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02/05/2016 | BELGIQUE | N°S.15.0112.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 02 mai 2016, S.15.0112.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

Nº S.15.0112.F

A. R.,

admis au bénéfice de l'assistance judiciaire par une ordonnance du 24septembre 2015 (G.15.0167.F.),

demandeur en cassation,

représenté par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où ilest fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 29 juin 2015par la cour du travail de Liège.

Le 13 avril 2016, l'avocat gé

néral Jean Marie Genicot a déposé desconclusions au greffe.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat gén...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

Nº S.15.0112.F

A. R.,

admis au bénéfice de l'assistance judiciaire par une ordonnance du 24septembre 2015 (G.15.0167.F.),

demandeur en cassation,

représenté par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où ilest fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 29 juin 2015par la cour du travail de Liège.

Le 13 avril 2016, l'avocat général Jean Marie Genicot a déposé desconclusions au greffe.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat général Jean MarieGenicot a été entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiéeconforme, le demandeur présente un moyen.

III. La décision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la première branche :

En vertu de l'article 1675/2, alinéa 1^er, du Code judiciaire, seule unepersonne physique qui n'a pas la qualité de commerçant au sens del'article 1^er du Code de commerce peut introduire devant le juge unerequête visant à obtenir un règlement collectif de dettes.

Le commerçant au sens de l'article 1^er du Code commerce est celui quipour son propre compte, soit en son nom, soit par mandataire ou préposé,accomplit habituellement des actes réputés commerciaux.

D'une part, en vertu de l'article 2 du Code des sociétés, une sociétéprivée à responsabilité limitée constitue une individualité juridiquedistincte de celle des associés.

Aux termes de l'article 210, alinéa 1^er, de ce code, la société privée àresponsabilité limitée est une société où les associés n'engagent que leurapport et où leurs droits ne sont transmissibles que sous certainesconditions.

Dès lors, la circonstance qu'une personne physique soit un associé d'unetelle société ne lui confère pas la qualité de commerçant.

D'autre part, l'article 61, § 1^er, du même code dispose que les sociétésagissent par leurs organes dont les pouvoirs sont déterminés par leditcode, l'objet social et les clauses statutaires, et que les membres de cesorganes ne contractent aucune responsabilité personnelle relative auxengagements de la société.

Aux termes de l'article 255, alinéa 1^er, dudit code, les sociétés privéesà responsabilité limitée sont gérées par une ou plusieurs personnes,rémunérées ou non, associés ou non.

Dès lors que le gérant d'une telle société agit au nom et pour le comptede celle-ci, la circonstance qu'il accomplisse des actes de commerce nelui confère pas la qualité de commerçant.

Après avoir relevé que le demandeur est l'associé et le gérant unique dela s.p.r.l. Auras Europ, l'arrêt considère qu'il « exerce l'activité d'uncommerçant sous le couvert de sa société Auras Europ », qu'il « décideseul des actions de la société et a le statut d'indépendant », qu'il « n'ya pas de lien de subordination » et qu' « il y a manifestement un amalgameentre les intérêts de la société et ceux [du demandeur] ».

L'arrêt qui, sur la base de ces considérations, dont il ne résulte pas quele demandeur accomplit habituellement des actes réputés commerciaux pourson propre compte, ne justifie pas légalement sa décision de déclarer nonfondée la requête du demandeur visant à obtenir un règlement collectif dedettes en raison de sa qualité de commerçant.

Le moyen, en cette branche, est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé;

Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond;

Renvoie la cause devant la cour du travail de Liège, autrement composée.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président de section Christian Storck, les conseillersDidier Batselé, Mireille Delange, Michel Lemal et Sabine Geubel, etprononcé en audience publique du deux mai deux mille seize par leprésident de section Christian Storck, en présence de l'avocat généralJean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.

+------------------------------------------------------------------------+
| F. Gobert | S. Geubel | M. Lemal |
|-----------------------+-----------------------+------------------------|
| M. Delange | D. Batselé | Chr. Storck |
+------------------------------------------------------------------------+

Requête

REQUETE EN CASSATION

__________________________________________________________________________

+------------------------------------------------------------------------+
| | Monsieur A. R., |
| | |
| | Demandeur en cassation d'une décision rendue dans une |
| | procédure sur requête unilatérale, |
| POUR : | |
| | Assisté et représenté par Me Simone Nudelholc, avocat à la |
| | Cour de cassation soussignée, dont le cabinet est établi à |
| | 1000 Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, chez qui il est |
| | fait élection de domicile. |
+------------------------------------------------------------------------+

*

A Messieurs les Premier Président et Présidents, à Mesdames et Messieursles Conseillers composant la Cour de cassation.

