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29/01/2016 | BELGIQUE | N°C.14.0006.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 janvier 2016, C.14.0006.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.14.0006.F

H. D.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

1. Procureur general PRES LA COUR D'APPEL DE Liege, dont l'office estetabli à Liege, place Saint-Lambert, 16,

2. E. B., avocat, agissant en qualite de curateur à la faillite de H. D.,

3. I. B., avocat, agissant en qualite de curateur à la faillite de H. D.,

defendeurs en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rend...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.14.0006.F

H. D.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

1. Procureur general PRES LA COUR D'APPEL DE Liege, dont l'office estetabli à Liege, place Saint-Lambert, 16,

2. E. B., avocat, agissant en qualite de curateur à la faillite de H. D.,

3. I. B., avocat, agissant en qualite de curateur à la faillite de H. D.,

defendeurs en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 3 octobre 2013par la cour d'appel de Liege.

Le 7 janvier 2016, le premier avocat general Andre Henkes a depose desconclusions au greffe.

Le president de section Albert Fettweis a fait rapport et l'avocat generalThierry Werquin a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 37 et 80, specialement alinea 2, de la loi du 8 aout 1997 surles faillites ;

- articles 53bis, 57 et 1048 du Code judiciaire ;

- article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales, signee à Rome le 4 novembre 1959 et approuveepar la loi belge du 13 mai 1955 ;

- article 149 de la Constitution ;

- principe general du droit qui impose au juge le respect des droits de ladefense.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque, apres avoir rec,u l'appel du demandeur, confirme lejugement du premier juge ayant dit irrecevable l'opposition formee par ledemandeur à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Liege du4 juin 2008 qui, par defaut, le declare inexcusable, par ses motifspropres et ceux du premier juge et plus particulierement aux motifs que :

« Discussion

L'article 53bis du Code judiciaire dispose que :

`A l'egard du destinataire, et sauf si la loi en dispose autrement, lesdelais qui commencent à courir à partir d'une notification sur supportpapier sont calcules depuis :

1-o lorsque la notification est effectuee par pli judiciaire ou parcourrier recommande avec accuse de reception, le premier jour qui suitcelui ou le pli a ete presente au domicile du destinataire, ou, le casecheant, à sa residence ou à son domicile elu ;

2DEG lorsque la notification est effectuee par pli recommande ou par plisimple, depuis le troisieme jour ouvrable qui suit celui ou le pli a eteremis aux services de la poste, sauf preuve contraire du destinataire ;

3DEG lorsque la notification est effectuee contre accuse de receptiondate, le premier jour qui suit'.

Le failli ne peut etre suivi lorsqu'il soutient la recevabilite del'opposition signifiee le 3 octobre 2012, au motif qu' `il n'est pascontestable que ni l'article 792 du Code judiciaire ni la loi sur lesfaillites ne prevoient que la notification du jugement de cloture de faillite fait courir le delai d'opposition et d'appel ;

En consequence, en l'absence de texte specifique, à defaut designification, le delai d'opposition n'a pu prendre cours ;

(...)

En donner une interpretation differente reviendrait à enlever tout sensau texte de la loi sur les faillites qui precise expressement que lesvoies de recours sont à realiser conformement au Code judiciaire(article 37) en prenant soin d'exclure l'application de certaines dispositions dudit code (article 4) ;

Enfin, une telle jurisprudence viole la securite juridique ainsi que ledroit à un proces equitable en vertu de l'article 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales (ci-apresC.E.D.H.)'.

Il convient de rappeler que, dans sa version initiale, l'article 80,alinea 2, de la loi sur les faillites ne prevoyait pas que le failli soitappele aux debats sur l'excusabilite : `le juge-commissaire presente autribunal, en chambre du conseil, la deliberation des creanciers relativeà l'excusabilite du failli, et un rapport sur les circonstances de lafaillite. Le tribunal decide si le failli est ou non excusable. Ladecision sur l'excusabilite est susceptible de tierce opposition de lapart des creanciers individuellement dans le mois à compter de la publication, ou de la part du failli dans le mois à compter de lanotification du jugement de cloture'.

