Cour de cassation de Belgique
Arrêt
* N° P.15.1604.N
I. Z. G.,
* Me Robin Vanhoyland, avocat au barreau de Hasselt,
* II. 1. OCEAN FREIGHT LOGISTICS, société privée à responsabilitélimitée,
2. M. Ö.,
prévenus,
* demandeurs en cassation,
*
* les pourvois I et II contre
ÉTAT BELGE, Service public fédéral Finances, représenté par leministre des Finances,
* partie poursuivante,
* défendeur en cassation.
II. la procédure devant la cour
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 19 novembre 2015par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur I invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présentarrêt, en copie conforme.
Les demandeurs II invoquent trois moyens dans un mémoire annexé auprésent arrêt, en copie conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
Le procureur général Patrick Duinslaeger a conclu.
III. la décision de la cour
*
(…)
Sur le premier moyen du demandeur I :
Quant à la première branche :
4. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation desarticles 149 de la Constitution et 195 et 211 du Code d'instructioncriminelle : l'arrêt ne motive pas la peine et le taux de la peineinfligés individuellement au demandeur ; l'arrêt ne fait pasapparaître si le juge a fourni ou demandé des explications àl'audience ; dans les motifs de l'arrêt, le demandeur et lacoprévenue, la sprl Ortes, font l'objet d'une appréciation conjointeet sont dès lors considérés comme un seul et même prévenu ;l'appréciation individuelle de la cause est ainsi négligée.
5. L'article 195, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle,applicable aux cours d'appel conformément à l'article 211 dudit code,prévoit que, pour les peines qui sont laissées à sa libreappréciation, le juge doit indiquer précisément, mais d'une manièrequi peut être succincte, les raisons du choix qu'il fait de tellespeines et du degré de celles-ci.
Cette disposition permet au juge de motiver la peine infligée à unprévenu et le degré de celle-ci par des motifs communs à différentsprévenus lorsqu'il en ressort que la peine infligée à chacun d'euxfait l'objet d'une appréciation individuelle.
6. L'arrêt (p. 52) considère que les peines infligées au demandeur età d'autres prévenus, ainsi que leur nature, leur intensité et leurcaractère effectif ou non, sont adéquats et s'imposent à la lumièredes éléments suivants :
* la nature et la gravité des faits qui sontdéclarés établis dans le chef de chacun desprévenus et qui portent gravement atteinte àl'ordre fiscal et économique ;
* l'enrichissement illégal qu'ils ont recherché ouobtenu pour eux-mêmes ou pour des tiers encommettant lesdits faits ;
* le rôle et l'implication de chacun des prévenusdans les faits déclarés établis dans leur chefrespectif ;
* la personnalité des prévenus, en ce compris leurcasier judiciaire vierge ;
* s'agissant des amendes, les circonstancesatténuantes admises en faveur des prévenus sur labase de leur casier judiciaire vierge ou de leursantécédents judiciaires relativement favorables.
*
Ainsi, l'arrêt justifie les peines individuellement infligées audemandeur, la décision est régulièrement motivée et les juges d'appeln'étaient pas tenus de demander ou de fournir des explications àl'audience.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
7. L'arrêt (p. 45-47) apprécie la culpabilité du demandeur quant auxfaits mis à sa charge non pas conjointement avec la culpabilité de lacoprévenue, la sprl Ortes, pour ces mêmes faits, mais bien sur la basede motifs qui lui sont propres.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.
(…)
Sur le troisième moyen du demandeur I :
15. Le moyen est pris de la violation des articles 149 de laConstitution et 221, 222 et 261 de la loi générale du 18 juillet 1977sur les douanes et accises : l'arrêt qui ordonne la confiscation descigarettes, sommes d'argent et véhicules saisis sur la base desarticles 221 et 222 de ladite loi, lesquels ne constituent lefondement que d'une confiscation facultative, n'expose pas les raisonspour lesquelles il inflige cette peine ; en outre, l'arrêt ne vérifiepas si les conditions légales de la confiscation sont respectées.
16. L'arrêt prononce la confiscation des biens visés sur la base,selon le cas, des articles 221, 222 et 261 de la loi générale sur lesdouanes et accises et 39 de la loi du 10 juin 1997 relative au régimegénéral, à la détention, à la circulation et aux contrôles desproduits soumis à accise.
