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03/06/2016 | BELGIQUE | N°C.15.0423.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 juin 2016, C.15.0423.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.15.0423.F

* SNAIL COMPANY, societe anonyme dont le siege social est etabli àZwijndrecht, Kruibeeksesteenweg, 162,

* demanderesse en cassation,

* representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise,149, ou il est fait election de domicile,

* * contre

* * AXA BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àWatermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 25,

* defenderesse en cassation,

* representee par

Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'A...

Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.15.0423.F

* SNAIL COMPANY, societe anonyme dont le siege social est etabli àZwijndrecht, Kruibeeksesteenweg, 162,

* demanderesse en cassation,

* representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise,149, ou il est fait election de domicile,

* * contre

* * AXA BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àWatermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 25,

* defenderesse en cassation,

* representee par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee,9, ou il est fait election de domicile.

* * I. La procedure devant la Cour

* Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 19 juin2015 par la cour d'appel de Bruxelles.

* Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.

* Le premier avocat general Andre Henkes a conclu.

* I. Le moyen de cassation

* La demanderesse presente un moyen libelle dans les termessuivants :

* * Dispositions legales violees

* * - principe general du droit de l'enrichissement sans cause ;

* - article 1371 du Code civil.

* Decisions et motifs critiques

* 1. L'arret « met à neant le jugement entrepris, sauf en cequ'il a rec,u la demande, dit la demande originaired'indemnisation formee par [la demanderesse] non fondee » etcondamne cette derniere aux depens.

* 2. L'arret fonde sa decision sur les motifs suivants :

* Il rappelle tout d'abord que :

* « La [demanderesse] est proprietaire d'un immeuble situe àWatermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 34.

* A l'occasion de la construction d'un immeuble sur le terrainvoisin, sis boulevard du Souverain, 36, lui appartenant àl'epoque, la [defenderesse] a manifeste son intention eventuelled'utiliser le sous-sol de l'immeuble de [la demanderesse].

* Apres plusieurs echanges de courrier, [la demanderesse] afinalement accepte, par lettre du 30 aout 1996, l'utilisation par[la defenderesse] de son sous-sol : `Nous avons pris acte de vosexigences d'utiliser notre sous-sol pour votre construction envue de mettre en place le procede de cloutage et, à defaut, devotre menace d'utilisation d'autres techniques dommageables pournotre immeuble.(...) Nous sommes contraints de ceder à vosexigences sous la menace d'autres dommages que vous decrivez.(...) Nous devons, neanmoins, formuler diverses reserves.

* La premiere est, evidemment, l'indemnisation de votreappropriation de notre sous-sol. Notre societe se reserve ledroit de la solliciter'.

* Par lettre du 6 septembre 1996, [la defenderesse] a repondu :

* `Nous avons egalement pris acte de votre reserve de solliciterune indemnisation pour l'« appropriation » de votre sous-sol.Si telle etait votre intention, nous vous prions de ne pas tarderà nous communiquer vos exigences car, en vertu des accords quenous avons avec notre entrepreneur, cette eventuelleindemnisation - qui à nos yeux ne pourrait etre que symboliqueet recognitive - est à sa charge'.

* Le 10 septembre, [la demanderesse] a precise : `En ce quiconcerne l'indemnisation de l'appropriation du sous-solen-dessous de notre allee, celle-ci nous parait legitime et nonsymbolique. Nos conseils procederont à son evaluation et nousnous reservons le droit de vous en faire part à la fin destravaux'.

* Par lettre du 19 septembre 1996, [la demanderesse] a repete qu'`en ce qui concerne l'appropriation du sous-sol, l'indemnisationque nous nous reservons le droit de vous reclamer le sera lemoment venu' ».

* L'arret poursuit en relevant :

* « 19. [La demanderesse] invoque subsidiairement l'enrichissementsans cause comme fondement de son action en dedommagement.

* L'enrichissement sans cause repose sur le principe generald'equite, selon lequel nul ne peut s'enrichir aux depens d'autruiet toute prestation doit etre equilibree par une prestationcorrespondante : il y a enrichissement sans cause lorsqu'unepersonne, par un fait personnel, procure à autrui unenrichissement auquel va correspondre son appauvrissementcorrelatif, sans que ni cet enrichissement ni cet appauvrissementne se justifient par quelque cause ou justification que ce soit.

* La loi, un contrat, la volonte de l'appauvri ou une faute decelui-ci, sont des elements dont peut resulter une causejustifiant l'accroissement du patrimoine de l'enrichi.

* La Cour de cassation a recemment rappele que l'enrichissementn'est pas sans cause lorsqu'il trouve sa cause dans la volonte del'appauvri, pour autant que celui-ci ait eu la volonte d'opererun glissement de patrimoine definitif en faveur de l'enrichi(Cass., 23 octobre 2014, www.jurisdat.be). Tel est donc notammentle cas lorsqu'il y a intention liberale dans le chef del'appauvri.

* En l'espece, le premier juge a retenu l'existence d'unenrichissement sans cause dans le chef [de la defenderesse] aumotif que [la demanderesse] n'avait pas agi dans une intentionliberale : elle a marque son accord sur une utilisation de sonsous-sol mais entendait se reserver une indemnisation encontrepartie de l'emprise sur son fonds.

* 20. La cour [d'appel] ne peut se rallier à l'analyse faite parle premier juge.