Cet article a ete modifie par la loi du 4 septembre 2002. Depuis lors, il dispose que : `le curateur et le failli sont entendus en chambre duconseil sur l'excusabilite et la cloture de la faillite' et que `ladecision sur l'excusabilite est susceptible de tierce opposition parcitation donnee au curateur et au failli de la part des creanciersindividuellement dans le mois de la publication du jugement de cloturede la faillite', mais egalement que `le jugement ordonnant la cloture dela faillite est notifie au failli par les soins du greffier'.

Il en resulte que le failli peut exercer les recours ordinaires contre ladecision qui lui refuse le benefice de l'excusabilite (I. Verougstraete,Manuel de la faillite et du concordat, 2003, nDEG 1045, p. 613 ; Dal,`L'excusabilite dans la loi du 4 septembre 2002. Reparation oubricolage', J.T., 2002, p. 637). En effet, `le failli est (...) partie aulitige et pourra faire appel de la decision sur la cloture et surl'excusabilite' (I. Verougstraete, ibidem ; voy. egalement Coppens etT'Kint, `Les faillites, les concordats et les privileges', R.C.J.B., 2005, nDEG 139, p. 619 ; Lamensch, `L'excusabilite du debiteur failli, lesort des suretes personnelles et de son conjoint - Dix ans d'evolutiondepuis l'adoption de la loi du 8 aout 1997', R.G.D.C, 2007, p. 497), cequi est expressement confirme par les travaux preparatoires de la loi du4 septembre 2002 : `Le failli etant entendu en chambre du conseil, il estpartie à la cause. Il peut, des lors, en vertu des dispositions du droitjudiciaire, interjeter appel de la decision qui se prononce surl'excusabilite' (Doc. parl., Senat, 2001-2002, Doc., 2 877/8, p. 77).

La question litigieuse revient donc à determiner si la notification dujugement au failli, prevue par l'article 80, alinea 2, in fine, du Codejudiciaire, a fait courir le delai d'opposition et d'appel.

L'article 1048, alinea 1er, du Code judiciaire dispose que `le delai d'opposition est d'un mois, à partir de la signification du jugement oude la notification de celui-ci faite conformement à l'article 792,alineas 2 et 3'.

Il est admis que `la notification peut donner lieu à la prise de cours dudelai de recours meme dans des matieres qui ne sont pas visees parl'article 704, alinea 1er, du Code judiciaire auquel renvoie l'article792, alineas 2 et 3, lorsque cela peut « se deduire des dispositionslegales applicables à la matiere » (voy. Cass., 22 mars 2004, Pas., p.492, n-o 162, Cass., 10 mars 2003, Pas., p. 504, n-o 161. Pour d'autresexemples, voyez J. Englebert, « Les pieges de la procedure civile », inLes pieges des procedures, Editions du Jeune barreau de Bruxelles, 2005,p. 48, note 55)' (H. Boularbah et J. Englebert, Questions d'actualite enprocedure civile, C.U.P., vol. 83, 12/2005, p. 111-112 ; voy. egalement G.de Leval, Elements de procedure civile, Bruxelles, 2005, p. 228).

Tel est bien le cas en l'espece. En effet, en modifiant l'article 80,alinea 2, de la loi sur les faillites afin de permettre au failli deprendre part aux debats relatifs à l'excusabilite et à la cloture de la faillite, le legislateur a maintenu l'exigence que le jugement rendu surcette base lui soit notifie par le greffe - ce qui traduit sa volonte dechoisir `une procedure rapide et peu onereuse' et a pour consequence quedans le cadre d'une telle procedure `la notification fait courir le delai pour introduire un recours' (J. Englebert, loc. cit., p. 48). Il est audemeurant logique qu'au lieu d'une signification dont le curateur auraitdu exposer les frais alors qu'il est decharge de sa mission par lejugement de cloture, ce soit la notification sans frais par le greffe quifasse courir le delai de recours.

La mention des delais de recours lors de la notification du jugement n'esten l'espece pas requise, les articles 704 et 792, alineas 2 et 3, du Codejudiciaire ne visant pas la notification requise par l'article 80, alinea2, in fine.

