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12/01/2016 | BELGIQUE | N°P.15.0514.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 janvier 2016, P.15.0514.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.15.0514.N

I. D. V.,

Mes John Maes et Frank Van Leemput, avocats au barreau d'Anvers,

II. J.G.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

III. M. F.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

IV. 1. M. M.,

2. ING LUXEMBOURG, societe anonyme,

Me Annemie Coox, avocat au barreau d'Anvers,

V. R. B.,

Mes Johan Vangenechten et Joke Bleys, avocats au barreau d'Anvers,

VI. B. V.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

VII.

1. ERNST & YOUNG BEDRIJFSREVISOREN, societe cooperative àresponsabilite limitee,

2. ERNST & YOUNG BEDRIJFSREVISOREN, societe cooperative à resp...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.15.0514.N

I. D. V.,

Mes John Maes et Frank Van Leemput, avocats au barreau d'Anvers,

II. J.G.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

III. M. F.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

IV. 1. M. M.,

2. ING LUXEMBOURG, societe anonyme,

Me Annemie Coox, avocat au barreau d'Anvers,

V. R. B.,

Mes Johan Vangenechten et Joke Bleys, avocats au barreau d'Anvers,

VI. B. V.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

VII. 1. ERNST & YOUNG BEDRIJFSREVISOREN, societe cooperative àresponsabilite limitee,

2. ERNST & YOUNG BEDRIJFSREVISOREN, societe cooperative à responsabilitelimitee,

3. ERNST & YOUNG BEDRIJFSREVISOREN, societe cooperative à responsabilitelimitee,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

inculpes,

demandeurs en cassation,

tous les pourvois contre

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances,

partie civile,

defendeur.

I. la procedure devant la cour

Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 16 mars 2015 par lacour d'appel d'Anvers, chambre des mises en accusation.

Les demandeurs II, III, VI et VII invoquent trois moyens dans un memoireannexe au present arret, en copie certifiee conforme.

Le demandeur V invoque cinq moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.

Les autres demandeurs ne presentent aucun moyen.

Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.

L'avocat general Marc Timperman a conclu.

II. la decision de la cour

Sur le premier moyen des demandeurs II, III, VI et VII :

Quant aux deux branches reunies :

1. Le moyen, en ses branches, invoque la violation de l'article 6 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, ainsi que la violation des droits de la defense : l'arretdecide, à tort, que les droits de defense des demandeurs n'ont pas etevioles et que l'action publique peut se poursuivre et est recevable, alorsque des pieces saisies chez le demandeur VI font actuellement defaut ;l'arret decide qu'il est particulierement difficile de savoir si lesverbalisateurs ont ou non presente ces pieces au greffe, ce qui peuthypothetiquement impliquer que ces pieces n'ont pas ete deposees augreffe ; les droits de la defense, particulierement le droit à l'egalitedes armes, requierent que le dossier repressif soumis aux juridictionsd'instruction soit constitue tant à charge qu'à decharge et comportetous les renseignements permettant à ces juridictions d'apprecier lescharges invoquees ; des pieces saisies doivent effectivement etre deposeesau greffe afin de les soumettre à la contradiction et à la dispositiondes autorites judiciaires, y compris le ministere public ; l'arretconstate que certaines pieces saisies ont ete jointes au dossier, d'autresont ete commentees dans des proces-verbaux et qu'une troisieme sorte,parmi lesquelles les notes personnelles du demandeur VI, sont resteesintrouvables ; si ces pieces n'ont effectivement pas ete deposees augreffe, cela signifie qu'une selection a ete operee dans le sens precite ;ainsi, il ne peut etre verifie si le dossier a ete loyalement constitue,si les droits de la defense ont ete violes et les demandeurs sont privesde la possibilite de contredire les pieces qui ont ete jointes au dossierà la lumiere des pieces disparues ; il n'a pas davantage ete possibled'examiner les charges invoquees à la lumiere des renseignements dudossier repressif ; en outre, ce manquement ne peut plus etre repare parcequ'il n'est plus possible d'organiser devant la juridiction de jugementune procedure observant les conditions d'un proces equitable (premierebranche) ; dans l'hypothese ou les pieces saisies ont ete deposees augreffe, elles pouvaient certes etre consultees par les verbalisateurs etle ministere public, mais les demandeurs ne pouvaient s'en servir pourleur defense ; l'arret decide, à tort, que les debats sur certainespieces ont pu avoir lieu à la lumiere de leur description dans lesproces-verbaux ; en effet, ce fait n'empeche pas que les demandeurs sontdans l'impossibilite de verifier si cette description correspond à larealite, alors que ni les juges d'appel ni la juridiction de jugementn'ont tenu compte de ces pieces dans l'examen de la cause ; de meme, ladecision de l'arret selon laquelle les pieces manquantes sont sanspertinence pour l'examen et l'appreciation subsequente des faits, n'aaucun fondement et est contradictoire au fait que ces pieces ont etesaisies sans jamais plus etre restituees (seconde branche).