Messieurs, Mesdames,

Le demandeur a l'honneur de soumettre à votre censure l'arrêt rendu surrequête unilatérale, le 29 juin 2015, par la cour du travail de Liège(7^ème chambre - RG n° 14/26/B).

En tant qu'ils intéressent le présent pourvoi, les faits et antécédents dela cause, tels qu'ils ressortent des constatations de l'arrêt entrepris etdes pièces de la procédure, peuvent être résumés comme suit.

 1. Le demandeur est, depuis le 18 décembre 2009, le gérant de la SPRLA.E., dont il détient 110 parts sociales ; les 76 parts socialesrestantes sont détenues par un autre associé.

Le demandeur est également associé actif de la SPRL S.T. et de la SPRLR.A.

2. Par requête datée 22 octobre 2014 et introduite le 10 novembre 2014, ledemandeur a sollicité le bénéfice de la procédure en règlement collectifde dettes, au motif qu'il « ne parvient plus à faire face à ses dettes ».

3. Par jugement du 8 avril 2015, le tribunal du travail d'Eupen a déboutéle demandeur de sa demande en règlement collectif de dettes, au motifqu'il doit être considéré comme commerçant, de sorte que les conditions del'article 1675/2 du Code judiciaire ne sont pas remplies.

Le demandeur a relevé appel de cette décision.

4. Par l'arrêt entrepris, la cour du travail de Liège confirme la décisiondu premier juge et rejette la demande de règlement collectif de dettes aumotif que le demandeur est commerçant.

A l'appui de son pourvoi, le demandeur invoque le moyen de cassationsuivant.

Moyen unique de cassation

Dispositions légales dont la violation est invoquée

- Article 149 de la Constitution ;

- Article 1675/2, spécialement alinéa 1^er, du Code judiciaire ;

- Articles 1^er à 3 du Code de commerce ;

- Articles 2, § 2, 3, 61, §1^er, 210, 211, 212 et 255 du Code dessociétés.

Pour autant que de besoin : articles 256 à 265 du Code des sociétés.

Décision et motifs critiqués

Par confirmation de la décision de première instance, l'arrêt entreprisdéclare recevable mais non fondée la demande, introduite sur requêteunilatérale, par laquelle le demandeur sollicitait le bénéfice de laprocédure de règlement collectif de dettes sur la base des articles 1675/2et suivants du Code judiciaire.

L'arrêt se fonde sur les motifs suivants (traduction libre de la décisionen langue allemande) :

« La composition de ménage (du demandeur) le reprend comme étantcommerçant.

(Le demandeur) détient 110 des 186 parts de la SPRL A. E., qui a un objetsocial très large dans le secteur des affaires de commerce. Il est legérant unique avec tous les pouvoirs et son mandat est rémunéré par 1.500€ net par mois. L'autre associé réside en Australie.

Il ressort de la pièce 2.11 qu'il est également associé actif,administrateur ou gérant de deux autres sociétés, à savoir la SPRL S.T. etla SPRL R.A., ayant toutes deux leur siège social à la même adresse que laSPRL A. E., pour qui il indique être tenu solidairement au payement descotisations sociales.

(Le demandeur) ne fait pas d'autre déclarations sur les deux autressociétés, ni sur le rôle qu'il y joue.

Dans les dettes reprises se trouvent :

* 25.608, 99 € de cotisations sociales impayées auprès de la caissed'assurances sociales PARTENA

* 735,68 € de cotisations sociales impayées auprès de HDP, caissed'assurances sociales pour indépendants

* 1.027,36 € à l'égard de l'INASTI

* 4.140, 66 € en raison des impayés des cotisations sociales solidaireset indivisibles pour les trois sociétés susmentionnées...

Il ressort des pièces que (le demandeur) exerce une activitéd'indépendant, sous le couvert de sa société A. E. Il décide seul desactions de la société et a le statut d'indépendant. Il n'y a pas de liende subordination. Il y a manifestement un amalgame entre les intérêts dela société et ceux (du demandeur).

En ce qui concerne les deux autres sociétés, (le demandeur) ne donne mêmeaucune précision ».

L'arrêt ajoute que « la cour se rallie à l'appréciation du premier juge etla fait sienne ».

