Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.14.1340.N
1. A. S.,
2. N. S.,
prevenus,
* demandeurs en cassation,
* Me Joachim Meese, avocat au barreau de Gand.
* I. la procedure devant la cour
* * Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 30 juin 2014par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
Les demandeurs invoquent deux moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.
Le 6 mai 2015, l'avocat avocat general suppleant Marc De Swaef adepose des conclusions au greffe.
A l'audience du 19 janvier 2016, le conseiller Antoine Lievens a faitrapport et l'avocat general susmentionne a conclu.
II. la decision de la cour
* Sur le premier moyen :
* 1. Le moyen invoque la violation des articles 202 et 203 duCode d'instruction criminelle : l'arret aggrave lasituation des demandeurs bien que le ministere publicn'ait pas interjete appel.
2. Le premier juge a declare les demandeurs coupables del'unique prevention et les a condamnes chacun du chef dece fait à une amende de 100 euros, majoree de 50decimes, ou à un emprisonnement subsidiaire de huitjours.
3. Seuls les demandeurs ont interjete appel de ce jugement.
4. Apres requalification, l'arret declare la preventionetablie dans le chef des deux demandeurs et les condamnechacun à une peine d'emprisonnement d'un mois et à uneamende de 26 euros, majoree de 50 decimes, ou à unemprisonnement subsidiaire de huit jours.
Il est sursis pendant trois ans à l'execution de la peined'emprisonnement et de l'amende infligees à la demanderesse.
5. En aggravant la situation des demandeurs bien que leministere public n'ait pas interjete appel, l'arret violeles articles 202 et 203 du Code d'instruction criminelle.
Le moyen est fonde.
* Sur le second moyen :
* 6. Le moyen invoque la violation des articles 166 duCode civil et 182 du Code d'instruction criminelle,ainsi qu'un defaut de motivation : l'arret requalifiela prevention de conclusion d'un mariage blanc enutilisation d'un faux acte de mariage dans laprocedure d'obtention du droit de sejour dans leRoyaume et sa presentation à l'officier de l'etatcivil de Gand, afin de faire reconnaitre ce mariageet de le transcrire dans les registres de lapopulation ; l'arret condamne ainsi les demandeurspour plusieurs autres faits que le fait dont il a eteinitialement saisi ; l'arret statuecontradictoirement, d'une part, en constatant que lesdemandeurs ont continue à utiliser la piece reputeefausse dans diverses procedures et, partant, condamneles demandeurs du chef de plusieurs faits d'usage defaux, et, d'autre part, en constatant que le faitvise concerne un fait d'usage d'un pretendu faux, sereferant ainsi à un seul fait d'usage de faux.
7. En matiere correctionnelle ou de police,l'ordonnance de renvoi rendue par une juridictiond'instruction ou la citation à comparaitre devantla juridiction de jugement saisissent la juridictionnon de la qualification ou du libelle qui yfigurent, mais des faits tels qu'ils ressortent despieces de l'instruction ou de l'information et quifondent l'ordonnance de renvoi ou la citation.
Le juge du fond n'est pas lie par la qualification donneeaux faits par la citation ou l'ordonnance de renvoi, maisest tenu de donner aux faits leur qualification exacte. Pourpouvoir proceder à une requalification, il n'est pas requisque les elements constitutifs de l'infraction initialementqualifiee et ceux de l'infraction requalifiee soient lesmemes. Il est requis, moyennant le respect des droits de ladefense, que la nouvelle qualification ait le meme objet quel'evenement materiel constituant l'objet des poursuites, etce quel que soit le moment ou les infractions ont eteaccomplies.
8. Le juge du fond apprecie souverainement quelle estla qualification legale des faits vises dans lacitation ou l'ordonnance de renvoi, pour autant quecette qualification ne soit pas inconciliable avecces faits.
La Cour se borne à verifier si le juge ne tire pas desfaits qu'il a constates des consequences qui ne seraientsusceptibles, sur leur fondement, d'aucune justification.