2. Dans la mesure ou il impose à la Cour un examen des faits pour lequelelle est sans competence, le moyen, en ses deux branches, est irrecevable.

3. Les droits de la defense requierent que la personne poursuivie puisse,en regle, non seulement contredire librement devant le juge tous leselements qui lui sont regulierement opposes, mais aussi faire valoir toutedefense qui lui est favorable. Cela ne signifie toutefois pas quel'absence de certaines pieces à conviction saisies entraine toujours laviolation des droits de la defense. En effet, il appartient au juged'apprecier souverainement, sur la base de tous les elements qui lui sontsoumis, si et dans quelle mesure l'absence de ces pieces constitueeffectivement une entrave au plein exercice des droits de la defense. Cen'est que lorsque le juge constate que l'absence de ces pieces entrainel'impossibilite de poursuivre l'action publique dans le respect du droità un proces equitable qu'il peut prononcer l'irrecevabilite de l'actionpublique.

4. Adoptant les motifs du requisitoire du ministere public et par sespropres motifs, l'arret decide que :

* les mentions « chemise de correspondanceconfidentielle » et « notes personnelles [dudemandeur VI] » sont expliquees par la suite dansdes proces-verbaux, alors que des copies de lacorrespondance et de notes du demandeur VI sur latransaction de transfert d'encaisses visees enl'espece ont ete jointes au dossier repressif ;

* il peut etre deduit du proces-verbal 15796/04 queles pieces mentionnees dans la lettre du conseil dudemandeur VI ont bien ete deposees au greffe despieces à conviction ;

* des pieces differentes de celles visees en l'especeont ete analysees au cours de l'instruction dans desproces-verbaux et soumises aux inculpes lorsd'auditions, dont des copies ont ete jointes audossier repressif ;

* le fait que ces pieces ne puissent pas ou plus etretrouvees au greffe comme pieces à conviction neporte pas irremediablement atteinte aux droits de ladefense parce que :

* nombre des pieces pertinentes ont ete jointes encopie au dossier repressif, la defense du demandeurselon laquelle certaines pieces ne sont qu'une copieincomplete des originaux, relevant de l'appreciationde la preuve devant la juridiction de jugement et ledemandeur VI pouvant assurer sa defense sur lescopies dont il a pu prendre connaissance ;

* les debats sur les pieces analysees dans desproces-verbaux peuvent avoir lieu à la lumiere deleur description dans ces proces-verbaux ;

* rien ne demontre la pertinence des autres pieces nonretrouvees pour l'examen et l'appreciationsubsequente des faits, alors que le demandeur VIconnait ces pieces, des lors qu'il etait presentlors de la perquisition et qu'une copie del'inventaire des pieces saisies lui a ete remise ;

* il ne ressort pas que ces pieces seraientindispensables à la defense des lors que celle-cin'en constate l'absence que maintenant, alors que lacause a dejà ete traitee à diverses reprisesdevant les juridictions d'instruction, notamment envue de l'accomplissement d'actes d'instructioncomplementaires, et que la defense a dejà eteassuree sur le contenu des charges existantes.

* Ainsi, l'arret justifie legalement la decision selon laquelle lesdroits de defense des demandeurs n'ont pas ete irremediablement violes parl'absence des pieces à conviction saisies et que l'action publique estrecevable.

Dans cette mesure, le moyen, en ses deux branches, ne peut etre accueilli.

