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15/02/2016 | BELGIQUE | N°C.15.0192.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 15 février 2016, C.15.0192.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.15.0192.F

ZINOUN & OUAZZANI, societe en nom collectif exerc,ant son activite sousla denomination Abare, dont le siege social est etabli à MaSidi Harazem(Maroc), route de Taza, km 15 BP 38,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

1. J.E.,

2. A. F.,

3. N. V.-F.,

defenderesses en cassation,

representees par

Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Regence, 4...

Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.15.0192.F

ZINOUN & OUAZZANI, societe en nom collectif exerc,ant son activite sousla denomination Abare, dont le siege social est etabli à MaSidi Harazem(Maroc), route de Taza, km 15 BP 38,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

1. J.E.,

2. A. F.,

3. N. V.-F.,

defenderesses en cassation,

representees par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Regence, 4, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 9 octobre 2013par la cour d'appel de Mons, statuant comme juridiction de renvoi ensuitede l'arret de la Cour du 23 juin 2011.

Par ordonnance du 28 janvier 2016, le premier president a renvoye la causedevant la troisieme chambre.

Le 28 janvier 2016, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l'avocat general JeanMarie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

Dans la requete en cassation jointe au present arret en copie certifieeconforme, la demanderesse presente deux moyens.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

En vertu de l'article 1110, alinea 1er, du Code judiciaire, la cassationavec renvoi remet les parties, dans les limites de la cassation, dansl'etat ou elles se trouvaient devant le juge dont la decision a etecassee.

Il appartient au juge de renvoi de determiner lui-meme, sous le controlede la Cour en cas de pourvoi, les limites de sa saisine.

En regle, la cassation est limitee à la portee du moyen qui en est lefondement.

L'arret de la cour d'appel de Liege du 30 aout 2007 considere que « lavente a ete realisee à la fois par la societe [anonyme Frankignoulle] etpar R.F. et que tous deux doivent repondre de leurs manquements en qualitede vendeur » et, « en ce qui concerne le dommage », qu' « il n'y a paslieu à restitution du prix, la marchandise restant en possession desacheteurs », et que, « par contre, [la demanderesse] a subi un dommagepar la defaillance de la societe anonyme Frankignoulle et de l'ayant droitdes defenderesses » qu'il fixe à titre definitif à la sommeprovisionnelle allouee par le premier juge.

Il ressort de l'arret de la Cour du 23 juin 2011 que le moyen declarefonde faisait grief à l'arret de la cour d'appel de Liege de refuser defaire droit à l'action resolutoire exercee par la demanderesse au seulmotif qu'il n'y a pas lieu à restitution du prix, la marchandise restanten possession des acheteurs.

L'arret attaque considere que, « dans le cas [...] d'une vente liee avecpluralite de parties, la resolution partielle d'une des obligationsdivisibles de la convention ne pourra etre prononcee qu'à l'egard desseules parties concernees par l'obligation en question », qu'« enl'espece, le camion numero un etait la propriete de la societe anonymeFrankignoulle à laquelle le prix relatif à cette partie de la conventionfut paye » et que « R. F. n'etait, à titre personnel, pas concerne parcette obligation particuliere ». Il en deduit que « la demande [deresolution] ne saurait, le cas echeant, etre fondee qu'à l'egard de la[premiere defenderesse] qualitate qua et non [des deuxieme et troisiemedefenderesses] en leur qualite d'heritieres de feu leur pere ».

En decidant que seule la societe anonyme Frankignoulle etait concernee parla vente et devait repondre des manquements, l'arret attaque meconnaitl'etendue de la cassation prononcee par l'arret de la Cour du 23 juin2011, partant viole la disposition legale precitee.

Le moyen est fonde.

Sur le second moyen :

Quant à la premiere branche :

Apres avoir releve que « [la demanderesse] reclame l'indemnisation de laperiode de chomage du vehicule [...] pendant douze ans », l'arretconsidere que, « si le taux journalier avance apparait raisonnable, iln'en est pas de meme de la duree de chomage pour laquelle une reparationest sollicitee ».

L'arret releve que, « dans un premier temps, [la demanderesse] a puconserver l'espoir de voir circuler son camion », que, « cependant, desla reception du courrier du 10 decembre 1993 des services du premierministre du Maroc, elle ne pouvait ignorer que le camion numero un neserait pas homologue et ne serait pas admis à la circulation sur la voiepublique » et qu'il faut « tenir compte de la difficulte de trouver unvehicule similaire au camion numero un » tout comme « des possibilitesqu'avait [la demanderesse] d'acquerir ou de louer un autre engin deforage ».

Sur la base de ces enonciations, l'arret considere que « le chomage duvehicule doit donc etre indemnise pour la periode allant du 1er mai 1993,date de mise en service prevue, au 10 decembre 1993 ».

L'arret, qui determine ainsi, par une appreciation des elements de lacause, la periode de chomage du vehicule en tenant compte des mesures quiauraient pu etre raisonnablement prises par la demanderesse, repond auxconclusions de cette derniere qui soutenait ne pouvoir prendre aucunemesure pour limiter son prejudice, sans qu'il soit tenu de repondre enoutre à chacun des arguments qui ne constituaient pas des moyensdistincts.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la deuxieme branche :

La lettre des services du premier ministre du Maroc du 10 decembre 1993enonce que « l'homologation des trois vehicules demeure conditionnee parla presentation des documents suivants : - pour le premier camion : revuetechnique descriptive des caracteristiques des freins ; - pour le deuxiemecamion : attestation precisant le numero complet du chassis du vehicule. Adefaut de cette attestation, il vous est conseille de vous orienter versle centre d'immatriculation aupres duquel le vehicule est enregistre ; -pour le troisieme camion : duplicata de la plaque du constructeur pourl'identification du camion et attestation de conformite du camion dontl'origine est sans sigle ».

