le 14 juillet 1994 ce qui signifie, ipso facto, qu'elledoit etre consideree comme apte au regard du prescrit de l'article 60 del'arrete royal du 25 novembre 1991 et qu'elle reunit, partant, à ce titreune des conditions d'octroi pour pretendre au benefice des allocations dechomage.

« Ce seul constate conduit, ainsi, la cour à relever (...) que l'ONEmest, ainsi, invite à prendre en charge des personnes qui n'ont jamaispresente la moindre capacite de gain au meme titre que celles qui ontdispose d'une capacite de gain : en effet, le travailleur atteint d'aumoins 66% d'incapacite sans jamais avoir presente de capacite reelle detravail sera considere comme apte au travail pour l'application del'article 100 de la loi coordonnee le 14 juillet 1994 et, par consequent,egalement, pour celle de l'article 60 de l'arrete royal du 25 novembre1991 puisque, pour rappel, cette disposition reglementaire renvoie à lanotion d'incapacite en assurance maladie-invalidite obligatoire pourdefinir l'aptitude au travail dans le secteur chomage. 6eme feuillet

« Les personnes n'ayant jamais eu de capacite de gain et pour qui lareduction de cette capacite est permanente n'ont, toutefois, bienevidemment et naturellement pas pour vocation d'acceder au marche del'emploi et aux revenus qu'il est cense leur procurer. En cela, leursituation differe fondamentalement de celle des ex-etudiants etex-travailleurs ayant dispose, disposant ou pouvant disposer de lacapacite d'acceder au marche de l'emploi.

« Une telle solution serait d'autant moins justifiable qu'un chomeur enincapacite temporaire serait, quant à lui, prive du droit auxallocations.

[...]

« En ce qu' il contraint l'ONEm à prendre en charge les chomeurs n'ayantjamais eu de capacite de gain et de la meme maniere que ceux qui, aucontraire, ont eu cette capacite de gain, l'article 60 de l'arrete royaldu 25 novembre 1991 doit etre considere comme engendrant une situation quin'est pas susceptible de justification objective et raisonnable et,partant, doit etre declare contraire aux articles 10 et 11 de laConstitution.

« Dans cette mesure, son application doit etre ecartee par la cour deceans, dans le cadre du controle de constitutionnalite de la normeincriminee, en vertu de l'article 159 de la Constitution, puisque la normeentache d'inconstitutionnalite est un arrete royal.

« 1.3. Conclusions

« En l'espece, la decision de l'ONEm se fonde sur le seul avis emis parson medecin agree le 6 juin 2011.

« Or, force est, neanmoins, de constater que (la defenderesse) a etereconnue en incapacite de travail et indemnisee par son organisme assureurdu 5 septembre 2007 au 24 fevrier 2011 et à partir du 8 juin 2011 detelle sorte que ces decisions signifient implicitement mais certainementque (la defenderesse) a toujours presente une capacite de gain. 7emefeuillet

« Ces considerations suffisent à contrarier valablement le point de vuedu medecin agree de l'ONEm qui a servi de fondement à la decisionadministrative litigieuse notifiee le 30 septembre 2011.

« Il s'impose, des lors, d'annuler la decision administrative querelleedu 30 septembre 2011 inadequatement motivee par reference à l'absence dedisponibilite de (la defenderesse) sur le marche de l'emploi, constat quiconduit la cour de ceans à se substituer à l'ONEm en disant pour droitque (la defenderesse) ne peut etre exclue du droit aux allocations àpartir du 30 mars 2012 des lors qu'elle doit etre consideree comme apte autravail au sens de la legislation relative à l'assurance obligatoirecontre la maladie et l'invalidite et, partant, comme reunissant une desconditions d'octroi pour pretendre au benefice des allocations de chomage» (arret, 7eme à 12eme feuillets).

Griefs

Premiere branche

1. Aux termes de l'article 7, S: 11, alinea 1er, de l'arrete-loi du 28decembre 1944 concernant la securite sociale des travailleurs, « leslitiges ayant pour objet des droits resultant de la reglementation enmatiere de chomage sont de la competence du tribunal du travail ». Envertu de l'article 580, 2DEG, du Code judiciaire, le tribunal du travailconnait des contestations relatives aux droits et obligations destravailleurs salaries resultant des lois et reglements prevus au 1DEG,notamment en matiere de chomage.

