La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/04/2016 | BELGIQUE | N°C.15.0366.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 avril 2016, C.15.0366.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.15.0366.F

* 1. M. E., agissant en nom personnel et en qualite d'heritier de J.-C.E.,

* 2. I. E., agissant en nom personnel et en qualite d'heritiere deJ.-C. E.,

* demandeurs en cassation,

* representes par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise,149, ou il est fait election de domicile,

* contre

* * REGION WALLONNE, agissant par sa deleguee, la societe anonymeSOCIETE WALLONNE DE GESTION ET DE PARTICIPATIONS (SOGEPA), do

nt lesiege social est etabli à Liege, boulevard d'Avroy, 38,

* defenderesse en cassation,

* rep...

Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.15.0366.F

* 1. M. E., agissant en nom personnel et en qualite d'heritier de J.-C.E.,

* 2. I. E., agissant en nom personnel et en qualite d'heritiere deJ.-C. E.,

* demandeurs en cassation,

* representes par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise,149, ou il est fait election de domicile,

* contre

* * REGION WALLONNE, agissant par sa deleguee, la societe anonymeSOCIETE WALLONNE DE GESTION ET DE PARTICIPATIONS (SOGEPA), dont lesiege social est etabli à Liege, boulevard d'Avroy, 38,

* defenderesse en cassation,

* representee par Maitre Paul Lefebvre, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

* * en presence de

* 1. F. B.,

* 2. J. D.,

* parties appelees en declaration d'arret commun.

NDEG C.15.0376.F

* F. B.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

contre

1. REGION WALLONNE, agissant par sa deleguee, la societe anonymeSOCIETE WALLONNE DE GESTION ET DE PARTICIPATIONS (SOGEPA), dont lesiege social est etabli à Liege, boulevard d'Avroy, 38,

17. 2. M. E., agissant en nom personnel et en qualite d'heritier deJ.-C. E.,

1. I. E., agissant en nom personnel et en qualite d'heritiere deJ.-C. E.,

defendeurs en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Les pourvois en cassation sont diriges contre les arrets rendus les 19mai 2014 et 11 mai 2015 par la cour d'appel de Mons.

Par ordonnances du 25 mars 2016, le premier president a renvoye lescauses devant la troisieme chambre.

Le 29 mars 2016, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l'avocat general Jean Marie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

A l'appui du pourvoi inscrit au role general sous le numero C.15.0366.F,les demandeurs presentent deux moyens libelles dans les termessuivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

* article 149 de la Constitution ;

* articles 2242, 2244, 2246, 2247 et 2262bis du Code civil, tel quel'article 2244 etait et est applicable tant avant qu'apres samodification par les lois du 25 juillet 2008 et du 23 mai 2013, ettel que l'article 2247 etait et est applicable tant avant qu'apressa modification par la loi du 16 juillet 2012 ;

* articles 21 et 26 de la loi du 17 avril 1878 contenant le titrepreliminaire du Code de procedure penale, tel que l'article 21etait et est applicable tant avant qu'apres sa modification par leslois des 24 decembre 1993, 16 juillet 2002, 5 aout 2003, 21decembre 2009, 30 novembre 2011 et 10 avril 2014 ;

* articles 127 et 128 du Code d'instruction criminelle, tel quel'article 127 etait et est applicable tant avant qu'apres samodification par les lois du 31 mai 2005 et 27 decembre 2012 et telque l'article 128 etait et est applicable tant avant qu'apres samodification par la loi du 21 avril 2007.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque du 19 mai 2014 rec,oit l'appel principal de ladefenderesse et le dit partiellement fonde, reforme le jugement dontappel en ce qu'il a constate que l'action de la defenderesse etaitprescrite et partant irrecevable, sauf en ce qu'elle se base sur lesfautes reprochees pour l'annee 1988, et dit cette action non prescriteen ce qu'elle porte sur les fautes qui auraient ete commises de 1990 à1995. Il rec,oit la demande de la defenderesse contre les demandeurs etcontre la premiere partie appelee en declaration d'arret commun.

Il fonde sa decision sur tous ses motifs, reputes ici integralementreproduits, et plus particulierement sur les motifs suivants :

« VI. Prescription

[La defenderesse] soutient que sa constitution de partie civile entreles mains du juge d'instruction le 18 avril 1997 a eu pour effet, envertu de l'article 2244 du Code civil, d'interrompre la prescription deson action civile [...] introduite par citations des 28, 29, 30novembre et 1er decembre 2006.

(...)

[La defenderesse] estime que sa demande ne peut pas etre considereecomme rejetee au sens de l'article 2247 du Code civil par le juge penalet que l'interruption de la prescription de son action civile ne peutetre regardee comme non avenue.

[Les demandeurs] concluent à la prescription de l'action de [ladefenderesse], invoquant les elements suivants :

- la constitution de partie civile de [la defenderesse] n'a pas pumettre en oeuvre la procedure, cette derniere n'ayant fait que segreffer sur l'instruction en cours, mise en mouvement par les curateursle 22 novembre 1996 ;

- la constitution de partie civile de [la defenderesse] du 18 avril 1997n'a pas pu interrompre une prescription qui n'a commence à courir quele 27 juillet 1998 ;

- le depot de plainte avec constitution de partie civile dans le cadred'une instruction en cours ne peut etre assimile à une citation enjustice ou autres modes interruptifs de prescription limitativementenumeres à l'article 2244 du Code civil ;

- à supposer que la plainte avec constitution de partie civile de [ladefenderesse] puisse constituer un acte interruptif du delai deprescription de l'action civile, cette interruption doit alors etreregardee comme non avenue puisque la demande a ete rejetee par unedecision definitive.

[La premiere partie appelee en declaration d'arret commun] se refere auxconclusions [des demandeurs] tout en observant que le depot de laplainte de [la defenderesse] n'a pas eu d'effet interruptif car elle aete deposee avant le debut du nouveau delai de prescription instaure parl'article 2262bis, S: 1er, alinea 2, du Code civil. [Elle] ajoute quel'instruction penale n'a pas pu davantage avoir d'effet interruptif dansla mesure ou l'action penale a ete rejetee.

(...)

