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06/05/2016 | BELGIQUE | N°C.15.0331.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 mai 2016, C.15.0331.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.15.0331.F

* S. G.,

* demanderesse en cassation,

* representee par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des QuatreBras, 6, ou il est fait election de domicile,

* * contre

* BRASSERIE HAACHT, societe anonyme dont le siege social est etabli àBoortmeerbeek, Provinciesteenweg, 28,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont lecabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Montag

ne, 11, ou il est faitelection de domicile,

* en presence de

1. BAR DU MARCHE, societe privee à responsa...

Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.15.0331.F

* S. G.,

* demanderesse en cassation,

* representee par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des QuatreBras, 6, ou il est fait election de domicile,

* * contre

* BRASSERIE HAACHT, societe anonyme dont le siege social est etabli àBoortmeerbeek, Provinciesteenweg, 28,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont lecabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Montagne, 11, ou il est faitelection de domicile,

* en presence de

1. BAR DU MARCHE, societe privee à responsabilite limitee dont le siegesocial est etabli à Uccle, chaussee de Waterloo, 860,

2. J. G.,

3. V. D.,

4. MYBOOKS, societe anonyme dont le siege social est etabli à Ixelles,avenue Emile Duray, 42,

parties appelees en declaration d'arret commun.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 30 janvier2015 par le tribunal de premiere instance francophone de Bruxelles,statuant en degre d'appel.

Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

* articles 9 et 591, 1DEG, du Code judiciaire ;

* article 29 de la loi du 30 avril 1951 relative aux baux commerciaux.

Decisions et motifs critiques

Le jugement attaque dit l'appel principal de la defenderesse dejàpartiellement fonde, partant, met à neant le jugement entrepris en toutesses dispositions et, statuant par voie de dispositions nouvelles, declarela tierce opposition formee par la demanderesse contre le jugement [dujuge de paix] du 30 novembre 2009 recevable, reserve à statuer sur lesurplus, y compris les depens, et ordonne d'office la jonction pourconnexite entre la presente cause et celle portant le numero de roleA/1330/10, en application de l'article 856, alinea 2, du Code judiciaire,ce apres avoir considere notamment :

« Principes

32. Conformement à l'article 591, 1DEG, du Code judiciaire, `le juge depaix connait, quel que soit le montant de la demande, des contestationsrelatives aux louages d'immeubles et des demandes connexes qui naitraientde la location d'un fonds de commerce'.

Il s'agit d'une competence speciale et non exclusive. `Cette competencespeciale du juge de paix en matiere de louage comprend les contestationsrelatives à l'application de dispositions legales et contractuelles quiregissent les relations entre les parties au contrat de bail'[...].

`Le magistrat cantonnal est competent « chaque fois que le litige estrelatif à un louage d'immeuble, chaque fois qu'il est la consequence desrapports contractuels entre bailleur et preneur, chaque fois qu'il est nede la signature, interpretation, execution ou non-execution de cecontrat » [...]'. Toutefois, `il ne suffit pas que le litige ait unrapport plus ou moins tenu avec le bail ; il faut que les contestationstrouvent les elements de leur solution dans l'application des regles quiregissent le contrat' [...].

Pour que la competence du juge de paix puisse jouer, il n'est pasnecessairement exige que le litige doive trouver exclusivement sa solutiondans les regles du droit du bail [...].

Application au cas d'espece

33. Le litige concerne l'execution d'une obligation d'approvisionnementexclusif inseree dans un contrat de bail commercial entre Mybooks et lespreneurs, au profit de la [defenderesse], cette derniere ayant parailleurs fait intervention au contrat en vue de l'acceptation de lastipulation pour autrui dont elle est tiers beneficiaire.

Cette obligation d'approvisionnement, bien qu'inseree dans le contrat debail commercial, n'affecte pas les relations entre le bailleur et leslocataires ; cependant, il resulte des circonstances de l'espece etnotamment de la chronologie des conventions entre les parties [...] queson insertion a constitue une modalite essentielle de la location del'immeuble, permettant de combiner la resiliation anticipee du bail entreMybooks et la [defenderesse], et le maintien de la claused'approvisionnement exclusif en faveur de cette derniere.

Des lors que le litige trouve sa cause dans une obligation inseree dans uncontrat de bail commercial qui constitue une modalite essentielle de lalocation du bien pour les parties à ce contrat de bail commercial, lejuge de paix etait competent pour en connaitre sur base de l'article 591,1DEG, du Code judiciaire et ce, meme si cette obligation est stipulee auprofit d'un tiers.

[La demanderesse], suivie en cela par les preneurs, invoque l'arret de laCour de cassation du 12 septembre 2005 [...] selon lequel `l'examen d'unedemande qui excede le domaine du bail, telle que la demandeextracontractuelle fondee sur la complicite d'un tiers à la violation desdispositions contractuelles d'un bail, ne releve pas de la competence dujuge de paix visee à l'article 591, 1DEG, precite'. A tort [lademanderesse] et les preneurs etendent l'enseignement de cet arret,portant sur un cas de responsabilite extracontractuelle (tiercecomplicite), à l'hypothese dont le tribunal a à connaitre, à savoir uneaction contractuelle fondee sur une stipulation pour autrui.

