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06/05/2016 | BELGIQUE | N°C.15.0365.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 mai 2016, C.15.0365.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0365.F

C. O.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

contre

AIG EUROPE LIMITED, societe de droit anglais dont le siege est etabli àLondres (Royaume-Uni), The AIG Building, Fenchurchstreet, 58, E C3M 4AB,venant aux droits de la societe de droit franc,ais AIG EUROPE, ayant enBelgique une succursale etablie à Ixelles, boulevard de la Plaine, 11,r>
defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirig...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0365.F

C. O.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

contre

AIG EUROPE LIMITED, societe de droit anglais dont le siege est etabli àLondres (Royaume-Uni), The AIG Building, Fenchurchstreet, 58, E C3M 4AB,venant aux droits de la societe de droit franc,ais AIG EUROPE, ayant enBelgique une succursale etablie à Ixelles, boulevard de la Plaine, 11,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 24 juin2014 par le tribunal de premiere instance du Hainaut, statuant en degred'appel.

Le president de section Albert Fettweis a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 5, 774 et 1138, 2DEG, du Code judiciaire ;

- article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assuranceobligatoire de la responsabilite en matiere de vehicules automoteurs ;

- principe general du droit suivant lequel le juge est tenu de trancher lelitige conformement aux regles de droit qui lui sont applicables et doit,en respectant les droits de la defense, relever d'office les moyens dedroit dont l'application est commandee par les faits specialement invoquespar les parties au soutien de leurs pretentions.

Decisions et motifs critiques

Le jugement attaque declare l'appel du demandeur non fonde.

En confirmant le jugement du premier juge, le jugement attaque declarenon fondee la demande du demandeur, agissant en son nom personnel, tendantà entendre condamner la defenderesse à lui payer la somme provisionnellede 15.000 euros, augmentee des interets, aux motif suivants :

« Faits et antecedents

La presente cause concerne un accident de la circulation survenu le 28octobre 2004 sur l'A 17 en direction de Tournai à hauteur de Dottignies.[Le demandeur] circulait au volant de sa Peugeot 806, à bord de laquellese trouvaient son epouse et leurs trois enfants, en direction de Paris. A.C. circulait à bord de son camion (tracteur) Mercedes dans la memedirection. Les deux vehicules circulent sur la bande de droite lorsque letracteur Mercedes est embouti à l'arriere par le vehicule Peugeot 806.L'epouse [du demandeur] decede sur les lieux de l'accident, les troisenfants sont legerement blesses.

[Le demandeur] estime que le camion, roulant à une vitesse anormalementlente, a constitue un obstacle imprevisible qu'il n'a pu eviter en raisond'une inattention momentanee de sa part.

L'assureur en responsabilite de A. C., quant à lui, estime que l'accidentest du à la seule inattention [du demandeur].

Le premier juge a estime que l'entiere responsabilite de l'accidentincombait [au demandeur], aucune faute du chauffeur du camion ne pouvantetre demontree avec certitude.

Discussion

A. C., dans son audition le soir des faits, a declare qu'il roulait à unevitesse de 70 à 80 kilometres à l'heure.

Comme l'a fait observer le premier juge, pas moins de cinq experts se sontpenches sur les circonstances de l'accident sans pouvoir neanmoinss'accorder sur la vitesse effective du camion au moment du choc, de sorteque c'est à bon droit et pour de justes motifs qu'il a estime qu'il etaitimpossible de determiner avec certitude si la presence de ce camionconstituait un obstacle imprevisible pour [le demandeur].

Par contre, les experts s'accordent pour imputer [au demandeur] unevitesse de l'ordre de minimum 130 kilometres à l'heure, ce qui correspondpar ailleurs à ses declarations. A cette vitesse, il parcourt unedistance d'environ 36 metres par seconde. Durant les quelques secondes ouil est reste inattentif à la route, il a donc pu parcourir une distancebien superieure à la portee de ses phares (estimee par l'expert D. à 40 metres) et à la portee des feux du camion dont la visibilite etaitdiminuee puisqu'il ne tractait aucune remorque.