9. Les demandeurs avaient initialement ete cites devant letribunal correctionnel du chef d'avoir :
"Conclu, en infraction à l'article 79bis, S: 1er, 80 et 81de la loi 15.12.1980 sur l'acces au territoire, le sejour,l'etablissement et l'eloignement des etrangers (MB31.12.1980), un mariage dans les circonstances visees àl'article 146bis du Code civil, à savoir qu'il n'y a pas demariage lorsque, bien que les consentements formels aientete donnes en vue de celui-ci, il ressort d'une combinaisonde circonstances que l'intention de l'un au moins des epouxn'est manifestement pas la creation d'une communaute de viedurable, mais vise uniquement l'obtention d'un avantage enmatiere de sejour, lie au statut d'epoux.
A Gand, du 09/08/2010 à aujourd'hui."
10. L'arret condamne les demandeurs, apres requalification,pour avoir :
* "A Gand, dans la periode du 9 aout 2010 au 28 janvier2013
* Execute le crime ou le delit ou avoir collabore à sonexecution directe, en ayant procure par un faitquelconque une aide à leur execution de maniere telleque le delit n'aurait pas pu etre commis sans son aide.
* Avec une intention frauduleuse ou dessein de nuire,fait usage d'un acte faux ou d'une piece fausse,sachant qu'elle etait fausse, à savoir en utilisantl'acte de mariage revetu du sceau de l'Alliancefranc,aise à Islamabad (piece 24 du dossierrepressif), l'etablissement, la signature dudit acte demariage et le consentement donne dans le chef [desdemandeurs] ne tendant pas à la realisation del'objectif normalement escompte lors de la signatured'un acte de mariage, à savoir la creation d'unecommunaute de vie durable, dans la procedured'obtention du droit de sejour dans le Royaume et en lepresentant à l'officier de l'etat civil de Gand afinde faire reconnaitre ce mariage et de le retranscriredans les registres de la population.
* Violation des articles 66, 193, 197, 213 et 214 du Codepenal."
* 11. Sur la base des motifs que l'arret contient, lesjuges d'appel ont pu considerer que les faits d'usage defaux que, ce faisant, ils requalifient et declarent etablis,sont les memes que les evenements materiels quiconstituaient l'objet de la citation. Ainsi, les jugesd'appel ne statuent pas sur des faits dont ils n'etaient passaisis.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
12. Pour le surplus, la contradiction alleguee par le moyenest deduite de l'illegalite vainement alleguee de larequalification et il est par consequent irrecevable.
* Sur l'etendue de la cassation :
* 13. L'illegalite de la peine n'entache pas laregularite de la declaration de culpabilite.
* Le controle d'office
* 14. Les formalites substantielles ou prescrites àpeine de nullite ont ete observees et la decision estconforme à la loi.
* PAR CES MOTIFS,
* La Cour
* Casse l'arret attaque en tant qu'il condamne lesdemandeurs à une peine et au paiement d'unecontribution au Fonds special pour l'indemnisation desvictimes d'actes intentionnels de violence.
* Rejette les pourvois pour le surplus.
* Ordonne que mention du present arret sera faite enmarge de l'arret partiellement casse.
* Condamne les demandeurs à deux tiers des frais etlaisse le surplus à charge de l'Etat.
* Renvoie la cause, ainsi limitee, à la cour d'appeld'Anvers.
* * Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxiemechambre, à Bruxelles, ou siegeaient Filip Van Volsem,conseiller faisant fonction de president, Alain Bloch,Peter Hoet, Antoine Lievens et Erwin Francis,conseillers, et prononce en audience publique dudix-neuf janvier deux mille seize par le conseillerfaisant fonction de president Filip Van Volsem, enpresence de l'avocat general suppleant Marc De Swaef,avec l'assistance du greffier delegue VeroniqueKosynsky.
* * Traduction etablie sous le controle du conseillerMichel Lemal et transcrite avec l'assistance dugreffier Tatiana Fenaux.
* * Le greffier, Le conseiller,
* * 19 JANVIER 2016 P.14.1340.N/1
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