Sur le second moyen des demandeurs II, III, VI et VII :

5. Le moyen invoque la violation de l'article 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, ainsi quela meconnaissance du principe general du droit relatif au respect desdroits de la defense : l'arret decide qu'il ne peut etre deduit d'aucunelement du dossier repressif que l'instruction a ete menee de manieredeloyale ou uniquement à charge des inculpes ; l'arret constate qu'unmemorandum de quatre-vingt-deux pages, transmis en 2004 par un procureursuedois aux autorites belges, n'a ete joint que par fragments au dossierrepressif apres l'execution d'une commission rogatoire en Suede ; ainsi,il ressort que la police dispose d'un dossier de travail comportant despieces n'ayant pas ete jointes au dossier repressif ; les demandeurs nepeuvent verifier s'il existe encore dans le dossier de travail des piecesqui doivent etre jointes au dossier repressif ; par consequent, le dossierrepressif est manifestement incomplet et constitue de maniere deloyale, detelle sorte qu'il ne peut etre remedie à ce probleme de maniere telle quetant la juridiction d'instruction que les parties puissent etre assureesque le dossier repressif est complet ; un meme probleme de procedureressort du fait qu'un fonctionnaire detache de l'administration fiscale adresse un proces-verbal le 6 avril 2009 à la suite d'une requete ecritedu procureur du Roi, repondant ainsi aux conclusions du demandeur VI quise fondaient notamment sur le memorandum joint entre-temps dans sonintegralite ; ensuite dudit proces-verbal, le procureur du Roi a modifiesa requete ; l'arret decide que le proces-verbal dresse par cefonctionnaire a constitue un avis technique pour le procureur du Roi etque ledit proces-verbal n'a pas ete etabli de maniere deloyale ; un teltraitement du dossier suscite chez les demandeurs la crainte legitime quela constitution reguliere du dossier ne puisse plus etre garantie, desorte que l'action publique est irrecevable ; par les motifs que l'arretcomporte, les juges d'appel ont implicitement impose aux demandeurs unecharge de la preuve impossible, des lors qu'ils n'ont pas acces au dossierde travail de la police ; l'arret qui renvoie les demandeurs au tribunalcorrectionnel dans les circonstances precitees et sur la base d'un dossierconstitue ainsi de maniere deloyale, ne justifie pas legalement ladecision.

6. Le caractere equitable du proces peut etre compromis lorsque le recueildes preuves dans son ensemble s'est deroule dans des circonstances quimettent en doute la fiabilite de la preuve obtenue parce que le douteplane sur la regularite de la composition du dossier repressif. Cettecrainte doit toutefois etre justifiee de maniere objective et ne requiertpas que la preuve d'une irregularite dans la composition du dossierrepressif soit apportee, mais que le juge constate, à la lumiered'elements concrets et precis, qu'il existe des raisons objectives faisantlegitimement craindre aux parties une telle irregularite.

7. L'arret decide que

* dans le cadre de l'execution d'une commissionrogatoire en Suede, une presentation introductive aete faite par le procureur suedois, etayee par unmemorandum de quatre-vingt-deux pages qui ont eteremises aux enqueteurs en tant qu'information depolice ;

* tous les morceaux quelque peu pertinents duditmemorandum ont dejà ete joints au dossier repressifen 2004-2005 ou verses en tant que piece àconviction ;

* par consequent, un certain nombre de pieces n'ontpas ete jointes ou versees, mais le demandeur VI ajoint en 2009 l'ensemble du memorandum à sesconclusions qui a donc ete soumis à lacontradiction des parties ;

* il ne peut etre deduit d'aucun element que le faitque les enqueteurs n'ont pas joint ou verse àl'epoque les 82 pages dans leur integralite etaitune volonte de porter sciemment prejudice aux droitsde la defense ou au droit à un proces equitable etils n'ont pas davantage agi en commettant unenegligence grave ou dans une quelconque intentionfrauduleuse ;

* dans la mesure ou les pieces visees comportent deselements ayant ete traites ou commentes dansl'instruction belge ou que, de l'avis des enqueteursou du juge d'instruction present lors de l'executionde la commission rogatoire, elles etaient utiles àcharge et à decharge pour l'instruction, elles ontete deposees au greffe ou jointes au dossierrepressif ;

* l'argumentation des demandeurs selon laquelle, parla jonction pretendument selective des pieces, lesenqueteurs ont totalement oeuvre unilateralement àcharge de certains inculpes, ne peut etre suivie etne se fonde sur aucun element concret ;