Les motifs sur lesquels le premier juge a fondé sa décision sont lessuivants (traduction libre de la décision en langue allemande) :

« (Le demandeur) exerce un pouvoir de contrôle sur la société A. E. etdétient seul le pouvoir de représentation des organes de la société, desorte que toute relation d'emploi salarié subordonné est exclue, et qu'ilest sans aucun doute actif en tant qu'indépendant.

Son activité professionnelle habituelle d'indépendant consistemanifestement à exercer des actes commerciaux au sens de l'art. 1 duC.Com.

En tant que gérant et associé unique, (le demandeur) dirige en fait sapropre entreprise, il est son propre chef.

Il existe par conséquent manifestement un amalgame ou une confusion entreles intérêts de la société et les intérêts propres (du demandeur), desorte que celui-ci peut très bien être considéré comme commerçant ».

Griefs

Première branche

I. L'article 1675/2, alinéa 1^er, du Code judiciaire dispose notamment que« toute personne physique qui n'a pas la qualité de commerçant au sens del'article 1er du Code de commerce peut (...) introduire devant le juge unerequête visant à obtenir un règlement collectif de dettes ».

Aux termes de l'article 1^er du Code de commerce, « sont commerçants ceuxqui exercent des actes qualifiés commerciaux par la loi et qui en fontleur profession habituelle, soit à titre principal, soit à titred'appoint ».

Il est constant que trois conditions doivent être réunies afin que laqualité de commerçant puisse être retenue. La personne concernée doit (1)accomplir des actes de commerce ; (2) à titre professionnel ; et (3) enson nom et pour son compte.

La personne physique qui, sans être commerçante, exerce une activitéindépendante, qui l'oblige à s'assujettir au statut social desindépendants, peut déposer une requête en règlement collectif de dettes.

II. L'article 2, § 2, du Code des sociétés reconnaît la société privée àresponsabilité limitée, en abrégé SPRL, comme société commerciale dotée dela personnalité juridique. L'une des conséquences de la personnalité ainsireconnue à la SPRL est que ses associés n'ont pas, comme tels, la qualitéde commerçant, et ce, nonobstant le fait que la société elle-même puisse,en vertu de l'article 3 du Code des sociétés, avoir une nature civile oucommerciale en raison de son objet.

L'article 61, §1^er, du Code des sociétés dispose que « les sociétésagissent par leurs organes dont les pouvoirs sont déterminés par leprésent code, l'objet social et les clauses statutaires ».

L'article 210 du Code des sociétés précise que les associés de la sociétéprivée à responsabilité limitée n'engagent que leur apport, sansdistinguer selon que la société compte un ou plusieurs associés (l'article211 du même Code disposant que la société privée à responsabilité limitéepeut être constituée par une personne).

L'article 255 du Code des sociétés dispose que « les sociétés privées àresponsabilité limitée sont gérées par une ou plusieurs personnes,rémunérées ou non, associées ou non ». Les pouvoirs et la responsabilitédu gérant sont définis par les articles 256 à 265 du même Code.

Les organes des sociétés commerciales en général et les gérants dessociétés privées à responsabilité limitée en particulier n'acquièrent pas,du seul fait de leurs fonctions au sein de la société, la qualité decommerçant. Est sans pertinence, à cet égard, la circonstance que l'organen'exerce pas ses fonctions dans un lien de subordination et ait dès lorsun statut social d'indépendant.

Les articles 2 à 3 du Code de commerce énumèrent les actes réputéscommerciaux par la loi. La gestion, par un gérant unique ou un conseild'administration, d'une société commerciale dotée de la personnalitémorale, n'est pas un acte de commerce, nonobstant le fait que la sociétéaccomplisse des actes de commerce à l'intervention de l'organe qui lareprésente.

L'article 212 du Code des sociétés dispose : « La personne physiqueassocié unique d'une société privée à responsabilité limitée est réputéecaution solidaire des obligations de toute autre société qu'elleconstituerait ensuite seule ou dont elle deviendrait ensuite l'associéunique, sauf si les parts lui sont transmises pour cause de mort. Cettepersonne physique ne sera plus réputée caution solidaire des obligationsdes sociétés visées à l'alinéa 1^er dès l'entrée d'un nouvel associé dansla société ou dès la publication de sa dissolution ». L'associé quidevient caution solidaire des obligations d'une société privée àresponsabilité limitée unipersonnelle, en application de l'article 212précité, ou l'associé qui se porte volontairement caution solidaire desobligations d'une société privée à responsabilité limitée, qu'elle soit ounon unipersonnelle, n'acquiert pas de ce fait la qualité de commerçant.

