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13/05/2016 | BELGIQUE | N°C.15.0410.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 mai 2016, C.15.0410.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0410.F

OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, etablissement public dont le siege est etablià Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

1. A. V. V.,

2. M. V. V.,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxel

les, rue de la Regence, 4, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en ca...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0410.F

OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, etablissement public dont le siege est etablià Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

1. A. V. V.,

2. M. V. V.,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Regence, 4, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 27 avril 2015par la cour d'appel de Liege.

Le 25 avril 2016, l'avocat general Michel Nolet de Brauwere a depose desconclusions au greffe.

Le president de section Albert Fettweis a fait rapport et l'avocat generalMichel Nolet de Brauwere a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, le demandeur presente un moyen.

III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

Aux termes de l'article 806 du Code judiciaire, applicable au litige, toutjugement par defaut doit etre signifie dans l'annee, sinon il est reputenon avenu.

Il suit de la nature de cette disposition qu'elle n'a vocation às'appliquer qu'aux jugements qui sont susceptibles d'opposition.

Dans sa redaction applicable au litige, l'article 751, S: 1er, alinea 1er,du Code judiciaire dispose que la partie la plus diligente peut requerirun jugement repute contradictoire à l'egard de la partie qui estdefaillante lors de l'introduction ou à une audience ulterieure ou quin'a pas conclu dans le delai fixe, si elle a fait avertir cette partie deslieu, jour et heure ou le jugement sera requis et de ce que le jugementaura un caractere contradictoire meme en son absence.

Un jugement repute contradictoire en vertu de cette disposition n'est passusceptible d'opposition.

L'arret constate que le commandement que le demandeur a signifie auxdefendeurs le 28 juillet 2004 se fonde sur un jugement reputecontradictoire au sens de l'article 751, S: 1er, alinea 1er, precite qui aete rendu par le tribunal du travail de Liege le 29 novembre 1994 en causede leur pere et qui ne leur a pas ete signifie dans l'annee.

En tenant ce jugement pour perime en vertu de l'article 806 du Codejudiciaire et en considerant, des lors, qu'il ne peut plus servir de titrepour fonder une mesure d'execution contre les defendeurs, l'arret violeles dispositions legales precitees.

Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

* La Cour

* * Casse l'arret attaque ;

* Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

* Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, le conseiller DidierBatsele, le president de section Martine Regout, les conseillers MichelLemal et Marie-Claire Ernotte, et prononce en audience publique du treizemai deux mille seize par le president de section Albert Fettweis, enpresence de l'avocat general Michel Nolet de Brauwere, avec l'assistancedu greffier Patricia De Wadripont.

+------------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M.-Cl. Ernotte | M. Lemal |
|-----------------+----------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | A. Fettweis |
+------------------------------------------------+

Requete

1er feuillet

00150497

REQUETE EN CASSATION

POUR : L'OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, en abrege l'O.N.Em., institutionpublique, BCE no 0206.737.484, dont les bureaux sont etablis à 1000Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,

demandeur en cassation,

assiste et represente par Me Paul Alain Foriers, avocat à la Cour decassation soussigne, dont le cabinet est etabli à 1050 Bruxelles, avenueLouise, 149 (Bte 20), ou il est elu domicile.

CONTRE : 1. V. V. A.,

2. V. V. M.,

defendeurs en cassation.

* *

*

A Messieurs les premier president et president, Mesdames et Messieurs lesconseillers composant la Cour de cassation de Belgique,

Messieurs,

Mesdames,

Le demandeur en cassation a l'honneur de deferer à votre censure l'arretrendu contradictoirement entre parties, le 27 avril 2015, par la treiziemechambre civile de la cour d'appel de Liege (nDEG 2014 / RG / 539). 2emefeuillet

Cet arret, par ses motifs propres et ceux du premier juge qu'il faitsiens, confirme le jugement par lequel le tribunal de premiere instance deLiege, chambre des saisies, avait le 24 fevrier 2014, annule lecommandement de payer que le demandeur en cassation avait fait signifieraux defendeurs en cassation le 28 juillet 2004, ce au motif que lejugement du 29 novembre 1994 du tribunal du travail de Liege, dont ledemandeur en cassation poursuivait l'execution, etait un jugement pardefaut repute contradictoire, frappe de peremption en vertu de l'article806 du Code judiciaire à defaut d'avoir ete signifie dans l'annee auxdefendeurs en cassation, tenus en leur qualite d'heritiers de leur pere G.V., decede le 17 juillet 1994, sans que le tribunal du travail en ait eteaverti.

