Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG S.12.0028.F
CAISSE AUXILIAIRE DE PAIEMENT DES ALLOCATIONS DE CHOMAGE, dont le siegeest etabli à Saint-Josse-ten-Noode, rue de Brabant, 62,
demanderesse en cassation,
representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,
contre
N. R.,
defendeur en cassation.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre les arrets rendus les 7 juin et6 decembre 2011 par la cour du travail de Liege, section de Namur.
Le 18 mai 2016, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.
Le president de section Christian Storck a fait rapport et l'avocatgeneral Jean Marie Genicot a ete entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- articles 10, 11 et 159 de la Constitution ;
- articles 1235 et 1376 du Code civil ;
- article 7, specialement S:S: 1er, alinea 3, i), et 13, alinea 2, del'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant la securite sociale destravailleurs ;
- articles 24, specialement S: 2, 149, 164, 166, 167, specialement S:S:1er, 4DEG, et 2, et 169, specialement alineas 1er et 2, de l'arrete royaldu 25 novembre 1991 portant reglementation du chomage ;
- articles 17, 18 et 18bis de la loi du 11 avril 1995 visant à instituerla charte de l'assure social.
Decisions et motifs critiques
L'arret attaque d'avant dire droit du 7 juin 2011, apres avoir rappele lestermes de l'arret de la Cour du 9 juin 2008, considere que :
« Des lors, si le droit aux prestations versees indument faisant l'objetdu rejet de depenses ne peut de toute maniere pas etre reconnu en faveurdu chomeur parce qu'il n'y aurait pas eu droit, la recuperation doit avoirlieu meme si le paiement errone est du à une faute ou une negligenceexclusive de l'organisme de paiement ;
Il decoule de cette interpretation tres stricte du texte que, lorsque lerejet de depenses est du à une erreur d'introduction (retard ou autrecause), l'indu ne peut rester à charge de l'organisme de paiement que sile chomeur aurait eu droit à la prestation en toute hypothese. Danstoutes les autres hypotheses, l'organisme de paiement est en droit derecuperer à charge du chomeur ;
L'article 167 de l'arrete royal organique cree donc une situationapparemment discriminatoire entre les chomeurs et les autres assuressociaux ;
Les organismes de paiement sont, si l'interpretation susmentionneeprevaut, exempts de toute prise en charge des consequences de leurserrements grace au fait qu'un organisme de controle verifie les depenseset ce, meme lorsque l'indu est une consequence de leur faute exclusive.Est-ce bien là la volonte du legislateur ? La doctrine s'inquietaitdejà en 1998 des risques de remise en cause d'une des grandes avancees dela charte ;
Les parties ne se sont pas expliquees sous cet angle ;
Des lors, une reouverture des debats s'impose »,
et ordonne une reouverture des debats, notamment à cette fin.
L'arret attaque definitif du 6 decembre 2011 « reforme le jugemententrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il rec,oit le premierrecours et delaisse les depens aux institutions de securite sociale, ditpour droit que la [demanderesse] ne peut recuperer l'indu des lors qu'ilest du à sa faute exclusive, annule en consequence les decisions derecuperation d'indu et met comme de droit, sur la base de l'article 1017,alinea 2, du Code judiciaire, à charge de [la demanderesse] les depens depremiere instance et d'appel liquides jusqu'ores à zero euro en ce quiconcerne [le defendeur] ».