* il ne peut davantage etre deduit de ce qui estconstate concernant le memorandum que d'eventuellesautres pieces pertinentes qui seraient en possessiondes enqueteurs (dossier de travail) n'ont pas etejointes au dossier repressif et il n'y a aucuneraison meme de le presumer, de sorte que lesdemandeurs n'en puisent aucun element qui reveleraitune violation de leurs droits de defense ou de leurdroit à un proces equitable ;

* il ne peut etre deduit d'aucun element du dossierrepressif, tel qu'il a ete constitue des l'examenpar la chambre du conseil, que l'instruction ait etemenee de maniere deloyale ou uniquement à chargedes demandeurs et il n'existe aucune raison dedouter de l'action des executants de la commissionrogatoire en Suede en presence du juge d'instructionque relate les proces-verbaux en question ;

* il est necessaire mais egalement suffisant que lespieces pertinentes à charge et à decharge soientjointes au dossier repressif, mais la jonction depieces sans pertinence gonflerait considerablementle dossier repressif qui en deviendrait totalementillisible et ne pourrait etre traite, certainementdans des affaires fisco-financieres telles qu'enl'espece ;

* il n'y a aucune raison de douter de la loyaute dujuge d'instruction, du ministere public et desenqueteurs tant dans l'execution de l'instructionque dans la constitution du dossier repressif ;

* le proces-verbal etabli par le fonctionnaire detachede l'administration fiscale se limite à un avistechnique fourni au procureur du Roi ;

* il ne peut etre deduit ni de la finalite poursuiviepar le demandeur VI ni des observations sur le fondqu'il formule sur certains passages du proces-verbalque cette piece a ete etablie de maniere deloyale etcette piece ne presente pas un caractere deloyal enraison du fait qu'elle comporte eventuellement uncertain nombre d'elements que ce demandeur estimedefavorable à sa defense ;

* la presomption selon laquelle le ministere publicest cense agir loyalement à charge et à decharge,n'est, en l'espece, contrariee par aucun element ouaucun indice, ni par la redaction du proces-verbalen question ou par ce proces-verbal lui-meme.

* L'arret peut deduire de ces motifs qu'il n'existe aucune raisonobjective suscitant chez les parties la crainte legitime que le dossierest constitue de maniere irreguliere. Ainsi, la decision est legalementjustifiee.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le troisieme moyen des demandeurs II, III, VI et VII :

8. Le moyen invoque la violation des articles 40 de la loi du 5 aout 1992sur la fonction de police, 71 de la loi du 28 decembre 1992 portant desdispositions fiscales, financieres et diverses, 28quater, 55 et 235bis duCode d'instruction criminelle.

Quant aux premiere et deuxieme branches :

9. Le moyen, en ses branches, invoque que l'arret decide, à tort, que leproces-verbal du 6 avril 2009, dans lequel un fonctionnaire detache del'administration fiscale a fourni un avis technique au procureur du Roi àsa demande formulee oralement, afin d'examiner les conclusions notammentdu demandeur VI et d'y repondre, est valable ; l'arret constate toutefoisque la requete du procureur du Roi ne releve pas des actes pouvant etreaccomplis dans le cadre de son devoir d'information et de son droitd'information ; en vertu de l'article 40 de la loi du 5 aout 1992, unproces-verbal est uniquement cense informer la justice des renseignementsobtenus et des constatations faites à la suite d'actes d'instruction etd'information accomplis par les fonctionnaires competents en la matiere(premiere branche) ; de plus, un fonctionnaire detache de l'administrationfiscale ne peut preter une telle assistance, qui constitue un acte deprocedure pour le juge, par le biais d'un proces-verbal (deuxiemebranche).

10. En vertu de l'article 28quater, alinea 3, du Code d'instructioncriminelle, le devoir et le droit d'information du procureur du Roisubsistent apres l'intentement de l'action publique, mais ce devoir et cedroit cessent pour les faits dont le juge d'instruction est saisi, dans lamesure ou l'information porterait sciemment atteinte aux prerogatives dujuge d'instruction.

11. L'arret ne decide pas que la requete faite par le procureur du Roi aufonctionnaire detache de l'administration fiscale de donner l'avis vise enl'espece constitue un acte d'information que le procureur du Roi ne peutposer dans le cadre de son devoir et de son droit d'information. Il decideque le procureur du Roi n'a, en sollicitant cet avis, pose aucun acted'information portant atteinte aux prerogatives du juge d'instruction.

Dans la mesure ou il est deduit d'une lecture erronee de l'arret, lemoyen, en ses branches, manque en fait.

