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06/05/2016 | BELGIQUE | N°C.15.0540.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 mai 2016, C.15.0540.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.15.0540.F

* GENERAL TECHNOLOGY, en abrege GENETEC, societe anonyme dont le siegesocial est etabli à Namur (Wierde), chaussee de Marche, 933,

* demanderesse en cassation,

* representee par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard del'Empereur, 3, ou il est fait election de domicile,

* * contre

* * REGION WALLONNE, representee par son gouvernement, poursuites etdiligences du ministre des Travaux publics, de la Sante, de l'Actionsociale e

t du Patrimoine, dont le cabinet est etabli à Namur, placedes Celestines, 1,

* defenderesse...

Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.15.0540.F

* GENERAL TECHNOLOGY, en abrege GENETEC, societe anonyme dont le siegesocial est etabli à Namur (Wierde), chaussee de Marche, 933,

* demanderesse en cassation,

* representee par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard del'Empereur, 3, ou il est fait election de domicile,

* * contre

* * REGION WALLONNE, representee par son gouvernement, poursuites etdiligences du ministre des Travaux publics, de la Sante, de l'Actionsociale et du Patrimoine, dont le cabinet est etabli à Namur, placedes Celestines, 1,

* defenderesse en cassation,

* representee par Maitre Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee,67, ou il est fait election de domicile.

* I. La procedure devant la Cour

* Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 22novembre 2013 par la cour d'appel de Liege.

* Le president de section Albert Fettweis a fait rapport.

* L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

* I. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termessuivants :

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;

- articles 17, 43, specialement alinea 1er, 2DEG, 702, 860,alinea 1er, 861, 867 et 1138, 2DEG, du Code judiciaire ;

- articles 2, specialement S: 1er, 47 et 53 du Code dessocietes ;

- principe general du droit dit principe dispositif ;

- principe general du droit, consacre notamment par les articles774 et 1138, 3DEG, du Code judiciaire, selon lequel le juge esttenu, tout en respectant les droits de la defense, de determinerla norme juridique applicable à la demande portee devant lui etd'appliquer celle-ci ;

- en tant que de besoin, articles 774 et 1138, 3DEG, du Codejudiciaire ;

- en tant que de besoin, principe general du droit relatif aurespect des droits de la defense.

Decisions et motifs critiques

L'arret, reformant le jugement du premier juge, « declareirrecevable l'action mue par [la demanderesse] par citation du 11janvier 2011 » (lire : 30 decembre 2010, la date du 11 janvier2011 etant celle de l'audience d'introduction mentionnee dans lacitation).

Cette decision se fonde sur les motifs suivants :

« Les marches publics qui sont à la base de l'emission desfactures litigieuses ont ete attribues à l'associationmomentanee [formee par la demanderesse et la societe C.]. Lesfactures en cause ont d'ailleurs ete emises par cetteassociation ;

Or, tant la sommation du 23 decembre 2009 que la citation du 30decembre 2010 ont ete diligentees au seul nom de la[demanderesse] ;

Selon les termes de l'article 2 du Code des societes, la societemomentanee ne beneficie pas de la personnalite juridique. Deslors, toute action en justice qui interesse une entreprise sanspersonnalite, telle une association momentanee, doit etre exerceepar les associes agissant conjointement ou en leurs noms [...].Ce qui implique encore que, meme si l'un des associes peut agirtant en son nom propre qu'au nom de son associe comme mandataire,il doit mentionner dans la citation qu'il a agi non seulement enson nom mais en qualite de mandataire de son associe ;

En l'espece, c'est à juste titre que la [defenderesse] souligneque la citation a ete signifiee à la seule requete de la[demanderesse] et que, partant, l'action est irrecevable ;

La citation ne fait pas etat de l'existence d'une associationmomentanee entre la [demanderesse et la societe C.], de sorte quela seule partie en litige est la demanderesse ;

Il importe peu qu'en cours d'instance, la [demanderesse] aproduit un mandat signe par les representants de la [societe C.]le 24 aout 2011, soit apres la signification de la citation etapres que la [defenderesse] eut oppose la fin de non-recevoir ;

Il est de doctrine et de jurisprudence constantes que la qualiteet l'interet à une action, au sens de l'article 17 du Codejudiciaire, doit s'apprecier au moment de l'introduction de lademande ;

C'est à juste titre que la [defenderesse] soutientl'inapplication au cas d'espece des articles 860 et 867 du Codejudiciaire, et plus particulierement de la theorie de couverturedes nullites. N'est pas en cause ici une omission dans lacitation quant à l'identite du demandeur ;