La constitution de partie civile de [la defenderesse] entre les mains dujuge d'instruction en date du 18 avril 1997 a eu pour effetd'interrompre la prescription de l'action civile dont elle disposait àl'encontre [des demandeurs], ainsi que de [la premiere partie appelee endeclaration d'arret commun].

Il a ete juge par la Cour de cassation que `L'interruption, par unecitation en justice, de la prescription d'une action se prolongejusqu'à la cloture de l'instance' (Cass., 11 janvier 1957, Pas., 523).

Toutefois, conformement à l'article 2247 du Code civil, l'interruptionest regardee comme non avenue si la demande est rejetee, la cause durejet etant en regle sans importance.

A cet egard, la Cour de cassation a precise que,`Si l'article 2247precite ne distingue pas suivant les motifs qui fondent ce rejet, lejuge est neanmoins tenu d'examiner la portee de la decision qui a rejetela demande en determinant la pensee reelle du juge qui l'a rendue. Ildoit, ainsi, examiner si le juge a entendu rejeter definitivement lademande, ou a fait savoir que le demandeur deboute pourrait presenter ànouveau la meme demande ulterieurement dans des circonstancesdeterminees' (Cass., 27 mai 2010, Pas., 1618).

Ainsi, il a ete decide que lorsque le juge penal rejette l'action civileau motif que les faits mis à charge du prevenu ne sont pas prouves ouà defaut de lien causal entre les faits prouves et le dommage subi parla partie civile, il rejette definitivement la demande de la partiecivile fondee sur l'existence de l'infraction (Cass., 27 mai 2010, Pas.,1618).

De meme, `en decidant qu'aucune infraction n'est etablie dans le chef duprevenu et en se declarant par ce motif incompetent pour connaitre desactions civiles exercees à l'egard de ce prevenu et de la partiecivilement responsable, le juge penal statue au fond et cette decisionimplique le rejet de l'action civile au motif que l'infraction surlaquelle celle-ci est fondee n'est pas etablie. L'article 2246 du Codecivil, aux termes duquel la citation en justice, donnee meme devant unjuge incompetent, interrompt la prescription, ne peut alors trouverapplication' (Cass., 4 mai 2009, Pas., 1081).

En l'espece, l'action publique a ete declaree prescrite au stade dureglement de la procedure par la juridiction d'instruction, sauf en cequi concerne la prevention VII A 1 et 2, visant les sommes investies le13 decembre 1988, pour laquelle une ordonnance de non-lieu a eteprononcee.

Un non-lieu, à defaut de charges suffisantes, implique un rejet de lademande.

En consequence, la demande a ete rejetee en ce qu'elle se fonde sur lesinfractions pretendument commises en 1988 en sorte que la prescriptionde l'action civile basee sur les fautes reprochees [aux demandeurs, àla premiere partie appelee en declaration d'arret commun et à ladeuxieme partie appelee en declaration d'arret commun] en 1988 n'a pasete valablement interrompue par la constitution de partie civile du 18avril 1997 et que, dans cette mesure, la demande est prescrite.

En revanche, la demande n'a pas ete rejetee pour le surplus, la chambredu conseil s'etant bornee à declarer l'action publique eteinte depuisle 10 mai 2006 en ce qui concerne la prevention VII, B et C visant lessommes investies les 23 octobre 1990 et 18 septembre 1995.

Les inculpes n'ont donc pas ete renvoyes devant le tribunalcorrectionnel et les parties civiles, qui s'etaient pourtant constitueesen temps utile, n'ont pas eu l'occasion de porter leur action enreparation devant le juge penal puisque celui-ci n'a jamais ete saisi del'action publique dont l'action civile est l'accessoire.

En consequence, la demande de [la defenderesse] n'a pas ete rejetee ence qu'elle se fonde sur les infractions pretendument commises en 1990 et1995 car aucune juridiction de jugement ne s'est penchee sur celle-ciavant la saisine du tribunal de premiere instance de Tournai parcitations des 28, 29, 30 novembre et 1er decembre 2006.

Un nouveau delai de prescription de cinq ans a commence à courir àpartir du 19 mai 2006, date de cloture de l'instance penale.

Partant, l'action civile de [la defenderesse] n'est pas prescrite en cequ'elle porte sur les fautes reprochees [aux demandeurs, à la premierepartie appelee en declaration d'arret commun et à la deuxieme partieappelee en declaration d'arret commun] de 1990 à 1995 ».

Griefs

1. L'article 26 de la loi du 17 avril 1878 contenant le titrepreliminaire du Code de procedure penale dispose que l'action civileresultant d'une infraction se prescrit selon les regles du Code civil oudes lois particulieres qui sont applicables à l'action en dommages etinterets. Toutefois, celle-ci ne peut se prescrire avant l'actionpublique, dont les delais sont precises à l'article 21 du titrepreliminaire du Code de procedure penale.

2. Conformement à l'article 2262bis du Code civil, tel que modifie parla loi du 10 juin 1998, toute action en reparation d'un dommage fondeesur une responsabilite extracontractuelle se prescrit par cinq ans àpartir du jour qui suit celui ou la personne lesee a eu connaissance dudommage ou de son aggravation et de l'identite de la personneresponsable.

Conformement à l'article 2244 du Code civil, une citation en justice,un commandement ou une saisie, signifies à celui qu'on veut empecher deprescrire, forment l'interruption civile.

En vertu de l'article 2246 du Code civil, la citation en justice, donneememe devant un juge incompetent, interrompt la prescription.

Cependant, conformement à l'article 2247 du Code civil, si la demandeest rejetee, l'interruption est regardee comme non avenue.

Cette disposition ne fait aucune distinction suivant le motif du rejetde la demande.

3. Lors du reglement de la procedure prevu à l'article 127 du Coded'instruction criminelle, les juridictions d'instruction, qui constatentque l'action publique est prescrite ou encore que les charges àl'encontre d'un inculpe sont insuffisantes, prononcent une ordonnance denon-lieu (article 128, alinea 1er, du Code d'instruction criminelle).

4. Lorsqu'une juridiction d'instruction declare l'action publiqueprescrite, ou prononce un non-lieu à defaut de charges suffisantes,cette decision implique le rejet de l'action civile exercee par lapartie civile à l'egard de l'inculpe au sens de l'article 2247 du Codecivil, au motif que l'infraction sur laquelle celle-ci est fondee n'estpas etablie.