L'hypothese emise par le conseil technique [du demandeur] selon laquellele camion aurait circule à une vitesse anormalement basse et se seraitdeporte vers le bord droit de la chaussee car son conducteur cherchait sonchemin n'est appuyee que sur des suppositions non etayees par des elementsobjectifs du dossier. Le croquis etabli par les verbalisateurs, completepar l'expert D., indique que le camion, s'il etait sur le bord droit de sabande de circulation au moment de l'accident, se trouvait neanmoins sur labande de droite de l'autoroute et non sur la bande d'arret d'urgence.

Le conducteur C. a quant à lui declare qu'il roulait normalement lorsquela collision s'est produite.

C'est à bon droit et pour de justes motifs que le premier juge aconsidere que seule la faute [du demandeur] pouvait etre retenue aveccertitude dans le mecanisme de l'accident et de ses consequencesdommageables.

Le jugement du premier juge doit etre confirme en toutes ses dispositions».

Griefs

1. Il resulte des articles 5, 774 et 1138, 2DEG, du Code judiciaire et duprincipe general du droit que le juge est tenu de trancher le litigeconformement aux regles de droit qui lui sont applicables. Il doitexaminer la nature juridique des faits et actes invoques par les partieset peut, quelle que soit la qualification juridique que celles-ci leur ontdonnee, suppleer d'office aux motifs invoques par elles des lors qu'iln'eleve aucune contestation dont les parties ont exclu l'existence dansleurs conclusions, qu'il se fonde uniquement sur des elementsregulierement soumis à son appreciation, qu'il ne modifie pas l'objet dela demande et que, ce faisant, il ne viole pas le droit de defense desparties. Il est tenu de relever d'office les moyens de droit dontl'application est commandee par les faits specialement invoques par lesparties au soutien de leurs pretentions.

2. L'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assuranceobligatoire de la responsabilite en matiere de vehicules automoteursregle, dans l'interet general et aux conditions qu'il determine, lareparation des dommages resultant de lesions corporelles ou du deces subispar certaines victimes d'accidents de la circulation impliquant unvehicule automoteur ou par leurs ayants droit, à l'exception duconducteur de chaque vehicule automoteur implique.

Le paragraphe 1er de cette disposition legale dispose qu'en casd'accident de la circulation impliquant un ou plusieurs vehiculesautomoteurs, aux endroits vises à l'article 2, S: 1er, de la loi, et àl'exception des degats materiels et des dommages subis par le conducteurde chaque vehicule automoteur implique, tous les dommages subis par lesvictimes et leurs ayants droit et resultant de lesions corporelles ou dudeces, y compris les degats aux vetements, sont repares solidairement parles assureurs qui, conformement à cette loi, couvrent la responsabilitedu proprietaire, du conducteur ou du detenteur des vehicules automoteurs.

Aux termes du paragraphe 2 dudit article 29bis, le conducteur d'unvehicule ne peut se prevaloir de cet article, sauf s'il agit en qualited'ayant droit d'une victime qui n'etait pas conducteur et à conditionqu'il n'ait pas cause intentionnellement les dommages.

3. Il ressort des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que

* le litige concerne la responsabilite et le dommage resultant del'accident de la circulation du 28 octobre 2004 dans lequel etaientimpliques le vehicule Peugeot 806 conduit par le demandeur et lecamion Mercedes, conduit par A. C., assure en responsabilite civileautomobile aupres de la defenderesse,

* le demandeur circulait au volant de son vehicule Peugeot 806, à bordduquel se trouvaient son epouse et ses enfants,

* l'epouse du demandeur, qui etait passagere du vehicule, est decedeesur les lieux de l'accident.