Comme le premier juge, l'arret attaque fonde ses decisions sur ce quel'article 806 du Code judiciaire serait applicable aux jugements pardefaut reputes contradictoires sur la base de l'article 751 du Codejudiciaire tel qu'il etait en vigueur à l'epoque du jugement decondamnation du 29 novembre 1994.

Au soutien du pourvoi qu'il forme contre l'arret attaque, le demandeur encassation a l'honneur d'invoquer le moyen de cassation ci-apres.

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Dispositions legales violees

- article 751 du Code judiciaire (cet article dans sa version en vigueurau moment du prononce du jugement repute contradictoire du 29 novembre1994, soit apres sa modification par la loi du 3 aout 1992 et avant sonabrogation par la loi du 26 avril 2007) ;

- article 806 du Code judiciaire.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque confirme le jugement rendu le 24 fevrier 2014 par le jugedes saisies de Liege qui annule le commandement de payer notifie auxdefendeurs en cassation par le demandeur le 28 juillet 2004 en executiondu jugement repute contradictoire en vertu de l'article 751 du Codejudiciaire rendu à l'egard de leurs parents, le 29 novembre 1994, par letribunal du travail de Liege qui condamnait ceux-ci à payer au demandeurla somme en principal de 145.304 francs belges augmentee des interets.3eme feuillet

L'arret attaque fonde sa decision sur l'ensemble des motifs qu'il indiquepages 3 et 4 et sur les motifs du premier juge auxquels il se refere (voy.arret, p. 2 in fine et p. 3) - l'ensemble de ces motifs etant tenus icipour integralement reproduits.

Il considere à cet egard en substance que le commandement litigieux a etedonne en vertu d'un titre executoire perime, le jugement du tribunal dutravail de Liege du 29 novembre 1994 n'ayant pas ete signifie dans l'anneeconformement au prescrit de l'article 806 du Code judiciaire, celui-cietant applicable aux jugements par defaut meme reputes contradictoires envertu de l'article 751 du Code judiciaire

Griefs

1. Aux termes de l'article 751, S: 1er, alinea 1er, du Code judiciaire telqu'il etait en vigueur à l'epoque :

«La partie la plus diligente peut requerir un jugement reputecontradictoire à l'egard de la partie qui est defaillante lors del'introduction ou à une audience ulterieure ou qui n'a pas conclu dans ledelai fixe, si elle a fait avertir cette partie des lieu, jour et heure oule jugement sera requis et de ce que le jugement aura un caracterecontradictoire meme en son absence. »

Un jugement repute contradictoire en vertu de cet article presente toutesles caracteristiques d'un jugement contradictoire.

2. En vertu de l'article 806 du Code judiciaire « tout jugement pardefaut doit etre signifie dans l'annee, sinon il est repute non avenu ».

Cette disposition ne vise que les jugements par defaut. Elle ne s'appliquepas aux jugements contradictoires en raison de leur nature ou d'unedisposition legale particuliere qui les repute contradictoires.

3. En fondant des lors sa decision de confirmer le jugement a quo sur laconsideration que le jugement repute contradictoire en vertu de l'article751 du Code judiciaire demeure un jugement par defaut au sens de l'article806 du meme Code et doit etre signifie dans l'annee sous peine deperemption, l'arret attaque :

1DEG/ refuse illegalement de reconnaitre les caracteristiques d'unjugement contradictoire au jugement rendu sur pied de l'article 751 duCode judiciaire (violation dudit article 751, specialement S: 1er, alinea1er) ; 4eme feuillet

2DEG/ exclut illegalement du champ d'application de l'article 806 du Codejudiciaire les jugements reputes contradictoires en vertu d'unedisposition speciale de la loi, tel l'article 751 du Code judiciaire(violation dudit article 806 et pour autant que de besoin violation del'article 751, specialement S: 1er, alinea 1er, du Code judiciaire) et

3DEG/ partant ne justifie pas legalement sa decision (violation de toutesles dispositions visees au moyen).