III. Même lorsque l'associé ou l'organe d'une société commerciale nerespecte pas les règles prévues par la loi pour éviter les conflitsd'intérêts et crée dès lors un « amalgame entre les intérêts de lasociété » et les siens, il n'acquiert pas de ce fait la qualité decommerçant.

IV. Il résulte de ce qui précède que la décision selon laquelle ledemandeur ne remplit pas les conditions requises pour bénéficier durèglement collectif de dettes n'est pas légalement justifiée par lesconstatations - que le demandeur est le gérant unique de la SPRL A.E. avectous les pouvoirs, - que son mandat est rémunéré par 1.500 € net par mois,- qu'il est également associé actif, administrateur ou gérant de deuxautres sociétés privées à responsabilité limitée , pour lesquelles il esttenu solidairement au paiement des dettes sociales, - qu'il exerce sesactivités en qualité d'indépendant et non dans un lien de subordination, -qu'il y a manifestement un amalgame entre les intérêts de la société etceux du demandeur.

En fondant sa décision sur ces constatations et motifs, l'arrêt attaqué aviolé 1) la notion légale de commerçant (violation de l'article 1^er duCode commerce) et les articles du Code de commerce qui énumèrent les actesréputés commerciaux par la loi (violation des articles 2 à 3 du Code decommerce) et 2) l'article 1675/2, alinéa 1^er, du Code judiciaire, dont ilrésulte qu'une personne physique exerçant une activité professionnelle enqualité d'indépendant peut demander à bénéficier d'un règlement collectifde dettes, pour autant qu'elle n'ait pas la qualité de commerçant(violation dudit article 1675/2, spécialement alinéa 1^er, du Codejudiciaire combiné avec les article 1^er à 3 du Code de commerce).

L'arrêt a également méconnu la personnalité morale de la société privée àresponsabilité limitée, dont il résulte que l'associé d'une telle sociétén'a pas comme, comme tel, la qualité de commerçant, même si la loi lerépute, dans certaines conditions, caution solidaire des engagements de lasociété (violation des articles 2, §2, 3, 210, 211 et 212 du Code dessociétés).

En fondant sa décision sur les constatations et motifs précités, l'arrêt aviolé en outre les dispositions du Code des sociétés dont il résulte quele gérant - rémunéré ou non - d'une société privée à responsabilitélimitée n'acquiert pas, du seul fait de cette fonction, la qualité decommerçant, même s'il ne respecte pas les règles destinées à prévenir lesconflits d'intérêts et crée un amalgame entre ses intérêts et ceux de lasociété (violation de toutes les dispositions du Code des sociétés viséesen tête du moyen, combinées avec les articles 1^er à 3 du Code de commerceet l'article 1675/2, spécialement alinéa 1^er, du Code judiciaire).

Deuxième branche

Il appartient au juge saisi d'une requête en règlement collectif de dettesde déterminer, sur la base des élément concrets de l'espèce, si lerequérant a ou n'a pas la qualité de commerçant. Le juge ne peut fonder sadécision sur ce point ni sur les affirmations du requérant, ni surl'indication de la profession figurant au registre national, ni sur cellesqui figurent sur des documents administratifs telle une composition deménage délivrée par l'autorité communale.

La constatation de l'arrêt selon laquelle « la composition de ménage (dudemandeur) le reprend comme étant commerçant » ne peut dès lors suffire àjustifier légalement la décision attaquée. Si l'arrêt doit se comprendrecomme signifiant que cette constatation suffit à justifier la décision,l'arrêt, dans cette interprétation, a violé l'article 1675/2, spécialementalinéa 1^er, du Code judiciaire.

Troisième branche (subsidiaire)

L'arrêt attaqué déclare se rallier à l'appréciation du premier juge maisne s'en approprie pas les motifs.