Certes, il a ete prevu que soit insere dans le Code judiciaire un article46bis stipulant que `l'acte de notification ou de signification de ladecision doit, à peine de nullite, indiquer le delai d'opposition,d'appel ou de pourvoi en cassation, dans le cas ou une de ces voies derecours est ouverte, ainsi que les modalites selon lesquelles le recourspeut etre exerce' (Doc. Parl., Senat, session ordinaire, 1994-1995, doc.nDEG 1279-1 du 11 janvier 1995), mais à ce jour, la loi n'a pas etepromulguee ni publiee au Moniteur belge et ne fait donc pas partie du droit positif (note sous l'arret de la Cour d'arbitrage du 15 mars 2007,J.T., 2007, p. 443).

Interrogee sur une possible discrimination entre les dispositionsprecitees et l'article 1675/16 du Code judiciaire qui, en matiere dereglement collectif de dettes, ne prevoit pas que la notificationmentionne les possibilites de recours, la Cour [d'arbitrage] (arret nDEG 40/2007 du 15 mars 2007) a juge qu'il n'existe pas de discrimination entreces situations, ni d'atteinte au droit à un proces equitable, enaffirmant notamment qu' `il appartient au legislateur de determiner dequelle maniere est reglee la communication des actes de procedure etquelles sont les modalites de cette communication. Lorsque le legislateura choisi, dans le souci de reduire les frais de la procedure etd'accelerer le deroulement de celle-ci, la notification par pli judiciaire des decisions judiciaires, il lui appartient egalementd'imposer, s'il l'estime necessaire, la mention de certaines informationspour leurs destinataires'.

Cette analyse peut etre transposee à l'examen de l'article 80, alinea 2,de la loi sur les faillites, vu le parallelisme existant entre les deuxprocedures qui, l'une pour les commerc,ants malheureux, l'autre pour lesparticuliers en difficulte, visent à attenuer les effets del'insolvabilite (voir Liege, 7e chambre, 24 avril 2008, J.L.M.B., 2008,p. 1244).

En l'espece, la notification du jugement a ete effectuee par plijudiciaire recommande avec accuse de reception remis aux services de laposte le vendredi 6 juin 2008 (...), à l'adresse du domicile du failli.Toutefois, le pli ayant ete renvoye par la poste avec la mention àdemenage' sans indication du jour ou il a ete presente audit domicile, ily a lieu d'appliquer en l'espece le 2DEG de l'article 53bis du Codejudiciaire. Le delai d'appel ou d'opposition d'un mois a donc pris coursle mercredi 11 juin 2008.

L'opposition formee par exploit signifie le 3 octobre 2012 est partant irrecevable ».

Et que, par adoption des motifs du premier juge :

« `La notification d'une decision de justice peut donner lieu à la prisede cours du delai d'appel de recours meme dans des matieres qui ne sontpas visees par l'article 704, alinea 1er, du Code judiciaire, auquelrenvoie l'article 792, alineas 2 et 3, du meme code, lorsque cela peut sededuire des dispositions legales applicables à la matiere (article 1051,alinea 1er, du Code judiciaire).

Il en va ainsi de la notification du jugement qui, à l'occasion de lacloture des operations de faillite, declare le failli non excusable(article 80 de la loi sur les faillites 1997)' (Liege, [7e ch.], 27novembre 2008, J.L.M.B., 2009, p. 553) ».

Griefs

Le droit d'acces à un tribunal, consacre par l'article 6.1 de la C.E.D.H.qui a des effets directs dans l'ordre juridique applicable en Belgique etpar le principe general du droit qui impose au juge le respect des droitsde la defense, implique, d'une part, la clarte des regles concernant lespossibilites des voies de recours et les delais et, d'autre part, que cesregles soient portees à la connaissance des justiciables de la maniere laplus explicite possible, afin que ceux-ci puissent en faire usageconformement à la loi.

Premiere branche

Il appartient aux juges d'interpreter les dispositions de droit nationalqui regissent l'opposition contre une decision prise par defaut d'unemaniere compatible avec la norme superieure qu'est l'article 6.1 de laC.E.D.H.