Apres avoir rappele les termes de l'arret precite de la Cour du 9 juin2008, l'arret attaque du 6 decembre 2011 fonde ces decisions notamment surce que « la cour [du travail] s'est alors pose la question de savoir sila situation ainsi reservee aux assures sociaux pour lesquels un organismecontrole ou dispose du pouvoir de rejeter les depenses engagees necreerait pas une situation discriminatoire en ce sens que, meme lorsquel'institution de securite sociale est seule responsable de l'erreur,celle-ci n'empecherait pas une recuperation, laquelle n'est pas autoriseedans les autres branches de la securite sociale. Elle a pose une questionprejudicielle à la Cour constitutionnelle ;
Celle-ci a repondu par la negative au motif que la disposition querellee(l'article 18bis) ne fait en soi aucune difference entre les categoriesd'assures sociaux des lors qu'elle autorise le Roi à regler la situationde toutes les categories d'assures sociaux mais a ajoute : `B.4. Du reste,s'il apparaissait que, sur la base de l'habilitation faite par ladisposition en cause, le Roi a introduit une difference de traitemententre les categories d'assures sociaux precitees, c'est au juge a quoqu'il appartiendrait, en application de l'article 159 de la Constitution,le cas echeant, de verifier s'il existe une justification raisonnable pourcette difference de traitement, par consequent, si elle est compatibleavec les articles 10 et 11 de la Constitution' ;
Il y a donc lieu de verifier, conformement à l'article 159 de laConstitution, s'il existe des motifs de traiter differemment les chomeurs(et les invalides) et les autres assures sociaux ;
Seule la faute exclusive de l'organisme de paiement ayant cree un indualors que le chomeur ne pouvait pas ouvrir le droit aux allocations nepeut en vertu de l'article 167 de l'arrete royal faire l'objet d'unedecision de recuperation aupres du chomeur ;
La Cour de cassation a en effet recemment decide que :
`Aux termes de l'article 167, S: 1er, alinea 1er, 4DEG, de l'arrete royaldu 25 novembre 1991, l'organisme de paiement est responsable des paiementsqu'il a effectues et qui sont rejetes ou elimines par le bureau du chomageexclusivement en raison d'une faute ou d'une negligence imputable àl'organisme de paiement, notamment lorsque les pieces ont ete transmisesau bureau du chomage en dehors du delai reglementaire.
Le rejet d'une depense est, au sens de cette disposition, exclusivement duà une faute ou à une negligence imputable à l'organisme de paiementlorsque le droit du travailleur aux allocations de chomage auxquellescorrespond cette depense existe independamment de cette faute ou de cettenegligence.
L'arret, qui constate que le directeur du bureau du chomage a pris unedecision excluant que la defenderesse eut droit aux allocations que lademanderesse a continue à lui payer par erreur et que les depensescorrespondant à ces allocations ont, pour cette raison, ete rejetees parl'Office national de l'emploi, entrainant l'indu dont la demanderessepoursuit la recuperation, n'a pu, sans violer l'article 167, S: 1er,alinea 1er, 4DEG, precite, refuser à celle-ci cette recuperation au motifqu' « [elle] ne demontre nullement que quelqu'un d'autre qu'elle-memeaurait commis une erreur en fait ou en droit »' ;
La Cour a plus recemment encore confirme cette interpretation ;
Des lors, si le droit aux prestations versees indument faisant l'objet durejet de depenses ne peut de toute maniere pas etre reconnu en faveur duchomeur parce qu'il n'y aurait pas eu droit, la recuperation doit, enapplication des textes reglementaires, etre ordonnee meme si le paiementerrone est du à une faute ou à une negligence exclusive de l'organismede paiement ;
Il decoule de cette interpretation tres stricte du texte que, lorsque lerejet de depenses est du à une erreur d'introduction (retard ou autrecause), l'indu ne peut rester à charge de l'organisme de paiement que sile chomeur aurait eu droit à la prestation en l'absence de cette faute.Dans toutes les autres hypotheses, l'organisme de paiement est en droit derecuperer à charge du chomeur ;
6.2.3. L'existence d'une discrimination
La question de la discrimination ne se pose pas en comparant le chomeurqui a droit à la prestation avec celui qui n'y a pas droit, ni celui quin'y a pas droit et ne l'a pas obtenue avec celui qui n'y a pas droit etl'a obtenue par erreur ;
Il importe egalement peu qu'à l'issue de la procedure de controle,l'organisme peut aussi etre amene à verser un complement au chomeur etque donc ladite procedure n'est pas en sens unique en defaveur duchomeur ;
Ce qu'il faut examiner, ce sont les dispositions qui traitent de larecuperation de l'indu elles-memes et comparer la situation de deuxassures sociaux qui ont beneficie indument de prestations par la suited'une erreur imputable exclusivement à l'institution de securite socialeen partant de la regle generale edictee à l'article 17 de la charte del'assure social ;
L'article 167 de l'arrete royal organique cree une situation apparemmentdiscriminatoire entre les chomeurs et tous les autres assures sociaux,meme les beneficiaires de l'assurance obligatoire soins de sante etindemnites puisque, dans ce secteur, le Roi n'a jamais pris d'arrete royald'execution en telle sorte que l'article 17 de la charte doit s'appliqueraux decisions de recuperation prises ;
Les organismes de paiement sont, si l'interpretation susmentionneeprevaut, exempts de toute prise en charge des consequences de leurserrements grace au fait qu'un organisme de controle verifie les depenseset ce, meme lorsque l'indu est une consequence de leur faute exclusive.Est-ce bien là la volonte du legislateur? La doctrine s'inquietait dejàen 1998 des risques de remise en cause d'une des grandes avancees de lacharte ;
Dans un ouvrage recemment paru, H. Mormont s'exprime comme suit :
`A cet egard, force est en effet de constater que l'article 166 introduitune difference de traitement notable en defaveur des chomeurs concernes,c'est-à-dire de ceux qui peuvent se voir reclamer par leur organisme depaiement le remboursement d'un indu dans des conditions dans lesquellesl'article 17 de la charte ferait obstacle à l'adoption d'une decision derevision ayant effet retroactif et, partant, à la recuperation de l'induen decoulant.