L'arret releve que « la carte grise du vehicule numero un reprend lenumero de chassis DO1817 et l'immatriculation BCR 104 », que « lasociete anonyme Frankignoulle retint deliberement le certificatd'immatriculation relatif au camion numero un pendant pres de trois moisapres son exportation vers le Maroc », qu' « il est constant que lenumero de chassis frappe sur le vehicule numero un ne correspondait pas àcelui figurant sur le certificat d'immatriculation remis à [lademanderesse] » et que « par courrier du 10 decembre 1993, les servicesdu premier ministre marocain avisaient [la demanderesse] de ce quel'homologation des camions [...] demeurait conditionnee à leuridentification ».

En considerant que, des la reception de ce courrier, la demanderesse « nepouvait ignorer que le camion numero un ne serait pas homologue et neserait pas admis à la circulation sur la voie publique », l'arret seborne à apprecier les consequences de la discordance averee entre lenumero de chassis figurant sur le vehicule et celui du certificatd'immatriculation et de l'impossibilite pour la societe anonymeFrankignoulle d'y remedier par la production d'un certificatd'immatriculation valable alors que les autorites marocaines soumettaientl'homologation du vehicule à sa delivrance, sans donner de cet acte uneinterpretation inconciliable avec ses termes et, partant, sans violer lafoi qui lui est due.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la troisieme branche :

Dans leurs conclusions, les defenderesses « contestaient [...] lecaractere necessaire et inevitable du prejudice invoque par [lademanderesse], dans la mesure ou le materiel de forage pouvaitparfaitement etre retire du camion et etre place sur un autre vehicule »ainsi que « le montant et l'evaluation de ce pretendu prejudice ».

L'arret qui, sur la base des considerations reproduites dans la reponse àla premiere branche du moyen, dont celle portant sur la lettre adresseepar les autorites marocaines le 10 decembre 1993, determine, par uneappreciation des elements de la cause, l'etendue du prejudice subi par lademanderesse en raison de l'immobilisation du vehicule, ne souleve pas unmoyen d'office et ne meconnait pas le droit de defense de la demanderesse.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la quatrieme branche :

Dans leurs conclusions, les defenderesses insistaient sur ce qu' « unseul engin posait probleme », que « selon [la demanderesse], cet enginest evalue à 37.000 euros, soit à peine 30 p.c. du montant total de lavente », qu' « il est inconcevable de prononcer la resolution de lavente lorsque seuls 30 p.c. de la vente sont contestes » en sorte que lademanderesse « ne peut que reclamer le prejudice de 37.000 euros ».

L'arret, qui considere que la « contrevaleur du camion numero un au jourde la vente » s'eleve à « la somme de 29.871,16 euros » et condamnedes lors la premiere defenderesse à payer ce montant, n'eleve pas unecontestation portant sur la valeur du vehicule dont les parties excluaientl'existence.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la cinquieme branche :

Dans ses conclusions, la demanderesse declarait « [etre] fondee àreclamer les dommages et interets suivants » dont le « cout del'immobilisation des vehicules au port » de 4.850,38 euros.

L'arret « condamne [la premiere defenderesse] personnellement etqualitate qua à payer à [la demanderesse] la somme de 57.746,16 euros(29.871,16 euros + 27.875 euros) » et « deboute [la demanderesse] dusurplus de sa demande ».

En l'absence de conclusions developpant des moyens à l'appui de cettedemande, l'arret, qui rejette la demande d'indemnite pour l'immobilisationdu vehicule au port, n'etait pas tenu d'indiquer les elements de faitfondant sa decision.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il dit la demande de la demanderesse nonfondee à l'egard des deuxieme et troisieme defenderesses et qu'ilcondamne la demanderesse aux depens envers ces parties ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Condamne la demanderesse à la moitie des depens et reserve le surpluspour qu'il soit statue sur celui-ci par le juge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Bruxelles.

Les depens taxes à la somme de sept cent douze euros sept centimes enversla partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillers DidierBatsele, Martine Regout, Mireille Delange et Marie-Claire Ernotte, etprononce en audience publique du quinze fevrier deux mille seize par lepresident de section Albert Fettweis, en presence de l'avocat general JeanMarie Genicot, avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.

+------------------------------------------+
| F. Gobert | M.-Cl. Ernotte | M. Delange |
|-----------+----------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | A. Fettweis |
+------------------------------------------+

Requete

1er feuillet

REQUETE EN CASSATION

________________________

Pour : la societe en nom collectif ZINOUN & OUAZZANI, exerc,ant son

activite sous la denomination ABARE, dont le siege social est etabli au

Maroc à Ma-Sidi Harazem, route de Taza, km 15 BP 38,

demanderesse,

assistee et representee par Me Jacqueline Oosterbosch, avocate à la Courde cassation, dont le cabinet est etabli à 4020 Liege, rue deChaudfontaine, 11, ou il est fait election de domicile,

Contre : 1DEG. Mme J.E.,

2DEG. Mme A. F,

3DEG. Mme N. V.-F.,

ayant toutes trois elu domicile en l'etude de Me Didier Grignard, rue

des Champs, 58 à 4020 Liege,

defenderesses.

2eme feuillet

A Messieurs les Premier President et Presidents, Mesdames et Messieursles Conseillers composant la Cour de cassation,

Messieurs, Mesdames,

La demanderesse a l'honneur de deferer à votre censure l'arret renducontradictoirement entre les parties par la vingt-et-unieme chambre de lacour d'appel de Mons le 9octobre 2013 (n" 2012/RG/338).

Les faits et antecedents de la cause, tels qu'ils ressortent des piecesauxquelles votre Cour peut avoir egard, peuvent etre ainsi brievementresumes.

La demanderesse a acquis en 1992 à la s.a. Frankignoulle, en vued'effectuer au Maroc des activites de forage, du materiel d'outillage etdes accessoires de foragemontes sur un camion. Elle a ensuite constate que cette societe avaitmanque à son obligation dedelivrance - principalement d'une carte grise conforme au numero dechassis du camion -, ce quieut pour consequence que les autorites marocaines ont refuse lacirculation de celui-ci sur la voiepublique. Cette situation a cause à la demanderesse un grave prejudicecommercial.