Si la Cour estime que par le motif que la cour d'appel « se rallie àl'appréciation du premier juge », l'arrêt s'en est approprié les motifs,il a alors violé les notions légales de commerçant et d'acte de commerce,en se fondant sur les motifs que « (le demandeur) exerce un pouvoir decontrôle sur la société A.E. et détient seul le pouvoir de représentationdes organes de la société, de sorte que toute relation d'emploi salariéest exclue et qu'il est sans aucun doute actif en tant qu'indépendant. Sonactivité professionnelle habituelle d'indépendant consiste manifestement àexercer des actes commerciaux au sens de l'art. 1 du C.Com. ». En effet,par ces motifs, le tribunal du travail ne s'est pas fondé sur l'analyse del'activité professionnelle concrète du demandeur lui-même pour déterminers'il accomplissait des actes de commerce dans le cadre de sa profession :les premiers juges ont cru pouvoir déduire le caractère commercial del'activité du demandeur du fait qu'il « exerce un pouvoir de contrôle surla société A.E. et détient seul le pouvoir de représentation des organesde la société, de sorte que toute relation d'emploi salarié subordonné estexclue, et qu'il est sans aucun doute actif en tant qu'indépendant. » Atort, les premiers juges ont donc considéré soit que toute activitéprofessionnelle excluant une relation d'emploi salarié est une activité decommerçant (violation des articles 1 à 3 du Code de commerce), soit quel'associé exerçant seul un pouvoir de contrôle sur sa société privée àresponsabilité limitée est nécessairement commerçant (violation desarticles 1 à 3 du Code de commerce et 2, § 2, 3, 210, 211 et 212 du Codedes sociétés), soit que le gérant unique d'une société privée àresponsabilité limitée qui « détient seul le pouvoir de représentation desorganes de la société » est nécessairement commerçant (violation de toutesles dispositions du Code de commerce et du Code des sociétés visées entête du moyen).

A tout le moins, les motifs de l'arrêt attaqué ne permettent pas dedéterminer si la cour du travail s'est appropriée l'ensemble des motifsdes premiers juges et notamment les motifs précités par lesquels letribunal a illégalement déduit le caractère commercial de l'activité dudemandeur des faits suivants : le demandeur exerce un pouvoir de contrôlesur la société A.E., « il détient seul le pouvoir de représenter lesorganes de la société », « toute relation d'emploi salarié est exclue » etle demandeur « est sans aucun doute actif en tant qu'indépendant ». Lesmotifs des premiers juges étant illégaux pour les raisons exposéesci-dessus, l'incertitude relative au point de savoir si l'arrêt attaqués'est approprié ces considérations place la Cour dans l'impossibilité decontrôler la légalité de la décision entreprise. En se fondant sur cesmotifs ambigus, l'arrêt attaqué viole l'article 149 de la Constitution.

Développements

L'exigence d'une activité exercée « en son nom et pour son compte » exclutde la catégorie des commerçants ceux qui agissent pour le compte d'autrui,tels les directeurs, gérants et administrateurs de société commerciales.En effet, « les mandataires et les gérants qui, en cette qualité, dirigentune exploitation commerciale n'acquièrent pas eux-mêmes, de ce chef, laqualité de commerçant » (voy. R.P.D.B., Complément, t. V, v°commerce-commerçant, Bruxelles, Bruylant, 1977, p. 320 ; dans le mêmesens, notamment, J. van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial,t. I, 2^e éd., Bruxelles, Bruylant, 1976, p. 327).

Le principe est enseigné également par la doctrine autorisée relativementà la procédure de règlement collectif de dettes, qui admet le bénéfice decelle-ci aux gérants et administrateurs de sociétés, en leur nom propre,dès lors qu'il ne sont en principe pas commerçants au sens des articles1^er du Code de commerce et 1675/2 du Code judiciaire

(voy. notamment E. Balate, P. Dejemeppe et F. Domont-Naert, Le règlementcollectif de dettes, Les dossiers du Journal des Tribunaux, Bruxelles,Larcier, 2001, pp. 47 et 48 [« le professionnel non commerçant comme (...)le titulaire d'une profession libérale (...), voire la personne ayantconstitué une société pour l'exercice d'une activité commerciale etprestant pour cette société des activités d'indépendant, peut introduireune requête »] et J.-L. Denis, M.-C. Boonen et S. Duquesnoy, Le règlementcollectif de dettes, Waterloo, Kluwer, 2010, p. 3 [« les associés actifs,gérants de société, n'exerçant pas d'activité commerciale en nom propresont indépendants mais en principe non commerçants » et « doivent doncêtre admis à la procédure »]).

Par ce moyen et ces considérations,

L'avocat à la Cour de cassation soussignée, pour le demandeur, conclutqu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arrêt entrepris ;renvoyer la cause et le demandeur devant une autre cour du travail ;ordonner que mention de votre arrêt soit faite en marge de la décisionannulée ; statuer comme de droit sur les dépens.

Bruxelles, le 25 septembre 2015

Simone Nudelholc

2 MAI 2016 S.15.0112.F/4

Requête/10


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.15.0112.F
Date de la décision : 02/05/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-05-02;s.15.0112.f ?
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