Le premier juge etait des lors competent pour connaitre du litigeoriginaire porte devant lui ; ce moyen tire de la competence speciale dujuge de paix etant fonde, les autres moyens concernant la competencegenerale du juge de paix et l'irregularite du declinatoire souleveinvoques par la (defenderesse) et par Mybooks ne seront pas examines.

Partant, le jugement entrepris sera mis à neant ».

Griefs

Aux termes de l'article 9 du Code judiciaire la competence d'attributionest le pouvoir de juridiction determine en raison de l'objet, de la valeuret, le cas echeant, de l'urgence de la demande ou de la qualite desparties. Elle ne peut etre etendue, sauf si la loi en dispose autrement.

La competence d'attribution determinee en raison de l'objet de la demandes'apprecie en fonction de la demande, telle qu'elle est formulee par ledemandeur.

L'article 591 du Code judiciaire dispose que « le juge de paix connait,quel que soit le montant de la demande : 1DEG des contestations relativesaux louages d'immeubles et des demandes connexes qui naitraient de lalocation d'un fonds de commerce ».

L'article 29 de la loi sur les baux commerciaux dispose par ailleursque « les demandes fondees sur la section [ou il est insere], ainsi queles demandes connexes qui naitraient de la location d'un fonds de commercesont, nonobstant toute convention contraire, anterieure à la naissance dulitige, de la competence du juge de paix de la situation de l'immeubleprincipal ou, en cas de pluralite d'immeubles independants, de celui qui ale revenu cadastral le plus eleve ».

Cette competence speciale du juge de paix en matiere de louage comprendles contestations relatives à l'application de dispositions legales oucontractuelles qui regissent les relations entre les parties au contrat debail.

L'article 591, 1DEG, du Code judiciaire vise plus particulierement lescontestations relatives aux louages, c'est-à-dire celles qui naissent del'interpretation ou de l'execution, de la resiliation de ces contrats oude l'application des dispositions legales qui regissent les rapportscontractuels entre bailleurs et preneurs.

Toutefois, il ne suffit pas que la clause invoquee fasse partie d'uncontrat de bail pour que le juge de paix soit competent pour prendreconnaissance de la contestation ; il faut encore que la contestationoppose le bailleur et le locataire concernant leur relation locative.

Le juge de paix est sans competence pour se prononcer sur une demande quiva au-delà de la relation locative et ce, meme si cette demande presenteun lien tenu avec ledit contrat de bail et meme si la clause invoquee estessentielle pour l'economie du contrat, tout en ayant des caracteresjuridiquement totalement distincts du bail ; il faut encore que lacontestation se rapporte à la relation entre le bailleur et le locataire,et les oppose.

En l'occurrence, la demande initiale emanait de la defenderesse, quin'avait la qualite, ni de bailleur, ni de locataire, etait dirigee contre[les trois premieres parties appelees en declaration d'arret commun], locataires d'un immeuble sis à ..., rue ..., nDEG ..., qui leur etaientloue par [la quatrieme partie appelee en declaration d'arret commun], ettendait à entendre dire pour droit que les engagements qu'ils avaientsouscrits dans le contrat du 31 aout 2008 [lire : 2007], conclu avec[cette derniere], d'acheter les friandises et les boissons exclusivementfabriquees ou commercialisees par la brasserie, produisaient valablementl'integralite de leurs effets et ce, pour toute la duree del'exploitation.

Dans ladite citation, il est fait etat d'une transaction intervenue entreles differentes parties, qui avait resulte en la conclusion de deuxcontrats, dont le contrat de bail precite, à savoir, d'une part, uneconvention de resiliation anticipee du bail commercial entre ladefenderesse et [la quatrieme partie appelee en declaration d'arretcommun], d'autre part, un bail commercial entre [celle-ci] et [les troispremieres parties appelees en declaration d'arret commun].

Le jugement attaque constate lui-meme que le litige concerne l'executiond'une obligation d'approvisionnement exclusif, inseree dans un contrat debail commercial entre [la quatrieme partie appelee en declaration d'arretcommun] et les preneurs, au profit de la defenderesse, cette derniereayant par ailleurs fait intervention au contrat en vue de l'acceptation dela stipulation pour autrui dont elle est tiers beneficiaire.

Il s'ensuit que, si l'obligation litigieuse trouvait sa source dans uneclause du contrat de bail, il n'empeche qu'il s'agissait d'une obligationsouscrite par les locataires au benefice d'un tiers, qui n'en devenait paspour autant bailleur.

Le tribunal constate, d'ailleurs, explicitement que cette obligationd'approvisionnement, bien qu'inseree dans le contrat de bail commercial,n'affecte pas les relations entre le bailleur et les locataires.