5. Ainsi que le constate l'arret attaque du 19 mai 2014, la defenderesses'est constituee partie civile le 18 avril 1997 notamment contre feuJ.-C. E. et contre les demandeurs relativement aux infractions quiauraient ete commises dans le cadre de l'administration et de la gestionde la societe Usine Textile E..

La chambre du conseil du tribunal de premiere instance de Tournai aprononce le 19 mai 2006 une ordonnance declarant l'action publiqueeteinte depuis le 10 mai 2006 en ce qui concernait la prevention VII, Bet C, visant les sommes investies les 23 octobre 1990 et 18 septembre1995, et prononc,ant un non-lieu à defaut de charges suffisantes duchef de la prevention VII A (1 et 2), visant les infractions commises en1988.

La decision de la chambre du conseil declarant l'action publique eteintepar prescription, d'une part, et prononc,ant un non-lieu à defaut decharges suffisantes, d'autre part, constitue une decision de rejet del'action civile fondee sur ces infractions au sens de l'article 2247 duCode civil, des lors que les infractions sur lesquelles elle est fondeene sont pas etablies.

6. L'arret attaque du 19 mai 2014 estime que le non-lieu prononce àdefaut de charges suffisantes quant aux infractions qui auraient etecommises en 1988 implique un rejet de la demande civile de ladefenderesse.

Il estime neanmoins que la demande de la defenderesse n'a pas eterejetee pour le surplus, au sens de l'article 2247 du Code civil, quantaux sommes investies les 23 octobre 1990 et 18 septembre 1995, au motifque la chambre du conseil s'etait bornee à declarer l'action publiqueeteinte en ce qui concerne ces infractions, aucune juridiction dejugement ne s'etant des lors penchee sur celles-ci.

Ce faisant :

- L'arret attaque du 19 mai 2014 n'a pas legalement pu decider que lademande de la defenderesse fondee sur les infractions visant lesinvestissements realises en 1990 et en 1995 n'avait pas ete rejetee parl'ordonnance du 19 mai 2006 de la chambre du conseil du tribunal depremiere instance de Tournai, alors qu'il constate que celle-ci adeclare l'action publique prescrite quant à ces infractions et avaitainsi decide que les infractions sur lesquelles la demande de ladefenderesse etait fondee n'etaient pas etablies (violation de l'article2247 du Code civil et des dispositions legales visees au moyen, àl'exception de l'article 149 de la Constitution) ;

- L'arret attaque du 19 mai 2014 contient des motifs contradictoires. Ilconstate en effet, d'une part, que le non-lieu prononce par unejuridiction d'instruction, à defaut de charges suffisantes, « impliqueun rejet de la demande » civile au sens de l'article 2247 du Codecivil, mais estime, d'autre part, que des lors que seule une juridictiond'instruction a declare prescrite l'action publique concernant lesinfractions commises en 1990 et 1995, sans que la demande de ladefenderesse fondee sur ces infractions soit soumise à une juridictionde jugement, cette demande n'a pu etre rejetee au sens de l'article 2247du Code civil. L'arret attaque n'a ainsi pas pu, sans se contredire,estimer, d'une part, que la decision d'une juridiction d'instructionpeut constituer une decision de rejet au sens de l'article 2247 du Codecivil, et considerer, d'autre part, que seule une juridiction dejugement, à l'exclusion d'une juridiction d'instruction, peut rejeterune demande au sens de cette disposition legale. L'arret attaque, dontles motifs contiennent une contradiction equivalant à un defaut demotivation, n'est ainsi pas regulierement motive (violation de l'article149 de la Constitution).

Second moyen

Dispositions legales violees

Articles 1234, 1285 et 2044 du Code civil

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque du 19 mai 2014 donne acte à la defenderesse de sondesistement d'action contre la seconde partie appelee en declarationd'arret commun et dit n'y avoir lieu à mettre celle-ci hors cause. Ilrec,oit l'appel principal de la defenderesse et le dit partiellementfonde, rec,oit la demande de la defenderesse contre les demandeurs etcontre la premiere partie appelee en declaration d'arret commun etordonne la reouverture des debats.

L'arret attaque du 11 mai 2015 rec,oit l'appel incident des demandeursquant aux dommages et interets pour procedure temeraire et vexatoire,mais le dit non fonde et les en deboute. Il met à neant le jugemententrepris sauf en ce qu'il rec,oit la demande reconventionnelle dedommages et interets pour procedure temeraire et vexatoire desdemandeurs et la dit non fondee. Il reforme le jugement entrepris etstatue par voie de dispositions nouvelles pour le surplus et dit n'yavoir lieu à application de l'article 1285 du Code civil. Il dit lademande de la defenderesse contre les demandeurs et contre la premierepartie appelee en declaration d'arret commun fondee dans la mesureci-apres.

Il dit que la responsabilite des demandeurs, tant en leur nom personnelqu'en leur qualite d'ayants droit de feu J.-C. E., ainsi que de lapremiere partie appelee en declaration d'arret commun est engagee insolidum à l'egard de la defenderesse jusqu'à concurrence du montant dela perte des investissements realises le 18 septembre 1995 et, enconsequence, les condamne in solidum à payer à la defenderesse lasomme provisionnelle de 500.000 euros.

L'arret attaque du 11 mai 2015 rec,oit la demande incidente desdemandeurs contre les parties appelees en declaration d'arret commun, ladit non fondee contre la seconde partie appelee en declaration d'arretcommun et met celle-ci definitivement hors cause, et dit partiellementfonde le recours contributoire en garantie contre la premiere partieappelee en declaration d'arret commun jusqu'à concurrence de 5 p.c.maximum du montant total du dommage, et deboute les demandeurs dusurplus de leurs pretentions,

Enfin, il reserve à statuer sur le surplus du dommage de ladefenderesse, les interets et les depens.

[Ces deux arrets] fondent leurs decisions sur tous leurs motifs, reputesici integralement reproduits, et plus particulierement sur les motifssuivants :

Motifs de l'arret attaque du 19 mai 2014 :

« VII. Application de l'article 1285 du Code civil

En cours de procedure d'appel, [la defenderesse] a conclu un accord avec[la deuxieme partie appelee en declaration d'arret commun], aux termesduquel elle s'est desistee de son action dirigee contre elle.

