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11/03/2016 | BELGIQUE | N°F.14.0168.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 mars 2016, F.14.0168.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.14.0168.F

R. U.,

demandeur en cassation,

ayant pour conseil Maitre Daniel Garabedian, avocat au barreau deBruxelles, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard del'Empereur, 3, ou il est fait election de domicile,

contre

Etat belge, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 12 octobre 2005par la cour d'a

ppel de Mons.

Le 22 fevrier 2016, le premier avocat general Andre Henkes a depose desconclusions au greffe.
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Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.14.0168.F

R. U.,

demandeur en cassation,

ayant pour conseil Maitre Daniel Garabedian, avocat au barreau deBruxelles, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard del'Empereur, 3, ou il est fait election de domicile,

contre

Etat belge, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 12 octobre 2005par la cour d'appel de Mons.

Le 22 fevrier 2016, le premier avocat general Andre Henkes a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et le premier avocatgeneral Andre Henkes a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Disposition legale violee

Article 32, specialement alineas 1er, 1DEG, et 2, 1DEG, du Code des impotssur les revenus 1992 tel que modifie pour la derniere fois par la loi du 4mai 1999 portant des dispositions fiscales diverses

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate que le litige concerne notamment une cotisation àl'impot des personnes physiques enrolee à charge du demandeur pourl'exercice d'imposition 1998 et porte sur la qualification des emolumentsque le demandeur a tires de ses mandats d'administrateur au sein depersonnes morales de droit public, ces emoluments constituant desremunerations de dirigeants d'entreprise visees à l'article 32,alinea 1er, 1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992 selon ledemandeur et des profits d'occupation lucrative selon le defendeur,

la cour d'appel, par l'arret attaque, a decide que pour l'exerciced'imposition 1998, lesdits revenus constituent des remunerations dedirigeant d'entreprise visees à l'article 32 du Code des impots sur lesrevenus uniquement dans la mesure ou ils ont ete attribues par une societeau sens de l'article 2 du Code des impots sur les revenus, ce qui supposenotamment le fait de se livrer à une exploitation ou à des operations decaractere lucratif.

La cour d'appel a fonde cette decision sur les motifs suivants :

« Selon les articles 23, S: 1er, 4DEG, 30 et 32 du Code des impots surles revenus 1992, dans leur version applicable à l'exercice d'imposition1997, il y a lieu de ranger parmi les revenus imposables les remunerationsdes administrateurs, lesquelles comprennent notamment les remunerationsfixes ou variables qui leur sont allouees par les societes de capitaux àun titre autre que le remboursement des depenses propres à la societe. Auregard du droit fiscal, en application de l'article 2, S: 2, du meme code,constitue une `societe' toute societe, association, etablissement ouorganisme quelconque regulierement constitue qui possede la personnalitejuridique et se livre à une exploitation ou à des operations decaractere lucratif. [...] De meme, les remunerations de dirigeantsd'entreprise ici concernees etant, à partir de l'exercice d'imposition1998 et selon le nouvel article 32 du Code des impots sur les revenus, lestantiemes, jetons de presence, emoluments et toutes autres sommes fixes ouvariables allouees par des `societes', il faut egalement que le debiteurde tels revenus soit une societe au sens de ce code et donc, l'article 2,S: 2, 1DEG, n'ayant pas ete modifie, que notamment il se livre à uneexploitation ou à des operations de caractere lucratif ».

Griefs

1. A la suite des articles 23, S: 1er, 4DEG, et 30, 2DEG, du Code desimpots sur les revenus 1992, en vertu desquels les remunerationsconstituent des revenus professionnels, l'article 32, alinea 1er, de ce code definit la categorie des remunerations de dirigeants d'entreprisecomme toutes les retributions allouees ou attribuees à une personnephysique qui soit « exerce un mandat d'administrateur, de gerant, deliquidateur ou des fonctions analogues » (premiere sous-categorie :article 32, alinea 1er, 1DEG), soit « exerce au sein de la societe unefonction dirigeante ou une activite dirigeante de gestion journaliere,d'ordre commercial, financier ou technique, en dehors d'un contrat detravail » (seconde sous-categorie : article 32, alinea 1er, 2DEG).