Il s'agit en l'espece, pour la [demanderesse], de l'absence dequalite de representant de l'association momentanee et non del'omission d'indiquer cette qualite, la citation ne faisantaucune allusion à l'existence de l'association momentanee ;

Il est indiscutable que, lorsque l'action est exercee par unmandataire, ce dernier ne peut se presenter comme agissant en nompersonnel mais est au contraire tenu de reveler l'identite de sonmandant (application de l'adage nul ne plaide par procureur) carce qui est en cause, c'est l'identification des l'acteintroductif d'instance de celui qui est le demandeur. L'article702 du Code judicaire impose, `à peine de nullite, d'indiquerles nom, prenom et domicile du demandeur'. Le mandat ad litem estautorise mais le nom du mandant ne peut etre retenu. La violationde cette regle est sanctionnee, non par une fin de non-recevoir,mais par une exception de nullite etrangere à l'ordre public etles articles 861 et suivants sont d'application ;

Cependant, en l'espece, la [demanderesse] ne s'est pas presentee- dans la citation - comme mandataire d'une autre societe dont[elle] aurait omis d'indiquer l'identite. Elle a agi seule et àtitre personnel. La theorie des nullites n'est donc pasd'application mais se pose la question de l'interet et de laqualite de la demanderesse au moment de la signification de lacitation ;

Le mandat octroye par la [societe C.], excipe posterieurement àcette signification, ne peut pallier ce manquement. Il en est dememe des conventions de commissionnement ou meme du contratd'association momentanee depose par [la demanderesse] à lademande de la cour [d'appel] des lors que ce document ne faitetat d'aucun mandat ».

Griefs

Premiere branche

Les motifs precites sont entaches d'obscurite et decontradiction : 1. le considerant selon lequel « la societemomentanee ne beneficie pas de la personnalite juridique : deslors, toute action en justice qui interesse une entreprise sanspersonnalite, telle une association momentanee, doit etre exerceepar les associes agissant conjointement ou en leurs noms »signifie que chacun des membres de l'association momentanee peutagir « en [son] nom [personnel] » et qu'il est d'ailleursimpossible pour les associes d'agir au nom de l'associationmomentanee des lors que celle-ci est depourvue de la personnalitemorale ; 2. les considerants selon lesquels « il s'agit enl'espece, pour la [demanderesse], de l'absence de qualite derepresentant de l'association momentanee et non de l'omissiond'indiquer cette qualite, la citation ne faisant aucune allusionà l'existence de l'association momentanee », et, « enl'espece, la [demanderesse] ne s'est pas presentee - dans lacitation - comme mandataire d'une autre societe dont [elle]aurait omis d'indiquer l'identite. Elle a agi seule et à titrepersonnel » signifient que la demanderesse n'a pas agi enqualite de mandataire (en omettant d'indiquer cette qualite dansla citation) mais a agi « à titre personnel », c'est-à-direen son nom propre.

Ayant ainsi considere que chacun des membres d'une associationmomentanee peut agir en son nom propre et decide qu'en l'espece,la demanderesse avait agi à titre personnel, l'arret n'indiquepas pour quel motif l'action ainsi introduite par la demanderesseen son nom personnel serait irrecevable.

En outre, le motif reproduit supra, sub 2, reproche à lademanderesse de n'avoir pas agi en « qualite de representant del'association momentanee » et parait en deduire l'absence dequalite et d'interet à l'action au sens de l'article 17 du Codejudiciaire. Ce motif est des lors en totale contradiction avec lemotif reproduit supra, sub 1, selon lequel l'associationmomentanee est depourvue de la personnalite morale, ce quiimplique qu'elle ne peut agir en justice à l'intervention d'unorgane ou d'un representant et que les associes doivent des lorsnecessairement agir en leur nom personnel.

Il est incomprehensible ou à tout le moins contradictoire deconsiderer qu'une association est depourvue de la personnalitemorale et, dans le meme temps, de faire grief à un membre decette association de n'avoir pas introduit la demande en« qualite de representant » de celle-ci. Il s'ensuit quel'arret repose sur des motifs obscurs et contradictoires, ce quiequivaut à l'absence de motifs (violation de l'article 149 de laConstitution).

En outre, l'absence d'un ou plusieurs chainons dans leraisonnement des juges du fond (chainons qui auraient le casecheant permis de comprendre pourquoi, selon ces juges, le faitpour la demanderesse d'avoir agi en son nom entrainaitl'irrecevabilite de la demande) equivaut à l'absence de motifset constitue des lors une violation supplementaire de l'article149 de la Constitution.