17. La confiscation prescrite par chacune de ces dispositions doitêtre infligée par le juge. Celui-ci n'a pas le choix à cet égard etn'est donc pas tenu de motiver le choix de ces peines.
Dans cette mesure, le moyen manque en droit.
18. Pour le surplus, le moyen ne précise pas quelles sont lesconditions légales de la confiscation dont le respect n'a pas étévérifié dans l'arrêt.
Dans cette mesure, le moyen est imprécis et, partant, irrecevable.
Sur le quatrième moyen du demandeur I :
Quant à la première branche :
19. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation desarticles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertés fondamentales et 149 de la Constitution : pour déclarer ledemandeur coupable, l'arrêt ne tient compte que des conclusionsd'appel de la coprévenue China Shipping Agency, étant donné que cesont les seules auxquelles il répond ; l'arrêt ne répond dès lors pasaux conclusions du demandeur et celui-ci est déclaré coupable sans queles arguments qu'il a avancés à l'appui de sa défense soient pris enconsidération ; l'arrêt méconnaît ainsi le droit à un procès équitableet l'obligation de répondre aux conclusions du demandeur.
20. Le droit à un procès équitable garanti par l'article 6, paragraphe1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertés fondamentales, implique que le juge est tenu, même enl'absence de conclusions, d'indiquer les principaux motifs de sadécision rendue sur l'action publique, mais est étranger àl'obligation pour le juge de répondre aux conclusions d'une partie.
Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, lemoyen, en cette branche, manque en droit.
21. Il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égardque l'arrêt répond aux seules conclusions d'appel de China ShippingAgency.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.
22. Pour le surplus, le moyen ne précise pas à quelle défense dudemandeur l'arrêt omet de répondre.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est imprécis et,partant, irrecevable.
Quant à la seconde branche :
23. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation desarticles 149 de la Constitution et 153 et 154 du Code d'instructioncriminelle : l'arrêt ne tient pas compte du procès-verbal 37/108, quele demandeur a cité dans ses conclusions d'appel à l'appui de sonallégation selon laquelle il n'était présent que de manière fortuitelorsque les faits se sont produits ; l'arrêt ne répond pas à cettedéfense, pas plus qu'à celle par laquelle le demandeur faisait valoirl'existence d'un doute ; le greffier ne lui a pas donné lecture duprocès-verbal ; l'arrêt n'indique pas quelle valeur probante ilaccorde à ce procès-verbal et écarte celui-ci comme inexistant.
24. L'article 153 du Code d'instruction criminelle est applicable auxtribunaux de police, mais pas à la procédure devant les cours d'appel.
Dans la mesure où il invoque une violation de cette dispositionlégale, le moyen, en cette branche, manque en droit.
25. La lecture des procès-verbaux par le greffier, prévue àl'article 190 du Code d'instruction criminelle, est une formalité quin'est pas prescrite à peine de nullité et dont l'inobservation estsans influence sur la régularité de la procédure.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en droit.
26. Le juge n'est pas tenu de répondre à des pièces, mais uniquementaux conclusions qui lui sont adressées.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en droit.
27. À la lumière des faits qu'il constate, l'arrêt considère (p. 46)que la défense du demandeur selon laquelle sa présence dans l'entrepôtle 8 novembre 2011 aurait été purement fortuite est dénuée de toutecrédibilité. L'arrêt rejette ainsi, en y répondant, la défense parlaquelle le demandeur soutenait le contraire en s'appuyant notammentsur le procès-verbal 37/108 et en déduisait l'existence d'un doute.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.
Sur le premier moyen des demandeurs II :
28. Le moyen est pris de la violation des articles 6, paragraphes 1 et3, point c), de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme etdes libertés fondamentales et 14, paragraphes 1 et 3, point d) duPacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi quede la méconnaissance des principes généraux du droit que sont le droità un procès équitable et les droits de la défense.
Quant à la première branche :
29. Le moyen, en cette branche, fait valoir que l'arrêt considère àtort que la seule circonstance que les demandeurs ont fait desdéclarations sans être assistés par un avocat ou sans que cettepossibilité leur ait été offerte n'entraîne pas l'irrecevabilité del'action publique ; dès lors que l'intéressé n'a pas été mis enmesure, dès la première audition, de se faire assister par un avocatdurant celle-ci ou dès lors qu'il n'a pas été informé de son droit ausilence, l'ensemble du procès pénal est entaché et l'action publiquedoit être déclarée irrecevable.