* En ce qui concerne l'enrichissement [de la defenderesse], la cour[d'appel] constate que celle-ci a prefere la technique ducloutage car elle y trouvait un interet propre, sinon financier,ne fut-ce que quant à l'importance du risque de provoquer desdegats à l'immeuble voisin inherente à la technique choisie (latechnique du battage, requerant la pose de palplanches, peutprovoquer des nuisances plus importantes). [La defenderesse] a purepercuter sur l'acquereur du fonds dominant le benefice ne ducaractere perpetuel de l'occupation du sous-sol voisin, en luicedant le bien. En ce qui concerne l'appauvrissement de [lademanderesse], la restriction apportee par la servitude à sesdroits de proprietaire lui cause une perte de jouissance d'unepartie de son fonds.

* Si un enrichissement et un appauvrissement correlatifs sontetablis en leur principe, l'enrichissement n'est toutefois pasdepourvu de justification et les conditions de l'action dite `dein rem verso' ne sont pas reunies en l'espece.

* [La demanderesse] a en effet marque son accord sur l'utilisationde son sous-sol par [la defenderesse] ; l'enrichissement de cettederniere trouve donc sa cause dans le contrat conclu entre lesparties (en ce sens voir notamment Cass., 7 avril 1978, Pas.,1978, I, 878).

* Des lors que l'enrichissement [de la defenderesse] trouve sacause dans ce contrat, la circonstance que [la demanderesse] n'apas eu la volonte d'operer à titre definitif un glissement depatrimoine en faveur [de la defenderesse] mais qu'elle s'est aucontraire reserve le droit de demander une indemnisation, estsans incidence sur l'existence de la cause de l'enrichissement».

* 3. L'arret considere ainsi que si la preuve est rapportee d'unenrichissement de la defenderesse correlatif à unappauvrissement de la demanderesse, ce glissement de valeur n'estpas depourvu de cause dans la mesure ou il trouve son originedans l'accord donne par la demanderesse sur l'utilisation de sonsous-sol, donc dans un contrat, et qu'il importe peu des lors quela demanderesse n'ait pas eu la volonte d'operer à titredefinitif un glissement de patrimoine en faveur de ladefenderesse et qu'elle se soit, au contraire, reserve le droitde demander une indemnisation.

* * Griefs

* 1. Il y a enrichissement sans cause lorsque l'enrichissement d'unpatrimoine correlatif à l'appauvrissement d'un autre patrimoineest depourvu de cause (principe general du droit del'enrichissement sans cause et article 1371 du Code civil).

* L'enrichissement n'est pas sans cause lorsqu'il trouve sa causedans la volonte de l'appauvri, pour autant que celui-ci ait eu lavolonte d'operer un glissement de patrimoine definitif en faveurde l'enrichi.

* 2. Il s'ensuit que si un contrat entre l'appauvri et l'enrichipeut constituer une cause de l'enrichissement de ce dernier,c'est à la condition que l'appauvri ait par ce contrat marqueson accord sur un glissement de patrimoine definitif au profit del'enrichi.

3. L'arret n'a des lors pu, sans meconnaitre le principe general dudroit de l'enrichissement sans cause, decider que la demanderesse nepouvait demander une indemnite la couvrant de la moins-value resultantpour elle de l'emprise realisee par la defenderesse dans le sous-solde son terrain aux motifs que l'enrichissement de cette derniere,quoique correlatif à l'appauvrissement de la demanderesse, trouvaitsa cause dans un contrat conclu entre les parties et qu'il importaitpeu que la demanderesse « n'ait pas eu la volonte d'operer à titredefinitif un glissement de patrimoine en faveur [de la defenderesse]mais [se soit] au contraire reserve le droit de demander uneindemnisation » (violation du principe general du droit del'enrichissement sans cause et, pour autant que de besoin, del'article 1371 du Code civil).

* III. La decision de la Cour

* * Le principe general du droit de l'enrichissement sans causerequiert la condition d'absence de cause de l'appauvrissement etde l'enrichissement.

* L'enrichissement n'est pas sans cause lorsque l'accroissement dupatrimoine de l'enrichi trouve sa justification dans un contratentre l'appauvri et l'enrichi.

* Il n'en resulte pas qu'un contrat entre l'appauvri et l'enrichijustifiant cet accroissement ne constitue une cause del'enrichissement que si l'appauvri a, par ce contrat, marque sonaccord sur un glissement de patrimoine definitif au profit del'enrichi.

* Le moyen, qui est fonde sur le soutenement contraire, manque endroit.

* Par ces motifs,

* * La Cour

* * Rejette le pourvoi ;

* Condamne la demanderesse aux depens.

* Les depens taxes à la somme de sept cent cinquante-sept euroscinquante-quatre centimes envers la partie demanderesse.

* Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, àBruxelles, ou siegeaient le president de section Martine Regout,les conseillers Mireille Delange, Michel Lemal, Marie-ClaireErnotte et Sabine Geubel, et prononce en audience publique dutrois juin deux mille seize par le president de section MartineRegout, en presence du premier avocat general Andre Henkes, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+-----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+------------+----------------|
| M. Lemal | M. Delange | M. Regout |
+-----------------------------------------------+

* 3 JUIN 2016 C.15.0423.F/8


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.15.0423.F
Date de la décision : 03/06/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-06-03;c.15.0423.f ?
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