Par exploit du 18 mars 1994, la demanderesse et M. A. Z. en sonnom personnel (ci-apres: A.Z.) ont cite la s.a. Frankignoulle et M. R.F.,sonadministrateur-delegue (ci-apres: R.F.), devant le tribunal de premiereinstance de Liege afin d'etreindemnises de ce prejudice.

M. Rene Frankignoulle etant decede le 18 janvier 1995, sa veuve,defenderesse sub 1DEG, et ses filles, defenderesses sub 2DEG et 3DEG, ontrepris l'instance par acte du 6 mars

1995.

3eme feuillet

Apres avoir rouvert les debats par jugement du 4 avril 1996, la septiemechambre du tribunal, par jugement du 18 fevrier 1998, a retenu que "ladefaillance du vendeur estetablie", que "tant la s.a. Frankignoulle que M. F. personnellementdoivent repondre deleurs manquements en qualite de vendeurs", que la demanderesse "a subi undommage par (cette)defaillance" mais que l'evaluation de celui-ci n'est pas encore possible.Il a alloue à lademanderesse 350.000 BEF à titre provisionnel, a deboute le sieur Z.deson action en retenantqu'il n'a subi aucun dommage personnel, a renvoye la cause au role et areserve les depens.

Saisie de l'appel des defenderesses et de la s.a. Frankignoulle, interjeteparrequete deposee le 14 avril 1999, la vingtieme chambre de la cour d'appelde Liege, par arret du 30aout 2007, a rec,u l'action et a decide que c'est "avec raison que lepremier juge a estime que lavente avait ete realisee à la fois par la societe et par monsieur F.etque tous deuxdevaient repondre de leurs manquements en qualite de vendeur", que cesmanquements consistentdans le fait de s'etre "abstenu(s) de donner toutes les informationsutiles à l'acheteur" et d'avoir"manque à (leur) obligation de delivrance en ne remettant pas lesaccessoires indispensables de lachose", que le sieur Z. "ne justifie pas avoir subi un dommage distinctde celui de sa societe",qu'à l'egard de cette derniere, "il n'y a pas lieu à restitution duprix, la marchandise restant enpossession des acheteurs", que la demanderesse "a subi un dommage par ladefaillance de la s.a.Frankignoulle et de l'ayant droit des defenderesses" et "que le montantaccorde par le premier jugeà titre provisionnel doit etre maintenu mais à titre definitif', outreun euro provisionnel pour lesfrais de defense, les depens d'appel etant compenses.

La s.a. Frankignoulle fut ensuite mise en liquidation, la defenderesse sub1DEGetant designee liquidatrice, et cette liquidation fut cloturee le 16 juin2009.

L'arret du 30 aout 2007 a fait l'objet d'un pourvoi qui fut accueilli parunarret de la Cour du 23 juin 2011, lequel a casse l'arret, sauf en tantqu'il rec,oit les appels, au motifqu'apres avoir constate que la demanderesse sollicitait, en consequencedes manquements duvendeur entrainant l'inutilite de la vente du camion, la restitution duprix et des dommages etinterets complementaires, le vendeur ayant manque à son obligation dedelivrance en ne remettant

4eme feuillet

pas les accessoires indispensables de la chose - soit un certificat deconformite mentionnant unnumero de chassis qui n'est pas celui frappe sur le vehicule -, la courd'appel n'avait pu, sans violerl'article 1184 du Code civil, refuser de faire droit à la demande derestitution du prix au seul motifque "la marchandise reste en possession de l'acheteur", des lors qu'ilappartient au juge quiprononce la resolution d'une vente d'ordonner les restitutionsreciproques, soit celle de la chosevendue et celle du prix.

La demanderesse a cite les defenderesses devant la cour d'appel de Mons,juridiction de renvoi, par exploit du 14 mars 2012, poursuivant lareparation integrale de sondommage, soit l'allocation d'une somme en principal de 177.770,49 EUR,portee en conclusions aumontant provisionnel en principal de 589.535,41 EUR, et sollicitant, àtitre subsidiaire, la designationd'un expert comptable charge d'evaluer le prejudice definitif subi par lademanderesse du fait de lanon delivrance d'une carte grise conforme au numero de chassis du camionet de l'impossibilite endecoulant d'utiliser le materiel de forage qui l'equipe. La demanderesse aforme une demandenouvelle contre la defenderesse sub 1DEG, recherchant sa responsabilitepersonnelle pour clotureprematuree et fautive de la liquidation de la societe de son epoux.

Les defenderesses ont conclu, à titre principal, à l'irrecevabilite desdemandes, subsidiairement à leur non fondement et encore plussubsidiairement à la confirmationde l'arret de la cour d'appel de Liege du 30 aout 2007.

L'arret attaque dit l'appel principal de la defenderesse sub 1DEG nonfonde etl'en deboute, l'appel principal des defenderesses sub 2DEG et 3DEG fonde,l'appel incident de lademanderesse partiellement fonde et sa demande additionnelle recevable etpartiellement fondee. Ilconfirme le jugement du 4 avril 1996, met à neant celui du 18 fevrier1998, dit la demande de lademanderesse non fondee en tant que dirigee contre les defenderesses sub2DEG et 3DEG et partiellementfondee pour le surplus, "prononce la resolution de la vente de la colonne66 STEENWICK monteesur chassis camion diesel INTERNATIONAL trois essieux de couleur verte 12tonnes (vehicule n"1) aux torts et griefs de (la defenderesse sub 1DEG) qualitate qua" etcondamne cette derniere, tantpersonnellement que qualitate qua, à payer à la demanderesse la somme de57.746,16 EUR, majoree

o

5eme feuillet

des interets au taux legal depuis les 1er mai et 22 aout 1993. Lademanderesse est deboutee dusurplus de sa demande, la defenderesse sub 1DEG est condamnee,personnellement et qualitate qua,aux frais et depens de la demanderesse, reduits à la somme de 5.605,21EUR, et celle-ci est condamneeaux frais et depens des defenderesses sub 2DEG et 3DEG, reduits à lasomme de 1.812,46 EUR.