Lorsque le directeur du bureau du chomage exclut un chomeur du beneficedes allocations de chomage en application de l'arrete royal du 25 novembre1991 portant reglementation du chomage et que le chomeur conteste cetteexclusion devant le tribunal du travail, il en resulte une contestationsur le droit aux allocations de chomage sur laquelle le tribunal dutravail doit statuer. A cet egard le tribunal du travail et, en degred'appel, la cour du travail disposent de la pleine juridiction et,moyennant les droits de la defense et dans les limites de la contestation,tout ce qui releve de la competence d'appreciation du directeur est soumisau controle du juge. 8eme feuillet

Si les juridictions du travail decident que c'est à tort, pour s'etrefonde sur une disposition reglementaire inadequate, que le directeur dubureau du chomage a exclu un chomeur du benefice des allocations etqu'elles annulent cette decision, il appartient alors à ces juridictionsde verifier si le chomeur est dans les conditions pour beneficier desallocations.

2. L'article 61, S: 1er, alinea 1er, de l'arrete royal du 25 novembre 1991precite dispose : « Ne peut beneficier des allocations le travailleur quiperc,oit une indemnite en vertu d'un regime belge d'assurancemaladie-invalidite ».

Dans ses conclusions additionnelles d'appel, le demandeur avait faitvaloir que depuis l'arret du 20 novembre 2014 ordonnant la reouverture desdebats, il avait « pu constater, de la consultation des donnees de basede la banque carrefour de la securite sociale , que (la defenderesse) abeneficie d'allocations d'assurance maladie-invalidite durant la periodelitigieuse » ; qu'en vertu de l'article 61 de l'arrete royal precite, «elle ne peut des lors pretendre au benefice des allocations de chomage »; que l'appel doit des lors etre declare non fonde, « etant devenu denued'interet puisqu'en l'espece, (la defenderesse) est prise en charge parson organisme assureur qui l'a estimee inapte au sens de l'article surl'assurance maladie-invalidite » (lesdites conclusions, p. 2).

Dans ses conclusions en replique à l'avis ecrit du ministere public du 17juin 2015, le demandeur faisait encore valoir ce qui suit : selon lajurisprudence de la Cour de cassation, « le juge saisi d'un litigerelatif au droit aux allocations de chomage ne peut reconnaitre un droitlorsqu'il ressort des elements du dossier que le chomeur ne remplit pastoutes les conditions legales pour avoir droit à une telle allocation(...). Il appartient par consequent au juge saisi de la questiond'examiner lui-meme le fond du litige et de se prononcer sur les droits del'interesse. En l'espece, apres avoir examine (la defenderesse), l'ONEm etl'organisme assureur de cette derniere ont abouti à la meme conclusion :(la defenderesse) presente une incapacite au travail de plus de 66%. Elleest des lors inapte au travail au sens des articles 114 (lire : 100) de laloi du 14 juillet 1994 relative à l'assurance maladie-invalidite et 60 del'arrete royal. du 25 novembre 1991. La consideration du medecin agree del'Office suivant laquelle (la defenderesse) n'a jamais eu de capacite degain est denuee d'interet en ce dossier. En effet, le fait que (ladefenderesse) ait ete reconnue en incapacite par son assurancemaladie-invalidite signifie necessairement qu'elle a bien eu une capacitede gain. L'Office ne conteste d'ailleurs plus l'existence d'une capacitede gain dans le chef de (la defenderesse) depuis la procedure en premiereinstance. Compte tenu de son inaptitude au travail de plus de 66%, (ladefenderesse) a 9eme feuillet

beneficie d'allocations d'assurance maladie-invalidite durant la periodelitigieuse. Or, en vertu de l'article 61 de l'arrete royal du 25 novembre1991, `ne peut beneficier des allocations le travailleur qui perc,oit uneindemnite en vertu d'un regime belge d'assurance maladie-invalidite'. (Ladefenderesse) ne peut des lors pretendre au benefice des allocations dechomage depuis le 8 juin 2001 (lire : 2011). Par consequent, la decisionlitigieuse ne pourrait purement et simplement etre annulee et ilappartient à la cour de ceans de se substituer à l'Office et de direqu'en vertu des articles 60 et suivants de l'arrete royal precite, (ladefenderesse) ne peut percevoir d'allocations de chomage durant sa perioded'inaptitude au travail de plus de 66%. L'Office tient egalement àsouligner que l'inaptitude visee par les articles 60 et suivants del'arrete royal precite n'est nullement permanente et que si (ladefenderesse) retrouve son aptitude au travail, elle pourra solliciter unnouvel examen medical afin de voir reconnaitre cette aptitude » (lesditesconclusions, pp. 2 et 3).

