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11/01/2016 | BELGIQUE | N°S.14.0018.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 janvier 2016, S.14.0018.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG S.14.0018.N

A. D.,

* Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour de cassation,

* * contre

* * JAGA, s.a.,

* Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.

* I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 4 decembre2012 par la cour du travail d'Anvers, division de Hasselt.

Le president de section Beatrijs Deconinck a fait rapport.

L'avocat general Henri Vanderlinden a conclu.

* * II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees :

articles 1er et 6.1 de la...

Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG S.14.0018.N

A. D.,

* Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour de cassation,

* * contre

* * JAGA, s.a.,

* Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.

* I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 4 decembre2012 par la cour du travail d'Anvers, division de Hasselt.

Le president de section Beatrijs Deconinck a fait rapport.

L'avocat general Henri Vanderlinden a conclu.

* * II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees :

articles 1er et 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales, signee à Rome le 4 novembre1950, approuvee par la loi du 13 mai 1955 (en abrege la CEDH)

* Decisions et motifs critiques :

L'arret attaque dit pour droit que le licenciement donne pour motifgrave à la demanderesse par la defenderesse etait regulier et declarepar consequent la demande de la demanderesse tendant à l'obtentiond'une indemnite de preavis ou de dommages-interets non fondee.

Il estime etabli, sur la base du temoignage d'[E.M.], qui etait aumoment des faits et jusqu'en octobre 2008 le directeur du personnel dela defenderesse, les faits constitutifs du motif grave.

La demanderesse a, dans ses « troisiemes conclusions d'appel apresarret interlocutoire », enonce plusieurs motifs expliquant pourquoiil ne peut etre tenu compte de l'audition comme temoin d'[E.M.], àsavoir le seul temoin que la defenderesse a fait convoquer.

L'un de ces motifs etait l' « egalite des armes » des parties auproces (voir p. 25 de ses troisiemes conclusions d'appel apres arretinterlocutoire : « Dans la mesure ou la Cour de cassation attacheraitquelque valeur à 'l'egalite des armes' dans la procedure pour toutesles parties au proces, la concluante devrait egalement etre entenduesous serment ... »).

Ce motif a ete rejete par l'arret attaque par les considerationssuivantes :

« En ce qui concerne ce que (la demanderesse) a invoque en matiered''egalite des armes dans la procedure pour toutes les parties' (et ense referant au mode conditionnel à une conception attribuee à lacour [du travail] ?; 'Dans la mesure ou la Cour de cassationattacherait quelque valeur à -/-'), (la demanderesse) soutenaitqu'elle 'devrait egalement etre entendue sous serment ...' (cf lesdernieres conclusions d'appel de (la demanderesse)), leur porteejuridique n'est pas claire pour la cour [du travail]).

En tant que partie au proces directement concernee l'on ne peut eneffet pas etre temoin dans sa propre cause et l'on ne peut bien surpas etre `entendu sous serment'.

Et si (la demanderesse) souhaitait ainsi faire allusion (?) à uneeventuelle audition personnelle des parties au proces (articles992-1004 C. jud.) - sans meme compter que cela n'a meme pas etedemande concretement par (la demanderesse) et que pareille mesure nesemble pas utile à la cour [du travail] (les points de vue respectifsdes parties sont dejà suffisamment connus) -, encore s'agit-il d'unehypothese ou l'on n'est pas àuditionne' ou entendu 'sous serment'comme partie au proces ; la partie au proces qui serait ainsi entenduene prete pas serment.

La prise de position de (la demanderesse) en ce qui concerne lapossibilite, dans la presente procedure civile, d'etre auditionnee ouentendue 'sous serment' ne repond donc pas à une possibilite (et/oufigure) legale ou juridique correspondante et, par consequent, n'a pasete prise en consideration puisqu'elle n'etait plus utile ».

Sur les griefs

L' « egalite des armes », comme element constitutif du droit à untraitement equitable de sa cause, garanti par l'article 6.1 de la CEDHimplique de permettre raisonnablement à chaque partie au proces deprouver `les elements de sa demande (defense), sans que l'une soitmanifestement prejudiciee par rapport à l'autre.

L'article 6.1 de la CEDH prime les regles du droit belge interne (voirl'article 1er de la CEDH).