A l'encontre de cet arret, la demanderesse croit pouvoir proposer les

moyens suivants.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Dispositions legales violees

Les articles 1082, alinea 1er, 1095 et 1110, alinea 1er, du Codejudiciaire.

Decision critiquee

L'arret attaque "prononce la resolution de la vente de la colonne 66STEENWICK montee sur chassis camion diesel INTERNATIONAL trois essieux decouleur verte12 tonnes (vehicule nDEG 1) aux torts et griefs de (la defenderesse sub1DEG) qualitate qua" et condamnecette derniere, tant personnellement que qualitate qua, à payer à lademanderesse la somme de57.746,16 EUR, majoree des interets au taux legal depuis les 1er mai et22 aout 1993, mais dit enrevanche l'appel principal des defenderesses sub 2DEG et 3DEG fonde et lademande de la demanderessenon fondee en tant que dirigee contre ces dernieres, et condamne lademanderesse aux frais etdepens des defenderesses sub 2DEG et 3DEG, aux motifs que:

6eme feuillet

"La vente litigieuse doit s'analyser comme vente dite liee ou conjointe,laquelle consiste dans le chef d'un ou plusieurs vendeurs, à proposer ouvendre plusieurs produitsdans un meme lot sans proposer ces produits separement au meme prix.

Lorsque, meme en presence d'une partie plurale, la vente conjointe estconc,ue comme un tout indivisible, il y a lieu à resolution de l'ensembledes obligations du contrat.

Inversement, une vente liee donnant lieu à des obligations connexes maisdivisibles, c'est à dire detachables du reste de la relationcontractuelle, telle que celle intervenueentre parties, peut donner lieu à resolution partielle de l'une d'entreelles (...).

Dans le cas cependant d'une vente liee avec pluralite de parties laresolution partielle d'une des obligations divisibles de la convention nepourra etre prononcee qu'àl'egard des seules parties concernees par l'obligation en question.

En l'espece le camion nDEG1 etait la propriete de la SA FRANKIGNOULLE àlaquelle le prix relatif à cette partie de la convention fut paye.

En d'autres termes, (R.F.) n'etait, à titre personnel, pas concerne parcetteobligation particuliere.

Il en decoule que ce chef de demande ne saurait, le cas echeant, etrefondequ'à l'egard de (la defenderesse sub 1DEG) qualitate qua (v. infra) etnon (des defenderesses sub 2DEG et3DEG) en leur qualite d'heritieres de feu leur pere".

Grief

Aux termes de l'article 1082, alinea 1er, du Code judiciaire, si l'arretou lejugement attaque contient plusieurs chefs, la requete enonce l'indicationprecise de ceux contrelesquels le pourvoi est dirige. Aux termes de l'article 1095 de ce code,la Cour ne peut connaitreque des chefs de la decision indiques dans la requete introductive. Envertu de l'article 1110 de cecode, lorsque la cassation est prononcee avec renvoi, celui-ci a lieudevant une juridictionsouveraine du meme rang que celle qui a rendu la decision attaquee.

7eme feuillet

Il se deduit de ces dispositions que la cassation prononcee est limiteeauxchefs de la decision contre lesquels le pourvoi etait dirige, et que lejuge saisi d'un litige sur renvoiapres cassation n'a de pouvoir de juridiction que dans les limites del'etendue de la cassationprononcee. Il appartient au juge devant lequel la contestation estrenvoyee de statuer dans leslimites du renvoi et de l'etendue de la cassation intervenue, laquelle,quels que soient les termesemployes, est necessairement limitee à la portee du moyen que la Couraccueille.

Dans son arret du 30 aout 2007, la cour d'appel de Liege, à l'instar dupremier juge, "a estime que la vente avait ete realisee à la fois par lasociete et par (R.F.) et quetous deux devaient repondre de leurs manquements en qualite de vendeur".

Le pourvoi forme à l'encontre de cet arret lui faisait grief, "apresavoir, sansetre critique de ce chef', retenu notamment que tant la s.a. Frankignoulleque le sieur R.F. à titrepersonnel revetaient la qualite de vendeurs, de n'avoir pas legalementjustifie, au regard de l'article1184 du Code civil, sa decision de ne pas allouer la restitution du prixde vente que lademanderesse postulait en consequence de la faute commise, outrel'allocation de dommages etinterets complementaires.

L'arret de la Cour du 30 juin 2011 enonce qu"'il appartient au juge quiprononce la resolution de la vente d'ordonner les restitutionsreciproques, soit celle de la chosevendue et celle du prix. L'arret (attaque) constate que la demanderesseestime que «lesmanquements du vendeur ont entraine l'inutilite de la vente du camion nDEG1 et justifient larestitution du prix et des dommages et interets complementaires» etconsidere que «le vendeur amanque à son obligation de delivrance en ne remettant pas les accessoiresindispensables de lachose; le certificat de conformite ne correspondait pas à la chosevendue, le document mentionnantun numero de chassis qui n'est pas celui frappe sur le vehicule». Enrefusant de faire droit à lademande de restitution du prix au seul motif que «la marchandise [reste]en possession del'acheteur», l'arret viole la disposition legale precitee".

8eme feuillet

La determination de la ou des personne(s) ayant la qualite de vendeur(s),d'une part, et des consequences d'un manquement de celui ou ceux-ci,d'autre part, sont, au point devue de l'etendue de la cassation, deux dispositifs distincts entrelesquels il n'existe aucun liennecessaire. La cassation prononcee par l'arret du 23 juin 2011 n'atteintque le dispositif, seulcritique par le pourvoi, selon lequel "il n'y a pas lieu à restitution duprix, la marchandise restanten possession des acheteurs". Elle ne s'etend pas à la decision relativeà l'identite des partiesvenderesses, laquelle n'est pas indissociable et n'est pas une consequencedu dispositif refusant larestitution du prix.