[Les demandeurs et la premiere partie appelee en declaration d'arretcommun] en deduisent qu'ils peuvent invoquer l'article 1285 du Codecivil suivant lequel `La remise ou decharge conventionnelle au profit del'un des codebiteurs solidaires, libere tous les autres, à moins que lecreancier n'ait expressement reserve ses droits contre ces derniers.Dans ce dernier cas, il ne peut plus repeter la dette que deductionfaite de la part de celui auquel il a fait la remise'.

Cette solution s'explique par la consideration qu'en disposant, nefut-ce qu'en partie de la dette, le creancier ne peut aggraver lasituation des autres debiteurs, ce qui serait le cas si ceux-ciperdaient leur recours contributoire contre le debiteur beneficiaire dela remise sans que le montant de leur obligation soit modifie enconsequence (P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, t. III,Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 1779-1780).

[Les demandeurs] s'estiment liberes de toute obligation à l'egard de[la defenderesse] suite à l'accord qui serait intervenu sans reservesavec [la deuxieme partie appelee en declaration d'arret commun],codebitrice tenue in solidum.

Le regime particulier de liberation totale instaure par l'article 1285du Code Civil suppose :

1) une remise de dette

2) consentie par le creancier

3) à un des codebiteurs solidaires

4) sans que ledit creancier ait expressement reserve ses droits contreles autres debiteurs solidaires.

La Cour de cassation a estime, dans un arret du 15 decembre 2000, que`l'article 1285 du Code civil ne requiert pas que la remise de dette oula decharge conventionnelle soit faite à titre gratuit' (Cass., 15decembre 2000, Pas., 1955).

Par ailleurs, lorsqu'un creancier conclut avec l'un des codebiteurssolidaires une transaction, à savoir un contrat ecrit par lequel lesparties terminent une contestation nee, ou previennent une contestationà naitre (article 2044 du Code civil), l'on applique egalement unregime inspire de celui de l'article 1285 du Code civil.

Ainsi, lorsque la transaction porte sur une exception inherente à ladette elle-meme, l'on estime qu'elle peut etre invoquee par tous lesdebiteurs solidaires, à moins que le creancier n'ait reserve sesrecours contre ceux avec lesquels il n'a pas transige. Dans cettederniere hypothese, ceux-ci restent tenus de la dette, mais sousdeduction de la part contributoire du debiteur partie à la transaction.Cette derniere solution s'applique aussi lorsque la transaction portesur une exception interessant le seul debiteur partie à la transaction(Cass., 18 septembre 1941, Pas., 1941, I, p. 343, et la noteinfrapaginale explicative ; P. Van Ommeslaghe, op. cit., p. 1781 et1802).

Il en resulte que la regle consacree par l'article 2051 du Code civil,en vertu de laquelle `La transaction faite par l'un des interesses nelie point les autres interesses, et ne peut etre opposee par eux' estinapplicable en matiere d'obligations solidaires (P. Van Ommeslaghe, op.cit., p. 1781 et 1802).

Il semble admis par la doctrine et la jurisprudence que la regle del'article 1285 du Code civil puisse egalement s'appliquer, au moinspartiellement, aux obligations in solidum (...).

Suivant la doctrine recente, la difficulte que pose l'article 1285 duCode civil consiste essentiellement à determiner la portee à donner àla notion de `remise de dette' laquelle suppose de prouver unerenonciation volontaire, et surtout certaine du creancier à exiger deson debiteur l'execution, totale ou partielle de son obligation (voirRomain Marchetti, `La notion de remise de dette et le regime instaurepar l'article 1285 du Code civil', J.T., nDEG 6557, 13/2014, p. 221).

Cet auteur envisage l'hypothese de la transaction et celle dudesistement de l'action : `Une derniere situation, fort proche de latransaction, doit encore etre envisagee : il s'agit du desistementd'action. Celui-ci est un acte unilateral d'une partie au proces parlequel elle renonce non seulement à la procedure entamee, mais aussi audroit subjectif que cette action a eu pour objet de mettre en oeuvre,entrainant l'extinction tant du droit d'agir que du droit subjectif(article 821 C. jud.). Par consequent, lorsque la pretention dont estsaisi le juge et qui fait l'objet du desistement concerne l'executiond'une obligation, le desistement d'action peut s'analyser egalementcomme une remise de dette. L'obligation ainsi « remise » implique ques'il y a plusieurs coobliges solidaires, l'article 1285 du Code civildoit etre d'application' (Romain Marchetti, op. cit., nDEG 5).

Il nuance cependant son propos : `l'on doit se trouver en presence d'uneveritable remise de dette, ce qui peut susciter certaines difficultes.En effet, l'obligation in solidum trouvant son domaine d'election enmatiere de responsabilite civile (contractuelle ou extracontractuelle),il faudra, pour qu'il y ait dette et donc remise possible, que laresponsabilite (ou la dette) du beneficiaire de la remise soit etablieavec certitude. Partant, si la convention passee entre le creancier (lavictime) et l'une des personnes qu'il a assignees en vue de mettre encause sa responsabilite pour obtenir reparation du dommage intervientavant que cette responsabilite n'ait ete jugee etablie, de manieredefinitive, l'on ne pourrait estimer que cette convention renfermenecessairement une remise de dette. Ainsi, la convention qui liberetotalement l'une des personnes assignees, sans exiger de contrepartie desa part, pourrait s'expliquer par le fait que le creancier estime ne paspouvoir demontrer la reunion des conditions d'application d'une regle deresponsabilite et prefere donc renoncer à poursuivre la procedureentamee. L'absence de contrepartie ne signifie toutefois pas ipso factoque cette convention ne renferme pas de remise de dette, car lecreancier pourrait renoncer à faire valoir ses droits contre l'un desresponsables, par sympathie et donc sans exiger de contrepartie, dans lamesure ou il se rend compte qu'il a la possibilite d'obtenir lareparation integrale de son prejudice aupres d'une autre personne.Enfin, notons que l'acte de renonciation du creancier pourrait etreunilateral et prendre la forme d'un desistement d'action. Dans cettehypothese, il y a lieu de rappeler que le desistement d'actionintervenant en degre d'appel equivaut à un acquiescement à la decisionentreprise. Par consequent, si l'une des personnes assignees n'a pas etereconnue responsable par le(s) premier(s) juge(s) et que, apres avoirinterjete appel, la victime renonce à celui-ci et au fond du droit,l'on ne pourrait pas considerer qu'il y a eu remise de dettepuisqu'aucune dette n'a precisement ete etablie' (Romain Marchetti, op.cit., nDEG 10).