Si la seconde sous-categorie vise l'exercice de certaines activites ausein d'une societe, il n'en va pas de meme pour la premieresous-categorie, qui ne comporte pas cette restriction et comprend lesretributions allouees ou attribuees en raison de l'exercice d'un mandatd'administrateur au sein d'une personne morale qui n'est pas une societeau sens de l'article 2 du Code des impots sur les revenus.

Cette lecture litterale du texte est confirmee par le libelle de l'article32, alinea 2, 1DEG, qui precise que les remunerations de dirigeantsd'entreprise « comprennent notamment les tantiemes, jetons de presence,emoluments et toutes autres sommes fixes ou variables allouees par dessocietes, autres que des dividendes ou des remboursements de frais propresà la societe ». Purement illustrative, cette disposition ne peut pass'interpreter a contrario comme excluant de la categorie des remunerationsde dirigeants d'entreprise les remunerations autres que celles qu'ellevise, d'autant que l'exemple qu'elle donne vaut aussi pour la deuxiemesous-categorie, qui vise quant à elle uniquement l'exercice de certainesactivites au sein d'une societe.

C'est du reste cette difference entre le champ d'application des deuxsous-categories de dirigeants d'entreprise qui explique le choix del'expression « dirigeant d'entreprise » plutot que « dirigeant desociete ». On lit en effet dans les travaux preparatoires de la loi du 13juin 1997, qui a confirme l'arrete royal de pouvoirs speciaux du 20decembre 1996 ayant insere dans le Code des impots sur les revenus 1992la categorie des remunerations de dirigeants d'entreprise, que « lapremiere sous-categorie comprend les contribuables qui appartenaientauparavant à la categorie des administrateurs, mais elle est etendue auxadministrateurs et gerants des societes anciennement considerees comme dessocietes de personnes et aux organes des autres personnes morales de droitpublic ou prive ». Et le ministre des Finances d'ajouter : « Dans sonarticle publie dans l'Echo de fevrier 1997 sous le titre `Qui sont lesdirigeants d'entreprise', Christian Fischer regrette le neologisme fiscalde `dirigeant d'entreprise', il aurait prefere `dirigeant de societe'.Ceci aurait cependant reduit la portee du prescrit legal. En effet, letexte permet d'etablir une distinction entre la premiere et la secondesous-categorie quant au champ d'application : la premiere vise toutepersonne physique, organe d'une personne morale, que cette derniere soitou non soumise à l'impot des societes. Ainsi, l'administrateur d'uneintercommunale tombe sous le 1DEG de l'alinea 1er du nouvel article 32 enqualite d'administrateur de la societe anonyme ou de la societecooperative qui est l'intercommunale. Par contre, l'alinea 2 ne vise queles personnes deleguees à la gestion journaliere et les directeurs`independants' travaillant au sein d'une societe au sens de l'article 2 duCode des impots sur les revenus, c'est-à-dire une personne morale soumiseà l'impot des societes » (declaration du ministre des Finances encommission du Senat, rapport Senat, Doc. parl., 1996-1997, nDEG 612/7,p. 8-9).

Par la suite, l'article 2 de la loi du 4 mai 1999, applicable desl'exercice d'imposition 1998 ici en cause en vertu de l'article 48,S: 1er, de cette loi, inserera à l'article 32 du Code des impots sur lesrevenus un troisieme alinea selon lequel ne sont pas des remunerations dedirigeants d'entreprise visees à l'alinea 1er les sommes versees « auxpersonnes physiques qui exercent un mandat non remunere d'administrateur,de gerant, de liquidateur ou des fonctions analogues dans des associationssans but lucratif ou autres personnes morales visees à l'article 220,3DEG, ... ». Cette exclusion n'a de sens - et l'article 32 du Code desimpots sur les revenus 1992 considere dans son ensemble ne forme un toutcoherent - que si l'alinea 1er, 1DEG, de cette disposition vise lesremunerations tirees de tout mandat d'administrateur, que celui-ci soitexerce au sein d'une societe au sens de l'article 2 de ce code ou au seind'une autre personne morale de droit prive ou de droit public.