Cette difference de traitement existe tant à l'egard d'autres chomeurs,pour lesquels l'erreur est le fait de l'Office national de l'emploi quiest tenu par l'article 149, S: 1er, 2DEG, de l'arrete royal, quevis-à-vis des autres assures sociaux dans tous les secteurs pour lesquelsune telle derogation n'est pas mise en place.
Cette difference de traitement porte sur un acquis assez fondamental de lacharte de l'assure social, à savoir la garantie de non-recuperation del'indu perc,u de bonne foi et en raison de l'erreur de l'administration.Cette garantie est du reste une application legale du principe de legitimeconfiance.
On n'aperc,oit par ailleurs pas ce qui peut justifier ce traitement moinsfavorable pour les chomeurs concernes par une telle erreur de l'organismede paiement.
Le fait que ce dernier soit un organisme de droit prive ne semble nideterminant ni meme totalement exact. C'est en effet le cas de toutes lesinstitutions cooperantes dans les autres secteurs. Par ailleurs, des lorsque cet organisme remplit une mission de service public de collaborationà la securite sociale, on ne voit pas en quoi il devrait etre favorisepar rapport à l'administration dans ses rapports avec les assuressociaux.
Enfin, l'article 166 s'applique egalement en faveur de la Caisseauxiliaire de paiement des allocations de chomage, qui n'est pas unorganisme de droit prive.
La circonstance, avancee dans les travaux preparatoires de la charte, quele controle des depenses necessiterait plus de temps en matiere de chomageque dans les autres secteurs ne parait pas non plus reellement etablie. Onse permet de penser que, dans bien d'autres secteurs, de nombreux indussont deceles dans des delais aussi longs, voire davantage, qu'en chomage.
Enfin, les considerations budgetaires qui peuvent egalement etre mises enavant, si elles ne peuvent evidemment etre negligees, ne paraissentcependant pas plus pertinentes et determinantes en matiere de chomage quedans d'autres branches de la securite sociale.
Si aucune decision n'a tranche cette problematique à notre connaissance,on signale que l'ecartement de l'article 166 de l'arrete royal du 25novembre 1991 devrait mener à l'application du texte anterieur, pourautant qu'il soit lui-meme compatible avec la charte, et, en derniereinstance, de la charte elle-meme' ;
La discrimination est donc double : elle concerne la situation deschomeurs selon que la decision emane de l'Office national de l'emploi oud'un organisme de paiement mais egalement celle des assures sociaux selonqu'ils sont chomeurs ou beneficiaires d'autres prestations sociales. Seulsles chomeurs faisant l'objet d'une recuperation mise en oeuvre à la suited'une erreur exclusivement due à la faute d'un organisme de paiement sonttraites differemment ;
Cette difference de traitement n'est pas objectivement justifiee ;
Les raisons d'ordre budgetaire valent pour tous les regimes et ne peuventpas etre raisonnablement avancees uniquement en assurance chomage pourjustifier la derogation, ce que la [demanderesse] ne soutient du restepas ;
Le mode de controle des depenses ne peut non plus etre invoque comme lajustifiant seulement en matiere de chomage alors que ce systeme est envigueur dans d'autres branches sans qu'un regime derogatoire ait pourautant ete instaure. L'article 159 de la Constitution oblige des lors lejuge à ecarter l'article 166 de l'arrete royal du 25 novembre 1991 et leparagraphe 2 de l'article 167 en ce qu'il est interprete comme autorisantla recuperation à charge du chomeur d'un indu exclusivement lie à uneerreur de l'organisme de paiement (en-dehors de l'hypothese dans laquellele chomeur aurait eu droit à la prestation sans l'erreur del'organisme) ;
Il faut par consequent appliquer l'article 17 de la charte de l'assuresocial et exonerer le chomeur de la recuperation de cet indu dont il n'esten rien responsable et dont il ne pouvait se rendre compte (ce qui exclutpar exemple les doubles paiements). Cette disposition constitue unederogation aux articles 1235 et 1376 du Code civil invoques par la[demanderesse] dans l'hypothese de la creation d'un indu provenant de lafaute exclusive d'une institution de securite sociale ou d'une institutioncooperante ;
[Le defendeur] n'a pas pu se rendre compte de l'erreur. La [demanderesse]ne l'a pas informe du changement de montant journalier et il a continue àbeneficier du taux precedent ;
Dans ces conditions, l'appel est fonde. Les decisions de recuperationdoivent etre annulees ».