30. L'illégalité de la preuve en raison de déclarations faites par unprévenu sans l'assistance ni la possibilité d'être assisté d'un avocatn'entraîne pas l'irrecevabilité de l'action publique, mais uniquementl'exclusion éventuelle de la preuve.
En effet, le droit d'exercer l'action publique naît de la commissiondu fait qualifié infraction, indépendamment de la manière dont elleest ultérieurement exercée et de la manière de recueillir les preuves.
Le moyen, en cette branche, qui est déduit d'une autre prémissejuridique, manque en droit.
(…)
Sur le deuxième moyen des demandeurs II :
Quant à la première branche :
33. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation desarticles 66 et 67 du Code pénal, 138, 139, 220 et 261 de la loigénérale sur les douanes et accises, 37 à 41, 43, 202, 213 et 233 duCode des douanes communautaires, 3, 6, 39 et 42 de la loi du10 juin 1977 relative au régime général, à la détention, à lacirculation et aux contrôles des produits soumis à accise, 3 et 13 dela loi du 3 avril 1997 relative au régime fiscal des tabacsmanufacturés, tels qu'applicables en l'espèce et 2, 3, 45, 48, 49, 50,51 et 52 de la loi du 22 décembre 2009 relative au régime générald'accise : les juges d'appel qui ont déclaré les demandeurs coupablescomme coauteurs des infractions qui leur étaient reprochées nepouvaient déduire des motifs énoncés dans l'arrêt ni que lesdemandeurs ont agi « sciemment », c'est-à-dire qu'ils ont agi ensachant qu'ils participaient aux faits mis à leur charge d'importationfrauduleuse et de déclaration sous fausse dénomination, ni qu'ils ontagi « volontairement » en ce sens qu'ils avaient l'intention decontribuer à la réalisation de ces infractions ; les faits constatésne sont constitutifs que d'une imprudence ou d'un défaut de prévoyanceou de précaution, mais non d'un acte commis sciemment etvolontairement.
34. La corréité visée à l'article 66 du Code pénal requiert que lecoauteur coopère de la manière prévue par la loi à l'exécution ducrime ou du délit, qu'il y coopère sciemment et qu'il ait l'intentiond'y coopérer.
Le juge décide souverainement si le prévenu poursuivi en tant quecoauteur répond à ces conditions. La Cour vérifie uniquement si lejuge ne tire pas de ses constatations des conséquences sans lien avecelles ou qu'elles ne sauraient justifier.
35. L'arrêt décide qu'il ne fait aucun doute que la demanderesse II.1,par le truchement de son gérant, étant le demandeur II.2, a apporté,en connaissance de cause et intentionnellement, sa coopération directeet indispensable à la commission des faits mis à sa charge et déclarésétablis au sens de l'article 66, alinéa 1^er, du Code pénal. Il déduitcette décision de la circonstance :
* que la demanderesse II.1 est intervenue enl'espèce en tant qu'expéditeur en douane pourl'établissement et le dépôt des déclarations endouane IMA afin d'apurer la déclarationsommaire pour les conteneurs visés en l'espèce;
* que les manifestes d'importation des conteneursmentionnaient chaque fois la demanderesse II.1en tant que destinataire ou partie à notifieret que l'agent maritime lui envoyait un avisd'arrivée quelques jours avant l'arrivée desmarchandises ;
* que les connaissements originaux étaientprésentés quelque temps plus tard par lademanderesse II.1 tandis que les frais demanutention étaient payés entretemps parvirement, après quoi l'agent maritimetransmettait à la demanderesse II.1 un avis delibération qui lui donnait accès à chaqueconteneur grâce à un numéro d'identificationpersonnel unique ;
* que la demanderesse II.1 établissait ensuiteles documents de dédouanement et organisait letransport intérieur, qu'elle chargeait la sprlFortuna Trans d'organiser, la quasi-totalitédes missions étant confiées oralement àcelle-ci ;
* que le gérant de la sprl Fortuna Trans adéclaré que le demandeur II.2 lui avait confiépar téléphone la mission de décharger lesmarchandises à un endroit différent de celuiqui était mentionné sur le CMR ;
* qu'une enquête a fait apparaître que dans lecadre de la relation entre l'importateur, lasprl Ortes, et la demanderesse II.1, d'unepart, et entre la demanderesse II.1 et letransporteur, la sprl Fortuna Trans, d'autrepart, les ordres de mission n'étaient querarement donnés par écrit ;
* que l'on ne saurait raisonnablement supposerque la remise des documents requis à lademanderesse II.1 et les paiements comptantsavaient été effectués par des personnes« inconnues » de la demanderesse II.1 ;
