Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG S.15.0041.F
1. M. A. et
2. Z. A., agissant en nom personnel et en qualite de representants legauxde leurs enfants mineurs A.-M. A., K. A. et Y. A.,
demandeurs en cassation,
admis au benefice de l'assistance judiciaire par ordonnance du premierpresident du 15 avril 2015 (n-o G.15.0047.F),
representes par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile,
contre
CENTRE PUBLIC D'ACTION SOCIALE DE HUY, dont les bureaux sont etablis àHuy, rue du Long Thier, 35,
defendeur en cassation,
represente par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 21 janvier 2015par la cour du travail de Liege.
Le 28 janvier 2016, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.
Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et l'avocat general JeanMarie Genicot a ete entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Les demandeurs presentent deux moyens, dont le second est libelle dans lestermes suivants :
Second moyen
Dispositions legales violees
- articles 1er, et 57, S:S: 1er et 2, alinea 1er, 1DEG, de la loi du 8juillet 1976 organique des centres publics d'action sociale, telsqu'applicables aux faits, l'article 1er apres sa modification par la loidu 7 janvier 2002 et l'article 57, S:S: 1er et 2, alinea 1er, 1DEG, apressa modification par les lois des 30 decembre 1992, 15 juillet 1996, 7janvier 2002, 2 aout 2002, 22 decembre 2003, 30 aout 2005, 27 decembre2005, 12 janvier 2007 et 25 avril 2007 ;
- article 23 de la Constitution ;
- articles 3 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme etdes libertes fondamentales.
Decisions et motifs critiques
L'arret declare l'appel du defendeur recevable et fonde et, enconsequence, reformant le jugement du premier juge, dit non fonde lerecours forme par les demandeurs contre la decision prise par le defendeurle 20 aout 2012, par les motifs que :
« Les (demandeurs) ont introduit un recours le 21 decembre 2012.
Le 6 mars 2013, le premier juge a ordonne la reouverture des debats pourque soit produit l'ordre de quitter le territoire adopte à l'egard des(demandeurs) afin de pouvoir apprecier s'ils doivent faire retour enPologne ou en Russie (Tchechenie).
Le 19 juin 2013, le premier juge a ordonne à nouveau la reouverture desdebats afin que les parties puissent s'exprimer relativement au contenu del'ordre de quitter le territoire qui a finalement ete produit.
Le 2 octobre 2013, le premier juge a prononce un troisieme jugement parlequel il designe en qualite d'expert le docteur Wanet avec pour missionde s'exprimer à l'audience relativement au caractere de gravite de lamaladie dont est affecte (le demandeur) et à l'existence d'un traitementde cette maladie en Pologne et à l'accessibilite à ce traitement.
Le docteur Wanet a ete entendu le 6 novembre 2013 ; il a expose quel'hepatite C dont souffre (le demandeur) est une maladie grave,susceptible d'entrainer le deces si elle n'est pas soignee ; cettehepatite de type 3 peut etre traitee par bitherapie, traitement disponibleen Pologne.
Le docteur Wanet a ete entendu à nouveau le 5 fevrier 2014 ; il a preciseque le meme traitement de la maladie dont souffre (le demandeur) existe enPologne comme en Belgique, precisant toutefois que l'acces aux soinsserait plus complique en Pologne qu'en Belgique, les refugies ayant untravail beneficiant du meme acces aux soins que les ressortissantspolonais, alors que les refugies sans travail vivent dans des centres ouils ne peuvent beneficier que des soins urgents, dont les soins requis parla maladie (du demandeur) ne font pas partie.
III. Le jugement du premier juge
Le premier juge dit la demande fondee ; il met à neant la decision dudefendeur et condamne [ce dernier] à verser (au demandeur), à partir du6 septembre 2012, une aide sociale equivalente au revenu d'integrationsociale, au taux reserve aux personnes avec famille à charge, et auxallocations familiales.
Le premier juge ordonne l'execution provisoire du jugement, sans cautionni cantonnement.
Le premier juge considere que (le demandeur) etablit une impossibilitemedicale de quitter la Belgique, de sorte que l'article 57, S: 2, de laloi du 15 decembre 1980 [lire : 8 juillet 1976] ne peut s'appliquer.
