Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG C.14.0460.F
C.D.A., societe cooperative à responsabilite limitee dont le siege socialest etabli à Molenbeek-Saint-Jean, boulevard du Jubile, 86,
demanderesse en cassation,
representee par Maitre Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Anvers, Amerikalei, 187/302, ou il est faitelection de domicile,
contre
1. M. R. et
2. V. S.,
defendeurs en cassation,
representes par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,
en presence de
1. COMPAGNIE DE PARTICIPATIONS ET DE DEVELOPPEMENT INDUSTRIEL, societeanonyme dont le siege social est etabli à Uccle, rue des Trois Arbres,16,
2. ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinetest etabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
parties appelees en declaration d'arret commun.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 22 mai 2013 parla cour d'appel de Mons.
Le conseiller Didier Batsele a fait rapport.
L'avocat general Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, la demanderesse presente un moyen.
III. La decision de la Cour
Sur la fin de non-recevoir opposee au pourvoi par les defendeurs etdeduite de ce que la demanderesse a acquiesce à l'arret attaque :
La renonciation au droit de se pourvoir en cassation est de stricteinterpretation et ne peut se deduire que de faits qui ne sont susceptiblesd'aucune autre interpretation.
Il ressort des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que :
- l'arret attaque considere que « c'est à juste titre que le [jugemententrepris] a considere que l'une des causes du sinistre etait un phenomenenaturel et que [la demanderesse], en sa qualite d'assureur `incendie etcatastrophes naturelles', etait tenue d'indemniser [les defendeurs] », etreleve que « c'est [...] ainsi à bon droit que le [jugement entrepris] ainvite les parties à signer une convention de nomination d'experts en vued'evaluer le dommage definitif [des defendeurs] », que « le conseil deceux-ci a indique à l'audience du 27 fevrier 2013 qu'une conventiond'expertise avait ete signee le 14 janvier 2013 » et qu'« en l'etatactuel des choses, il convient de limiter à 6.500 euros le montantprovisionnel à allouer aux [defendeurs] » ;
- dans leurs conclusions apres reouverture des debats deposees le 14janvier 2014, les defendeurs relevaient que « les trois experts [...] ontconclu leur rapport en date du 23 decembre 2013 » en considerant que« le montant des dommages reels causes par le sinistre [...] et dont lagarantie est prevue dans la police [...] est fixe à [...] 160.000 eurosplus la taxe sur la valeur ajoutee [pour le] batiment » et que le« total [s'elevait à] 182.950 euros plus la taxe sur la valeur ajouteesur 176.200 euros » ;
- dans ces conclusions, les defendeurs faisaient valoir que « l'article27, S: 3, de la loi du 25 juin 1992 [sur le contrat d'assurance terrestre]dispose qu'en `cas d'assurance en valeur à neuf, lorsque l'assure nereconstruit, ne reconstitue ou ne remplace pas le bien sinistre, il adroit à 80 p.c. de la valeur à neuf, vetuste deduite' », et que « cemontant represente la `premiere tranche d'indemnite en application desconditions generales de la police', de sorte qu'est donc incontestablementdue à ce stade la somme de 128.000 euros (80 p.c. de 160.000 euros) outreles interets [...], sous deduction de la somme de 6.500 euros dejàallouee par [l'arret attaque] », et demandaient « la condamnation de [lademanderesse] à leur payer ladite somme » ;
- le 27 janvier 2014, la demanderesse a vire, sans reserve, la somme de148.581,75 euros sur le compte tiers des avocats des defendeurs ;
- par lettre du 14 avril 2014 adressee à la presidente de la vingt etunieme chambre de la cour d'appel, le conseil des defendeurs relate que,« dans la mesure ou [ils] ont ete indemnises de l'incontestablement dupar la [demanderesse] et qu'ils n'ont pas encore finalise le remploiimmobilier qu'ils doivent faire avec les indemnites rec,ues, cette affairen'a plus de raison d'etre plaidee à [l'audience du 24 mai 2014] » ;
- le 2 octobre 2014, la demanderesse a fait signifier la requete encassation aux defendeurs.