* que la demanderesse II.1, qui était expéditeuren douane, avait, en sa qualité de déclarant,l'obligation légale de s'assurer et de faire ensorte que la réglementation en vigueur soitcorrectement et pleinement appliquée, cequ'elle a sciemment omis de faire dansl'intention de tromper les douanes, alorsqu'elle savait ou devait savoir, en tantqu'acteur professionnel, que la législationdouanière attribue au déclarant d'un documentune responsabilité particulière et étendue etqu'elle était ou devait être informée del'éventuelle signature de la déclaration et desagissements qui y étaient liés ;
* que le dédouanement opéré sur la based'instructions purement verbales, les paiementscomptants et les transactions effectuées avecdes clients « inconnus » ne relèvent nullementdes pratiques commerciales normales etresponsables en la matière ;
* que les faits déclarés établis dans le chef dela demanderesse II.1 ont été commis pour lecompte de celle-ci par le demandeur II.2 etsont intrinsèquement liés à la réalisation deson objectif ou servent ses intérêts ;
* qu'aucun élément figurant au dossier ne permetde constater ou d'admettre que les demandeursont été victimes d'une erreur invincible ou queles faits constituent dans leur chef une forcemajeure ou tout autre motif excluant leurfaute.
*
De l'ensemble de ces motifs, l'arrêt peut déduire que les demandeursont participé sciemment et volontairement aux infractions déclaréesétablies dans leur chef. La décision est ainsi légalement justifiée.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen des demandeurs II :
(…)
Quant à la seconde branche :
45. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation desarticles 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertés fondamentales, 1^er du premier Protocole additionnel à laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertésfondamentales et 49, paragraphe 3, de la Charte des droitsfondamentaux de l'Union européenne, ainsi que de la méconnaissance duprincipe de proportionnalité : l'arrêt condamne la demanderesse II.1 àune amende de 25.000.000,00 euros, dont 10.000.000,00 euros effectifs,et le demandeur II.2 à une peine d'emprisonnement de 12 mois, dont 8mois effectifs, ainsi qu'à une amende de 10.000.000,00 euros, dont750.000,00 euros effectifs ; l'arrêt motive ces peines en précisantqu'il y a lieu de tenir compte de la « nature » et de la « gravité »des faits « qui contribuent à porter gravement atteinte à l'ordrefiscal et économique » et de « l'enrichissement illégal qu'ils ontrecherché ou obtenu pour eux-mêmes et/ou pour des tiers » ; le jugepénal doit veiller à ne pas imposer de sanction excessive ; lessanctions infligées, qui sont basées sur une incrimination assortied'une amende comprise entre cinq et dix fois les droits éludés, ontsur la situation financière des demandeurs des conséquencesimportantes qui sont manifestement disproportionnées par rapport à lagravité des faits de participation punissable à une importationfrauduleuse et de déclaration sous une fausse dénomination qui leursont reprochés.
Les demandeurs invitent la Cour à poser, pour autant que de besoin, laquestion préjudicielle suivante à la Cour de justice de l'Unioneuropéenne :
« Le principe de proportionnalité consacré par le droit de l'Union, etnotamment par l'article 49, paragraphe 3, de la Charte des droitsfondamentaux de l'Union européenne, doit-il être interprété en ce sensqu'il permet à un État membre de l'Union européenne de sanctionner uneinfraction à la législation douanière, en l'occurrence l'infractiond'importation frauduleuse, d'une amende déterminée en fonction dumontant des droits éludés (avec, en l'espèce, un maximum égal à cinq àdix fois le montant des droit éludés) et d'infliger ainsi à l'auteurde l'importation frauduleuse une amende dont le montant est fixé enl'espèce à 25.000.000 euros et à 10.000.000 euros ? »
46. Dans la mesure où il est déduit de l'illégalité vainement invoquéedans la première branche, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
47. Il n'existe, en matière répressive, aucun principe général dudroit dit « de proportionnalité ». ^
Dans la mesure où il est pris de la méconnaissance de ce principegénéral du droit, le moyen, en cette branche, manque en droit.