Par ailleurs, cet auteur preconise une application limitee de l'article1285 du Code civil aux obligations in solidum : `A notre estime, leprincipe general consacre par l'alinea 2 doit trouver à s'appliquer enmatiere d'obligations in solidum, mais non la regle posee par l'alinea1er visant à determiner l'etendue de l'effet liberatoire rationepersonae à defaut de volonte exprimee' (Romain Marchetti, op. cit.,nDEG 15).

Selon lui, le creancier d'une obligation in solidum ne peut pluspoursuivre le paiement de la dette que deduction faite de la partcontributoire du debiteur beneficiaire de la remise de dette (article1285, alinea 1er, du Code civil), sans qu'il soit cependant necessaireque des reserves aient ete exprimees à l'egard des autres codebiteurs(1285, alinea 2, du Code civil).

En l'espece, il resulte de l'echange de correspondance entre lesconseils respectifs qu'un accord a bien ete conclu entre [ladefenderesse] et [la deuxieme partie appelee en declaration d'arretcommun] aux termes duquel [la defenderesse] a acquiesce au jugemententrepris, renonce à son appel et s'est desistee de son action en cequi concerne uniquement [la deuxieme partie appelee en declarationd'arret commun], moyennant renonciation par cette derniere auxindemnites de procedure, les depens des deux instances etant compenses.

Il reste cependant à demontrer que [la deuxieme partie appelee endeclaration d'arret commun] avait bien la qualite de codebitricesolidaire ou in solidum [des demandeurs] et de [la premiere partieappelee en declaration d'arret commun] et que [la defenderesse] lui aaccorde une veritable remise de dette au sens de l'article 1285 du Codecivil.

En premiere instance, [la defenderesse] demandait la condamnation insolidum de tous les defendeurs [originaires], y compris [la deuxiemepartie appelee en declaration d'arret commun], sur pied de l'article1382 du Code civil.

Elle a reitere sa demande de condamnation in solidum dans sa requeted'appel.

Elle ne l'a cependant jamais obtenue, l'action ayant ete declareeprescrite en premiere instance et ayant fait l'objet d'un desistement endegre d'appel.

Il convient de souligner que la constitution de partie civile initialede [la defenderesse] ne visait pas [la deuxieme partie appelee endeclaration d'arret commun].

Des lors, la question se pose de la qualite de codebitrice solidaire ouin solidum de [la deuxieme partie appelee en declaration d'arret commun]et partant de l'existence d'une veritable remise de dette consentie par[la defenderesse], au sens de l'article 1285 du Code civil, point surlequel les parties ne se sont pas expliquees, ainsi que de la nature desfautes communes ou concurrentes reprochees à [la deuxieme partieappelee en declaration d'arret commun] et [aux demandeurs et à lapremiere partie appelee en declaration d'arret commun] et de leur partrespective de responsabilite, notamment dans le cadre du recourscontributoire.

Les parties ne se sont, en effet, pas expliquees quant à l'effet del'accord intervenu entre [la defenderesse] et [la deuxieme partieappelee en declaration d'arret commun] sur le recours contributoireforme par [les demandeurs] contre [la premiere partie appelee endeclaration d'arret commun] et [la deuxieme partie appelee endeclaration d'arret commun].

Il y a lieu d'ordonner d'office la reouverture des debats afin depermettre aux parties de conclure sur ce point.

Par ailleurs, à supposer que l'existence d'une dette solidaire ou insolidum soit etablie en l'espece, encore l'origine de cette detteest-elle quasi delictuelle et non contractuelle.

Or, il est permis de s'interroger sur l'application de l'article 1285 duCode civil aux obligations extracontractuelles.

En effet, la jurisprudence appliquant cet article aux obligations insolidum semble concerner des cas de responsabilite contractuelle(contrats d'entreprise, contrats de transport...) et non quasi delictuelle, à l'exception d'un arret de la cour d'appel de Gand qui aprecisement exclu son application (Gand, 30 janvier 2001, Huur, 2001, p.105 : la cour d'appel de Gand a juge que le desistement en appel, parles parties prejudiciees, de leur action contre l'un des deuxresponsables qui ont ete condamnes in solidum par le premier juge à desdommages-interets, n'a pas pour effet que la responsabilite de l'autredefendeur est limitee à la moitie).

Dans le cadre de la reouverture des debats, il convient d'inviteregalement les parties à s'expliquer sur l'application de l'article 1285du Code civil aux obligations extracontractuelles ».

Et motifs de l'arret attaque du 11 mai 2015 :

« Quant à l'application de l'article 1285 du Code civil.

[Les demandeurs et la premiere partie appelee en declaration d'arretcommun] deduisent du desistement de [la defenderesse] de son actioncontre [la deuxieme partie appelee en declaration d'arret commun] qu'ily a lieu de faire application de l'article 1285 du Code civil suivantlequel `La remise ou decharge conventionnelle au profit de l'un descodebiteurs solidaires, libere tous les autres, à moins que lecreancier n'ait expressement reserve ses droits contre ces derniers.Dans ce dernier cas, il ne peut plus repeter la dette que deductionfaite de la part de celui auquel il a fait la remise'.

La reouverture des debats a ete ordonnee d'office afin de permettre auxparties de conclure sur la qualite de codebitrice solidaire ou insolidum de [la deuxieme partie appelee en declaration d'arret commun] etpartant de l'existence d'une veritable remise de dette consentie par [ladefenderesse], au sens de l'article 1285 du Code civil, sur la natureprecise des fautes communes ou concurrentes reprochees à [la deuxiemepartie appelee en declaration d'arret commun] et [aux demandeurs et àla premiere partie appelee en declaration d'arret commun] et sur leurpart respective de responsabilite, ainsi que sur l'application del'article 1285 aux obligations extracontractuelles.