L'acquiescement à l'arret attaque se deduit du paiement volontaire faitpar la demanderesse, sans reserve, d'une somme qu'elle n'a pas etecondamnee à payer, mais dont le montant est fixe sur la base d'un rapportd'expertise amiable ulterieur.
La fin de non-recevoir est fondee.
Le rejet du pourvoi prive d'interet la demande en declaration d'arretcommun.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi et la demande en declaration d'arret commun ;
Condamne la demanderesse aux depens.
Les depens taxes à la somme de mille cent cinquante-neuf eurosquarante-quatre centimes envers la partie demanderesse et à la somme desix cent quatre-vingt-sept euros soixante-trois centimes envers lesparties defenderesses.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersDidier Batsele, Mireille Delange, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel,et prononce en audience publique du quinze avril deux mille seize par lepresident de section Christian Storck, en presence de l'avocat generalThierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
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| M. Delange | D. Batsele | Chr. Storck |
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Requete
POURVOI EN CASSATION
POUR : la SCRL CDA dont le siege est à 1080 Bruxelles, boulevard duJubile, 86, inscrite à la Banque Carrefour des entreprises sous le numero0402.203.372,
demanderesse en cassation,
assistee et representee par Me Johan Verbist, avocat à la Cour deCassation, dont les bureaux sont etablis Amerikalei 187/302 à 2000 Anverschez qui il est fait election de domicile,
CONTRE : 1. monsieur R. M., et
2. madame S. V.,
3. la COMPAGNIE DE PARTICIPATION ET DE DEVELOPPEMENT INDUSTRIEL - COPADI,dont le siege social est etabli à 1210 Bruxelles, Avenue des Arts, 6,
4. ETAT BELGE, represente par le Ministre des Finances, dont le cabinetest etabli à 1000 Bruxelles, rue de la Loi 12, SERVICE PUBLIC FEDERALFINANCES, Administration de la Tresorie, Caisse des Depots etConsignations, dont les bureaux sont etablis à 1040 Bruxelles, Avenue desArts 30,
defendeurs en cassation,
*
* *
A Messieurs les Premier President et President, Mesdames et Messieurs lesConseillers composant la Cour de cassation de Belgique,
Messieurs, Mesdames,
La demanderesse a l'honneur de deferer à votre censure l'arret renducontradictoirement entre parties le 22 mai 2013 par la 21eme chambre de lacour d'appel de Mons (RG 2012/RG/183).
FAITS DE LA CAUSE ET ANTECEDENTS DE LA PROCEDURE
Les faits de la cause et les antecedents de la procedure tels qu'ilsressortent des pieces de la procedure auxquelles votre Cour peut avoiregard, peuvent succinctement etre exposes de la maniere suivante.
1. Le 24 fevrier 2009, une maison sise rue ... à ... appartenant auxdefendeurs a ete endommagee par un affaissement de terrain resultantd'un "coup d'eau" survenu le 20 fevrier 2009 à l'orifice d'uneancienne galerie d'exhaure creusee en 1747 pour emerger lesexploitations minieres situees sous la ville de La Louviere etappartenant à la SA Copadi.
2. Les defendeurs ont declare le sinistre à leur compagnie d'assurance,la demandeuresse, laquelle couvre notamment les catastrophesnaturelles en vertu d'un contrat "CDA Home" souscrit le 16 octobre2000.
3. L'expert delegue par la demanderesse, monsieur D. R., a evalue ledommage à la somme de 6.500EUR HTVA tandis que Expert B., le bureaud'expertise designe par les defendeurs a evalue les pertes à environ450.000EUR.
4. La demanderesse a refuse de couvrir le sinistre des lors qu'ils'agissait de degats dits "miniers" et non d'une "catastrophenaturelle".