48. L'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'hommeet des libertés fondamentales dispose : « Nul ne peut être soumis à latorture ni à des traitements inhumains ou dégradants. »
49. L'article 1^er du premier Protocole additionnel à la Conventiondispose :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens.Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilitépublique et dans les conditions prévues par la loi et les principesgénéraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit quepossèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugentnécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément àl'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autrescontributions ou des amendes. »
En vertu de cette disposition, l'État peut porter atteinte par la loiau droit de propriété afin de réaliser les objectifs qui y sontprévus, pour autant qu'un juste équilibre soit atteint entre cesobjectifs et la nécessité de garantir les droits fondamentaux del'individu et qu'il existe, par conséquent, un rapport raisonnableentre les moyens utilisés et l'objectif visé.
50. L'article 49, paragraphe 3, de la Charte dispose : « L'intensitédes peines ne doit pas être disproportionnée par rapport àl'infraction. »
En ce qui concerne les peines patrimoniales, cette disposition n'a pasune portée plus large que celle de l'article 1^er du premier Protocoleadditionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertés fondamentales.
51. Dans les limites de la loi et des dispositions conventionnellesqui ont un effet direct en Belgique, le juge fixe en fait et, dèslors, souverainement la sanction qu'il estime proportionnelle à lagravité de l'infraction déclarée établie, en tenant compte de lapersonnalité de l'auteur. La Cour peut toutefois vérifier s'il neressort pas des constatations et des considérations de la décisionattaquée qu'elle a été rendue en violation de ces dispositionsconventionnelles.
52. L'arrêt considère que les peines infligées aux demandeurs, ainsique leur nature, leur intensité et leur caractère effectif ou non,sont adéquats et s'imposent à la lumière des éléments suivants :
* la nature et la gravité des faits qui sontdéclarés établis dans le chef de chacun desdemandeurs et qui contribuent à porter gravementatteinte à l'ordre fiscal et économique ;
* l'enrichissement illégal qu'ils ont recherché ouobtenu pour eux-mêmes ou pour des tiers encommettant lesdits faits ;
* le rôle et l'implication de chacun des demandeursdans les faits déclarés établis dans leur chefrespectif ;
* la personnalité des demandeurs, en ce compris leurcasier judiciaire vierge ;
* s'agissant des amendes, les circonstancesatténuantes admises en faveur des prévenus sur labase de leur casier judiciaire vierge ou de leursantécédents judiciaires relativement favorables.
*
Ainsi, l'arrêt ne viole ni l'article 3 de la Convention de sauvegardedes droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article1^er du premier protocole additionnel à ladite convention, nil'article 49, paragraphe 3, de la Charte des droits fondamentaux del'Union européenne.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
53. Pour le surplus, le moyen, en cette branche, critiquel'appréciation souveraine que fait l'arrêt des peines infligées auxdemandeurs et est irrecevable.
54. La question préjudicielle qui, d'une part, a une portée identiqueà celle de la question proposée dans la première branche et qui,d'autre part, se rapporte à l'appréciation souveraine que fait l'arrêtdu taux de la peine, n'est pas posée.
Le contrôle d'office
55. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ontété observées et les décisions sont conformes à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne les demandeurs aux frais de leur pourvoi.
* Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, àBruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisantfonction de président, Alain Bloch, Peter Hoet, Antoine Lievenset Erwin Francis, conseillers, et prononcé en audience publiquedu vingt-quatre mai deux mille seize par le conseiller faisantfonction de président Filip Van Volsem, en présence du procureurgénéral Patrick Duinslaeger, avec l'assistance du greffier FrankAdriaensen.
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* Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric deFormanoir et transcrite avec l'assistance du greffier TatianaFenaux.
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* Le greffier, Le conseiller,
24 MAI 2016 P.15.1604.N/1