IV. Moyens et demandes des parties
(...)
V. Discussion
Les (demandeurs) se trouvent en sejour illegal en Belgique, n'ayant pasobtenu l'autorisation de sejourner dans le pays, ni la reconnaissance dela qualite de refugie en Belgique, un ordre de quitter le territoire ayantete adopte à leur egard.
Conformement à l'article 57, S: 2, de la loi du 8 juillet 1976, les(demandeurs) ne peuvent recevoir pour eux-memes aucune aide sociale,hormis l'aide medicale urgente.
Les (demandeurs) font valoir qu'ils se trouvent dans l'impossibilite dequitter la Belgique pour motif medical et considerent qu'il s'agit d'uneforce majeure faisant obstacle à l'application de l'article 57, S: 2, dela loi du 8 juillet 1976.
La Cour constitutionnelle, dans son arret nDEG 80/99 du 30 juin 1999, ajuge que l'article 57, S: 2, de la loi du 8 juillet 1976 viole lesarticles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il s'applique à desetrangers auxquels a ete notifie un ordre de quitter le territoire et qui,pour des raisons medicales, sont dans l'impossibilite absolue d'y donnersuite.
Cette impossibilite absolue se determine en consideration de deuxfacteurs, d'une part, l'impossibilite absolue pour les [demandeurs]d'effectuer le voyage de retour en raison de leur etat de sante et,d'autre part, l'impossibilite absolue de recevoir dans leur pays de retourles soins medicaux que necessite leur etat de fac,on à garantir leursurvie.
Il convient de preciser que la notion d'impossibilite d'avoir acces auxsoins de sante necessaires ne peut impliquer aucune consideration relativeà l'eventuel cout eleve de ces soins, à l'absence d'un regime desecurite sociale comparable au notre, ou à la faiblesse des revenus dontpourrait disposer la personne : l'impossibilite, pour etre considereecomme absolue, implique que les soins necessaires sont totalementinexistants, qu'il s'agisse des structures hospitalieres ou de l'acces auxmedicaments.
Les pieces deposees par les (demandeurs) n'etablissent pas en l'etat defac,on determinante cette impossibilite absolue de quitter la Belgiquepour retourner en Pologne, pays ou leur sejour est autorise puisqu'ils ysont refugies reconnus, pour motif medical.
Les pieces deposees et l'expertise à laquelle le premier juge a faitproceder etablissent que (le demandeur) souffre d'une maladie grave, unehepatite C de type 3, susceptible si un traitement approprie n'est pasapplique, d'avoir des consequences fatales.
Selon les informations actuellement portees à la connaissance de la cour[du travail], le traitement adequat, constitue par une bitherapie, existetout pareillement en Pologne qu'en Belgique et y est tout pareillementaccessible mais, applique (au demandeur) en Belgique, n'aurait pas donnede resultat.
Il est egalement question d'un traitement nouveau, qui serait au stadeexperimental, existant tant en Pologne qu'en Belgique, dont on ignoremalheureusement s'il pourrait donner des resultats en etant applique (audemandeur).
On ne peut retenir en l'etat que (le demandeur) ne pourrait disposer enPologne, pays ou son sejour est autorise et ou il peut des lors retourner,des memes traitements necessites par son etat, qu'en Belgique.
(Le demandeur) fait mention de discriminations dont seraient victimes enPologne les ressortissants russes, notamment originaire de Tchetchenie, etles informations fournies à l'expert Wanet semblent bien accrediter lefait que les refugies politiques en Pologne soient l'objet dediscriminations en ce qui concerne l'acces aux soins de sante, selonqu'ils travaillent ou non.
La cour [du travail] ne peut toutefois s'arreter à ces considerations :la Pologne tout comme la Belgique est un etat membre de l'Union europeenneet, à ce titre, est tenue comme la Belgique de garantir aux refugiespolitiques reconnus, l'acces aux soins de sante qui leur sont necessaires.
S'il s'averait que la Pologne manque à cette obligation, ilappartiendrait (au demandeur), en sa qualite de refugie politique reconnuen Pologne, de faire valoir ses droits vis-à-vis de l'Etat polonais,exactement comme il exerce ceux-ci vis-à-vis de l'Etat belge.
