Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.16.0084.F
I. A.S., ayant pour conseils Maitres Negede Tsedey et Laurent Kennes,avocats au barreau de Bruxelles,
II. S.S., ayant pour conseils Maitres Melanie Bosmans et Sven Mary,avocats au barreau de Bruxelles,
III. N. M.,
ayant pour conseil Maitre Vljahen Sokol, avocat au barreau de Bruxelles,
inculpes,
demandeurs en cassation.
I. la procedure devant la cour
Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 8 janvier 2016 par lacour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Les deux premiers demandeurs invoquent chacun trois moyens dans un memoireannexe au present arret, en copie certifiee conforme.
Le conseiller Franc,oise Roggen a fait rapport.
L'avocat general Damien Vandermeersch a conclu.
II. la decision de la cour
A. Sur le pourvoi de S. A. :
Sur le premier moyen :
Pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 47octies, S:5, du Code d'instruction criminelle, le moyen fait grief à l'arret demeconnaitre les notions d'urgence et de « plus brefs delais » quiconditionnent la regularite d'une autorisation d'infiltration faiteverbalement par le juge d'instruction et de sa confirmation ulterieure. Ilreproche egalement à la chambre des mises en accusation de n'avoir pasrepondu aux conclusions du demandeur à cet egard.
L'article 149 de la Constitution n'est pas d'application devant lesjuridictions d'instruction statuant dans le cadre du controle des methodesparticulieres de recherche d'observation et d'infiltration vise àl'article 235ter du Code d'instruction criminelle.
A cet egard, le moyen manque en droit.
Le grief concerne en substance la deuxieme autorisation d'infiltrationdonnee verbalement le 19 janvier 2015 et confirmee par ecrit le 26 janvier2015.
En application de l'article 235ter du Code d'instruction criminelle, lachambre des mises en accusation est chargee du controle de la regularitedes methodes particulieres de recherche d'observation et d'infiltration.Lors de ce controle, seuls les magistrats de la chambre des mises enaccusation ont acces au dossier confidentiel. L'arret de la chambre desmises en accusation ne peut pas faire mention du contenu de ce dossier, nidu moindre element susceptible de compromettre les moyens techniquesutilises ou la securite ou l'anonymat de l'informateur et desfonctionnaires de police intervenus dans l'execution de la methode.
Ce controle de regularite a pour seul objet d'examiner la conformite dudossier confidentiel avec les elements figurant dans le dossier « ouvert» de la procedure.
Des lors que la chambre des mises en accusation ne peut faire etat ducontenu du dossier confidentiel, la Cour verifie uniquement si celle-ci aexerce sa mission de controle.
En application de l'article 47octies, S:S: 3 et 5, l'autorisationd'infiltration est ecrite ou, en cas d'urgence, elle peut etre donneeverbalement pour autant qu'elle soit confirmee par ecrit dans les plusbrefs delais.
Le juge apprecie souverainement en fait les elements dont il deduit queces conditions ont ou non ete respectees.
Dans la mesure ou il critique cette appreciation, le moyen estirrecevable.
Apres avoir consulte les pieces figurant dans les dossiers confidentielset constate qu'ils ne contenaient aucune irregularite, les juges d'appelont considere qu'aucune erreur d'appreciation n'avait ete realisee enl'espece eu egard au contexte particulier des faits dont le magistratinstructeur etait saisi.
Par ces considerations, la chambre des mises en accusation a regulierementmotive et legalement justifie sa decision.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le deuxieme moyen :
Devant la chambre des mises en accusation, le demandeur a invoquel'inexistence d'une autorisation quant à la presence d'un second agentinfiltrant et à son appartenance aux services de police belges. Le moyensoutient que l'arret ne repond pas à cette defense et qu'il violel'article 2 de l'arrete royal du 9 avril 2003 relatif aux techniquesd'enquete policieres.