Griefs
Premiere branche
L'article 167 de l'arrete royal du 25 novembre 1991 vise au moyen n'estpas discriminatoire en soi puisqu'il ne s'applique qu'aux seuls chomeurset que la difference de traitement qu'il etablit entre chomeurs ayantdroit aux allocations et ceux n'y ayant pas droit s'imposait à peine desoumettre à un meme regime des chomeurs se trouvant dans des situationsdifferentes.
Le caractere discriminatoire dudit article 167 que l'arret du 7 juin 2011evoque et que l'arret definitif du 6 decembre 2011 retient, resulterait,selon la cour du travail, de ce que le Roi n'a pas edicte, à l'egard desautres assures sociaux que les chomeurs, de dispositions analogues àcelles de cet article 167.
La cour du travail a donc ecarte, par les motifs reproduits au moyen,l'application dudit article 167 en raison d'un lacune dans lareglementation qui est extrinseque à cet article 167.
Or, si le controle par voie d'exception institue par l'article 159 de laConstitution permet d'ecarter l'application d'un acte, il n'autorise pasla censure de l'inexistence d'un acte.
Il suit de là qu'en ecartant l'application de l'article 167 de l'arreteroyal du 25 novembre 1991 en raison de l'inexistence d'une reglementationanalogue pour les autres categories d'assures sociaux que les chomeurs,les arrets attaques, et specialement l'arret definitif du 6 decembre 2011,effectuent une censure non autorisee par l'article 159 de la Constitutionet, ce faisant, violent ledit article 159 et, en refusant illegalementd'appliquer l'article 167 de l'arrete royal du 25 novembre 1991, lesarticles 166 et 167 de cet arrete ainsi que les autres dispositions viseesau moyen.
Deuxieme branche
L'arret attaque du 6 decembre 2011 ecarte, dans la ligne de l'arretattaque du 7 juin 2011 et sur pied de l'article 159 de la Constitution,l'application des articles 166 et 167, S: 2, de l'arrete royal du 25novembre 1991 en raison de la double discrimination qui affecterait cesarticles en ce qu'elle concerne la situation « des chomeurs selon que ladecision emane de l'Office national de l'emploi ou d'un organisme depaiement mais egalement celle des assures sociaux selon qu'ils sontchomeurs ou beneficiaires d'autres prestations sociales, seuls leschomeurs faisant l'objet d'une recuperation mise en oeuvre à la suited'une erreur exclusivement due à la faute d'un organisme de paiementetant traites differemment », et en ce que « cette difference detraitement n'est pas objectivement justifiee ».
Cette appreciation meconnait la portee du principe d'egalite et denon-discrimination depose dans les articles 10 et 11 de la Constitution.
En effet, l'application de ce principe suppose que les categories depersonnes entre lesquelles une discrimination est alleguee se trouventdans une situation comparable.
Or, d'une part, la [demanderesse], organisme de payement, ne se trouve pasdans une situation comparable à celle de l'Office national de l'emploi,seul debiteur des allocations de chomage, et, d'autre part, lesdifferentes categories d'assures sociaux ne se trouvent pas dans unesituation comparable.