Aucune piece medicale n'est deposee par les (demandeurs) qui indiqueraitque, soit (le demandeur), soit (la demanderesse), en raison de son etat desante ne peut pas voyager.
Comme precise ci-dessus, il ne peut etre considere comme etabli que (ledemandeur), dont la pathologie est bien reconnue, tout comme lestraitements qu'il devrait recevoir, ne trouverait pas en Pologne, pays ouson sejour est autorise, les soins de sante adequats, en tout cas pasmoins qu'en Belgique.
En ce qui concerne (la demanderesse), aucun document n'est produit quisoit susceptible d'etablir qu'elle ne trouverait pas en Pologne les soinsde sante qui lui sont necessaires.
Enfin, il est vraisemblable que les (demandeurs), originaires de Russie,auront bien davantage de possibilites de comprendre et de se fairecomprendre en Pologne qu'ils n'en ont en Belgique, la difficulte decomprehension ayant ete mise en evidence et retenue par le premier juge.
Il ne peut dans ces conditions etre conclu à l'existence d'uneimpossibilite absolue pour motif medical qui fasse obstacle à l'executionde l'ordre de quitter le territoire et au retour des (demandeurs) vers laPologne, avec pour consequence que l'article 57, S: 2, doit recevoirapplication, faisant obstacle, comme precise ci-dessus à l'octroi d'uneaide sociale autre que l'aide medicale urgente. »
Griefs
Les articles 3 et 8 de la Convention des droits de l'homme et des libertesfondamentales visent à assurer à chacun une vie conforme à la dignitehumaine.
L'article 23 de la Constitution dispose que chacun a le droit de mener unevie conforme à la dignite humaine.
L'aide sociale, qui, suivant l'article 1er de la loi du 8 juillet 1976visee au moyen, « a pour but de permettre à chacun de mener une vieconforme à la dignite humaine », et que les centres publics d'actionsociale « ont pour mission d'assurer », est celle definie à l'article57, S: 1er, de cette loi, en vertu duquel le centre « assurera nonseulement une aide palliative ou curative, mais encore une aidepreventive », aide qui « peut etre materielle, sociale, medicale,medico-sociale ou psychologique ».
Par derogation aux autres dispositions de ladite loi, l'article 57, S: 2,1DEG, de la loi prevoit que la mission du centre public d'action socialese limite à l'octroi de l'aide medicale urgente, à l'egard d'un etrangerqui sejourne illegalement dans le royaume.
L'article 57, S: 2, de ladite loi precise en outre qu' « un etranger, quis'est declare refugie et a demande à etre reconnu comme tel, sejourneillegalement dans le royaume lorsque la demande d'asile a ete rejetee etqu'un ordre de quitter le territoire executoire a ete notifie àl'etranger concerne.
L'aide sociale accordee à un etranger qui etait en fait beneficiaire aumoment ou un ordre de quitter le territoire executoire lui a ete notifieest arretee, à l'exception de l'aide medicale urgente, le jour oul'etranger quitte effectivement le territoire et, au plus tard, le jour del'expiration du delai de l'ordre de quitter le territoire ».
Il suit de ces dispositions :
- que l'etranger qui a rec,u un ordre definitif de quitter le territoiren'a plus droit à l'aide sociale prevue aux articles 1er et 57, S: 1er, dela loi ;
- que le centre public d'action sociale ne doit plus accorder à cetetranger outre l'aide medicale urgente que « l'aide strictementnecessaire pour lui permettre de quitter le pays » ;
- que cette obligation legale du centre cesse en principe, « au plustard, au jour de l'expiration du delai de l'ordre de quitter leterritoire ».
Si l'etranger qui a rec,u un ordre definitif de quitter le territoire atoutefois ete empeche de retourner dans son pays d'origine ou d'accueilpar suite de force majeure, le centre public d'action sociale al'obligation de lui accorder l'aide sociale prevue aux articles 1er et57, S: 1er, de la loi visee au moyen.