L'article 80, alinea 2, de la loi sur les faillites ne precise pas que la notification du jugement au failli a l'effet d'une signification, etantde faire courir les delais de recours. Ainsi que l'admet l'arret attaque,contrairement à l'article 792, alineas 2 et 3, du Code judiciaire, il neprevoit pas l'information obligatoire du failli quant aux possibilites derecours et aux delais pour contester une decision qui lui refuse lebenefice de l'excusabilite. Il doit donc, pour etre compatible avec lanorme superieure qu'est l'article 6.1 de la C.E.D.H., etre interprete ence sens que cette notification ne constitue pas le point de depart dudelai d'opposition.

Les dispositions du Code judiciaire relatives à l'opposition à unjugement rendu par defaut sont, en vertu de l'article 37 de la loi surles faillites, applicables à l'opposition d'un jugement rendu par defautqui refuse le benefice de l'excusabilite au failli.

L'article 53bis du Code judiciaire ne regle la computation des delais àl'egard du destinataire que lorsque ces delais commencent à courir àpartir d'une notification sur support papier.

En vertu de l'article 57 du Code judiciaire, à moins que la loi en aitdispose autrement, le delai d'opposition court à partir de lasignification de la decision. En vertu de l'article 1048 du Code judiciaire, le delai d'opposition est d'un mois à partir de lasignification du jugement ou de la notification de celui-ci faiteconformement à l'article 792, alineas 2 et 3, du Code judiciaire.

La seule portee de ces dispositions, afin qu'elles soient compatibles avecl'article 6.1 de la C.E.D.H., est que la notification d'une decisionrendue par defaut, dont le legislateur n'a pas expressement indiquequ'elle faisait courir les delais de recours et qui n'informe pas ledestinataire des voies de recours et des delais pour les exercer, ne faitpas courir le delai d'opposition contre cette decision.

En decidant que le delai d'opposition du demandeur contre un jugement qui,par defaut, lui refuse le benefice de l'excusabilite court à partir de lanotification prevue à l'article 80, alinea 2, de la loi sur lesfaillites alors, d'une part, que cette disposition ne lui a pas conferecet effet et, d'autre part, que, ainsi que l'admet l'arret attaque, nicette disposition ni aucune autre disposition de droit positif n'imposeque cette notification, etrangere à l'article 792 du Code judiciaire,informe le failli des voies de recours et des delais, l'arret attaquemeconnait l'article 6.1 de la C.E.D.H. ainsi que les articles 37, 53bis,57 et 1048 du Code judiciaire et l'article 80, specialement alinea 2, dela loi sur les faillites.

Deuxieme branche

A supposer que les articles 80, alinea 2, de la loi sur les faillites,53bis, 57 et 1048 du Code judiciaire ne permettent pas uneinterpretation conforme aux exigences de l'article 6.1 de la C.E.D.H., ilexiste alors un conflit entre les normes de droit interne et cet article6.1 qui, norme superieure etablie par un traite international, doitprevaloir sur le droit interne.

L'arret attaque, qui dit l'opposition irrecevable pour des motifs dont ilpeut uniquement se deduire qu'en modifiant l'article 80, alinea 2, de laloi sur les faillites, le legislateur a marque sa volonte de choisir uneprocedure rapide et peu onereuse, en sorte que la notification faitcourir le delai d'opposition ; que cette solution est logique des lorsqu'à defaut, le curateur, qui est decharge de sa mission par le jugementde cloture, devrait exposer des frais de signification ; que la mentiondans la notification des delais de recours ne concerne pas la notification prevue par l'article 80, alinea 2 in fine, de la loi sur lesfaillites et que cette disposition ne viole pas les articles 10 et 11 dela Constitution, viole, partant, l'article 6.1 de la C.E.D.H. vise aumoyen.

A tout le moins, l'arret attaque, qui constate que le demandeur a soutenuque la jurisprudence selon laquelle le point de depart d'un delai derecours peut etre la notification meme si la loi ne l'a pas expressementprevu, à condition que la derogation puisse se deduire des dispositionslegales applicables à la procedure en cause, violait la securitejuridique et le droit à un proces equitable consacres par l'article 6 dela C.E.D.H., ne rencontre ce moyen par aucune consideration. Il n'est,par consequent, pas regulierement motive (violation de l'article 149 dela Constitution).