La cour [d'appel] a releve, dans son arret du 19 mai 2014, qu'il resultede l'echange de correspondance entre les conseils respectifs qu'unaccord a bien ete conclu entre [la defenderesse] et [la deuxieme partieappelee en declaration d'arret commun] aux termes duquel [ladefenderesse] a acquiesce au jugement entrepris - lequel constate quel'action de [la defenderesse] est prescrite et irrecevable et lacondamne aux depens -, a renonce à son appel et s'est desistee de sonaction en ce qui concerne uniquement [la deuxieme partie appelee endeclaration d'arret commun], moyennant renonciation par cette derniereaux indemnites de procedure, les depens des deux instances etantcompenses.

Afin de beneficier de la decharge prevue par l'article 1285 du Codecivil, il appartient [aux demandeurs et à la premiere partie appelee endeclaration d'arret commun], qui soulevent cette exception, de demontrerque ses conditions sont reunies et partant de prouver que [la deuxiemepartie appelee en declaration d'arret commun] avait bien la qualite decodebitrice solidaire - ou in solidum - et que [la defenderesse] lui aaccorde une veritable remise de dette, point sur lequel les parties nes'etaient pas expliquees.

En premiere instance, [la defenderesse] demandait la condamnation insolidum de tous les defendeurs, y compris de [la deuxieme partie appeleeen declaration d'arret commun], sur pied de l'article 1382 du Codecivil.

Elle a reitere sa demande de condamnation in solidum dans sa requeted'appel.

Elle ne l'a cependant jamais obtenue, l'action ayant ete declareeprescrite en premiere instance.

En degre d'appel, [la defenderesse] s'est desistee de son action àl'egard [la deuxieme partie appelee en declaration d'arret commun].

Elle en deduit, à juste titre, que la dette de [la deuxieme partieappelee en declaration d'arret commun] à son egard n'a jamais eteetablie, en sorte qu'à defaut de dette au moment de son desistementd'action, l'accord intervenu ne porte pas sur une remise de dette ausens de l'article 1285 du Code civil.

Sa position doit etre suivie.

Elle est confortee par un article de doctrine recent : `l'on doit setrouver en presence d'une veritable remise de dette, ce qui peutsusciter certaines difficultes. En effet, l'obligation in solidumtrouvant son domaine d'election en matiere de responsabilite civile(contractuelle ou extracontractuelle), il faudra, pour qu'il y ait detteet donc remise possible, que la responsabilite (ou la dette) dubeneficiaire de la remise soit etablie avec certitude. Partant, si laconvention passee entre le creancier (la victime) et l'une des personnesqu'il a assignees en vue de mettre en cause sa responsabilite pourobtenir reparation de son dommage intervient avant que cetteresponsabilite n'ait ete jugee etablie, de maniere definitive, l'on nepourrait estimer que cette convention renferme necessairement une remisede dette. [...] l'acte de renonciation du creancier pourrait etreunilateral et prendre la forme d'un desistement d'action [...] si l'unedes personnes assignees n'a pas ete reconnue responsable par le(s)premier(s) juge(s) et que, apres avoir interjete appel, la victimerenonce à celui-ci et au fond du droit, l'on ne pourrait pas considererqu'il y a eu remise de dette puisqu'aucune dette n'a precisement eteetablie' (Romain Marchetti, « La notion de remise de dette et le regimeinstaure par l'article 1285 du Code civil », J.T., nDEG 6557, 13/2014,p. 221, nDEG 10).

[Les demandeurs] critiquent vivement cette these et soutiennent quel'article 1285 du Code civil ne suppose pas la certitude du droitauquel il est renonce, puisqu'il est applicable à la transactionlaquelle exclut par definition la certitude.

Cette affirmation procede d'un syllogisme.

D'une part, la transaction n'exclut pas necessairement la certitude,mais suppose des concessions reciproques, qui peuvent parfaitementporter sur des droits certains.

En effet, la transaction se distingue de la remise de dette et sedefinit comme un contrat synallagmatique par lequel les parties se fontmutuellement des concessions en vue de terminer ou prevenir un litige.

Bien que la transaction n'implique pas que l'une des parties reconnaissele bien-fonde des pretentions de l'autre, il n'est cependant pas exclude transiger sur des droits certains et etablis, meme sur un procestermine par un jugement passe en force de chose jugee, pour autant queles parties aient connaissance du jugement (voir article 2056 du Codecivil).

D'autre part, l'article 1285 du Code civil ne s'applique pasnecessairement en cas de transaction : encore faut-il etablir que latransaction porte sur une remise de dette àu profit de l'un descodebiteurs solidaires'.

En l'espece, la question litigieuse n'est pas celle du caractere certainde la dette, mais de l'existence meme d'une dette solidaire ou insolidum.

Le cas est distinct de ceux tranches par la Cour de cassation (Cass., 18 septembre 1941, Pas., 1941, I, p. 343 ; Cass., 15 decembre 2000,Pas., 1955).

Il convient ici de verifier non pas s'il y a eu transaction, mais quelest l'objet de cette transaction : porte-t-elle effectivement sur laremise d'une dette au profit d'un codebiteur solidaire, ou in solidum,au sens de l'article 1285 du Code civil ? [La defenderesse] conteste quel'article 1285, alinea 1er, du Code civil s'applique aux codebiteurs insolidum, s'appuyant sur la position doctrinale de Romain Marchetti,critiquee par [les demandeurs et la premiere partie appelee endeclaration d'arret commun] :

`A notre estime, le principe general consacre par l'alinea 2 doittrouver à s'appliquer en matiere d'obligations in solidum, mais non laregle posee par l'alinea 1er visant à determiner l'etendue de l'effetliberatoire ratione personae à defaut de volonte exprimee' (RomainMarchetti, op. cit., nDEG 15).

Quelle que soit la validite de cette these, non denuee de pertinence, lapreuve de la qualite de codebitrice solidaire ou in solidum de [ladeuxieme partie appelee en declaration d'arret commun], directrice desachats salariee, qui n'etait ni actionnaire, ni administratrice, niresponsable de la comptabilite, n'est, en toute hypothese, pas apporteepar [les demandeurs et la premiere partie appelee en declaration d'arretcommun] en l'espece.

La responsabilite de [la deuxieme partie appelee en declaration d'arretcommun] à l'egard de [la defenderesse] n'a jamais ete demontree ensorte qu'aucun lien de creancier à debiteur n'existait entre elleslorsque la transaction a ete conclue, sauf quant aux depens auxquels [ladefenderesse] avait ete condamnee par le jugement entrepris, dont [ladefenderesse] etait debitrice et non creanciere.