Il s'en deduit que l'arret attaque, en statuant à nouveau sur la questiondel'identite des parties venderesses et en considerant que "(R.F.) n'etait,à titre personnel, pasconcerne par cette obligation particuliere" relative au camion nDEG 1, deslors que celui-ci "etait lapropriete de la SA FRANKIGNOULLE à laquelle le prix relatif à cettepartie de la convention futpaye", alors que la decision rendue à ce propos par la cour d'appel deLiege n'a pas fait l'objet dupourvoi en cassation anterieur de la demanderesse, confere à l'arret dela Cour du 23 juin 2011 uneetendue qu'il n'a pas et excede son pouvoir de juridiction pour connaitredu litige dans les limitesou il etait soumis aux juges de renvoi (violation des dispositions viseesau moyen).

Developpements du premier moyen

La demanderesse se refere aux arrets de la Cour des 28 janvier 2011 (Pas.,nDEG 87), 6 mars 2014 (Pas., nDEG 180) et 8 mai 2014 (nDEGC.13.0506.N).

Sur ce que la cassation est toujours necessairement limitee, quels quesoientles termes employes, à la portee des moyens en vertu desquels elle estprononcee, voy. eg. Cass.,

13 janvier 2005, Pas., nDEG 22; 18 septembre 1997, Pas., 1997, I, 873; 21juin 1982, Pas., 1982, I,1226, avec les concl. de M. le procureur general Charles; A. Meeus,L'etendue de la cassation enmatiere civile, R.C.J.B. 1986, p. 268; P. Gerard et M. Gregoire,Introduction à la methode de laCour de cassation, Rev. Dr. U.L.B., 1999, p. 164.

9eme feuillet

Sur ce que le juge qui connait d'un litige en tant que juridiction derenvoiensuite d'une cassation ne peut exercer sa juridiction que dans leslimites dans lesquelles lacassation a ete prononcee, voy. eg. Cass., 15 decembre 2003, Pas., nDEG646; P. Gerard et M.Gregoire, op. cit., p. 161; G. Closset-Marchal, y a-t-il une reformationpar voie de consequence?,R.C.J.B., 2004, p. 398. Il s'en deduit que le dispositif non attaque ounon annule de la decisionattaquee, qui est distinct meme au point de vue de l'etendue de lacassation et contre lequel unpourvoi en cassation n'est ainsi plus admissible, ne peut plus etre remisen discussion devant le jugede renvoi (rappr. Cass., 13 fevrier 2006, Pas., n? 92, J.T., 2006, p. 271,et les concl. de M. leprocureur general Leclercq, alors premier avocat general).

SECOND MOYEN DE CASSATION

Dispositions violees

- les articles 1134, alinea 3, 1149, 1184, 1319, 1320, 1322, 1382 et 1383du Code civil;- l'article 1138, 2DEG et 3DEG, du Code judiciaire;

- le principe general du droit imposant le respect des droits de ladefense;

- le principe general du droit dit principe dispositif, consacre notammentpar l'article 1138,2DEG, du Code judiciaire;

- l'article 149 de la Constitution.

Decision critiquee

Apres avoir constate "que le numero de chassis frappe sur le vehicule nDEG1

ne correspondait pas à celui figurant sur le certificat d'immatriculationremis à la SNC ABARE, cequi entraina sa saisie et son immobilisation par les autoritesmarocaines", alors "que le materiel de

10eme feuillet

forage litigieux etait specialement monte sur un chassis de camion afin depermettre sondeplacement de chantier en chantier, que ce soit en Belgique ou au Maroc",et decide que"l'absence de fourniture d'un certificat d'immatriculation valableconstitue un defaut de conformitemajeur par lequel le vendeur a failli à son obligation de delivrance, cequi justifie la resolution dela vente à ses torts et griefs" (arret, p. 9), et apres avoir rappele lesprincipes applicables aux "effetsde la resolution", laquelle entraine des restitutions qui "peuvent etreaccompagnees de dommages-interets lorsque le creancier demontre que du fait de l'inexecution il asubi un dommage (article1184 al2 du Code civil)" (arret, p. 10), l'arret attaque "prononce laresolution de la vente de lacolonne 66 STEENWICK montee sur chassis camion diesel INTERNATIONAL troisessieux decouleur verte 12 tonnes (vehicule nDEG 1) aux torts et griefs de (ladefenderesse sub 1DEG) qualitate qua"et condamne cette derniere, tant personnellement que qualitate qua, àpayer à la demanderesse lasomme de 57.746,16 EUR, majoree des interets au taux legal depuis les 1er mai et 22 aout 1993,deboutant la demanderesse du surplus de sa demande, aux motifs, reprissous le titre "Applicationau cas d'espece", que (arret, pp. 10-11) :

"En l'espece il convient de relever que la SA FRANKIGNOULLE retintdeliberement le certificat d'immatriculation relatif au camion nDEG 1pendant pres de trois mois apresson exportation vers le Maroc, ce qui rendit plus difficile laverification de la concordance desnumeros de chassis par la SNC ABARE.

(La defenderesse sub 1DEG) qualitate qua ne peut reprocher à la SNC ABAREde ne pas etre en mesure de restituer le camion litigieux, à supposerqu'il existe encore, celui-ciayant ete bloque par les autorites marocaines des son arrivee au Maroc enraison de l'absence decertificat d'immatriculation valable.

Il convient de condamner (la defenderesse sub 1DEG) qualitate qua àrembourser à la SNC ABARE la somme de 1.205.000 BEF (soit 29.871, 16EUR),contrevaleur ducamion nDEG 1 au jour de la vente.