5. Par citations des 1er, 7 et 14 juin 2010, la demanderesse a assigne laS.A. Copadi ainsi que les defendeurs et le SPF Finances devant letribunal de premiere instance de Mons afin d'entendre condamnersolidairement la S.A. Copadi et le SPF Finances, Caisse des depots etconsignation (venant aux droits du Fonds national de Garantie pour lareparation des degats houillers), à lui payer la somme de 1EUR sur undommage à evaluer apres expertise contradictoire, d'entendre declareropposable le jugement à intervenir aux defendeurs et plusrelativement particulierement la designation d'un expert judiciaireet, avant dire droit, d'entendre designer un expert avec la missionfigurant à son dispositif.
6. Par conclusions deposees au greffe le 28 juin 2010, les defendeurs ontforme une demande reconventionnelle tendant à voir condamner lademanderesse à prendre en charge le sinistre, à signer uneconvention de nomination d'expert et à prendre en charge les frais ethonoraires du bureau d'expertise Expert B..
Par conclusions deposees au greffe le 29 juillet 2011, ils ont modifieleur demande afin d'entendre condamner la demanderesse à leur payer lasomme provisionnelle de 93.554,87EUR, outre les interets moratoires.
7. Par jugement du 10 janvier 2012, la premiere chambre du tribunal depremiere instance de Mons a dit la demande principale de lademanderesse irrecevable et la demande reconventionnelle desdefendeurs recevable et fondee.
8. Le 22 fevrier 2012, la demanderesse a interjete appel de ce jugementpar requete deposee au greffe.
L'arret attaque, rendu le 22 mai 2013 par la 21eme chambre de la Courd'appel de Mons, a declare l'appel recevable et partiellement fonde. Il areforme le jugement dont appel en ce qu'il dit la demande de lademanderesse irrecevable et a alloue aux defendeurs une sommeprovisionnelle de 93.554,87EUR.
En consequence, il dit la demande de la demanderesse recevable mais nonfondee. Il condamne, par ailleurs, la demanderesse à payer aux defendeursune somme provisionnelle de 6.500 EUR majoree des interets au double dutaux legal à dater du 19 fevrier 2010 jusqu'à parfait paiement.
A l'appui du pourvoi qu'elle forme contre l'arret attaque, la demanderessecroit pouvoir invoquer le moyen unique de cassation ci-apres libelle.
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Dispositions legales violees
* Articles 1315, 1349 et 1353 du Code civil,
* Article 870 du Code judiciaire.
Decision critiquee
L'arret attaque declare l'appel de la demanderesse partiellement fonde etla condamne à payer aux defendeurs la somme provisionnelle de 6.500 EURmajoree des interets au double du taux legal à dater du 19 fevrier 2010jusqu'à parfait paiement aux motifs que :
«L'article 62-2 de la loi du 25 juin 1992 entend notamment parcatastrophe naturelle : `un glissement ou affaissement de terrain, àsavoir un mouvement d'une masse importante de terrain qui detruit ouendommage des biens, du en tout ou en partie à un phenomene naturel autrequ'une inondation ou un tremblement de terre'.
(La demanderesse) ne conteste pas qu'en application de l'article 68-2, S:2, de la loi du 25 juin 1992, les mesures effectuees par desetablissements publics peuvent etre utilisees pour la constatation descatastrophes naturelles.
Il appartient toutefois aux Cours et Tribunaux de dire si, au regard desdispositions du contrat d'assurance et de la loi du 25 juin 1992, un faitest ou non une catastrophe naturelle.
En l'espece, il convient de s'en referer au rapport etabli par l'ingenieurdes mines D. P. du service des risques industriels, geologiques et miniers- cellule sous-sol/geologie du Service public de Wallonie, qui decrit lesinistre comme suit :
`Le 20/02/2009 en soiree, un coup d'eau est survenu au bord de la Haine,à l'orifice non visible d'une ancienne galerie d'exhaure, aujourd'huiappelee `Galerie de 1747'. Le debit etait d'environ 250/300 m^3/heure lespremiers jours. Pendant trois semaines, elle aura rejete pres de 100.000 md'eau chargee de sables et d'argiles (environ 50 tonnes). L'ecoulement acesse entre le 10 et le 28/03, sans doute suite à l'ensablement de lagalerie, pour reprendre ensuite avec un debit assez constant de 30 à 50m/h d'eau claire. Les eaux et les sediments sablo-argileux ont provoquedes degats à la maison voisine de l'orifice lors de leur irruption. Unchenal a ete amenage vers la Haine.'.