Si une remise de dette a ete consentie, elle l'a ete par [la deuxiemepartie appelee en declaration d'arret commun] et non par [ladefenderesse], et ne porte que sur les depens.

[La deuxieme partie appelee en declaration d'arret commun], contre qui[la defenderesse] ne s'etait pas constituee partie civile à ladifference des [demandeurs et de la premiere partie appelee endeclaration d'arret commun] a ete citee, mais jamais condamnee.

[La defenderesse] expose qu'elle ne lui reproche plus aucune fautespecifique, s'etant laissee convaincre par son argumentation et estimantque les importantes irregularites constatees dans l'etablissement descomptes de la societe Usine textile E. ont ete decidees à un autreniveau de pouvoir, à savoir celui de la direction, dans le but avoued'amener des tiers à accorder leur credit à la societe sur la base decomptes enjolives.

Les parties s'accordent pour considerer que les sources de l'obligationin solidum des [demandeurs et des parties appelees en declarationd'arret commun] à l'egard de [la defenderesse] resident, en l'espece,dans des fautes aquiliennes concurrentes.

Or, aucune faute n'est reprochee ni a fortiori prouvee par [ladefenderesse] à charge de [la deuxieme partie appelee en declarationd'arret commun].

Les conditions de sa responsabilite in solidum ne sont des lors pasreunies. Partant à defaut de preuve de l'existence d'une dette insolidum de [la deuxieme partie appelee en declaration d'arret commun]lors de la conclusion de l'accord intervenu avec [la defenderesse] pourmettre fin au litige la concernant, cet accord ne constitue pas uneremise de dette au sens de l'article 1285 du Code civil en sorte quecet article ne peut s'appliquer et que [les demandeurs et la premierepartie appelee en declaration d'arret commun] ne peuvent en beneficier.

(...)

Quant à la demande incidente contre [la deuxieme partie appelee endeclaration d'arret commun].

[Les demandeurs] exercent un recours contributoire contre [la deuxiemepartie appelee en declaration d'arret commun] fonde sur le droit communde la responsabilite.

Il a ete demontre ci-dessus qu'aucune dette in solidum de [la deuxiemepartie appelee en declaration d'arret commun] à l'egard de [ladefenderesse] n'etait etablie à la date à laquelle l'accord avec cettederniere est intervenu.

[Les demandeurs] affirment que [la deuxieme partie appelee endeclaration d'arret commun], bien que salariee, etait un rouageessentiel de l'entreprise et qu'elle doit encourir une responsabilitequant à la valorisation des inventaires.

Aucun des elements deposes ne permet cependant d'etablir avec lacertitude requise une faute commise par [la deuxieme partie appelee endeclaration d'arret commun] en relation causale avec le prejudice dontil est postule reparation.

En consequence, la demande incidente dirigee contre [la deuxieme partieappelee en declaration d'arret commun] doit etre declaree non fondee ».

Griefs

1. D'une part, la transaction est un contrat par lequel les parties sefont mutuellement des concessions reciproques en vue de terminer ou deprevenir un litige (article 2044 du Code civil).

2. D'autre part, les obligations s'eteignent par la remise volontaire dela dette (article 1234 du Code civil).

3. Enfin, il resulte de l'article 1285, alinea 1er, du Code civil que «la remise ou decharge conventionnelle au profit de l'un des codebiteurssolidaires, libere tous les autres, à moins que le creancier n'aitexpressement reserve ses droits contre ces derniers ».

Cette derniere disposition s'applique à l'hypothese ou une partie àune procedure introduite contre plusieurs codebiteurs solidairestransige avec l'un d'eux en renonc,ant totalement ou partiellement à sademande contre celui-ci sans reserver ses droits à l'egard des autres(articles 1234, 1285, alinea 1er, et 2044 du Code civil).

4. Les arrets attaques, qui partent de l'idee que ces principes peuvents'appliquer tant aux obligations solidaires qu'aux obligations insolidum, constatent qu'au cours de la procedure, la defenderesse aconclu un accord avec la deuxieme partie appelee en declaration d'arretcommun, aux termes duquel la defenderesse a acquiesce au jugemententrepris, a renonce à son appel et s'est desistee de son action en cequi concerne uniquement la deuxieme partie appelee en declarationd'arret commun, moyennant renonciation par cette derniere aux indemnitesde procedure, les depens des deux instances etant compenses.

Ils estiment neanmoins que les demandeurs et la premiere partie appeleeen declaration d'arret commun ne peuvent se prevaloir de l'applicationde l'article 1285 du Code civil des lors que la responsabilite de ladeuxieme partie appelee en declaration d'arret commun n'a pas eteetablie, la defenderesse n'ayant jamais obtenu sa condamnation, etqu'aucune dette dans le chef de celle-ci n'aurait ainsi ete etablie àl'egard de la defenderesse. Les arrets attaques en deduisent quel'accord intervenu entre la defenderesse et la deuxieme partie appeleeen declaration d'arret commun ne porte pas sur une remise de dette dansle chef de cette derniere.

5. En refusant de reconnaitre à la transaction intervenue entre ladefenderesse et la deuxieme partie citee en declaration d'arret commun,par laquelle la premiere renonc,ait à son appel à l'encontre de laseconde et se desistait de son action en responsabilite à son egard, laqualite de remise de dette dans le chef de la deuxieme partie citee endeclaration d'arret commun, les arrets attaques :

1DEG) violent les dispositions legales visees au moyen et specialementl'article 1285, alinea 1er, du Code civil ;

2DEG) ajoutent à cet article une condition qu'il ne contient pas, enexigeant, pour son application à la transaction intervenue entre lecreancier et un codebiteur dont la responsabilite in solidum estrecherchee, qu'une decision judiciaire ait prononce une condamnation àson egard ou, à tout le moins, que sa responsabilite soit etablie(violation de l'article 1285, alinea 1er, du Code civil).

3DEG) meconnaissent les effets que la loi reconnait au contrat detransaction en refusant de voir dans la transaction terminant un litigeune renonciation totale ou partielle par le demandeur à l'action surlaquelle il est transige et des lors une remise totale ou partielle dedette (violation de l'article 2044 du Code civil et des autresdispositions visees au moyen).