L'arret ne saurait etre legalement justifie par le motif « qu'ils'agit en l'espece, pour [la demanderesse], de l'absence dequalite de representant de l'association momentanee ». Enfondant sa decision sur ce motif, l'arret meconnait le principeselon lequel l'association momentanee ne beneficie pas de lapersonnalite juridique, ce qui implique qu'elle ne peut agir enjustice, fut-ce par l'intermediaire d'un mandataire ourepresentant (violation des articles 17, 43, specialement alinea1er, 2DEG, et 702 du Code judiciaire, 2, S: 1er, 47 et 53 du Codedes societes).

Deuxieme branche

Il ressort des articles 17, 43, specialement alinea 1er, 2DEG,702 et 1138, 2DEG, du Code judiciaire et du principe dispositifque, pas plus qu'il ne peut modifier l'objet ou la cause de lademande, le juge ne peut d'autorite modifier la qualite enlaquelle une partie decide d'agir. Il appartient en effet à lapartie litigante et à elle seule de choisir en quelle qualite etau nom de qui elle agit.

Tant dans les conclusions qu'elle a prises devant le premier jugeque dans ses conclusions de synthese d'appel, la demanderesse ainvoque qu'elle avait agi tant en son nom qu'en celui de sonassociee, la societe C., qui lui avait octroye mandat par lescontrats de commissionnement des 29 octobre 1999 et 8 fevrier2002, anterieurs à la citation introductive d'instance du 30decembre 2010. En outre, elle a fait valoir qu'elle « depos[ait]à son dossier deux actes de mandat signes par l'administrateurdelegue de la [societe C.] ».

S'il lui appartenait d'examiner la validite des mandats etpouvoirs invoques par la demanderesse et la question si celle-ciles avait produits et invoques en temps utile pour, le casecheant, deduire de l'absence de validite des mandats ou de leurinvocation tardive - quod non - une cause de nullite de lacitation introductive d'instance (ce qui devait amener les jugesà s'interroger sur le regime de cette nullite et notamment surle point de savoir si elle supposait l'existence d'un grief), enrevanche, la cour d'appel ne pouvait faire abstraction des ecritsproceduraux dans lesquels la demanderesse affirmait agir tant enson nom qu'au nom de son associee et mandante, la societe C.

En decidant d'autorite que la demanderesse agissait en son seulnom, en depit des conclusions dans lesquelles elle declaraitvouloir agir aussi au nom de son associee et mandante, la societeC., l'arret meconnait l'autonomie procedurale de la partiedemanderesse (violation des articles 17, 43, specialement alinea1er, 2DEG, 702 et 1138, 2DEG, du Code judiciaire et du principegeneral du droit dit principe dispositif).

Troisieme branche

Lorsqu'une partie qui a fait signifier une citation dans laquelleelle se mentionne en tant que seule partie demanderesse affirmeulterieurement, en conclusions, avoir agi egalement commemandataire d'une autre partie, ce comportement constitue uneviolation de l'adage « nul ne plaide par procureur »,susceptible d'entrainer la nullite de la citation. Il s'agittoutefois d'une nullite soumise au regime des articles 861 (« Lejuge ne peut declarer nul un acte de procedure que si l'omissionou l'irregularite denoncee nuit aux interets de la partie quiinvoque l'exception ») et 867 du Code judiciaire ( « L'omissionou l'irregularite de la forme d'un acte, y compris le non-respectdes delais vises par la presente section ou de la mention d'uneformalite, ne peut entrainer la nullite s'il est etabli par lespieces de la procedure que l'acte a realise le but que la loi luiassigne ou que la formalite non mentionnee a en realite eteremplie »).

Des lors que la cour d'appel etait saisie de conclusions parlesquelles la demanderesse alleguait avoir agi tant en son nomqu'au nom de son associee et mandante, la societe C., etsoutenait que l'irregularite n'avait pu nuire aux interets de ladefenderesse, l'arret n'a pu legalement ecarter l'application desregles precitees du Code judiciaire, et en particulier leprincipe « pas de nullite sans grief », consacre par l'article861 de ce code, au motif que « n'est pas en cause ici uneomission dans la citation quant à l'identite du demandeur »,alors qu'il ressort de l'ensemble des motifs de l'arret que cequi etait reproche à la demanderesse etait de n'avoir pasindique dans la citation qu'elle agissait non seulement en sonnom personnel mais egalement en tant que mandataire de sonassociee, la societe C. (violation des articles 860, alinea 1er,861 et 867 du Code judiciaire et, en tant que de besoin, de tousles articles de ce code vises en tete du moyen.)