L'arret releve que « les demandeurs se trouvent en sejour illegal enBelgique, n'ayant pas obtenu l'autorisation de sejourner dans le pays, nila reconnaissance de la qualite de refugie en Belgique, un ordre dequitter le territoire ayant ete adopte à leur egard ».
L'arret constate par ailleurs que :
- le demandeur est atteint d'une maladie grave susceptible, si untraitement approprie n'est pas applique, d'avoir des consequences fatales;
- si les traitements sont disponibles de la meme maniere en Belgique qu'enPologne, « les informations fournies à l'expert Wanet semblent bienaccrediter le fait que les refugies politiques en Pologne soient l'objetde discriminations en ce qui concerne l'acces aux soins des sante, selonqu'ils travaillent ou non ».
L'arret refuse cependant de tenir compte de ces discriminations et del'inaccessibilite aux soins de sante exiges par l'etat du demandeur qui enresulte, dont il ne nie pas l'existence, au motif que :
- « il convient de preciser que la notion d'impossibilite d'avoir accesaux soins de sante necessaires ne peut impliquer aucune considerationrelative à l'eventuel cout eleve de ces soins, à l'absence d'un regimede securite sociale comparable au notre, ou à la faiblesse des revenusdont pourrait disposer la personne : l'impossibilite, pour etre considereecomme absolue, implique que les soins necessaires sont totalementinexistants, qu'il s'agisse de structures hospitalieres ou de l'acces auxmedicaments » ;
- « la cour [du travail] ne peut toutefois s'arreter à cesconsiderations : la Pologne tout comme la Belgique est un Etat membre del'Union europeenne et, à ce titre, est tenue tout comme la Belgique degarantir aux refugies politiques reconnus l'acces aux soins de sante quileur sont necessaires.
S'il s'averait que la Pologne manque à cette obligation, ilappartiendrait (au demandeur), en sa qualite de refugie politique reconnuen Pologne, de faire valoir ses droits vis-à-vis de l'Etat polonais,exactement comme il exerce ceux-ci vis-à-vis de l'Etat belge ».
Il resulte pourtant de l'economie de la loi que la limitation de l'aidesociale à 1'aide medicale urgente vise seulement les etrangers quirefusent d'obtemperer à l'ordre de quitter le territoire, mais non ceuxqui pour des raisons independantes de leur volonte sont empeches derentrer dans leur pays d'origine ou d'accueil.
A l'egard de ces derniers, le centre public d'action sociale demeure tenud'assurer l'aide sociale jusqu'au moment ou ils seront en mesure dequitter effectivement le territoire.
La force majeure est un evenement independant de la volonte humaine quel'homme n'a pu prevoir ou prevenir.
La force majeure empechant l'etranger d'obtemperer à l'ordre de quitterle territoire peut resulter de l'impossibilite pour lui, en cas de retourdans le pays d'accueil, d'acceder aux soins medicaux necessites par sonetat. Cette absence d'acces existe notamment en l'absence de soins ettraitements adequats dans le pays d'origine (l'etat et la nature desinstallations, des biens, des services et des programmes de soins desante) mais vise egalement l'accessibilite medicale et economique dutraitement dans le pays d'origine.
L'arret, qui considere que les demandeurs ne peuvent se prevaloir d'un casde force majeure resultant de l'impossibilite d'acceder aux soins medicauxexiges par l'etat de sante gravement atteint du demandeur, et qu'enconsequence l'article 57, S: 2, doit recevoir application :
- parce qu'il n'y a pas lieu de tenir compte de l'eventuel cout eleve dessoins, de l'absence d'un regime de securite sociale comparable au notre,ou de la faiblesse des revenus dont pourrait disposer la personne,
- et que l'impossibilite pour etre consideree comme « absolue » impliqueuniquement que les soins necessaires sont totalement inexistants, qu'ils'agisse de structures hospitalieres ou de l'acces aux medicaments,
alors qu'il releve par ailleurs qu'en Pologne, pays ou devraient rentrerles demandeurs, ceux-ci n'auront pas acces aux soins de sante dont doitbeneficier le demandeur atteint d'une maladie grave susceptible si untraitement approprie n'est pas applique d'avoir des consequences fatales,puisque à defaut pour les demandeurs de disposer d'un travail, ils ferontl'objet de discriminations en ce qui concerne l'acces aux soins des sante,qui leur sera par ailleurs impossible,
viole les articles 23 de la Constitution, 1er, et 57, S:S: 1er et 2, de laloi du 8 juillet 1976 vises au moyen et 3 et 8 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales.