A l'appui du pourvoi inscrit au role general sous le numero C.15.0376.F,le demandeur, dans la requete jointe au present arret en copie certifieeconforme, presente trois moyens.

III. La decision de la Cour

Les pourvois sont diriges contre les memes arrets ; il y a lieu de lesjoindre.

Sur le pourvoi inscrit au role general sous le numero C.15.0366.F :

Sur le premier moyen :

Aux termes de l'article 2244 du Code civil, une citation en justice, uncommandement ou une saisie, signifies à celui que l'on veut empecher deprescrire, forment l'interruption civile.

Selon l'article 2246 du Code civil, la citation en justice, donnee memedevant un juge incompetent, interrompt la prescription.

En vertu de l'article 2247 du Code civil, si la demande est rejetee,l'interruption est regardee comme non avenue.

La juridiction d'instruction, qui declare n'y avoir lieu de poursuivreen raison de la prescription de l'action publique, est incompetente pourstatuer elle-meme sur l'action civile.

Cette decision de non-lieu n'implique pas le rejet de l'action civile.

Dans la mesure ou il est fonde sur le soutenement contraire, le moyenmanque en droit.

Pour le surplus, apres avoir releve que « l'action publique a etedeclaree prescrite au stade du reglement de la procedure par lajuridiction d'instruction, sauf en ce qui concerne la prevention VII A1et 2, visant les sommes investies le 13 decembre 1988, pour laquelle uneordonnance de non-lieu a ete prononcee », l'arret attaque du 19 mai2014 considere, d'une part, que « la demande a ete rejetee en cequ'elle se fonde sur les infractions pretendument commises en 1988 » aumotif qu' « un non-lieu, à defaut de charges suffisantes, implique unrejet de la demande », d'autre part, que « la demande n'a pas eterejetee pour le surplus » des lors que « la chambre du conseil [s'est]bornee à declarer l'action publique eteinte depuis le 10 mai 2006 en cequi concerne la prevention VII, B et C ».

Contrairement à ce que soutient le moyen, l'arret attaque ne considerepas, par cette derniere enonciation, que seule une juridiction dejugement peut rejeter une demande au sens de l'article 2247 du Codecivil.

Dans cette mesure, le moyen manque en fait.

Sur le second moyen :

En vertu de l'article 1234 du Code civil, les obligations s'eteignentpar la remise volontaire.

La remise suppose l'existence d'une dette.

Suivant l'article 2044 du Code civil, la transaction est un contrat parlequel les parties terminent une contestation nee, ou previennent unecontestation à naitre.

La transaction ne comporte des lors une remise de dette que si l'une desconcessions reciproques porte sur une dette certaine.

Le moyen, qui est tout entier fonde sur ce qu'une transaction parlaquelle le creancier renonce à l'action en responsabilite implique uneremise de dette meme si la dette n'est pas etablie, manque en droit.

Et le rejet du pourvoi rend sans interet la demande en declarationd'arret commun.

Sur le pourvoi inscrit au role general sous le numero C.15.0376.F :

Sur le premier moyen :

Quant aux deux branches reunies :

Il resulte de la reponse au premier moyen invoque à l'appui du pourvoiinscrit au role general sous le numero C.15.0366.F que le moyen, en sesdeux branches, similaire à celui-là, ne peut etre accueilli.

Sur le deuxieme moyen :

Il resulte de la reponse au second moyen invoque à l'appui du pourvoiinscrit au role general sous le numero C.15.0366.F que le moyen,similaire à celui-là, manque en droit.

Sur le troisieme moyen :

L'article 18, alineas 1er et 2, de la loi du 3 juillet 1978 relative auxcontrats de travail dispose qu'en cas de dommages causes par letravailleur à l'employeur ou à des tiers dans l'execution de soncontrat, le travailleur ne repond que de son dol et de sa faute lourdeet qu'il ne repond de sa faute legere que si celle-ci presente dans sonchef un caractere habituel plutot qu'accidentel.

Apres avoir releve que le demandeur « a reconnu que des irregularitescomptables avaient ete commises à diverses reprises dans le butd'enjoliver la situation de la societe » et qu'il n'est« manifestement pas l'instigateur de ces operations comptablesdouteuses realisees sur les instructions de J.-C. E. et qu'il n'en [est]pas le beneficiaire », l'arret attaque du 11 mai 2015 consideretoutefois qu' « en sa qualite de directeur financier, il y a largementparticipe et qu'il a neglige d'en informer [la defenderesse] » des lorsqu' « il a notamment declare : `il est evident que monsieur B.(representant de [la defenderesse] au sein du conseil d'administration)n'etait pas tenu au courant de ce systeme de facturation anticipee.Madame J. (reviseur d'entreprises) n'etait pas au courant des pratiques.Je prends la responsabilite de ne pas leur avoir dit et je le regrettemaintenant. [...] Vous me faites remarquer que des malversationscomptables avaient dejà ete soulevees en 1989 et cela a continue. Celaest bien exact' ».

L'arret attaque a pu legalement deduire de ces enonciations que « lesfautes commises à de nombreuses reprises pendant plusieurs annees »presentaient ainsi un « caractere repete » excluant que le demandeurpuisse « se retrancher derriere l'immunite d'execution prevue parl'article 18 » precite.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Joint les pourvois inscrits au role general sous les numeros C.15.0366.Fet C.15.0376.F ;

Rejette les pourvois et, en la cause C.15.0366.F, la demande endeclaration d'arret commun ;

Condamne les demandeurs aux depens.

Les depens taxes, dans la cause C.15.0366.F, à la somme de quatre millecent euros septante-six centimes envers les parties demanderesses et,dans la cause C.15.0376.F, à la somme de deux mille cinq cent vingteuros trente-huit centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Martine Regout, les conseillersDidier Batsele, Mireille Delange, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel,et prononce en audience publique du dix-huit avril deux mille seize parle president de section Martine Regout, en presence de l'avocat generalJean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+-----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+------------+----------------|
| M. Delange | D. Batsele | M. Regout |
+-----------------------------------------------+

18 AVRIL 2016 C.15.0366.F - C.15.0376.F /1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.15.0366.F
Date de la décision : 18/04/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-04-18;c.15.0366.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award