3. L'arret attaque ne denie pas que depuis la decision litigieuse dudemandeur de l'exclure du benefice des allocations de chomage, ladefenderesse perc,oit des indemnites de son organisme assureur et donc desindemnites en vertu d'un regime belge d'assurance maladie-invalidite viseà l'article 61, S: 1er, alinea 1er, de l'arrete royal du 25 novembre 1991portant reglementation du chomage : l'arret constate en effet que « le 8juin 2011, (la defenderesse) fut reprise en charge par son organismeassureur » (arret, 4eme feuillet) et qu'elle « a ete reconnue enincapacite de travail par son organisme assureur du 5 septembre 2007 au 24fevrier 2011 et à partir du 8 juin 2011 » (arret, 11eme feuillet).L'arret ne constate pas que cette prise en charge depuis le 8 juin 2011aurait cesse.

Des lors qu'il a annule la decision prise par le demandeur le 30 septembre2011 d'exclure la defenderesse du droit aux allocations de chomage àpartir du 30 mars 2012 au plus tard, « pour defaut de motivation adequate», à savoir que la defenderesse « n'etait pas disponible pour le marchede l'emploi (article 56 de l'arret royal du 25 novembre 1991) », l'arretattaque, qui estime devoir « se substituer à l'ONEm » (arret, 11emefeuillet), ne pouvait dire pour droit que la defenderesse ne pouvait etreexclue du droit aux allocations de chomage à partir du 30 mars 2012 deslors que, en vertu de l'article 61, S: 1er, alinea 1er, de l'arrete royaldu 25 novembre 1991 portant reglementation du chomage, la defenderesse,qui percevait des indemnites en vertu d'un regime belge d'assurancemaladie-invalidite, ne pouvait etre beneficiaire d'allocations de chomage.10eme feuillet

En substituant à la decision querellee du demandeur celle de « dire pourdroit que (la defenderesse) ne peut etre exclue du droit aux allocationsde chomage à partir du 30 mars 2011 des lors qu'elle doit etre considereecomme apte au travail au sens de la legislation relative à l'assuranceobligatoire contre la maladie et l'invalidite et, partant, commereunissant une des conditions d'octroi (aptitude au travail) pourpretendre au benefice des allocations de chomage », l'arret attaque nejustifie pas legalement sa decision (violation de l'article 61, S: 1er,alinea 1er, de l'arrete royal du 25 novembre 1991 portant reglementationdu chomage et, pour autant que de besoin, violation des articles 7, S: 11,alinea 1er, de l'arrete-loi du 25 decembre 1944 concernant la securitesociale des travailleurs et 580, 1DEG et 2DEG, du Code judiciaire).

4. A tout le moins, l'arret attaque qui ne se prononce pas surl'application de l'article 61, S: 1er, alinea 1er, de l'arrete royal du 25novembre 1991 precite, laisse sans reponse les moyens precites desconclusions du demandeur et n'est des lors pas regulierement motive(violation de l'article 149 de la Constitution).

Seconde branche

5. L'article 60 de l'arrete royal du 25 novembre 1991 portantreglementation du chomage dispose : « Pour beneficier des allocations, letravailleur doit etre apte au travail au sens de la legislation relativeà l'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidite ».

L'article 62, S: 1er, alinea 1er, du meme arrete royal dispose, en sapremiere phrase : « Ne peut beneficier des allocations le travailleurqui, sur avis du medecin affecte au bureau du chomage, conformement à laprocedure prevue à l'article 141, est considere par le directeur commeinapte au travail au sens de la legislation relative à l'assuranceobligatoire contre la maladie et l'invalidite ».

L'article 100 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santeet indemnites, coordonnee par arrete royal du 14 juillet 1994, dispose, enson S: 1er, alinea 1er : « Est reconnu incapable de travailler au sens dela presente loi coordonnee, le travailleur qui a cesse toute activite enconsequence directe du debut ou de l'aggravation de lesions ou de troublesfonctionnels dont il est reconnu qu'ils entrainent une reduction de sacapacite de gain, à un taux egal ou inferieur au tiers de ce qu'unepersonne de meme condition et de meme formation peut gagner par sontravail, dans le groupe de professions dans 11eme feuillet

lesquelles se range l'activite professionnelle exercee par l'interesse aumoment ou il est devenu incapable de travailler ou dans les diversesprofessions qu'il a ou qu'il aurait pu exercer du fait de sa formationprofessionnelle », et, en son alinea 4 : « Toutefois, pendant les sixpremiers mois de l'incapacite primaire, ce taux de reduction de capacitede gain est evalue par rapport à la profession habituelle de l'interesse(...) ».