La SNC ABARE reclame l'indemnisation de la periode de chomage duvehicule litigieux qu'elle evalue à 125EURpar jour pendant 12 ans soit547.500EUR.

Si le taux journalier avance apparait raisonnable, il n'en est pas de memede la duree du chomage pour laquelle une reparation est sollicitee.

11eme feuillet

Tout prejudicie a l'obligation de reduire son dommage dans la mesure du

possible.

Certes dans un premier temps la SNC ABARE a pu conserver l'espoir devoir circuler son camion, espoir d'ailleurs entretenu par la SAFRANKIGNOULLE qui contestait àtort la necessite d'une carte d'immatriculation conforme.

Cependant des la reception du courrier du 10.12.1993 des services dupremier ministre du Maroc elle ne pouvait ignorer que le camion nDEG 1 neserait pas homologue etne serait pas admis à la circulation sur la voie publique.

Le chomage du vehicule doit donc etre indemnise pour la periode allant du01.05.1993, date de mise en service prevue, au 10.12.1993 soit: 223 joursx 125EUR = 27.875EUR, delaitenant compte de la difficulte de trouver un vehicule similaire au camionnDEG 1.

La SNC ABARE invoque egalement une perte de benefices.

S'il apparait indeniable que la SNC ABARE a pu rencontrer des difficultesd'exploitation pendant quelques mois suite à l'impossibilite d'utiliserle vehicule, il lui appartenaitcependant de prendre toutes dispositions utiles pour reduire son dommagepar exemple en louantou en faisant l'acquisition d'un materiel de remplacement".

Griefs

Premiere branche

Les defenderesses se bornaient, quant aux dommages et interets reclames,àsoutenir que la demanderesse et A.Z. à titre personnel "ne demontrentnullement (qu'ils) ont pristoutes les precautions pour la preservation du materiel et ont parconsequent augmente le prejudicesubi. (Ils) ne l'ont en tout cas pas limite" (concl. add. app., p. 30), età contester "le caracterenecessaire et inevitable du prejudice invoque ( ... ), dans la mesure oule materiel de forage pouvaitparfaitement etre retire du camion et place sur un autre vehicule;autrement dit, il etait parfaitementpossible de supprimer ce pretendu prejudice dont seuls les demandeursoriginaires ont à repondre"(pp. 52-53), faisant valoir "que les activites de la societe ABARE sont detrois types et non d'un

12eme feuillet

seul type; qu'elle a ainsi pu poursuivre, contrairement à ce qu'elleaffirme, une activite malgrel'impossibilite reelle ou non d'utiliser la machine-outil de forage" (p.53) et que "rien ne prouve que

le materiel vendu n'a pas ete utilise par les demandeurs originaires surchantier" (p. 55)

La demanderesse faisait pour sa part valoir qu'il etait impossible decharger

le materiel de forage sur un autre vehicule (concl. synth., p. 15),qu'elle n'avait pas eu, en raison de

la faute commise par le vendeur, la possibilite de disposer de la pieceessentielle du materiel de

forage acquis, lequel devait lui permettre les travaux de forage envisages(p. 24), que les charges

financieres auxquelles elle etait confrontee avaient ete calculees pouretre supportables dans

l'hypothese d'une exploitation effective de l'entreprise, que lesdefenderesses de demontraient pas

qu'il serait possible de retirer ledit materiel de forage du camionlitigieux et de le placer sur un

autre vehicule, qu'elles savaient que la demanderesse ne possedait pasd'autre vehicule d'une telle

importance (p. 25), qu'elle etait dans l'incapacite de rembourser lesprets contractes (p. 26) et ne

disposait donc d'aucune liquidite, que la perte de travaux à realiseretait certaine, faute de disposer

de la piece essentielle, et que le materiel de forage disponible au Marocest du vieux materiel de

forage de puits de petrole inadapte pour forer des puits pourparticuliers, etant trop lourd, trop

encombrant et creusant des diametres trop grands (p. 27).

La victime d'un dommage, qui a droit, en vertu des articles 1382 et 1383du

Code civil, à la reparation integrale du prejudice qu'elle a subi, n'apas l'obligation de restreindre le

dommage dans la mesure du possible, mais doit uniquement prendre lesmesures raisonnables pour

limiter le prejudice et elle n'est tenue de pareille obligation que si teleut ete le comportement d'un

homme raisonnable et prudent.

De meme, en matiere contractuelle, la reparation que le debiteur d'une

obligation doit au creancier, en cas d'inexecution fautive de celle-ci,doit, en vertu de l'article 1149

du meme code, etre integrale, tant pour la perte subie que pour le gaindont ce dernier est prive,

et l'article 1134, alinea 3, du meme code, qui dispose que les conventionsdoivent etre executees de

13eme feuillet

bonne foi, n'impose pas au creancier de restreindre son dommage dans toutela mesure du possible,mais uniquement de prendre les mesures raisonnables qui permettent demoderer ou de limiter sonprejudice.

En vertu de l'article 1184 du Code civil, lorsqu'une partie à un contratsynallagmatique ne satisfait point à son engagement, la partie enverslaquelle cet engagement n'apoint ete execute peut demander la resolution du contrat avec dommages etinterets.

Apres avoir releve, dans le chef du vendeur, "un defaut de conformitemajeur par lequel (celui-ci a failli à son obligation de delivrance, cequi justifie la resolution de lavente à ses torts et griefs", l'arret attaque considere que "des lareception du courrier du 10.12.1993des services du premier ministre du Maroc (la demanderesse) ne pouvaitignorer que le camion

NDEG1 ne serait pas homologue et ne serait pas admis à la circulationsur la voie publique" etn'indemnise "le chomage du vehicule" que "pour la periode allant du01.05.1993, date de mise enservice prevue, au 10.12.1993 (...), delai tenant compte de la difficultede trouver un vehiculesimilaire au camion nDEG 1", aux motifs que "tout prejudicie al'obligation de reduire son dommagedans la mesure du possible" et qu'il appartenait à la demanderesse "deprendre toutes dispositionsutiles pour reduire son dommage par exemple en louant ou en faisantl'acquisition d'un materiel deremplacement" .