Aux termes de cette disposition, les techniques d'enquete policieres nepeuvent etre mises en oeuvre que par des membres de la direction desunites speciales de la police federale, et le cas echeant, moyennantl'accord prealable du procureur federal, en collaboration avec desfonctionnaires competents etrangers specifiquement formes à cet effet.
Pour decider que la mise en oeuvre des methodes particulieres de rechercheetait reguliere, la cour d'appel a notamment considere que lesautorisations d'infiltration n'etaient pas limitees à un infiltrant, maisprevoyaient un ou plusieurs infiltrants et qu'aucune irregularite nepouvait etre deduite du fait que le proces-verbal d'executionmentionnerait la presence d'un second agent infiltrant. L'arret ajoute quela chambre des mises en accusation ne peut faire mention du contenu dudossier confidentiel ni du moindre element susceptible de compromettrenotamment la garantie de la securite et de l'anonymat des fonctionnairesde police charges de l'execution de l'observation et de l'infiltration.
Par ces considerations, les juges d'appel ont repondu aux conclusions dudemandeur et legalement decide que l'infiltration etait reguliere.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le troisieme moyen :
Pris de la violation de l'article 14 de la Convention du 29 mai 2000relative à l'entraide judiciaire en matiere penale entre les Etatsmembres de l'Union europeenne, le moyen reproche à la chambre des misesen accusation de ne pas avoir verifie si l'enquete discrete executee surcommission rogatoire en Angleterre etait reguliere, à defaut de disposerde la legislation anglaise applicable. Le demandeur fait egalement griefà l'arret de ne pas repondre à ses conclusions sur ce point.
Le controle par la chambre des mises en accusation de la mise en oeuvredes methodes particulieres de recherche vise à l'article 235ter, S: 1er,du Code d'instruction criminelle est limite. Il ne vise qu'à verifier si,à la lumiere des elements du dossier confidentiel, les prescriptions desarticles 47sexies, 47septies, 47octies et 47novies du meme code relativesà ces methodes particulieres ont ete observees, si les proces-verbauxjoints au dossier repressif relatifs à la mise en oeuvre de celles-cicomportent les indications imposees et si ces informations correspondentaux elements du dossier repressif.
Ce controle ne concerne pas l'examen de la regularite ou de l'exhaustivitede l'instruction penale. Des lors, il n'appartient pas à la chambre desmises en accusation de verifier, dans ce cadre, la regularite, au regarddu droit etranger, de l'execution d'une enquete discrete realisee àl'etranger sur la base d'une commission rogatoire internationale.
Dans la mesure ou il repose sur une autre premisse, le moyen manque endroit.
Le moyen propose par le demandeur etant sans incidence sur la solution dulitige soumis à la chambre des mises en accusation, celle-ci n'etait pastenue de le rencontrer.
A cet egard, le moyen manque en fait.
Le controle d'office
Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.
B. Sur le pourvoi de S.S. :
Les moyens invoques par le demandeur sont similaires à ceux proposes parS. A..
Pour les motifs exposes ci-dessus, ces moyens ne peuvent etre accueillis.
Et les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.
C. Sur le pourvoi de M. N. :
Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxes en totalite à la somme de deux cent dix eurossoixante-neuf centimes dont I) sur le pourvoi de S. A. : septante eurosvingt-trois centimes dus ; II) sur le pourvoi de S. S. : septante eurosvingt-trois centimes dus et III) sur le pourvoi de M. N. : septante eurosvingt-trois centimes dus.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Frederic Close, president de section, Didier Batsele, BenoitDejemeppe, Pierre Cornelis et Franc,oise Roggen, conseillers, et prononceen audience publique du dix-sept fevrier deux mille seize par FredericClose, president de section, en presence de Damien Vandermeersch, avocatgeneral, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
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| F. Gobert | F. Roggen | P. Cornelis |
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| B. Dejemeppe | D. Batsele | F. Close |
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17 fevrier 2016 P.16.0084.F/1