Premier rameau

6. L'arret attaque considere, dans ses motifs precites et specialementdans les motifs figurant sous le titre « Quant à la conformite del'article 60 de l'arrete royal du 25 novembre 1991 avec les articles 10 et11 de la Constitution », que l'application dudit article 60 doit etreecartee parce qu'elle est contraire auxdits articles constitutionnels ence qu'il aboutit à contraindre l'ONEm à prendre en charge des chomeursqui n'ont jamais eu de capacite de gain de la meme maniere que leschomeurs qui ont eu cette capacite de gain.

Toutefois, l'arret « dit pour droit que (la defenderesse) ne peut etreexclue du droit aux allocations à partir du 30 mars 2012 des lors qu'elledoit etre consideree comme apte au travail au sens de la legislationrelative à l'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidite et,partant, comme reunissant une des conditions d'octroi (aptitude autravail) pour pretendre au benefice des allocations de chomage », pour lemotif que la defenderesse « a ete reconnue en incapacite de travail etindemnisee par son organisme assureur du 5 septembre 2007 au 24 fevrier2011 et à partir du 8 juin 2011, de telle sorte que ces decisionssignifient implicitement mais certainement que (la defenderesse) atoujours presente une capacite de gain », considerations qui, selonl'arret, « suffisent à contrarier valablement le point de vue du medecinagree de l'ONEm qui a servi de fondement à la decision administrativelitigieuse » (arret, 11eme feuillet).

En se referant ainsi au critere de l'aptitude au travail pour le beneficedes allocations de chomage, critere defini à l'article 60 l'arrete royaldu 25 novembre 1991 par reference à la legislation relative àl'assurance maladie-invalidite, l'arret attaque fait ainsi applicationdudit article 60, combine avec l'article 62, S: 1er, alinea 1er, precite,du meme arrete royal. 12eme feuillet

Or, selon la decision meme de l'arret attaque, la cour du travail devait,en vertu de l'article 159 de la Constitution et du principe general dudroit vise en tete du moyen, ecarter l'application de l'article 60 del'arrete royal du 25 novembre 1991 pour contrariete aux articles 10 et 11de la Constitution.

Des lors, la decision de l'arret attaque de dire pour droit que ladefenderesse « ne peut etre exclue du droit aux allocations à partir du30 mars 2012 des lors qu'elle doit etre consideree comme apte au travailau sens de la legislation relative à l'assurance obligatoire contre lamaladie et l'invalidite et, partant, comme reunissant les conditionsd'octroi (aptitude au travail) pour pretendre au benefice des allocationsde chomage », n'est pas legalement justifiee (violation de l'article 159de la Constitution et du principe general du droit vise en tete du moyenet, pour autant que de besoin, des articles 10 et 11 de la Constitution,60 et 62, S: 1er, alinea 1er, de l'arrete royal du 25 novembre 1991portant reglementation du chomage).

7. En outre, les motifs sur lesquels se fonde l'arret attaque sontcontradictoires : l'arret attaque considere que la defenderesse a droitaux allocations de chomage sur la base d'une disposition reglementaire(l'article 60 de l'arrete royal du 25 novembre 1991) dont il estimepourtant devoir ecarter l'application. A tout le moins, ces motifs sontobscurs, ne permettant pas de comprendre pourquoi l'arret attaque decideque la defenderesse a droit aux allocations de chomage. Des lors, enraison de cette contradiction ou, à tout le moins, de cette obscurite,l'arret n'est pas regulierement motive et viole de ce chef l'article 149de la Constitution.

Deuxieme rameau

8. Est reconnu incapable de travailler au sens au sens de l'article 100 S:1er, alineas 1er et 4, de la loi relative à l'assurance obligatoire soinsde sante et indemnites, coordonnee par arrete royal du 14 juillet 1994,precite, le travailleur qui a perdu au moins deux tiers de sa capacite degain et, en vertu des articles 60 et 62, S: 1er, alinea 1er, de l'arreteroyal du 25 novembre 1991 portant reglementation du chomage, precite, letravailleur ainsi reconnu comme incapable de travailler n'est pas untravailleur apte au travail admis au benefice des allocations de chomage.13eme feuillet

Une fois reconnu en incapacite de travail par son organisme assureur enmatiere d'assurance maladie-invalidite et indemnise à ce titre, untravailleur ne peut des lors etre declare apte au travail au sens del'article 60 de l'arrete royal du 25 novembre 1991 et beneficier desallocations de chomage. La consideration que ce travailleur ait, à tort,ete considere par le medecin agree par l'ONEm comme n'ayant jamais eu decapacite de gain, est indifferente.