Les differences de traitement retenues par l'arret attaque du 6 decembre2011 et evoquees par l'arret d'avant dire droit du 7 juin 2011 ayant eteappliquees à des personnes ou des categories de personnes ne se trouvantpas dans une situation comparable, n'ont des lors pas un caracterediscriminatoire et, en leur attribuant un tel caractere, les arretsattaques violent les articles 10, 11 et, par voie de consequence, 159 dela Constitution et les autres dispositions visees au moyen, etspecialement les articles 166 et 167 de l'arrete royal du 25 novembre1991, que les arrets attaques refusent illegalement d'appliquer.
Par ailleurs, dut-on meme admettre que la [demanderesse] et l'Officenational de l'emploi, d'une part, et les chomeurs et les autres assuressociaux, d'autre part, se trouveraient dans des situations comparables,encore les differences de traitement etablies entre chomeurs par lareglementation de la [demanderesse] et de l'Office national de l'emploi etentre chomeurs et autres assures sociaux seraient-elles fondees sur descriteres objectifs et raisonnablement justifies au regard du butpoursuivi.
En ecartant l'application des articles 166 et 167 de l'arrete royal du 25novembre 1991 en raison de ces differences de traitement, les arretsattaques violent des lors les articles 10, 11 et, par voie de consequence,159 de la Constitution et les autres dispositions visees au moyen, etspecialement les articles 166 et 167 de l'arrete royal du 25 novembre1991, que les arrets attaques refusent illegalement d'appliquer.
Troisieme branche
En decidant que les articles 166 et 167 de l'arrete royal du 25 novembre1991 sont affectes d'un caractere discriminatoire anticonstitutionnel ence qu'ils etablissent à l'egard des chomeurs une derogation à l'article17 de la loi du 11 avril 1995 que le Roi n'a pas edictee à l'egard desautres categories d'assures sociaux, les arrets attaques considerent que,combine avec les articles 10 et 11 de la Constitution, l'article 18bis deladite loi du 11 avril 1995 imposait au Roi, sous peine de discriminerinconstitutionnellement les differentes categories d'assures sociaux, deregler simultanement et de maniere analogue la situation de personnesrelevant de ces differentes categories.
Or, telle n'est pas la portee de la disposition d'habilitation queconstitue cet article 18bis.
Cet article, qui ne fait en soi aucune difference entre les differentescategories d'assures sociaux, autorise le Roi à regler la situation tantdes chomeurs que des personnes relevant d'autres categories d'assuressociaux.
Le juge ne peut verifier, en application de l'article 159 de laConstitution, s'il existe une justification raisonnable pour unedifference de traitement entre categories d'assures sociaux comparablesque si le Roi a introduit une telle difference de traitement.
II suit de là que le Roi peut regler le regime de securite sociale deschomeurs sans etre tenu pour autant de regler de maniere analogue celuides autres categories d'assures sociaux et que, des lors, en deniant cetteliberte au Roi, les arrets attaques violent l'article 18bis de la loi du11 avril 1995 et, par voie de consequence, les articles 10, 11, 159 de laConstitution, 166, 167 de l'arrete royal du 25 novembre 1991 et les autredispositions visees au moyen.
Quatrieme branche
L'article 167 de l'arrete royal du 25 novembre 1991 fut-il memeinapplicable, encore les arrets attaques devaient-ils admettre larepetition de l'indu sur la base de l'article 169 de cet arrete royal,dans les limites prevues par cet article pour les chomeurs de bonne foi.
En deboutant [la demanderesse] de sa demande en repetition de l'indu, lesarrets attaques violent, des lors, ledit article 169, les dispositionsvisees au moyen qui consacrent le principe de la repetition de l'indu, àsavoir les articles 1235 et 1376 du Code civil, ainsi que lesdispositions visees au moyen de l'article 7 de l'arrete-loi du 28 decembre1944.
III. La decision de la Cour
Sur le moyen :
L'arret attaque du 7 juin 2011, qui se limite à ordonner la reouverturedes debats aux fins qu'il precise, ne contient aucune des decisions que,en ses differentes branches, lui prete le moyen.
Dans cette mesure, le moyen, en chacune de ses branches, manque en fait.