L'expert tente d'explique ce `coup d'eau', dont le mecanisme resteinconnu, de la maniere suivante :
`
soit la galerie etait dejà sous pression suite à une rupture ancienne etdejà en communication avec l'aquifere du sommet du Wealdien (souspression) ; un bouchon (mac,onnerie, effondrement, ensablementanterieur,...) a lache brutalement, par fatigue ;
soit la galerie a ete mise en contact brutalement avec l'aquifere dusommet du Wealdien (rupture de son revetement, de celui d'un des puits oud'un bouchon intermediaire), le coup de pression aurait provoque ledebourrage de l'ouvrage ; rien ne permet de savoir si cette rupture seraitdue à la vetuste (construction solide, pour durer, dans de mauvaisterrains) ou à un mouvement du terrain prealable.'.
En ses conclusions provisoires, l'ingenieur D. P. precise que :
`On peut donc raisonnablement attribuer la formation de la cuvette ensurface à l'affaissement des 30 à 35 m de terrains situes au dessus dessables Wealdiens. Cet affaissement lui-meme consecutif à l'evacuationrapide de grandes quantites d'eau de l'aquifere que constituent cessables, entrainant une quantite de sables telle qu'une descente dequelques centimetres des terrains sous-jacents a pu se produire,deconsolider ces couches et se propager jusqu'en surface. (...)
Les consequences de cette rupture de l'ouvrage minier ont ete amplifieesde fac,on tres importante par le contexte geologique. Un tel phenomenen'aurait pas pu se produire si la `fuite' s'etait produite au sein decraies ou des marnes. En general, les galeries d'exhaure sont etabliesdans des couches coherentes. Lorsque des eaux y sont rabattues brutalementpar accident, si l'aquifere est constitue de roches coherentes (gres,calcaires, craies,...), il peut se vider sans entrainer d'importantsmouvements de sol. Au pire constate-t-on des debourrages du remblai devieux puits ou des affaissements legers ou tres localises à l'aplomb dechantiers d'exploitation proches de la surface.
Dans la zone sinistree, il n'est pas exclu qu'un mouvement de terrain sesoit produit avant l'urbanisation, soit lors de la construction de lagalerie, soit posterieurement, et que la meme zone ait ete remobilise. Dememe, il ne peut etre exclu qu'un affaissement du sol se produise end'autres points ou la galerie recoupe sur geologie semblable.'.
En leur rapport du 19 mai 2009 (page 5), les ingenieurs experts D. P. etE. L. estiment qu''il est des lors possible, a priori, de considerer quele phenomene est probablement du à une situation geologique `naturelle'ayant accentue les effets d'une rupture du revetement de la galeried'exhaure, entrainant un effet sur la nappe aquifere et sur l'aquiferesableux proprement dit, avec repercussion d'un affaissement des couchessituees au-dessus de la zone de soutirage.'.
Ils poursuivent lors de l'examen des points techniques principaux que :
`(...)
3. le tassement des terrains a une origine en grande partie naturelle,dans la mesure ou la geologie amplifie les effets de la fuite de la nappedans la galerie, celle-ci jouant le role de vecteur d'evacuation de l'eauet des sables. Il est impossible de savoir si la rupture de la galerie estla cause premiere ou si un mouvement de terrain a provoque cette rupture.
(...)'.
Il resulte ainsi de ces rapports, emanant d'une autorite publiquecompetente, que l'affaissement de terrain qui a cause le sinistre est duà la fuite d'une nappe d'eau souterraine dans la galerie d'exhaure de1747, ce qui constitue bien un phenomene naturel.
De plus, dans l'hypothese ou la rupture de la galerie a ete la causepremiere de cet affaissement, il est demontre que la situation geologique`naturelle' des terrains en a amplifie de maniere tres importante leseffets, ce qui represente un autre phenomene naturel.