Si l'arret doit etre lu comme imposant à la demanderesse l'obligationabstraite de restreindre son dommage dans la mesure du possible, ce qui leconduit à ne pas luiallouer la reparation integrale du prejudice qu'elle a subi, il n'est paslegalement justifie (violationdes articles 1134, alinea 3,1149,1184, 1382 et 1383 du Code civil).

Si l'arret doit etre lu comme imputant à faute à la demanderesse den'avoirpas acquis ou loue un autre engin de forage, il ne rencontre par aucuneconsideration sesconclusions soutenant qu'il etait impossible de retirer le materiel deforage du camion litigieux et dele placer sur un autre vehicule, qu'elle ne possedait pas d'autre vehiculed'une telle importance,qu'elle etait dans l'incapacite d'honorer les charges financieresauxquelles elle etait confrontee et ne

14eme feuillet

disposait donc d'aucune liquidite, et qu'aucun materiel de foragecomparable et adequat n'etaitdisponible au Maroc, la demanderesse faisant ainsi valoir qu'elle n'auraitpu prendre, in concreto,aucune mesure raisonnable afin de limiter son prejudice, et qu'il nepouvait lui etre reproche den'avoir pas adopte à cet egard le comportement d'un homme raisonnable etprudent. Il n'est, partant,pas regulierement motive (violation de l'article 149 de la Constitution).

Deuxieme branche

Le "courrier du 10.12.1993 des services du premier ministre du Maroc",qu'invoque l'arret attaque, enonce que "l'homologation des trois vehiculesdemeure conditionneepar la presentation des documents suivants :

Pour le premier camion: revue technique descriptive des caracteristiquesdes freins.

Pour le deuxieme camion: attestation precisant le numero complet duchassis du vehicule. A defautde cette attestation, il vous est conseille de vous orienter vers lecentre d'immatriculation aupresduquel le vehicule est enregistre.

Pour le troisieme camion: duplicata de la plaque du constructeur pourl'identification du camion etattestation de conformite du camion dont l'origine est sans sigle".

L'arret attaque, qui considere que "des la reception du(dit) courrier (lademanderesse) ne pouvait ignorer que le camion nDEG1 ne serait pashomologue et ne serait pasadmis à la circulation sur la voie publique", alors que ledit courrier seborne à indiquer quel'homologation des vehicules est conditionnee par la presentation decertains documents, maisn'enonce nullement que cette homologation serait en toute hypotheseexclue, lit dans cette piece uncontenu qui n'y figure pas et meconnait, partant, la foi qui lui est due(violation des articles 1319,1320 et 1322 du Code civil).

15eme feuillet

Troisieme branche

Ainsi qu'il ressort des passages de leurs conclusions reproduits à lapremiere branche du moyen, les defenderesses n'ont nullement articulequ'il se deduirait du courrierdu 10 decembre 1993 que l'arret vise que, des cette date, la demanderesse"ne pouvait ignorer quele camion nDEG1 ne serait pas homologue et ne serait pas admis à lacirculation sur la voie publique",et que, partant, il n'y aurait lieu d'indemniser le chomage du vehiculeque jusqu'à cette date.

L'arret attaque, qui souleve ce moyen d'office sans le soumettre à lacontradiction des parties, meconnait les droits de defense de lademanderesse (violation du principegeneral du droit imposant le respect des droits de la defense).

Quatrieme branche

La demanderesse reclamait, à titre de restitution consecutive à laresolutiondu contrat, le "prix du camion de forage achete en pure perte", qu'ellefixait à 37.184,03 EUR, soit1.500.000 BEF (concl. synth., p. 30). Les defenderesses admettaient que"la valeur de l'engin" quiseul "pose probleme" "s'eleve à 37.148,03 EUR selon les conclusions de laSNC ABARE" (concl. add.app., p. 5), et articulaient "que seul un engin posait probleme" et que,"selon les demandeurs aprescassation, cet engin est evalue à 37.000 EUR", pour en deduire queceux-ci "ne peuvent que reclamerle prejudice (de) 37.000 EUR" (ibid., p. 23).

L'arret attaque, qui "condamne (la defenderesse sub 1DEG) qualitate qua àrembourser à la SNC ABARE la somme de 1.205.000 BEF (soit 29.871,16 EUR,contrevaleur ducamion nDEG1 au jour de la vente", alors que les defenderesses nefaisaient nullement valoir que leprix d'achat du camion litigieux et de la colonne de forage etait de1.205.000 BEF et non de1.500.000 BEF soit 37.148,03 EUR, eleve sur ce point une contestation dontles conclusions desparties excluaient l'existence (violation du principe general du droit ditprincipe dispositif et del'article 1138,2DEG, du Code judiciaire qui le consacre).

16eme feuillet

Cinquieme branche

La demanderesse reclamait le remboursement du "cout de l'immobilisationdes vehicules au port" de Casablanca, soit des frais d'entreposage de48.916 dirhams ou 4.850,38 EUR(concl. synth., p. 30). L'arret attaque, qui ne statue par aucuneconsideration sur ce poste dudommage, etabli par la piece nDEG 53 du dossier de la demanderesse et quise trouve en lien causalavec la faute qu'il declare etablie et qui a conduit à la resolution ducontrat, omet de prononcer surl'un des chefs de demande (violation de l'article 1138,3DEG, du Codejudiciaire) ou, à supposer qu'ill'ait implicitement rejete, ne motive sa decision par aucune consideration(violation de l'article 149de la Constitution).