12. Aux termes de l'article 71 de la loi precitee du 28 decembre 1992, desfonctionnaires des administrations fiscales, designes par le ministre desFinances, sont mis à la disposition du procureur du Roi ou de l'auditeurdu travail, aux fins de les assister dans l'exercice de leurs missions etils ont, à cet effet, durant la mise à disposition, la qualited'officier de police judiciaire auxiliaire du procureur du Roi et del'auditeur du travail. En vertu de cette disposition, le procureur du Roipeut, en une cause penale de nature fiscale, demander à un fonctionnairevise en l'espece, d'analyser et commenter le dossier repressif et lespieces qu'il comporte afin de donner un avis technique permettant derepondre aux conclusions d'une partie devant la juridiction d'instruction.Une telle assistance qui ne constitue qu'une information soumise à lalibre appreciation n'implique pas que ce fonctionnaire execute pour lejuge un acte de procedure.

Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyen,en ses branches, manque en droit.

13. La circonstance qu'un fonctionnaire de l'administration fiscaledetache, qui prete assistance de maniere reguliere au procureur du Roi,intitule son avis comme un proces-verbal, ne porte pas atteinte à lavalidite dudit avis. En effet, ce titre ne modifie ni la nature ni lavaleur probante de la piece concernee. Ce titre ne se limite pas davantageaux renseignements et constatations vises à l'article 40 de la loi du 5aout 1992 sur la fonction de police.

Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyen,en ses branches, manque egalement en droit.

Quant à la troisieme branche :

14. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article28quater, alinea 3, du Code d'instruction criminelle : s'il est admis quela requete faite par le procureur du Roi au fonctionnaire detache del'administration fiscale doit etre consideree comme un devoird'instruction dans le cadre du devoir et du droit d'information duprocureur du Roi, il y lieu de constater que ce dernier n'est plus dote,à ce moment, de la competence d'information et n'avait ainsi plus lepouvoir de confier cette mission, des lors que la chambre du conseil etaitsaisie et que le juge d'instruction n'etait pas encore dessaisi.

15. L'arret decide souverainement que le procureur du Roi qui a solliciteun avis technique à un fonctionnaire detache de l'administration fiscalen'a, de ce fait, pose aucun acte d'information portant atteinte auxprerogatives du juge d'instruction.

Dans la mesure ou il critique cette appreciation souveraine, le moyen, encette branche, est irrecevable.

16. Dans la mesure ou il est deduit de cette allegation irrecevable, lemoyen, en cette branche, est egalement irrecevable.

17. Pour le surplus, le moyen, en cette branche, a la meme portee que lemoyen, en ses deux premieres branches, et il y a lieu de le rejeter parles memes motifs.

(...)

Sur le troisieme moyen du demandeur V :

25. Le moyen invoque la violation de l'article 54 de la Conventiond'application de l'Accord de Schengen du 19 juin 1990 : l'arret decide queles faits pour lesquels le renvoi au tribunal correctionnel a ete demandene sont pas les memes que ceux qui faisaient l'objet de procedures meneesanterieurement en Suede ni qu'ils y sont indissociablement lies ; ilressort du dossier repressif que le demandeur a bien ete poursuivi etcondamne en Suede du chef de faits relatifs à la societe Van Praag, àtout le moins que ces faits sont indissociablement lies entre eux ; lesfaits concernent un seul laps de temps, un seul lieu et un seul desseincriminel ; la qualification dans les differents pays n'est pasdeterminante dans cette appreciation.

26. Dans la mesure ou il critique l'appreciation souveraine de l'arret surle caractere identique et le lien indissociable des faits du chef desquelsle demandeur a ete condamne en Suede et du chef desquels il est poursuivien Belgique ou qu'il impose à la Cour un examen des faits pour lequelelle est sans competence, le moyen est irrecevable.

27. L'article 54 de la Convention d'application de l'Accord de Schengendispose : « Une personne qui a ete definitivement jugee par une PartieContractante ne peut, pour les memes faits, etre poursuivie par une autrePartie Contractante, à condition que, en cas de condamnation, la sanctionait ete subie ou soit actuellement en cours d'execution ou ne puisse plusetre executee selon les lois de la Partie Contractante de condamnation. »

Le critere pertinent aux fins de l'application dudit article estl'identite des faits materiels, comprise comme l'existence d'un ensemblede faits indissociablement lies entre eux, independamment de laqualification juridique de ces faits ou de l'interet juridique protege.Les faits constituent un ensemble indissociable par la connexite dans letemps, dans l'espace et dans l'objet.