Cette analyse n'est pas dementie par l'avis de l'expert J. D. R., mandatepar la (demanderesse), (page 8) qui peut se lire comme suit :
`D'apres les explications fournies par le rapport succinct, il semble quel'on se trouve devant un glissement ou affaissement de terrain du en toutou en partie à un phenomene naturel autre qu'une inondation outremblement de terre' (piece 7 du dossier de la (demanderesse).
En consequence, c'est à juste titre que le premier juge a considere quel'une des causes du sinistre etait un phenomene naturel et que la(demanderesse), en sa qualite d'assureur incendie et catastrophesnaturelles, etait tenue d'indemniser ses assures en application del'article 68-1 de la loi du 25 juin 1992.
Le jugement dont appel sera donc confirme sur ce point. » (c'est lademanderesse qui met en evidence)
Griefs
Premiere branche
Aux termes de l'article 1349 du Code civil, les presomptions sont desconsequences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un faitinconnu.
Le juge ne peut deduire de consequences à titre de presomptions que defaits qui soient certains et connus et non de faits incertains etconjecturaux.
En l'espece, le juge considere comme etabli que le glissement de terrainà l'origine du sinistre est du à un phenomene naturel soit une fuited'eau amplifiee par la situation geologique des lieux en se referant àdes rapports d'expertise qui s'expriment en des termes incertains que lademanderesse a mis ci-dessus en evidence dans les passages repris del'arret : « le mecanisme reste inconnu », « rien ne permet de savoir si(...) », « il n'est pas exclu que (...) », « Il est des lors possible,a priori, de considerer que le phenomene est probablement du (...) »
Ce faisant l'arret attaque viole la notion legale de presomptions(violation des articles 1349 et 1353 du Code civil).
Seconde branche
Il resulte de l'application combinee des articles 1315 du Code civil et870 du Code judiciaire que la charge de la preuve appartient à celui quireclame l'execution d'une obligation.
En cas d'incertitude, le juge doit trancher au detriment de celui qui a lacharge de la preuve et qui supporte, par consequent, le risque de preuve.
En l'espece, la charge de la preuve que l'affaissement de terrain ayantendommage en tout ou en partie leur maison etait du en tout ou en partieà une phenomene naturel incombait aux defendeurs en leur qualite dedemandeurs originaires sur reconvention.
En considerant que cette preuve etait rapportee nonobstant les termesincertains des rapports d'expertise auxquels il se refere et que lademanderesse a mis ci-dessus en evidence dans les passages repris del'arret : « le mecanisme reste inconnu », « rien ne permet de savoir si(...) », « il n'est pas exclu que (...) », « Il est des lors possible,a priori, de considerer que le phenomene est probablement du (...) »,l'arret attaque viole les regles relatives à la charge de la preuve(article 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire).
DEVELOPPEMENTS
L'arret attaque avait à connaitre de la question de savoir si les degatsoccasionnes à la maison des defendeurs etait une catastrophe naturelle ausens des articles 67 et 68-2 de la loi du 25 juin 1992 couverte par lapolice d'assurance souscrite par eux aupres de la demanderesse.
Pour que ce soit le cas, il faut :
* un glissement ou un affaissement de terrain ;
* qui detruit ou endommage un bien ;
* du en tout ou en partie à un phenomene naturel ;
* autre qu'une inondation ou un tremblement de terre.
En l'espece, il n'etait pas conteste en degre d'appel que le sinistre soitdu à un affaissement de terrain.
C'est principalement la cause de cet affaissement de terrains qui etaitdiscutee.
L'arret conclut de l'analyse du rapport des ingenieurs P. et L. que lesinistre est du à la fuite d'une nappe d'eau souterraine dans la galeried'exhaure 1747 ce qui constitue bien, selon lui un phenomene naturelassure.
Quant à la premiere branche
La demanderesse soutenait, en conclusions, que les experts s'exprimaienten termes hesitants ou incertains de sorte que le premier juge n'avait pudeduire de ces constats incertains que le sinistre avait une originecertaine.
L'arret examine se fonde sur les memes passages du rapport des experts queceux cites par la cliente en conclusions pour decider que le sinistre doitbien etre couvert par la demanderesse au titre de catastrophe naturelle.