Celles-ci n'existaient en effet qu'entre [la quatrieme partie appelee endeclaration d'arret commun], appelee à la cause par citation enintervention forcee du 29 septembre 2008 par la defenderesse, afin de lagarantir de toute demande des parties citees, et [les trois premieresparties appelees en declaration d'arret commun].

La contestation soumise par la defenderesse au juge de paix concernaituniquement l'obligation d'approvisionnement precitee, dont ellepoursuivait l'execution en nature à l'egard [des trois premieres partiesappelees en declaration d'arret commun].

Si celle-ci fut souscrite par ces derniers à l'occasion de la conclusiond'un contrat de bail avec [la quatrieme partie appelee en declarationd'arret commun], elle ne conferait point à la defenderesse la qualite debailleur.

Partant, dans la mesure ou le jugement attaque constate lui-meme que lacontestation se rapportait à l'obligation d'approvisionnement, quin'affectait pas les relations entre bailleur et locataires de l'immeublesis à ..., rue ..., nDEG ..., et dans la mesure ou aucune contestationentre bailleur et locataires dudit immeuble relativement à leur relationlocative n'avait ete soumise au juge de paix, ce jugement n'a pu deciderlegalement que la contestation relevait de la competence speciale du jugede paix (violation des articles 9, 591, 1DEG, du Code judiciaire et 29 dela loi du 30 avril 1951 sur les baux commerciaux).

III. La decision de la Cour

L'article 592 du Code judiciaire dispose, en son alinea 1er, que, lorsquela valeur de la demande est indeterminee et que celle-ci n'entre pointdans la competence exclusive du tribunal de premiere instance ou dutribunal de commerce, elle peut etre portee, au choix du demandeur, devantle tribunal de premiere instance ou le tribunal de commerce, selon le cas,ou devant le juge de paix, et, en son alinea 3, que le juge de paixrenvoie la cause au tribunal de premiere instance ou au tribunal decommerce, selon le cas, si le defendeur le requiert, lorsque la valeur dela demande excede manifestement le montant de sa competence.

La demande, qui porte sur l'execution en nature d'une obligation de faire,fut-elle assortie d'une demande d'indemnisation pour le prejudice passe,est une demande dont la valeur est indeterminee.

Le jugement attaque releve que « [la defenderesse] sollicitait du premierjuge de dire pour droit que les engagements souscrits par les preneurs[les trois premieres parties appelees en declaration d'arret commun] àson benefice produisent valablement l'integralite de leurs effets et queceux-ci sont en particulier tenus [...] d'acheter, parmi les boissons etfriandises, exclusivement celles fabriquees ou commercialisees par [ladefenderesse], sous les marques mentionnees à l'annexe de la conventiondu 31 aout 2007, à concurrence d'une quantite annuelle minimale [...],sous peine de se trouver redevables des indemnites conventionnellementprevues » ; « de condamner, en consequence, les preneurs à executerl'integralite des obligations souscrites envers elle » ; de les condamner« à lui payer la somme de 3.650 euros à titre de dommages et interetspour la non-realisation des quotas de vente convenus pendant la periode du1er juillet 2007 au 31 octobre 2009 ; de condamner les preneurs [...] àlui payer une astreinte de 500 euros par infraction constatee àl'exclusivite » et, à titre subsidiaire, de les condamner au paiement dela somme de 51.480 euros.

Il enonce encore que, « par voie de citation des 1er et 3 septembre 2010,[la demanderesse] (epouse de [la troisieme partie appelee en declarationd'arret commun], l'un des preneurs), a forme tierce opposition au jugement[du premier juge] du 30 novembre 2009 » en lui demandant de « prononcerl'annulation integrale de son jugement » à l'egard de toutes les partieset que celui-ci « a fait sienne la these de [la demanderesse] et s'estdeclare materiellement incompetent pour connaitre du litige originaireentre [la defenderesse] et les preneurs » des lors que « le litige neconcernait pas une contestation entre le bailleur et le preneur ».

Des lors que, devant le premier juge, la defenderesse a introduit unedemande dont la valeur est indeterminee et que, dans son declinatoire decompetence, la demanderesse n'a pas requis le renvoi de la cause devant lejuge qu'elle estimait competent, la decision du jugement attaque que « lepremier juge etait des lors competent pour connaitre du litige originaireporte devant lui » se trouve ainsi legalement justifiee.

Le moyen, qui, fut-il fonde, ne saurait entrainer la cassation de cettedecision, est denue d'interet, partant irrecevable.

Et le rejet du pourvoi prive d'interet les demandes en declaration d'arretcommun.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi et les demandes en declaration d'arret commun ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de mille cent quarante-deux eurosseptante-sept centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, le conseiller DidierBatsele, le president de section Albert Fettweis, les conseillersMarie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononce en audience publique dusix mai deux mille seize par le president de section Christian Storck, enpresence de l'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistance dugreffier Patricia De Wadripont.

+-----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+------------+----------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+-----------------------------------------------+

6 MAI 2016 C.15.0331.F/9


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.15.0331.F
Date de la décision : 06/05/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-05-06;c.15.0331.f ?
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