Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG D.15.0010.F
C. G.,
demanderesse en cassation,
representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,
contre
INSTITUT PROFESSIONNEL DES AGENTS IMMOBILIERS, dont le siege est etabli àBruxelles, rue du Luxembourg, 16 B,
defendeur en cassation,
represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre la decision rendue le 4 mars2015 par la chambre d'appel d'expression franc,aise de l'Institutprofessionnel des agents immobiliers.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L'avocat general Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- article 22 du code de deontologie etabli par l'Institut professionneldes agents immobiliers, rendu obligatoire par l'arrete royal du 27septembre 2006 (article 1er), et, en tant que de besoin, article 1er duditarrete royal du 27 septembre 2006 portant approbation du code dedeontologie de l'Institut professionnel des agents immobiliers ;
- articles 5, 8 et 10 de la loi du 11 fevrier 2013 organisant laprofession d'agent immobilier ;
- en tant que de besoin, article 4 de la loi-cadre relative auxprofessions intellectuelles prestataires de services, codifiee parl'arrete royal du 3 aout 2007.
Decisions et motifs critiques
La decision attaquee dit etabli, dans le chef de la demanderesse, le grief1 en tant qu'il est fonde sur l'article 22 du code de deontologie del'Institut professionnel des agents immobiliers et accorde à lademanderesse le benefice de la suspension simple du prononce de lasanction disciplinaire, le delai d'epreuve etant fixe à une periode detrois ans à dater de la prononciation de la decision.
La decision attaquee se fonde sur les motifs indiques aux pages 2 à 5,consideres ici comme integralement reproduits, et plus particulierementsur les considerations suivantes :
« La chambre executive retenait la motivation suivante :
`Quant au grief vise sous 1, il est reproche à [la demanderesse] d'avoir,pendant approximativement six ans et demi, collabore avec un independantnon agree par l'Institut, en l'espece monsieur P. W. ;
Les denegations et pretentions de [la demanderesse] à cet egard neresistent pas à l'analyse du dossier des lors qu'il ressort notamment despieces 14, 20, 26 et 27 du dossier de la procedure et meme des pieces 1à 18 du dossier de pieces de [la demanderesse] auxquelles la chambre[d'appel] renvoie, que monsieur P. W., compagnon de [la demanderesse],co-fondateur avec elle de la s.p.r.l. Bureau d'etudes W. dont il detient90 p.c. des parts sociales et non agree [par l'Institut], a bien pose,inevitablement en qualite d'independant, depuis en realite avant le 18 mai2007, soit dejà à partir du 26 janvier de la meme annee, des actesjuridiques et materiels lies à la profession de syndic aupres del'association des coproprietaires « Residence Saint-Jean », à savoirpropositions de services de gestion immobiliere en qualite de syndic,signatures de convocations à des assemblees generales, presidencesd'assemblees generales de coproprietaires, redactions et signatures deproces-verbaux d'assemblees generales, signatures de contrats de travailet plus precisement de conventions de stage « Chateau Massart »(institut de formation notamment en immobilier) et de courriers engageantla societe en rapport avec des actes relevant de la profession de syndic(...)' ;
Ces considerations, que la chambre d'appel fait siennes, sont exactes ;
(...) Quant au grief vise sous 1, il est bel et bien etabli ;
En effet, il n'est pas conteste que des actes juridiques et materielsrelevant de la profession de syndic ont ete poses par monsieur P. W. ensa qualite de gerant de la s.p.r.l. Bureau d'etudes W., alors qu'iln'etait ni inscrit à l'Ordre des architectes ni à l'Institut ; ceconstat ressort d'ailleurs des pieces du dossier relevees avec pertinencepar la decision entreprise ;
D'autre part, contrairement à ce que soutient [la demanderesse], il nesuffit pas `qu'un des administrateurs designes dispose des agrements etinscriptions necessaires' pour que les autres administrateurs ou gerantsou associes actifs, non agrees par l'Institut, puissent poser des actesrelevant de la profession reglementee de syndic d'immeubles, lacirconstance qu'ils portent ou non le titre professionnel protege etantsans incidence sur cette question ;
La loi du 11 fevrier 2013 organisant la profession d'agent immobilier n'a nullement modifie les regles enoncees par la loi-cadre du 1er mars 1976reglementant la profession du titre professionnel et l'exercice desprofessions intellectuelles prestataires de services (en realite laloi-cadre relative aux professions intellectuelles prestataires deservices, codifiee par l'arrete royal du 3 aout 2007) mais a seulementajoute la faculte, pour les personnes morales, de s'inscrire à l'Institut;