La demanderesse a mis en evidence ci-dessus ces passages.
Elle considere que l'arret attaque a viole la notion legale de presomptiondes lors qu'il n'a pas pu, compte tenu de leurs termes incertains, deduiredes passages de ces rapports ainsi releves et sur lesquels il se fonde quele sinistre etait du à un phenomene naturel.
Aux termes de l'article 1349 du Code civil les presomptions sont desconsequences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un faitinconnu.
Les consequences que le juge tire, à titre de presomptions, des faitsqu'il declare constants sont abandonnees à sa prudence et relevent de sonappreciation souveraine.
Votre Cour se borne à verifier que la notion legale de presomptions del'homme n'est pas violee et notamment si le juge n'a pas deduit des faitsconstates par lui des consequences qui seraient sans lien avec eux ou quine seraient susceptibles, sur leur fondement, d'aucune justification(Cass., 30 mai 2007, RG P.07.0421.F ; Cass., 22 octobre 2004, RGF030028N).
Il ne faut pas que ces consequences en decoulent necessairement. Il suffitqu'elles puissent en resulter (Cass., 22 octobre 2004, RG F030028N ;Cass., 22 mars 2001, Pas., I, nDEG 156).
Ceci etant, le raisonnement du juge doit avoir pour point de depart unfait certain et connu. Ce fait ne pourrait lui-meme etre incertain etconjectural. L'element de certitude qu'implique la presomption selonl'article 1353 du Code civil serait alors meconnu (Cass., 19 mai 1983,Pas., I, 1054 ; Cass., 23 novembre 1965, Pas., I, 396. Ce n'est que s'ilrespecte ces conditions que le juge determine souverainement les faitsconnus qui servent de base à son raisonnement.
Tel n'est pas en l'espece selon la demanderesse.
Quant à la seconde branche
Par l'application combinee des articles 1315 du Code civil et 870 du Codejudiciaire, la charge de la preuve incombait aux defendeurs en leurqualite de demandeurs originaires sur reconvention.
La portee de ces dispositions legales est davantage de regler l'imputationdu risque de preuve, en determinant quelle est la partie qui doitsuccomber si la preuve n'est pas rapportee.
En cas d'incertitude, le juge tranche au detriment de celui qui avait lacharge de la preuve. Ce qu'on appelle le risque de preuve repose ainsiegalement sur celui qui avait la charge de la preuve (Verheyden-Jeanmart,La charge de la preuve, p.11 in la Preuve, Louvain, 1987, nDEG6 et s.;Mougenot, La preuve, in Repertoire notarial, Tome IV, Livre II, nDEG27,p.85 ; Van Ommeslaghe, Droit des obligations, tome III, nDEG1651 et 1652).
Comme l'exprimait dejà clairement la Cour de cassation de France dans unarret ancien du 31 janvier 1962 (Bull. Civ., 1962, IV, nDEG105),"l'incertitude et le doute subsistant à la suite de la production d'unepreuve doivent necessairement etre retenus au detriment de celui qui avaitla charge de cette preuve. ».
Votre Cour s'est, depuis lors, exprimee en des termes à peu pressimilaires (Cass 20 mars 2006 C.04.0441.N ; Cass., 17 septembre 1999, RGC980144 ; Cass., 19 janvier 2001, RG C980400N).
La demanderesse reproche à l'arret attaque d'avoir considere, malgre lestermes incertains utilises par les experts, que la preuve que le sinistreetait en partie du à un phenomene naturel etait rapportee et d'avoir, parvoie de consequence, viole les regles relatives à la charge de la preuve.
*
* *
Par ces moyens et considerations, l'avocat à la Cour de cassationsoussigne conclut, pour la demanderesse, qu'il vous plaise, Messieurs,Mesdames, casser l'arret attaque, renvoyer la cause et les parties devantun autre cour d'appel et statuer sur les depens comme de droit.
Anvers, le 22 septembre 2014
Johan Verbist
Avocat à la Cour de cassation
15 AVRIL 2016 C.14.0460.F/1
Requete/14