Troisieme branche

En toute hypothese, il ne ressort pas de l'article 27 de la loi du 4septembre 2002 modifiant la loi du 8 aout 1997 sur les faillites, le Codejudiciaire et le Code des societes, qui a modifie l'article 80 de la loisur les faillites, que le legislateur aurait voulu instaurer, concernantla cloture de la faillite et la decision d'excusabilite du failli, uneprocedure rapide impliquant que la notification de cette decision aufailli soit, lorsqu'il est defaillant, le point de depart du delaid'opposition.

L'arret attaque, en decidant que la modification de l'article 80, alinea2, par la loi du 4 septembre 2002, le legislateur a marque la volonte dechoisir une procedure rapide et peu onereuse avec pour consequence que lanotification fait courir le delai pour introduire un recours, violel'article 80, alinea 2, de la loi sur les faillites.

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

L'article 80, alinea 2, de la loi du 8 aout 1997 sur les faillites prevoitque, lors de la cloture de la faillite, apres que le juge-commissaire apresente au tribunal en chambre du conseil la deliberation des creanciersrelative à l'excusabilite du failli et un rapport sur les circonstancesde la faillite, et que le curateur et le failli ont ete entendus enchambre du conseil sur l'excusabilite et sur la cloture de la faillite, letribunal se prononce sur l'excusabilite du failli et le jugement ordonnantla cloture de la faillite est notifie au failli par les soins du greffier.

Conformement à l'article 5 de la meme loi, cette notification a lieu parpli judiciaire.

Aucune disposition ne precise que cette notification fait courir lesdelais de recours.

L'article 57 du Code judiciaire, en vertu duquel le delai d'oppositioncourt à partir de la signification de la decision, à moins que la loin'en ait dispose autrement, ne requiert pas que la disposition derogatoiredont il reserve l'application soit expresse ; il suffit que la derogationpuisse se deduire des dispositions legales applicables à la procedure encause.

L'article 80, alinea 2, les travaux preparatoires de la loi du 4 septembre2002 le modifiant, et l'article 5 precites traduisent la volonte dulegislateur d'opter pour une procedure rapide et peu onereuse, ce quiimplique que la notification fasse courir les delais pour introduire lerecours.

Ils manifestent egalement la volonte du legislateur d'assurer que lefailli soit effectivement entendu sur son excusabilite dans le cadre d'uneprocedure garantissant la securite juridique.

L'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales garantit aux justiciables un droit effectif d'accesaux tribunaux pour les decisions relatives à leurs droits et obligationsà caractere civil.

Si le droit d'acces à un tribunal n'est pas absolu et se prete à deslimitations implicitement admises, notamment quant aux conditions derecevabilite d'un recours, ces limitations ne sauraient restreindrel'acces ouvert à un justiciable de maniere ou à un point tels que sondroit à un tribunal s'en trouve atteint dans sa substance meme.

Il importe à cet egard non seulement que les possibilites des voies derecours, y compris leurs delais, soient fixees avec clarte mais aussiqu'elles soient portees à la connaissance des justiciables de la manierela plus explicite possible afin que ceux-ci puissent en faire usageconformement à la loi.

Il suit de ce qui precede que, des lors qu'une derogation à l'article 57du Code judiciaire ne resulte pas d'une disposition expresse, lanotification par pli judiciaire n'a pour effet de faire courir le delai derecours que pour autant qu'elle mentionne les possibilites de recours etleurs delais.

L'arret, qui considere que la notification au demandeur du jugement pardefaut le declarant inexcusable fait courir le delai d'opposition alorsqu'il constate que la notification ne mentionne pas la possibilite et ledelai du recours, viole l'article 80, alinea 2, de la loi du 8 aout 1997sur les faillites.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillers DidierBatsele, Martine Regout, Mireille Delange et Sabine Geubel, et prononce enaudience publique du vingt-neuf janvier deux mille seize par le presidentde section Albert Fettweis, en presence de l'avocat general ThierryWerquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Delange |
|-----------------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | A. Fettweis |
+--------------------------------------------+

29 JANVIER 2016 C.14.0006.F/2


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.14.0006.F
Date de la décision : 29/01/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-01-29;c.14.0006.f ?
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