9. L'arret attaque « dit pour droit que (la defenderesse) ne peut etreexclue du droit aux allocations de chomage à partir du 30 mars 2012 deslors qu'elle doit etre consideree comme apte au travail au sens de lalegislation relative à l'assurance obligatoire contre la maladie etl'invalidite et, partant, comme reunissant une des conditions d'octroi(aptitude au travail) pour pretendre au benefice des allocations dechomage » pour le motif que, « en l'espece, les decisions de l'ONEm sefondent sur le seul avis emis par son medecin agree le 6 juin 2011. Or,force est neanmoins de constater que (la defenderesse) a ete reconnue enincapacite de travail et indemnisee par son organisme assureur du 5septembre 2007 au 24 fevrier 2011 et à partir du 8 juin 2011 de tellesorte que ces decisions signifient implicitement mais certainement que (ladefenderesse) a toujours presente une capacite de gain. Ces considerationssuffisent à contrarier valablement le point de vue du medecin agree del'ONEm qui a servi de fondement à la decision administrative litigieusenotifiee le 30 septembre 2011 ».

Pourtant il ne se deduit pas de la reconnaissance de l'incapacite detravail d'un travailleur par son organisme assureur en matiere d'assurancemaladie-invalidite et de son indemnisation par ledit organisme assureurque ce travailleur aurait toujours presente une capacite de gain, maisseulement qu'il a eu, à un moment, une capacite de gain qu'il a perdue àconcurrence d'au moins deux tiers.

En considerant la defenderesse « apte au travail » et reunissant lesconditions pour pretendre au benefice des allocations de chomage pour lemotif precite selon lequel, contrairement à ce qu'a estime le medecinagree de l'ONEm, elle « a toujours presente une capacite de gain »,l'arret attaque ne justifie pas legalement sa decision (violation desarticles 100, S: 1er, alineas 1er et 4, de la loi relative à l'assuranceobligatoire soins de sante et indemnites, 60 et 62, S: 1er, alinea 1er, del'arrete royal du 25 novembre 1991 portant reglementation du chomage).14eme feuillet

Troisieme rameau

10. L'arret attaque considere, d'une part, que « le travailleur atteintd'au moins 66% d'incapacite sans jamais avoir presente de capacite reellede travail sera considere comme inapte au travail pour l'application del'article 100 de la loi coordonnee le 14 juillet 1994 et, par consequent,egalement, pour celle de l'article 60 de l'arrete royal du 25 novembre1991 puisque cette disposition reglementaire renvoie à la notiond'incapacite en assurance maladie-invalidite obligatoire pour definirl'inaptitude au travail dans le secteur chomage » (arret, 9eme feuillet)et, d'autre part, que « le travailleur atteint d'au moins 66%d'incapacite sans jamais avoir presente de capacite reelle de travail seraconsidere comme apte au travail pour l'application de l'article 100 de laloi coordonnee le 14 juillet 1994 et, par consequent, egalement, pourcelle de l'article 60 de l'AR du 25 novembre 1991 » (arret, 10emefeuillet).

Ces motifs sont contradictoires ou, à tout le moins, obscurs. L'arretattaque qui se fonde sur ces motifs entaches de contradiction ou, à toutle moins, d'obscurite pour decider que la defenderesse, « reconnue enincapacite de travail et indemnisee par son organisme assureur du 5septembre 2007 au 24 fevrier 2011 et à partir du 8 juin 2011 », « nepeut etre exclue du droit aux allocations à partir du 30 mars 2012 deslors qu'elle doit etre consideree comme apte au travail au sens de lalegislation relative à l'assurance obligatoire contre la maladie etl'invalidite et, partant, comme reunissant une des conditions d'octroipour pretendre au benefice des allocations de chomage », n'est donc pasregulierement motive (violation de l'article 149 de la Constitution).15eme feuillet

PAR CE MOYEN,

l'avocat à la Cour de cassation soussigne, pour le demandeur encassation, conclut qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arretattaque ; ordonner que mention de votre arret soit faite en marge de ladecision annulee ; renvoyer la cause et les parties devant une autre courdu travail ; statuer sur les depens comme de droit.

Bruxelles, le 6 janvier 2016

Pour le demandeur en cassation,

son conseil,

Paul Alain Foriers

Piece jointe :

Il sera en outre joint à la presente requete en cassation, lors de sondepot au greffe de la Cour, l'original de l'exploit constatant sasignification à la defenderesse en cassation.

6 JUIN 2016 S.16.0003.F/2

Requete/15


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.16.0003.F
Date de la décision : 06/06/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-06-06;s.16.0003.f ?
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