La demanderesse est confrontee dans la procedure avec un temoignaged'[E.M.], auquel s'attache une valeur probante particuliere etantdonne que cette deposition a ete faite sous serment, en rapport avecdes faits qui se sont deroules entre elle et [E.M.] et lors desquelspersonne d'autre n'etait present (sauf lors de la conversationtelephonique du 16 mai 2008, mais cette presence etait, comme l'adecide l'arret interlocutoire, illegale), alors qu'elle ne peut fairevaloir un contre-temoignage (seuls elle et [E.M.] etaient presentslors des faits du 15 mai 2008 et la presence d'une autre personne lorsde l'entretien telephonique du 16 mai 2008 etait illegale), qu'elle nepeut etre entendue sous serment en tant que partie au proces et queses declarations concernant les faits n'ont aucune valeur probante,puisqu'en matiere civile, la declaration d'une partie ne peut servirde preuve contre une autre partie lorsque, comme en l'espece, l'autrepartie conteste la declaration.

Cela a pour consequence que la demanderesse, en comparaison avec ladefenderesse, est manifestement prejudiciee dans sa possibilited'apporter des preuves à l'encontre de l'existence des faits invoquescomme motif grave et du temoignage d'[E.M.].

Dans ces circonstances, les juges d'appel auraient du soit entendre lademanderesse sous serment, meme si les regles juridiques belgesinternes en matiere de temoignage (articles 915 à 961 du Codejudiciaire) et en matiere d'audition des parties (articles 992 à 1004du Code judiciaire) ne le permettent pas, etant donne que l'article6.1 de la CEDH prime ces regles, soit refuser de tenir compte dutemoignage d'[E.M.].

En ne faisant ni l'un, ni l'autre, l'arret attaque viole les articles1er et 6.1 de la CEDH.

III. La decision de la Cour

* 1. En vertu de l'article 934 du Code judiciaire, avant d'etreentendu, le temoin declare son identite et prete serment ainsi quecette disposition le prevoit.

Aux termes de l'article 937 du Code judiciaire, le juge, soitd'office, soit sur la requisition d'une des parties, interroge letemoin sur son degre de parente ou d'alliance avec les parties ainsique sur les faits qui lui sont personnels et qui sont de nature àinfluencer sa deposition. L'interpellation peut porter notamment surles faits suivants :

1DEGl'interet personnel du temoin à la solution du litige ;

2DEGsa qualite d'heritier presomptif ou de donataire d'une partie ;

3DEGla remise de certificats ou les declarations faites par le temoinrelativement au proces ;

4DEGle contrat de societe, de louage de choses ou d'ouvrage que letemoin aurait conclu avec une partie ; sa qualite de superieur oud'inferieur hierarchique vis-à-vis d'elle ;

5DEGle litige que le temoin pourrait avoir avec une partie ou lacondamnation qu'il aurait encourue sur la plainte ou à la requete decelle-ci.

Suivant l'article 946, alinea 1er, du Code judiciaire, le juge qui atenu l'enquete siege lorsqu'il est statue sur le resultat desdepositions, à moins qu'il n'en soit empeche.

2. Il ressort de ces dispositions et des travaux preparatoires qu'ilappartient au juge, meme si la deposition est faite sous serment,d'apprecier librement la valeur probante du temoignage, en tenantcompte à cet egard de tous les elements utiles à l'estimation de sacredibilite.

Le moyen, qui repose tout entier sur la supposition qu'une valeurprobante speciale s'attache au temoignage fait sous serment, manque endroit.

Par ces motifs,

* La Cour

* Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles,ou siegeaient le president de section Beatrijs Deconinck, president,le president de section Alain Smetryns, les conseillers, KoenMestdagh, Bart Wylleman et Koenraad Moens, et prononce en audiencepublique du onze janvier deux mille seize par le president de sectionBeatrijs Deconinck, en presence de l'avocat general HenriVanderlinden, avec l'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.

Traduction etablie sous le controle du president de section AlbertFettweis et transcrite avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

Le greffier, Le president de section,

* Requete

11 janvier 2016 S.14.0018.N/1

Requete/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.14.0018.N
Date de la décision : 11/01/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-01-11;s.14.0018.n ?
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