Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.15.1362.F
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE MONS,
demandeur en cassation,
contre
1. B. D., L., M.,
2. represente par Maitre Caroline De Baets, avocat à la Cour decassation,
3. E. P., M., M., ayant pour conseil Maitre Andre Risopoulos, avocat aubarreau de Bruxelles,
inculpes,
defendeurs en cassation.
I. la procedure devant la cour
Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 2 octobre 2015 par la courd'appel de Mons, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un memoire annexe au present arret,en copie certifiee conforme.
Le 14 janvier 2016, l'avocat general Raymond Loop a depose des conclusionsau greffe.
A l'audience du 27 janvier 2016, le president de section Frederic Close afait rapport et l'avocat general precite a conclu.
II. la decision de la cour
Sur le premier moyen :
Les defendeurs sont poursuivis en qualite l'un d'administrateur delegue,l'autre de directeur des operations de la societe anonyme de droit publicBelgacom. Il leur est reproche d'avoir use de leur influence aupres d'unefiliale de celle-ci, operateur economique prive accomplissant une missionde service public, pour qu'elle avantage une societe tierce, acquereused'un bien immobilier. Selon le demandeur, le but recherche etait debeneficier ulterieurement des interventions d'une responsable de cettesociete tierce aupres de personnalites politiques et de faire beneficierainsi la societe Belgacom des avantages que cette responsable pouvaitprocurer dans le cadre de futures negociations. Le requisitoire dudemandeur date du 3 avril 2015 considere que la mission de service publicen cause est la surveillance exercee par Belgacom de la bonne gestion desa filiale, laquelle exerce egalement une mission de service publiclorsqu'elle vend un immeuble qui lui appartient et ne peut des lors, selonle demandeur, ecarter arbitrairement de cette vente certains amateurs.
Le moyen fait grief à l'arret d'ecarter la qualification de traficd'influence prevue par l'article 247, S: 4, du Code penal, au motif queles actes reproches aux defendeurs ne rentrent pas dans les missions deservice public visees à l'article 86ter de la loi du 21 mars 1991 portantreforme de certaines entreprises publiques economiques et que, partant,les defendeurs, qui à l'epoque exerc,aient leur activite professionnelleau sein de la societe Belgacom, n'ont pas commis les faits dans le cadrede l'exercice d'une fonction publique.
L'incrimination de corruption publique ayant pour objet un traficd'influence est une forme de corruption qui ne vise pas l'accomplissementd'un acte ou une omission, mais l'exercice par la personne corrompue deson influence en vue d'obtenir un acte d'une autorite ou d'uneadministration publiques ou l'abstention d'un tel acte.
La corruption publique passive ayant pour objet un tel trafic suppose quela personne dont l'influence est sollicitee soit une personne « quiexerce une fonction publique ». Ce n'est toutefois pas le statut de cettepersonne qui, à cet egard, est determinant, mais la fonction qu'elleexerce et qui doit avoir elle-meme un caractere public.
Pour etre punissable, la sollicitation doit ainsi s'adresser à lapersonne corrompue à l'occasion de l'exercice d'une fonction à caracterepublic. Toutefois l'influence recherchee, reelle ou supposee, peut excederle cadre de cette fonction.
En considerant que l'article 247, S: 4, ne peut s'appliquer auxdefendeurs, des lors que les actes qui leur sont reproches sont etrangersaux missions de service public que la loi impose à Belgacom et quiconsistent en l'obligation de fournitures d'interet general detelecommunications, l'arret ne justifie pas legalement sa decision.
Le moyen est fonde.
Sur le second moyen :
Pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 504bis, S:1er, du Code penal, le moyen critique l'arret en ce que, contrairement auxrequisitions subsidiaires du demandeur, il ne qualifie pas les faits decorruption privee passive.
Relevant les elements constitutifs de la prevention, l'arret citenotamment « la circonstance que les actes sont accomplis à l'insu etsans l'autorisation, selon le cas, du conseil d'administration ou del'assemblee generale, du mandant ou de l'employeur ».
La seule circonstance que toutes les decisions afferentes à la ventelitigieuse ont ete prises par son administrateur delegue ne permet pas àla Cour de verifier que les actes sont accomplis à l'insu et sansl'autorisation du conseil d'administration ou de l'assemblee generale.
Dans cette mesure, le moyen est fonde.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arret attaque ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;
Laisse les frais à charge de l'Etat ;
Renvoie la cause à la cour d'appel de Mons, chambre des mises enaccusation, autrement composee.
Lesdits frais taxes à la somme de cent soixante-huit euros vingt centimesdus.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Frederic Close, president de section, Benoit Dejemeppe, MartineRegout, Pierre Cornelis et Mireille Delange, conseillers, et prononce enaudience publique du vingt-sept janvier deux mille seize par FredericClose, president de section, en presence de Raymond Loop, avocat general,avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
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| F. Gobert | M. Delange | P. Cornelis |
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| M. Regout | B. Dejemeppe | F. Close |
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* 27 JANVIER 2016 P.15.1362.F/4