Developpements

La solution critiquee par le moyen s'appuie sur une serie d'opinionscitees par l'arret et qui, à la suite de Fettweis (Manuel, no 407, p.304), considerent que l'article 806 du Code judiciaire s'applique auxjugements par defaut reputes contradictoires parce qu'il vise toutjugement par defaut et que le jugement repute contradictoire prononce surla base de l'article 751 du Code judiciaire est un jugement par defaut nonsusceptible d'opposition (R.C.J.B., 2002, no 569, p. 664).

Cet argument de texte ne convainc pas.

Ainsi que le soulignait M. le procureur general Paul Leclercq dans sesconclusions precedant votre arret du 26 janvier 1928 (Pas., 1928, I, p.63, specialement p. 65, 2DEG col.), « Il est certain que quand une loiest claire, elle ne doit appliquee et nul, pensons-nous, n'a jamais ditnettement le contraire, mais la loi, elle, n'est pas le texte. Le texten'enchaine pas l'interprete, il n'enchaine que l'ouvrier imprimeur et lepremier ne doit pas etre confondu avec le second. Le texte est l'enveloppede la chose essentielle : la pensee que l'auteur du texte a, par celui-ci,voulu exprimer. C'est la pensee, le contenu, qui enchaine l'interprete, etnon le texte, le contenant. »

De nombreux auteurs specialises enseignent que la volonte du legislateur aete que la peremption prevue par l'article 806 du Code judiciaire nes'applique pas aux jugements reputes contradictoires prononces sur la basede l'article 751 du Code judiciaire. 5eme feuillet

C'est ainsi que J. Laenens considere que la solution consacree par l'arretattaque meconnait la ratio legis des articles 747, S: 2, 748, S: 2, 750,S: 2, 751 et 804, al. 2, du Code judiciaire (voy. J. LAENENS, obs. sousJ.P. Gand (2e cant.), 15 juillet 2002, R.W., 2003-2004, p. 914 ; voy.aussi les observations du meme auteur sous Civ. Bruxelles (saisies), 23janvier 1987 : R.G.D.C., 1988, p. 125 et 126 et J. LAENENS, K. BROECKX, D.SCHEERS et P. THIRIAR, Handboek gerechtelijk recht, Antwerpen,Intersentia, 2012, 3e ed., note 1, p. 389).

Dans leur etude sur la procedure par defaut publiee au T.P.R., 1980 (p.447 et s.), R. De Corte et J. Laenens enseignaient dejà (no 86, p. 483)que le jugement repute contradictoire est un jugement par defaut mais avecles memes effets qu'un jugement contradictoire (« doch met dezelfdegevolgen als een vonnis op tegenspraak »).

Le procureur general Krings, qui a pris une part essentielle à laredaction du Code judiciaire, enseigne, quant à lui, que l'exclusion, parl'article 751, de l'opposition au jugement repute contradictoire, impliqueque l'article 806 du Code judiciaire n'est pas applicable à un teljugement (Gerechtelijk Recht, Artikelsgewijze commentaar met overzicht vanrechtspraak en rechtsleer, art. 806, no 13, p. 11).

La these de l'inapplicabilite de l'article 806 est confortee par l'arretde Votre Cour le 30 mars 2001 (Pas., 2001, no 183) decidant qu'un jugementrendu en application de l'article 504 de la loi de 1851 sur les faillitesest repute contradictoire meme si la partie demandant l'admission aupassif est absente et qu'un tel jugement n'est pas soumis à la regle del'article 806.

L'arret attaque considere (p. 3 in fine) que l'ONEm sollicite cet arretau-delà de ce qu'il enonce des lors qu'il a trait à une hypotheseetrangere à l'application de l'article 751.