Il est à tout le moins contradictoire de considerer, d'une part,que, « lorsque l'action est exercee par un mandataire, cedernier ne peut se presenter comme agissant en son nom personnelmais est au contraire tenu de reveler l'identite de son mandant(application de l'adage nul ne plaide par procureur), que laviolation de cette regle est sanctionnee, non par une fin denon-recevoir, mais par une exception de nullite etrangere àl'ordre public et que les articles 861 et suivants sontd'application » et, de decider, d'autre part, « que la theoriedes nullites n'est pas d'application » parce que la citation nementionne pas l'existence d'une association momentanee entre lademanderesse et la societe C. et que c'est seulement « en coursd'instance » que la demanderesse « a produit un mandat signepar les representants de la societe C. ». Il est impossible deconcilier les motifs precites de l'arret, soit, en substance, 1.le motif selon lequel le fait de ne pas reveler l'identite de sonmandant dans l'acte introductif d'instance constitue la violationdu principe « nul ne plaide par procureur », laquelle estsanctionnee par une exception de nullite regie par les articles861 et suivants du Code judiciaire, et 2. le motif selon lequella theorie des nullites n'est pas d'application en l'espece, deslors que la demanderesse « ne s'est pas presentee dans lacitation comme mandataire d'une autre societe ». L'arret, quirepose sur ces considerations contradictoires, viole l'article149 de la Constitution.

Quatrieme branche

Le contrat de commissionnement conclu le 29 octobre 1999 entre lademanderesse et la societe C. comportait les clauses suivantes :

« 3. [La demanderesse] assumant seule l'execution et la gestiondu contrat renseigne sous rubrique, elle en assume egalement tousles risques et obligations, passes, presents et à venir,principaux et accessoires [...].

5. [...] Il est expressement convenu que tout document qui engagel'association peut etre revetu de la seule signature de [lademanderesse], qui s'engage à mettre à la disposition de C., età sa premiere demande, les copies de l'ensemble du courrierd'entree et de sortie et les documents financiers ».

Le contrat de commissionnement conclu le 8 fevrier 2002 entre lademanderesse et la societe C. comportait les clauses suivantes :

« 3. [La demanderesse] assumant seule l'execution et la gestiondu contrat renseigne sous rubrique, elle en assume egalement tousles risques et obligations, passes, presents et à venir,principaux et accessoires [...].

5. [...] Il est expressement convenu que tout document qui engagel'association peut etre revetu de la seule signature de [lademanderesse], qui s'engage à mettre à la disposition de C., età sa premiere demande, les copies de l'ensemble du courrierd'entree et de sortie et les documents financiers ».

Si les motifs precites signifient que les contrats decommissionnement des 29 octobre 1999 et 8 fevrier 2002 necomportaient pas un mandat confere par la societe C. à lademanderesse, l'arret fait abstraction des termes « il estexpressement convenu que tout document qui engage l'associationpeut etre revetu de la seule signature de [la demanderesse] »figurant dans ces deux contrats et viole la foi due à ces actesecrits (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

Cinquieme branche

Lorsqu'une partie qui a fait signifier une citation declare agiren tant que mandataire d'une autre partie, le fait qu'elle nepuisse exciper d'un mandat ecrit anterieur à la significationn'entraine ni la nullite de l'acte introductif d'instance nil'irrecevabilite de la demande si elle produit un mandatposterieur à la signification, pareil mandat valantratification. Il s'agit d'une application de l'article 867, dejàcite, du Code judiciaire.

En l'espece, l'arret ne denie pas qu'ainsi que la demanderessel'invoquait dans ses conclusions, elle s'etait vue octroyer unmandat special (et meme deux actes de mandat) signes parl'administrateur delegue de la societe C. Les constatations del'arret selon lesquelles 1. « le mandat [a ete] signe par lesrepresentants [de la societe C.] le 24 aout 2011, soit apres lasignification de la citation et apres que [la defenderesse] eutoppose la fin de non-recevoir » et 2. la demanderesse n'a« excipe » de ce mandat que posterieurement à la significationne peuvent des lors suffire à justifier legalement la decisionattaquee. En fondant sa decision sur ces motifs, l'arretmeconnait le principe selon lequel la preuve du mandat et, le casecheant, le mandat lui-meme peuvent etre posterieurs à l'acteintroductif d'instance (violation de toutes les dispositions duCode judiciaire visees en tete du moyen, à l'exception del'article 1138, 2DEG et 3DEG).