Lorsque, comme en l'espece, la personne morale n'est pas inscrite àl'Institut, l'article 10, S: 2, 1DEG, de la loi du 11 fevrier 2013 - quine fait que retranscrire les principes anterieurement inscrits àl'article 4, alinea 2, de la loi-cadre codifiee par l'arrete royal du 3aout 2007 - enonce que `ses administrateurs, gerants ou associes actifs,qui exercent l'activite reglementee et qui ont la direction effective desdepartements au sein desquels l'activite est exercee, doivent etreinscrits dans la colonne correspondante du tableau ou de la liste' ;
Quant au point 2DEG de cette disposition, aux termes duquel, `à defautde ces personnes, l'obligation visee au 1DEG s'applique à unadministrateur ou un gerant ou un associe actif de la personne moraledesignee à cet effet', il ne vise que l'hypothese, non rencontree enl'espece, ou aucun des administrateurs, gerants ou associes actifs de lapersonne morale n'exerce l'activite reglementee ni ne dirige lesdepartements au sein desquels cette activite est exercee ;
Les administrateurs, gerants et associes actifs exerc,ant l'activitereglementee etant irrefragablement presumes exercer cette activite àtitre independant (meme article), tout administrateur ou gerant ou associeactif qui exerce l'activite reglementee dans le cadre d'une personnemorale est tenu d'etre personnellement inscrit à l'Institut (in casu,dans la colonne des syndics) ;
Il est donc bien etabli que [la demanderesse] a exerce `une activitereglementee d'agent immobilier en collaboration avec une personnepratiquant illegalement une telle activite' (article 22 du code dedeontologie de l'Institut) ; le grief, en tant qu'il est fonde sur cettedisposition, sera donc retenu ;
(...) En resume, les griefs 1 et 3 sont etablis et constituent, lepremier, un manquement à l'article 22 du code de deontologie del'Institut, le second, un manquement à l'article 20 du meme code ;
Toutefois, eu egard au fait que la situation a ete regularisee en ce quiconcerne tant les mentions à indiquer sur le site internet que l'exercicedes activites de syndic par monsieur P. W., lequel est inscrit àl'Institut depuis le 19 septembre 2013, à l'absence apparente d'intentionmalveillante dans le chef de [la demanderesse] et au contexte familialreleve par celle-ci, la suspension simple du prononce de la sanctiondisciplinaire sera exceptionnellement accordee et ce, selon des modalitesmieux precisees au dispositif de la presente decision ».
Griefs
1. L'article 22 du code de deontologie de l'Institut professionnel des agents immobiliers, approuve par l'article 1er de l'arrete royal du 27septembre 2006, dispose que « l'agent immobilier ne peut exercer uneactivite reglementee d'agent immobilier en collaboration avec unepersonne pratiquant illegalement une telle activite ».
Les regles d'acces à la profession d'agent immobilier sont prevues par laloi du 11 fevrier 2013 organisant la profession d'agent immobilier.
En vertu de l'article 5 de la loi du 11 fevrier 2013, nul ne peut exerceren qualite d'independant, à titre principal ou accessoire, la professiond'agent immobilier intermediaire ou syndic, ou en porter le titre, s'iln'est inscrit dans la colonne de la profession qu'il exerce du tableaudes titulaires ou dans la colonne de la profession qu'il exerce de laliste des stagiaires.
Il ne faut pas satisfaire aux obligations visees à l'article 5 pourexercer la profession dans les liens d'un contrat de travail (article 8de la loi du 11 fevrier 2013).
En vertu de l'article 10, S: 2, de la loi du 11 fevrier 2013, lorsque laprofession d'agent immobilier est exercee dans le cadre d'une personnemorale et que la personne morale n'est pas inscrite au tableau,
- l'obligation d'inscription incombe aux administrateurs, gerants ouassocies actifs qui exercent l'activite reglementee et qui ont ladirection effective des departements au sein desquels l'activite estexercee (1DEG) ;
- lorsque aucun des administrateurs, gerants ou associes n'exerce lui-memel'activite reglementee ni ne dirige effectivement les departements au seindesquels l'activite est exercee, l'obligation d'inscription s'applique àun administrateur ou un gerant ou un associe actif de la personne moraledesigne à cet effet (2DEG) ;
- pour l'application de la loi, les administrateurs, gerants ou associesactifs qui exercent l'activite reglementee et qui dirigent lesdepartements au sein desquels l'activite est exercee sont presumes, demaniere irrefragable, exercer l'activite à titre independant.
Il suit de ces dispositions que, lorsque la profession d'agent immobilierest exercee dans le cadre d'une personne morale et que la personne moralen'est pas inscrite au tableau, l'obligation d'inscription à l'Institutincombe aux seuls administrateurs, gerants ou associes actifs quiexercent l'activite reglementee et qui ont la direction effective desdepartements au sein desquels l'activite est exercee et que seules cespersonnes (qui remplissent les deux conditions cumulatives) sontpresumees, de maniere irrefragable, exercer l'activite à titre independant.