Bien plus tard, l'administration fiscale adoptera la position que « dansl'etat actuel de la legislation, les mandats d'administrateur, de gerant,de liquidateur ou les fonctions analogues dont les retributions sont àconsiderer comme des remunerations de dirigeants d'entreprise, en vertu del'article 32, alinea 1er, 1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992,sont tous les mandats ou fonctions qui sont exerces aupres de societes »(reponse à une question parlementaire du 25 fevrier 2003, Bull., Sen.,2002-2003, nDEG 2-69, p. 3854). L'administration ne justifie pas cetteposition, et pour cause : nous venons de voir que celle-ci est contraireau texte, à l'economie et aux travaux preparatoires de l'article 32 duCode des impots sur les revenus 1992.

2. L'arret attaque constate que le demandeur a tire des revenus de mandatsd'administrateur au sein de personnes morales de droit public. Ces revenussont donc des remunerations de dirigeants d'entreprise visees à l'article32, alinea 1er, 1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992, peu importeque ces mandats soient ou non exerces au sein d'une societe au sens del'article 2 de ce code. En decidant au contraire que lesdits revenusconstituent des remunerations de dirigeant d'entreprise uniquement dans lamesure ou les personnes morales qui les ont attribues sont des societes ausens de l'article 2 du Code des impots sur les revenus 1992, l'arretattaque viole des lors l'article 32, alinea 1er, 1DEG, du Code des impotssur les revenus 1992.

En outre, en adoptant cette decision et en la fondant sur le motif quel'article 32, alinea 2, 1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992 nevise pas les revenus qui n'ont pas ete attribues par une societe au sensde l'article 2 de ce code, l'arret attaque donne à cette dispositionexemplative une portee que celle-ci n'a pas et, ce faisant, la viole.

III. La decision de la Cour

L'article 32, alinea 1er, 1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992,applicable au litige, dispose que les remunerations des dirigeantsd'entreprise sont toutes les retributions allouees ou attribuees à unepersonne physique qui exerce un mandat d'administrateur, de gerant, deliquidateur ou des fonctions analogues.

Il ne resulte pas de cette disposition que le debiteur de cesremunerations doit etre une societe au sens de l'article 2, S: 2, 1DEG, dece code.

L'arret, qui considere que « les remunerations des dirigeantsd'entreprise [...] etant, à partir de l'exercice d'imposition 1998, [...]toutes autres sommes fixes ou variables allouees par des `societes', ilfaut egalement que le debiteur de tels revenus soit une societe au sens dece code et donc, l'article 2, S: 2, 1DEG, n'ayant pas ete modifie, quenotamment il se livre à une exploitation ou à des operations decaractere lucratif », viole l'article 32, alinea 1er, 1DEG, precite.

Le moyen est fonde.

Etendue de la cassation :

Il y a lieu de casser l'arret attaque en tant qu'il statue sur lacotisation à l'impot des personnes physiques de l'exercice d'imposition1998 etablie à charge du demandeur.

La cassation de l'arret attaque entraine l'annulation de l'arret du 6octobre 2011, qui en est la suite, en tant qu'il met à neant le jugementdu premier juge et statue sur cette cotisation et l'accroissement d'impoty afferent ainsi que sur les depens.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il statue sur la cotisation à l'impotdes personnes physiques de l'exercice d'imposition 1998 etablie à chargedu demandeur ;

Annule l'arret du 6 octobre 2011 en tant qu'il met à neant le jugement dupremier juge et statue sur cette cotisation et l'accroissement d'impot yafferent ainsi que sur les depens ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse et de l'arret partiellement annule ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Liege.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillersMartine Regout, Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du onze mars deux mille seize par lepresident de section Albert Fettweis, en presence du premier avocatgeneral Andre Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+-----------+----------------|
| M. Lemal | M. Regout | A. Fettweis |
+----------------------------------------------+

11 MARS 2016 F.14.0168.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.14.0168.F
Date de la décision : 11/03/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 08/04/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-03-11;f.14.0168.f ?
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