28. L'arret (...) decide que l'article 54 de la Convention d'applicationde l'Accord de Schengen n'est pas applicable en l'espece parce que lesfaits des poursuites menees respectivement en Suede et en Belgique neconcernent pas la meme periode, les memes societes et le meme prevenu. Ilconclut qu'il peut uniquement etre constate qu'il existe des indicesserieux que le demandeur V, apres la commission des faits examines enSuede, a poursuivi en Belgique ses activites criminelles (pour autantqu'elles soient etablies) selon le modele pour lequel il avait del'experience, avec d'autres constructions financieres, bancaires et dedroit des societes et d'autres intermediaires que ceux impliques en Suede,sans que cela concerne de memes faits et sans que ces faits constituententre eux un ensemble de faits indissociablement lies les uns aux autres.Ainsi, la decision est legalement justifiee.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le quatrieme moyen du demandeur V :

29. Le moyen invoque la violation de l'article 6.1 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales : l'arretdecide, à tort, que le delai raisonnable n'a pas ete depasse ; il decideegalement, à tort, que le delai raisonnable ne commence à courir àl'egard du demandeur qu'à compter de novembre 2010, date à laquelle il apu etre trouve ensuite du mandat d'arret delivre par defaut ; ce delaicommence toutefois dejà à courir des le 10 novembre 2004, date àlaquelle ce mandat a ete delivre ; les faits datent de plus de quinze anset un retard enorme s'est accumule depuis la premiere ordonnance desoit-communique du 6 octobre 2005 ; la presence du demandeur n'a rienapporte à l'instruction penale en Belgique ; selon l'etat actuel de laprocedure, le point final du delai raisonnable se situe encore dans unavenir lointain ; par consequent, le delai raisonnable est manifestementdepasse ne serait-ce dejà en raison du temps ecoule et du deroulement dela procedure, de sorte que seul l'arret de la procedure peut offrir unereparation adequate.

30. Le juge apprecie souverainement si le delai raisonnable dans lequel lapersonne poursuivie a le droit de voir sa cause jugee est depasse. Ilprocede à cette appreciation en tenant compte de toute la duree de laprocedure et, à cet egard, il prend en consideration les circonstancesconcretes de la cause, telles la complexite de celle-ci, l'attitude de lapersonne poursuivie et celle des autorites judiciaires.

Dans la mesure ou il critique cette appreciation souveraine ou impose àla Cour un examen des faits pour lequel elle est sans competence, le moyenest irrecevable.

31. Pour apprecier si la condition du delai raisonnable prevue àl'article 6.1 de la Convention est observee, le juge ne peut se placerqu'au moment de sa decision.

Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyenmanque en droit.

32. En matiere repressive, la periode qui entre dans le calcul du delairaisonnable commence à courir des l'instant ou une personne fait l'objetde poursuites, à savoir des qu'elle est inculpee ou qu'elle est sous lecoup de poursuites penales par tout acte d'information ou d'instruction,cette personne etant de ce fait obligee de prendre certaines dispositionsafin de se defendre contre les accusations portees contre elle. Parconsequent, ce delai ne debute pas au moment ou un mandat d'arret estdecerne, par defaut, à l'encontre d'un suspect, tant qu'il n'en a pasconnaissance.

Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyenmanque en droit.

33. En decidant que le delai raisonnable ne commence pas à courir àl'egard du demandeur à compter du mandat d'arret decerne par defaut le 10novembre 2004, mais des qu'il a ete trouve en novembre 2010, l'arret estlegalement justifie.

Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette les pourvois ;

Condamne les demandeurs aux frais de leur pourvoi.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de president,Alain Bloch, Peter Hoet, Antoine Lievens et Sidney Berneman, conseillers,et prononce en audience publique du douze janvier deux mille seize par leconseiller faisant fonction de president Filip Van Volsem, en presence del'avocat general Marc Timperman, avec l'assistance du greffier delegueVeronique Kosynsky.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Benoit Dejemeppe ettranscrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.

Le greffier, Le conseiller,

12 JANVIER 2016 P.15.0514.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.15.0514.N
Date de la décision : 12/01/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-01-12;p.15.0514.n ?
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