Quant au surplus de la deuxieme branche :
En vertu de l'article 17 de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer lacharte de l'assure social, la nouvelle decision que prend l'institution desecurite sociale lorsqu'il est constate que la decision est entachee d'uneerreur de droit ou d'une erreur materielle produit ses effets, en casd'erreur due à l'institution de securite sociale et hors le cas oul'assure sait ou devait savoir qu'il n'a pas ou plus droit àl'integralite d'une prestation, le premier jour du mois qui suit lanotification, si le droit à la prestation est inferieur à celui quietait reconnu initialement.
L'article 18bis de cette loi autorise le Roi à determiner les regimes desecurite sociale ou les subdivisions de ceux-ci pour lesquels une decisionrelative aux memes droits, prise à la suite d'un examen de la legalitedes prestations payees, n'est pas consideree comme une nouvelle decisionpour l'application de l'article 17.
Pris en execution de cette disposition, l'article 166, alinea 2, del'arrete royal du 25 novembre 1991 portant reglementation du chomagedispose que les decisions visees à l'article 164 de cet arrete, quiconcerne le controle par l'Office national de l'emploi des depenses desorganismes de paiement, ne sont pas considerees comme de nouvellesdecisions pour l'application des articles 17 et 18 de la charte et ne sontpas regies par les dispositions reprises à l'article 149 du meme arrete.
L'article 167, S: 2, alinea 2, de celui-ci prevoit que l'organisme depaiement, qui est responsable des paiements qu'il a effectues et qui ontete rejetes ou elimines par le bureau du chomage exclusivement en raisond'une faute ou d'une negligence imputable à l'organisme de paiement, nepeut pas poursuivre la recuperation des sommes payees à charge duchomeur.
Cette disposition n'interdit la recuperation de l'indu que lorsque ledroit du travailleur aux allocations de chomage auxquelles correspond ladepense rejetee ou eliminee existe independamment de la faute ou de lanegligence de l'organisme de paiement.
Sur la base de l'article 159 de la Constitution, l'arret attaque du 6decembre 2011 ecarte l'application des articles 166, alinea 2, et 167, S:2, de l'arrete royal du 25 novembre 1991 en raison de leur contrariete auxarticles 10 et 11 de la Constitution.
Des lors que seul l'Office national de l'emploi, debiteur des allocationsde chomage, à l'exclusion de l'organisme de paiement, statue sur le droità ces allocations, la situation d'un chomeur à l'egard duquel ledirecteur du bureau du chomage revoit une decision entachee d'une erreurjuridique ou materielle commise par le bureau en vertu de laquelle desallocations lui ont ete octroyees indument differe de celle d'un chomeurqui fait, à la suite du controle des depenses de son organisme depaiement, l'objet par celui-ci d'une mesure de recuperation d'allocationsqui lui ont ete payees indument.
La situation de ce dernier chomeur n'est pas davantage comparable à celled'un assure social à l'egard duquel l'institution de securite socialedebitrice de prestations sociales revoit une decision entachee d'erreur dedroit ou materielle en vertu de laquelle ces prestations sociales lui ontete octroyees indument.
L'arret attaque du 6 decembre 2011 considere que « la discrimination est[...] double : elle concerne la situation des chomeurs selon que ladecision emane de l'Office national de l'emploi ou d'un organisme depaiement [et] egalement celle des assures sociaux selon qu'ils sontchomeurs ou beneficiaires d'autres prestations sociales ».
En fondant sur la comparaison de ces categories de personnes ladiscrimination en vertu de laquelle il ecarte l'application desdispositions precitees de l'arrete royal du 25 novembre 1991, cet arretviole les articles 10 et 11 de la Constitution.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fonde.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque du 6 decembre 2011 ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;
Vu l'article 1017, alinea 2, du Code judiciaire, condamne la demanderesseaux depens ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour du travail de Bruxelles.
Les depens taxes à la somme de cinq cent quarante-deux eurosseptante-huit centimes envers la partie demanderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillers KoenMestdagh, Mireille Delange, Antoine Lievens et Eric de Formanoir, etprononce en audience publique du six juin deux mille seize par lepresident de section Christian Storck, en presence de l'avocat generalJean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
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| F. Gobert | E. de Formanoir | A. Lievens |
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| M. Delange | K. Mestdagh | Chr. Storck |
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6 JUIN 2016 S.12.0028.F/1