Developpements du second moyen

En ce qui concerne la premiere branche, sur ce que, des lors que lavictimed'un dommage a droit, en regle, à la reparation integrale du prejudicequ'elle a subi, elle n'a pasl'obligation de restreindre le dommage dans la mesure du possible, maisdoit uniquement prendreles mesures raisonnables pour limiter le prejudice et encore n'est-elletenue de pareille obligationque si tel eut ete le comportement d'un homme raisonnable et prudent, cf.Cass., 14 mai 1992,Bull., n? 478; De Page, Traite de droit civil belge, t. II, Lesobligations, par P. Van Ommeslaghe,vol. 2, Bruylant, 2013, pp. 1655-1658, nDEG 1122.

Sur ce que, pareillement, en vertu de l'article 1149 du Code civil, en casd'inexecution fautive d'une obligation contractuelle, la reparation duepar le debiteur de cetteobligation au creancier doit (sous reserve de l'application des articles1150 et 1151 du code) etreintegrale, tant pour la perte subie que pour le gain dont ce dernier estprive, et sur ce que l'article1134, alinea 3, du Code civil, qui dispose que les conventions doiventetre executees de bonne foi,n'impose pas au creancier de restreindre son dommage dans toute la mesuredu possible, mais lui

17eme feuillet

commande uniquement de prendre, avec loyaute, les mesures raisonnables quipermettent demoderer ou de limiter son prejudice, cf. Cass., 17 mai 2001, Pas., nDEG290, avec les concl. de M.l'avocat general De Riemaecker.

L'arret, qui enonce que "tout prejudicie a l'obligation de reduire sondommage dans la mesure du possible", n'est pas legalement justifie auregard de cet enseignement.

S'il doit etre lu comme imputant à faute à la demanderesse de n'avoirpasacquis ou loue un autre engin de forage, il ne rencontre par aucuneconsideration les passages deses conclusions reproduits au moyen, soutenant qu'il lui etait impossible,in concreto, de procederde la sorte, tant materiellement que financierement. A supposer quel'arret doive etre lu commereprochant à la demanderesse de n'avoir pas pris, au sens des arretsprecites, les mesuresraisonnables pour limiter son prejudice, et de n'avoir pas adopte à cetegard le comportement d'unhomme raisonnable et prudent, il n'est pas regulierement motive, faute derencontrer la defensearticulee à ce propos.

L'arret s'appuie, pour n'indemniser "le chomage du vehicule" que "pour laperiode allant du 01.05.1993, date de mise en service prevue, au10.12.1993 (...), delai tenantcompte de la difficulte de trouver un vehicule similaire au camion nDEG1",sur un "courrier du

1 0.12.1993 des services du premier ministre du Maroc" dont il croitpouvoir deduire que, des cettedate, la demanderesse "ne pouvait ignorer que le camion nDEG 1 ne seraitpas homologue et ne seraitpas admis à la circulation sur la voie publique".

Outre qu'en se determinant ainsi, il viole la foi due à cette piece dontil faitmentir les termes (deuxieme branche), il meconnait les droits de defensede la demanderesse ensoulevant d'office ce moyen de fait que les defenderesses n'invoquaientpas, sans le soumettre à lacontradiction des parties (troisieme branche). Les defenderesses n'ont eneffet nullement articulequ'il se deduirait du courrier precite du 10 decembre 1993 que, des cettedate, la demanderesse "ne

18eme feuillet

pouvait ignorer que le camion nDEG1 ne serait pas homologue et ne seraitpas admis à la circulationsur la voie publique", et que, partant, il n'y aurait lieu d'indemniser lechomage du vehicule quejusqu'à cette date.

Sur ce qu'il est interdit au juge, lorsqu'il supplee aux motifs invoquespar

les parties, d'elever une contestation dont celles-ci ont exclul'existence et de fonder sa decision sur

un moyen de fait dont le defendeur ne s'est pas prevalu et que le jugesouleve d'office, sans le

soumettre à la contradiction des parties, des lors que, ce faisant, ilviole les droits de defense de la

partie à laquelle il oppose ce moyen sans lui permettre d'y repondre, cf.not. Cass., 4 mai 2012, nDEG

C.l1.0702.F; 7 octobre 2011, nDEG C.10.0598.F; 3 fevrier 2011, Pas., nDEG102; 31 janvier 2011, Pas.,

nDEG 88; 11 juin 2010, nDEG C.08.0338.F; 28 septembre 2009, Pas., nDEG529; 11 juin 2009, nDEG

C.08.0122.F; 28 mai 2009, Pas., nDEG 355 avec les concl. de M. l'avocatgeneral Henkes; 28 mai

2009, Pas., nDEG 356; 7 decembre 2006, Pas., nDEG 627; 16 mars 2006, Pas.,nDEG 155; 18 novembre 2004,

Pas., nDEG 556; 19 juin 2003, Pas., nDEG 364; 11 janvier 2001, Pas., nDEG19.

Les quatrieme et cinquieme branches n'appellent pas de developpements.

PAR CES CONSIDERATIONS,

l'avocate à la Cour de cassation soussignee, pour la demanderesse,conclut

qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arret attaque; ordonnerque mention de votre arret

soit faite en marge de la decision annulee; renvoyer la cause et lesparties devant une autre cour

d'appel; statuer comme de droit quant aux depens.

Jacqueline Oosterbosch

Le 24 avril 2015

19eme et dernier feuillet

Piece jointe nDEG 1 : copie du courrier officiel de Me Didier Grignard du27 avril 2015 faisant

part de l'election de domicile des defenderesses en son etude pour les

besoins de la presente procedure en cassation

Pieces jointe nDEG 2 : copie du courrier du 10 decembre 1993 des servicesdu premier ministre du

Maroc, certifiee conforme par les conseils au fond des parties à la piece

deposee devant la cour d'appel de Mons (piece nDEG 44 du dossier de la

demanderesse)

15 FEVRIER 2016 C.15.0192.F/8

Requete/3


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.15.0192.F
Date de la décision : 15/02/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-02-15;c.15.0192.f ?
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