Sixieme branche (subsidiaire)

Le juge est tenu de trancher le litige conformement à la reglede droit qui lui est applicable ; il a l'obligation, enrespectant les droits de la defense, de relever d'office lesmoyens de droit dont l'application est commandee par les faitsspecialement invoques par les parties au soutien de leurspretentions.

Lorsque deux parties sont liees par un contrat d'associationmomentanee, chacune d'elle peut agir seule, en son nom personnel,contre le tiers avec lequel ces deux parties ont contracte. Enpareil cas, l'action ne pourra etre declaree fondee qu'àconcurrence de la part dans l'affaire de l'associe qui a citeseul le cocontractant.

Apres avoir decide que la demanderesse avait « diligente » enson seul nom la citation du 30 decembre 2010, qui tendait àfaire condamner la defenderesse au paiement de factures relativesà des marches publics attribues à l'association momentaneeformee par la demanderesse et la societe C., l'arret n'a pulegalement declarer la demande irrecevable pour le tout. Ilappartenait à la cour d'appel de determiner la part de lademanderesse dans l'affaire et de declarer la demande recevableet, le cas echeant, fondee jusqu'à concurrence de cette part. Endeclarant la demande irrecevable pour le tout, par le motif quela demanderesse l'avait diligentee en son seul nom et non enqualite de representant de l'association momentanee, l'arretviole la portee et les consequences du principe selon lequel uneassociation momentanee est depourvue de la personnalite morale,de sorte que les associes ne peuvent agir qu'en leur nompersonnel en paiement des factures emises dans le cadre decontrats conclus par eux avec des tiers, en vue de realiserl'objet de leur association (violation des articles 2,specialement S: 1er, 47 et 53 du Code des societes). En declarantla demande irrecevable pour le tout, sans rechercher quelle etaitla part de la demanderesse dans l'affaire, afin de condamner lecas echeant la defenderesse au paiement de cette quote-part,l'arret meconnait en outre le principe general du droit selonlequel le juge est tenu, tout en respectant les droits de ladefense, de determiner la norme juridique applicable à lademande portee devant lui et d'appliquer celle-ci (violationdudit principe general du droit et, en tant que de besoin, desarticles 774 et 1138, 2DEG et 3DEG, du Code judiciaire et desdeux autres principes generaux du droit vises en tete du moyen).

III. La decision de la Cour

Quant à la sixieme branche :

Aux termes de l'article 2, S: 1er, du Code des societes, lasociete momentanee ne beneficie pas de la personnalite juridique.

L'article 47 de ce code dispose que la societe momentanee est unesociete sans personnalite juridique qui a pour objet de traiter,sans raison sociale, une ou plusieurs operations de commercedeterminees.

En vertu de l'article 53, les associes d'une societe momentaneesont tenus solidairement envers les tiers avec qui ils onttraite. Ils seront assignes directement et individuellement.

Il suit de ces dispositions qu'un associe d'une societemomentanee peut agir en justice en son nom personnel pour sa partindividuelle.

L'arret constate que « les marches publics qui sont à la basede l'emission des factures litigieuses ont ete attribues àl'association momentanee de la societe anonyme C. et de [lademanderesse] », que « les factures ont [...] ete emises parcette association » et que, « par citation du 30 decembre 2010,la [demanderesse] a sollicite la condamnation de la[defenderesse] à lui payer [...] des factures impayees ».

L'arret constate que « la citation du 30 decembre 2010 [a] etediligentee au seul nom de la [demanderesse] », que « lacitation ne fait pas etat de l'existence de l'associationmomentanee entre la societe C. et [la demanderesse] » et que« la citation a ete signifiee à la seule requete de [lademanderesse] ».

L'arret, qui considere que « [la demanderesse] a agi seule et àtitre personnel », ne justifie pas legalement sa decision que« [son] action est [...] irrecevable ».

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur les autres griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner les autres branches du moyen, qui nesauraient entrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il rec,oit l'appel ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge del'arret partiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le jugedu fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, àBruxelles, ou siegeaient le president de section ChristianStorck, le conseiller Didier Batsele, le president de sectionAlbert Fettweis, les conseillers Marie-Claire Ernotte et SabineGeubel, et prononce en audience publique du six mai deux milleseize par le president de section Christian Storck, en presencede l'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistance dugreffier Patricia De Wadripont.

+-----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+------------+----------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+-----------------------------------------------+

6 MAI 2016 C.15.0540.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.15.0540.F
Date de la décision : 06/05/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-05-06;c.15.0540.f ?
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