Il ne justifie pas legalement sa decision.
III. La decision de la Cour
Sur le second moyen :
Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen par le defendeur, et deduitedu defaut d'interet :
L'examen de la fin de non-recevoir ne peut etre dissocie de celui dumoyen.
La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.
Sur le fondement du moyen :
L'aide sociale qui, comme l'affirme l'article 1er, alinea 1er, de la loidu 8 juillet 1976 organique des centres publics d'action sociale, a pourbut de permettre à chacun de mener une vie conforme à la dignitehumaine, est, en vertu du second alinea du meme article, assuree par lescentres publics d'action sociale dans les conditions que cette loidetermine.
En vertu de l'article 57, S: 2, alinea 1er, 1DEG, par derogation auxautres dispositions de cette loi, la mission du centre public d'actionsociale se limite à l'octroi de l'aide medicale urgente à l'egard d'unetranger qui sejourne illegalement dans le royaume.
Faisant usage de son pouvoir de determiner les conditions d'exercice dudroit à l'aide sociale, le legislateur a, pour ne pas desservir lapolitique concernant l'acces au territoire, le sejour, l'etablissement etl'eloignement des etrangers, entendu par cette disposition decourager lesetrangers qui y sont vises de prolonger leur sejour en Belgique.
Il s'ensuit que cette limitation ne s'applique pas à un etranger qui,pour des raisons medicales, est dans l'impossibilite absolue de donnersuite à un ordre de quitter le territoire, à defaut d'avoireffectivement acces à des soins de sante adequats dans son pays d'origineou dans un autre Etat oblige de le reprendre.
L'arret constate que le demandeur est d'origine russe, refugie politiquereconnu en Pologne et autorise à sejourner dans ce pays, qu'il « souffred'une maladie grave [...] susceptible d'avoir des consequences fatales siun traitement approprie n'est pas applique », qu'il est en sejour illegalen Belgique et qu'un ordre de quitter le territoire lui a ete notifie.
Recherchant si le demandeur aurait acces en Pologne aux soins de santenecessaires pour « garantir [sa] survie », l'arret considere que « lanotion d'impossibilite d'[...] acces aux soins de sante necessaires [...],pour etre consideree comme absolue, implique que [ces soins] soienttotalement inexistants, qu'il s'agisse des structures ou de l'acces auxmedicaments » mais que cette notion n'implique aucune considerationrelative à l'eventuel cout eleve de ces soins, à l'absence d'un regimede securite sociale comparable au notre ou à la faiblesse des revenus. Ilrefuse pour ce motif d'examiner si les circonstances constateesempecheraient le demandeur d'avoir effectivement acces auxdits soins desante.
En decidant, par ces considerations, que le demandeur ne prouve pas qu'il« ne pourrait disposer en Pologne [...] des memes traitements necessitespar son etat qu'en Belgique » et qu' « il ne peut dans ces conditionsetre conclu à l'existence d'une impossibilite absolue pour motif medicalqui fasse obstacle à l'execution de l'ordre de quitter le territoire etau retour [du demandeur] vers la Pologne, avec pour consequence quel'article 57, S: 2, [de la loi du 8 juillet 1976] doit recevoirapplication », l'arret viole cette disposition legale.
Dans cette mesure, le moyen est fonde.
Sur les autres griefs :
Il n'y a pas lieu d'examiner le premier moyen, qui ne saurait entrainerune cassation plus etendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il dit l'appel recevable ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour du travail de Mons.
Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillers DidierBatsele, Martine Regout, Mireille Delange et Marie-Claire Ernotte, etprononce en audience publique du quinze fevrier deux mille seize par lepresident de section Albert Fettweis, en presence de l'avocat general JeanMarie Genicot, avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
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| F. Gobert | M.-Cl. Ernotte | M. Delange |
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| M. Regout | D. Batsele | A. Fettweis |
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15 FEVRIER 2016 S.15.0041.F/4
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