4. Le demandeur sollicitait la condamnation de la defenderesse, assureurde la responsabilite civile automobile du camion implique dans l'accident,à lui payer la somme provisionnelle de 15.000 euros, sous reserved'augmentation en prosecution de cause, et ce

* d'une part, pour le dommage materiel subi à son vehicule - il s'agitd'un dommage qui ne peut etre indemnise sur la base de l'article 29bisde la loi du 21 novembre 1989,

* d'autre part, pour le prejudice moral, les frais funeraires et laperte de revenus des suites du deces de son epouse - il s'agit d'undommage subi par le conducteur d'un vehicule en qualite d'ayant droitde son conjoint qui n'etait pas conducteur, qui peut etre indemnisesur la base de l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989.

5. En declarant la demande du demandeur (plus particulierement en cequ'elle concerne le dommage subi en sa qualite d'ayant droit de son epousedecedee des suites de l'accident) non fondee au motif que seule la fautedu demandeur peut etre retenue avec certitude dans le mecanisme del'accident et ses consequences dommageables, sans verifier si ladefenderesse est redevable d'une indemnisation envers le demandeur envertu de l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989, le jugement attaque ne justifie pas legalement sa decision (violation des articles5, 774, 1138, 2DEG, du Code judiciaire, 29bis de la loi du 21 novembre1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilite en matierede vehicules automoteurs et du principe general du droit selon lequel lejuge est tenu de trancher le litige conformement aux regles de droit quilui sont applicables et doit, en respectant les droits de la defense,relever d'office les moyens de droit dont l'application est commandee parles faits specialement invoques par les parties au soutien de leurspretentions.

En decidant que le demandeur ne peut obtenir reparation du dommage subi ensa qualite d'ayant droit de son epouse decedee des suites de l'accident dela circulation dans lequel le vehicule assure par la defenderesse etaitimplique, le jugement attaque viole l'article 29bis de la loi du 21novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilite enmatiere de vehicules automoteurs.

III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

Le juge est tenu d'examiner la nature juridique des faits invoques par lesparties et, quelle que soit la qualification que celles-ci leur ontdonnee, peut suppleer d'office aux motifs invoques devant lui, des lorsqu'il n'eleve aucune contestation dont les parties ont exclu l'existence,qu'il se fonde uniquement sur des faits regulierement soumis à sonappreciation et qu'il ne modifie pas l'objet de la demande ; il doit, cefaisant, respecter les droits de la defense.

Le jugement attaque constate que l'accident est survenu alors que « [ledemandeur] circulait au volant de sa [voiture], à bord de laquelle setrouvaient son epouse et leurs trois enfants », que « [l'assure de ladefenderesse] circulait à bord de son camion [...] dans la memedirection », que « les deux vehicules [circulaient] sur la bande dedroite lorsque le [camion] [a ete] embouti à l'arriere par le vehicule[du demandeur] » et que « [l']epouse [de celui-ci] est decedee sur leslieux de l'accident ».

Dans ses conclusions d'appel, le demandeur demandait l'indemnisation deson prejudice moral, le remboursement des frais funeraires, la reparationde la perte de revenus et du prejudice menager subis à la suite du decesde son epouse.

Le jugement attaque, qui, pour declarer les demandes du demandeur nonfondees, considere que « seule la faute [du demandeur] peut etre retenueavec certitude dans le mecanisme de l'accident et de ses consequencesdommageables », sans verifier si la defenderesse n'est pas tenued'indemniser le demandeur en application de l'article 29bis de la loi du21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabiliteen matiere de vehicules automoteurs, viole le principe general du droitvise au moyen.

Dans cette mesure, le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaque en tant qu'il deboute le demandeur des demandesvisees aux motifs du present arret et qu'il statue sur les depens entreles parties à l'instance en cassation ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant le tribunal de premiere instancede Namur, siegeant en degre d'appel.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, le conseiller DidierBatsele, le president de section Albert Fettweis, les conseillersMarie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononce en audience publique dusix mai deux mille seize par le president de section Christian Storck, enpresence de l'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistance dugreffier Patricia De Wadripont.

+-----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+------------+----------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+-----------------------------------------------+

6 MAI 2016 C.15.0365.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.15.0365.F
Date de la décision : 06/05/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-05-06;c.15.0365.f ?
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