L'utilisation de la conjonction « et » en lieu et place de laconjonction « ou » - telle qu'elle figurait dans l'article 3 de laloi-cadre du 1er mars 1976 reglementant la protection du titreprofessionnel et l'exercice des professions intellectuelles prestatairesde services et figure dans l'article 4 de la loi-cadre relative aux professions intellectuelles prestataires de services, codifiee parl'arrete royal du 3 aout 2007 - indique clairement que l'intention dulegislateur est de rendre les conditions cumulatives.
2. Il s'ensuit qu'en decidant que, des lors que les administrateurs, gerants et associes actifs exerc,ant l'activite reglementee sontirrefragablement presumes exercer cette activite à titre independant,tout administrateur ou gerant ou associe actif qui exerce l'activitereglementee dans le cadre d'une personne morale est tenu d'etrepersonnellement inscrit à l'Institut professionnel des agents immobiliers, meme s'il n'a pas la direction effective des departements ausein desquels l'activite est exercee, la decision attaquee :
- viole la notion legale d'« administrateurs, gerants ou associesactifs » au sens de l'article 10, S: 2, de la loi du 11 fevrier 2013organisant la profession d'agent immobilier, qui vise lesadministrateurs, gerants ou associes actifs qui exercent l'activitereglementee et qui ont la direction effective des departements au sein desquels l'activite est exercee (violation de ladite disposition et, entant que de besoin, de l'article 4 de la loi-cadre relative auxprofessions intellectuelles prestataires de services codifiee par arreteroyal du 3 aout 2007),
- meconnait la portee de la presomption irrefragable prevue à l'article10, S: 2, de la loi du 11 fevrier 2013 organisant la profession d'agentimmobilier, qui s'applique aux seuls administrateurs, gerants ou associesactifs qui exercent l'activite reglementee et qui ont la directioneffective des departements au sein desquels l'activite est exercee(violation de ladite disposition et, en tant que de besoin, de l'article4 de la loi-cadre relative aux professions intellectuelles prestataires deservices codifiee par arrete royal du 3 aout 2007),
- et ne justifie des lors pas legalement sa decision de declarer etabli,dans le chef de la demanderesse, le grief 1 en tant qu'il est fonde surl'article 22 du code de deontologie de l'Institut professionnel desagents immobiliers (violation des articles 5, 8 et 10 de la loi du 11fevrier 2013 organisant la profession d'agent immobilier et 22 du code dedeontologie etabli par l'Institut professionnel des agents immobiliers,rendu obligatoire par l'arrete royal du 27 septembre 2006 (article 1er),et, en tant que de besoin, de l'article 1er dudit arrete royal du 27 septembre 2006 portant approbation du code de deontologie de l'Institut professionnel des agents immobiliers et de l'article 4 de la loi- cadrerelative aux professions intellectuelles prestataires de servicescodifiee par l'arrete royal du 3 aout 2007).
III. La decision de la Cour
Le moyen, qui ne precise pas en quoi la decision attaquee violeraitl'article 4 de la loi-cadre relative aux professions intellectuellesprestataires de services, codifiee par l'arrete royal du 3 aout 2007, est,dans cette mesure, irrecevable.
Pour le surplus, en vertu de l'article 10, S: 2, de la loi du 11 fevrier2013 organisant la profession d'agent immobilier, si la personne morale ausein de laquelle la profession est exercee n'est pas inscrite au tableau,ses administrateurs, gerants ou associes actifs qui exercent l'activitereglementee et qui ont la direction effective des departements au seindesquels l'activite est exercee doivent etre inscrits dans la colonnecorrespondante du tableau ou de la liste ; à defaut de ces personnes,cette obligation s'applique à un administrateur ou un gerant ou unassocie actif de la personne morale designee à cet effet. Pourl'application de la loi precitee, ces personnes sont presumees, de maniereirrefragable, exercer cette activite à titre independant.
Il suit de cette disposition que tout administrateur, gerant ou associeactif qui exerce personnellement l'activite reglementee au sein d'unepersonne morale qui n'est pas inscrite au tableau ou à la liste doitsatisfaire à l'obligation d'inscription.
Dans la mesure ou il est recevable, le moyen, qui repose tout entier surle soutenement que l'obligation d'inscription n'incombe à ces personnesque si elles ont en outre la direction effective des departements au seindesquels l'activite est exercee, manque en droit.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux depens.
Les depens taxes à la somme de cinq cent soixante-deux euros huitcentimes envers la partie demanderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersDidier Batsele, Mireille Delange, Michel Lemal et Marie-Claire Ernotte, etprononce en audience publique du cinq fevrier deux mille seize par lepresident de section Christian Storck, en presence de l'avocat generalThierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | M.-Cl. Ernotte | M. Lemal |
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| M. Delange | D. Batsele | Chr. Storck |
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5 FEVRIER 2016 D.15.0010.F/10