Ce reproche est injustifie.

S'il est vrai que l'arret du 30 mars 2001 n'a pas trait à l'hypothesed'un jugement repute contradictoire sur pied de l'article 751, la solutionqu'il consacre et le raisonnement sous-tendant cette solution n'en sontpas moins transposables à l'espece actuelle.

La decision de l'arret du 30 mars 2001 n'est en effet pas fondee sur lesdispositions de la loi sur les faillites mais sur la nature meme del'article 806. 6eme feuillet

Cet arret enonce en effet (p. 550) :

« Qu'il suit de la nature meme de l'article 806 du Code judiciaire et dela possibilite qu'il offre à la partie condamnee d'entendre constaterl'inexistence du jugement par defaut et faire opposition à cette decisionque l'article precite n'est pas applicable aux procedures reputeescontradictoires. »

Pour Votre Cour, l'inapplicabilite de l'article 806 resulte donc, non dela loi sur les faillites, mais de ce que cet article n'est pas applicableaux procedures contradictoires parce qu'il tend à permettre à la partiecondamnee de faire opposition par jugement par defaut et qu'il est doncsans objet lorsque l'opposition est exclue.

Il echet d'ailleurs de souligner que Votre arret se refere, non pasuniquement à la loi sur les faillites, mais, en termes generaux, auxprocedures reputees contradictoires.

L'arret du 30 mars 2001 constitue donc une reference essentielle àl'appui de la these de l'inapplicabilite de l'article 806 aux jugementspar defaut reputes contradictoires.

C'est d'ailleurs à ce titre que le professeur Laenens l'invoque àl'appui de sa these en ce sens (R.W. 2003-2004, p. 914) (1) (voy. aussil'enseignement du president I. VEROUGSTRAETE, selon lequel l'oppositioncontre un jugement admettant definitivement une creance ou statuant sur uncontredit ne peut faire l'objet d'une opposition parce qu'il est reputecontradictoire : Manuel du curateur de faillite, 1987, no 464).

1 On notera au surplus, que G. DE LEVAL, fidele à la these de son maitreFettweis, cite neanmoins : « comp. Cass., 30 mars 2001 », (Elements deprocedure civile, Bruxelles, Larcier, 2005, 2e ed., note 21, p. 174.

2 F. DUMON, « La mission des cours et tribunaux», J.T., 1975, p. 541 ets., specialement p. 546.

On observera enfin que le legislateur envisage actuellement la suppressionde la peremption prevue par l'article 806 du Code judiciaire, survivancehistorique n'ayant plus de signification suffisante (voy. avis du Conseild'Etat du 11 juin 2015, Doc. 54, 1219/001, p. 166).

Cette circonstance constitue un argument de plus en faveur de l'ecartementde la peremption des lors que, pour interpreter la loi, le juge peut avoiregard aux travaux preparatoires d'une autre loi, meme posterieure, ayantle meme objet (2). 7eme feuillet

PAR CES CONSIDERATIONS,

l'avocat à la Cour de cassation soussigne, pour le demandeur encassation, conclut, Messieurs, Mesdames, qu'il vous plaise, recevant lepourvoi, casser l'arret attaque, ordonner que mention de votre arret soitfaite en marge de l'arret casse, statuer comme de droit sur les depens etrenvoyer la cause devant une autre cour d'appel.

Bruxelles, le 23 septembre 2015

Pour le demandeur en cassation,

son conseil,

Paul Alain Foriers

Pieces jointes :

1. Jugement du tribunal du travail de Liege du 29 novembre 1994 enexpedition conforme.

2. La declaration pro fisco etablie conformement à l'article 2691 du Codedes droits d'enregistrement, d'hypotheque et de greffe.

3. Il sera joint en outre à la presente requete en cassation, lors de sondepot au greffe de la Cour, l'original de l'exploit constatant sasignification aux defendeurs en cassation.

13 MAI 2016 C.15.0410.F/1

Requete/7


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.15.0410.F
Date de la décision : 13/05/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-05-13;c.15.0410.f ?
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